Intervention de Olivier Serva

Séance en hémicycle du vendredi 5 mai 2023 à 9h00
Crise de l'hôpital public

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Serva :

Dans le cadre d'une enquête, le syndicat Samu-Urgences de France a recensé quarante-trois « décès inattendus » dans les services d'urgences de neuf régions de France, entre le 1er décembre 2022 et le 31 janvier 2023. Chaque mois, des dizaines de patients décèdent sur des brancards, faute de moyens matériels et humains.

Ces chiffres font froid dans le dos ; ils illustrent la crise profonde que traverse le système hospitalier public. Elle est le résultat de plusieurs décennies de désorganisation, de sous-investissements chroniques et d'un manque d'anticipation de l'accroissement des besoins sanitaires de notre pays, touché par le vieillissement démographique.

La crise sanitaire a exacerbé les tensions. N'en déplaise à certains, la suspension des soignants non-vaccinés a dégradé la situation, notamment dans les déserts médicaux, comme les outre-mer.

Selon le ministère de la santé, la désertification médicale touche plus de 8 millions de Français. Pour les 10 % de la population habitant les territoires où l'offre de soins est la plus insuffisante, il faut onze jours pour obtenir un rendez-vous avec un généraliste, quatre-vingt-treize avec un gynécologue. Chez moi, en Guadeloupe, 39 % des postes de praticiens en milieu hospitalier ne sont pas pourvus, contre 27 % dans l'Hexagone. La Guyane compte vingt-huit dentistes pour 100 000 habitants, contre le double dans l'Hexagone. En Martinique, il y a cinquante-cinq spécialistes pour 100 000 habitants, contre quatre-vingt-cinq dans l'Hexagone.

Le système public hospitalier français est engagé dans une course à la désertification médicale ; ses composantes ultramarines sont en tête. Pour la freiner, il n'y a pas de solution miracle. C'est tout un arsenal d'outils que nous devons déployer. Ne nous privons d'aucun levier pour améliorer concrètement l'accès aux soins pour tous.

La suppression du numerus clausus – ou plutôt sa transformation en numerus apertus – était primordiale. Le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) n'a jamais compté autant d'inscrits ; le nombre de praticiens formés augmente chaque année. Pour la période allant de 2021 à 2025, le numerus apertus fixe l'objectif de 51 505 étudiants admis en deuxième année de médecine. Il faut s'en réjouir.

Toutefois, les effets de ce nouveau système ne se verront qu'à moyen et long terme. En attendant, notre pays doit répondre aux besoins d'une population vieillissante et de plus en plus touchée par les maladies chroniques. Il faut accentuer les efforts pour former les professionnels médicaux et améliorer l'attractivité de ces carrières auprès des jeunes souvent désinformés, quelquefois découragés – parfois par l'obligation vaccinale, je l'ai observé dans ma circonscription.

Jean-Louis Bricout, membre du groupe LIOT, a déposé une proposition de loi portant expérimentation d'écoles normales aux métiers de la santé. Il s'agit de lycées spécialisés chargés de dispenser un enseignement spécifique aux métiers de la santé, tout en proposant des périodes d'immersion en milieu professionnel. Elles assureraient le rôle d'ascenseur social face aux réticences générées par la longueur et le coût des études de médecine, en proposant des études gratuites, un internat d'excellence et une bourse de vie. Voilà des pistes intéressantes à creuser, madame la ministre déléguée.

Par ailleurs, les chantiers à mener sont nombreux – revalorisations salariales, améliorations des conditions de travail, investissements conséquents dans les recrutements – ; nous ne pouvons en rester au Ségur de la santé. La priorité est de disposer de davantage de personnels soignants. Pour y parvenir, nous devons les reconnaître à leur juste valeur et lutter contre la désaffection de leurs professions. Lors de l'examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), nous vous avons d'ailleurs alerté sur le fait que, pour la première année depuis l'application de la réforme, le texte ne mentionnait pas les revalorisations salariales des personnels au sein des établissements de santé, alors même qu'il y a encore des oubliés du Ségur.

Tout cela nécessite des moyens budgétaires significatifs. Pourtant, la trajectoire budgétaire du Gouvernement, qui apparaît dans le programme de stabilité 2023-2027, n'est pas pour nous rassurer, étant donné la baisse programmée de la part des dépenses publiques dans le PIB. Pire, le Gouvernement ne semble envisager aucune autre solution de financement.

Enfin, je ne saurais conclure sans un mot à l'intention de nos soignants, qui sont la clé de voûte du système public hospitalier. Ils ont choisi de s'engager au service de la santé des Français et exercent leurs missions dans des conditions qui, nous le déplorons, se dégradent année après année. Ce n'est pas rien. Nous leur devons considération et respect.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion