Intervention de Jean-Louis Thiériot

Séance en hémicycle du lundi 22 mai 2023 à 16h00
Programmation militaire 2024-2030 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Thiériot :

Venons-en au fond.

Cette LPM représente un effort majeur de 413 milliards d'euros. Mais demeurons lucides : la guerre est à nos portes en Europe et les menaces terroristes sont toujours là, et si l'effort de défense de notre pays atteindra 2 % du PIB, je rappelle que c'était 3 % durant la guerre froide… Ne nous payons pas de mots : ce n'est pas une loi historique ; c'est une loi raisonnable.

Pouvons-nous vraiment nous en satisfaire ? L'essentiel est sauf puisque la dissuasion nucléaire, clé de voûte de nos intérêts vitaux qui permet de calibrer tout le reste, est bien assurée, puisque les grands programmes sont préservés et que la préparation de l'avenir et la compétitivité de notre BITD, nécessaires à une future remontée en puissance, sont prises en compte – même s'il est certainement possible d'aller plus loin pour notre souveraineté industrielle.

Face au dilemme entre masse et cohérence, vous avez privilégié la cohérence, monsieur le ministre, et c'est bienvenu car il ne sert à rien d'avoir des matériels dans les hangars sans pouvoir produire les effets pour lesquels ils ont été conçus. Mais nos forces conventionnelles demeureront partiellement échantillonnaires. Dans notre rapport d'information sur la préparation à la haute intensité, nous avions chiffré les manques en ce domaine à 40 milliards, et ce trou n'est pas comblé car on doit faire face aux nouveaux champs de conflictualité – le spatial, le cyber et les grands fonds –, que nous n'avions alors étudié qu'à la marge. Cette LPM y répond certes, et plutôt bien, mais je ne renie rien de ce que j'avais écrit car la masse n'est pas totalement au rendez-vous.

Toutefois, la défense est une notion globale : il n'est pas de défense forte sans économie saine ; il n'est pas d'économie forte sans finances saines. Pour reprendre les mots du général de Gaulle : « La politique et l'économie sont liées l'une à l'autre comme le sont l'action et la vie […] ». Et nous savons tous, hélas, l'ampleur de nos déficits. Nous savons que la dette, c'est la faiblesse, le risque du chantage de la part de nos créanciers, au pire le scénario grec. Dès lors il faudra bien faire avec cette enveloppe.

Derrière les chiffres, cette LPM traduit implicitement une vision puisqu'elle préserve notre statut de puissance mondiale, mais renonce à renforcer le corps aéroterrestre. C'est un pari et un choix : le pari, c'est qu'en Europe, l'attrition subie par la Russie sera telle que, dans la décennie à venir, nous ne serons pas engagés au sol ou dans les airs ; le choix, c'est qu'en agissant ainsi, nous renonçons à renforcer notre influence dans l'Otan, en particulier auprès de nos alliés d'Europe centrale. C'est dommage car l'Otan est, à vue humaine, l'horizon de la sécurité de notre continent. Nos alliés n'acceptent en effet l'autonomie stratégique que du bout des lèvres. Nous ne sommes dupes de rien : les Américains sont nos alliés mais aussi nos concurrents ! Cela dit, aux heures décisives, il faut choisir. Dans l'affaire de Cuba comme dans celle de Berlin, le général de Gaulle l'avait fait. Au groupe Les Républicains, notre choix est clair : entre une grande démocratie et l'autocratie, nous choisirons toujours le camp de la liberté !

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