Intervention de Stéphane Travert

Séance en hémicycle du jeudi 11 mai 2023 à 9h00
Garantir le respect du droit à l'image des enfants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Travert :

Nos modèles agricoles sont confrontés à de nombreux défis économiques, environnementaux et sanitaires. La souveraineté alimentaire est au cœur de nos priorités. L'agriculture est au carrefour de multiples politiques, qui façonnent notre pays en matière d'alimentation, d'aménagement du territoire, de ruralité ou encore de commerce extérieur.

La France dispose d'une agriculture sûre, saine et durable, reconnue par tous les pays européens et au-delà. Elle défend une ambition forte : réduire l'utilisation des produits phytosanitaires et garantir une alimentation de qualité à l'ensemble de nos concitoyens.

En 2016, après l'adoption de la loi pour la reconquête de la biodiversité, elle a interdit l'usage des néonicotinoïdes à compter du 1er septembre 2018, alors que certaines substances étaient toujours autorisées par l'Union européenne moyennant des dérogations possibles jusqu'en 2020. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), saisie de questions préjudicielles posées par le Conseil d'État belge, a rendu, le 19 janvier dernier, une décision excluant la possibilité de mettre en œuvre le mécanisme dérogatoire à une interdiction prévue expressément par le règlement européen, comme c'était le cas depuis 2018 pour les principales substances néonicotinoïdes. Cela place les filières dans de grandes difficultés et fragilise les outils industriels coopératifs, notamment ceux qui produisent en France du sucre répondant aux normes de qualité exigées sur notre territoire.

Au-delà de la situation de la filière de la betterave, d'autres interdictions de produits phytosanitaires ont été prises au niveau national sans harmonisation européenne. Elles ont conduit de nombreuses filières dans des impasses techniques et agronomiques. Les exemples sont nombreux : le 1,3-dichloropropène (1,3-D) pour les carottes des sables dans la Manche, le diméthoate pour le traitement des cerises dans le Rhône et en Ardèche, sans parler de la filière de la pomme de terre dans l'Aisne et la Somme. Les producteurs de pommes pourraient connaître les mêmes difficultés que les betteraviers français, et certains territoires d'outre-mer pourraient même être concernés.

C'est pourquoi nous ne pouvons plus accepter que des distorsions de concurrence fragilisent nos producteurs tout en laissant entrer sur notre territoire des produits alimentaires qui ne répondent pas à nos exigences sanitaires.

Je remercie la présidente de notre groupe, Aurore Bergé, et le président de la commission des affaires économiques, Guillaume Kasbarian, qui nous ont permis, grâce à cette proposition de résolution, d'avoir ce débat important pour l'avenir de nos filières agricoles, sans jamais renier nos ambitions en matière de réduction du recours aux produits phytosanitaires.

Agir en Européens, renforcer la recherche de solutions alternatives à ces produits et les clauses miroirs dans le droit communautaire, c'est aussi reprendre la maîtrise de nos choix pour mieux accompagner nos agriculteurs afin d'atteindre nos objectifs de souveraineté alimentaire, française et européenne.

Pour nous qui défendons une agriculture de qualité et compétitive, ce texte apporte la démonstration que nous ne pouvons plus continuer à avancer seuls et que nous devons sans tarder invoquer la responsabilité de tous les États afin de sauvegarder et de protéger les modèles agricoles européens qui ont l'ambition de nourrir le monde.

Cette proposition vise non seulement à limiter les surtranspositions, mais aussi à renforcer les clauses miroirs dans le droit communautaire et la recherche de solutions techniques alternatives, tout en proposant un soutien financier face aux pertes de rendement.

L'interdiction en France de substances toujours autorisées par d'autres États membres pose problème pour la cohérence du marché européen. Cette distorsion est préjudiciable pour nos producteurs, qui ne peuvent utiliser les mêmes moyens de production, et elle affecte la compétitivité de la ferme France. Nous sonnons donc l'alerte pour que les clauses miroirs soient renforcées, notamment dans le futur règlement sur l'usage durable de pesticides.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, vous nous trouverez toujours à vos côtés – le Gouvernement le sait – pour mettre en place des mesures ambitieuses sans amoindrir notre ambition de réduire de moitié l'utilisation de produits phytosanitaires dans l'Union. Ces mesures s'appliqueront dans tout le champ communautaire, sans distorsion de concurrence. Vous nous trouverez à vos côtés pour créer les conditions du soutien à la recherche et à l'innovation, afin de ne plus laisser nos filières dans les impasses techniques qui les pénalisent.

C'est un enjeu majeur pour assurer la compétitivité de la ferme France, pour répondre aux défis du changement climatique et aux attentes de nos concitoyens. Nous devons agir avec détermination afin de défendre la biodiversité à l'échelle européenne et de montrer l'exemple au monde entier.

Agir en Européens, soutenir une agriculture sûre, saine et durable, préparer le renouvellement des générations et croire dans la capacité de la ferme France à s'adapter aux défis environnementaux : c'est dans ce cadre que nous souhaitons agir pour que les décisions prises par les autorités sanitaires nationales et européennes ne puissent plus être en contradiction avec les engagements politiques, notamment législatifs, conduisant à des revirements qui discréditent l'action publique aux yeux de nos concitoyens.

Par cette proposition de résolution, nous devons envoyer un message clair. C'est pourquoi je vous demande de la soutenir pour garantir le maintien des performances économiques, environnementales, sociales et sanitaires de notre agriculture.

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