Intervention de Stéphane Romatet

Réunion du mercredi 17 mai 2023 à 14h30
Commission des affaires étrangères

Stéphane Romatet, directeur du centre de crise et de suivi du ministère de l'Europe et des affaires étrangères :

C'est une doctrine, que nous avons constatée à plusieurs reprises. Les Britanniques, notamment, estiment ne pas avoir de responsabilités particulières vis-à-vis de leur communauté. Ils y ont finalement été contraints sous l'empire des circonstances : constatant le départ de toutes les communautés étrangères, ils ont envoyé quelques avions pour évacuer leurs ressortissants.

Alors que l'insécurité devenait croissante et les approvisionnements difficiles, notre deuxième priorité était de regrouper nos communautés dans l'ambassade et la résidence de France, en profitant des quelques accalmies et cessez-le-feu.

L'extraction, enfin, formait le troisième temps de notre réponse à la crise. Nous avons travaillé dans ce cadre avec le ministère des armées à des plans d'évacuation. Le président de la République a rapidement validé un schéma d'évacuation militaire et l'opération Sagittaire a été engagée avec le ministère des armées, à partir de la base de Djibouti et avec le concours de la marine nationale.

Trois types d'opérations ont été menées. La première consistait à sécuriser une plateforme aéroportuaire située à une vingtaine de kilomètres au Nord de Khartoum, l'aéroport principal de Khartoum, localisé en zone rebelle, étant inaccessible. Un premier vol militaire a atterri sur cette plateforme le 22 avril. Les forces spéciales françaises se sont déployées sur cet aéroport pour engager des extractions. Dix rotations de vols militaires, opérés depuis Djibouti avec des moyens aériens français, ont permis d'évacuer quasiment 500 ressortissants de toutes nationalités.

De surcroît, de nombreux membres du personnel des Nations Unies et d'associations humanitaires étaient bloqués à Port-Soudan. Les autorités françaises ont donc décidé d'envoyer la frégate Lorraine, qui a permis à 500 passagers de traverser la mer rouge et d'arriver à Djedda.

Enfin, la France a décidé de mettre en sécurité le personnel des Nations Unies et le personnel humanitaire opérant dans le Darfour, notamment dans la ville d'El Fasher, en les évacuant vers le Tchad.

Au total, 1 098 ressortissants ont été évacués, dont 216 Français, de nombreux ayants-droit – qui sont souvent des Soudanais ayant un lien de famille avec des Français ou disposant d'un titre de séjour en France – et des ressortissants issus d'une soixantaine de pays.

Si nous n'avons qu'un seul blessé à déplorer, cet épisode aurait pu être dramatique. Nous pouvons en tirer quelques conclusions.

D'abord, il revient au crédit de nos forces armées d'avoir su conduire une opération aussi complexe, dans un contexte de sécurité particulièrement dégradé. Cette opération nous a valu un succès d'image tout à fait considérable auprès de nos partenaires. En effet, les Européens ont pris conscience que notre pays était probablement le seul de notre continent à pouvoir mener des opérations de cette envergure. La prise en charge de nombreux personnels des Nations Unies nous a également valu une forte estime.

En outre, dans l'histoire des crises auquel a fait face le CDCS, cette opération a marqué une collaboration exemplaire entre les services des armées et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Enfin, la France a la fierté de disposer de capacités militaires qui lui permettent de mener ce type d'opérations : la base de Djibouti, notamment, est un atout considérable pour notre pays.

Il me faut insister, en dernier lieu, sur l'urgence humanitaire. Le Soudan, verrou de l'Afrique de l'Est, subit depuis plusieurs décennies une crise dramatique à cet égard. Plusieurs centaines de milliers de personnes ont été déplacées, entraînant un risque pour les pays voisins, notamment le Tchad. Nous avons donc établi un plan humanitaire, également mis en œuvre par le CDCS, doté de 27 millions d'euros prioritairement affectés à l'appui aux déplacés et réfugiés soudanais à l'extérieur du pays. Dans un deuxième temps, nous espérons pouvoir intervenir en territoire soudanais, ce que le conflit ne nous permet pas encore.

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