Intervention de Alexandre Sabatou

Réunion du mardi 13 juin 2023 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandre Sabatou :

Alors que les Pays-Bas et la Belgique voient leurs ministres menacés d'enlèvement, voire d'assassinat, par les narcotrafiquants, la France fait le choix de restreindre le champ d'action de la douane.

À cause du Conseil constitutionnel, l'agent devra, en dehors du territoire des douanes, justifier d'une raison plausible pour contrôler un véhicule ou un individu. C'est donc la fin du flair du douanier et des contrôles aléatoires, qui ont pourtant fait leurs preuves durant toutes ces années.

Il faut bien comprendre que les contrebandiers, bien loin des caricatures du cinéma, ressemblent chaque jour un peu plus à M. Tout-le-monde. L'introduction de cette raison plausible dans notre droit sera alors à l'origine de nombreux contentieux : c'est une aubaine pour les avocats et les narcotrafiquants, mais une catastrophe pour les douaniers et nos concitoyens.

Il faut bien comprendre que si la raison plausible invoquée est jugée trop fragile par un magistrat, le douanier verra son affaire réduite à néant. Quand nous voyons les résultats que cela a donnés chez nos gendarmes et policiers, quand nous voyons leur résignation et leur envie de baisser les bras, nous assumons de vouloir un autre destin pour nos douaniers.

Que dire de la mise en place du procès-verbal en cas de contrôle négatif ? Ce document devra détailler les raisons pour lesquelles un contrôle a été effectué sur les personnes ou les biens. Ce faisant, la douane donnera de facto aux trafiquants des indications sur les raisons d'un contrôle, ce qui leur permettra de rectifier leurs erreurs en faisant de la rétro-ingénierie.

En plus de rajouter de la bureaucratie et de réduire la présence des douaniers sur le terrain, ces dispositions désarment nos douaniers. Alors que la douane n'a fait l'objet d'aucun scandale ni bavure, alors qu'elle est une administration bien gérée – elle est la seule, je le rappelle, à rapporter de l'argent à l'État –, le Gouvernement entend placer les douaniers sous la tutelle des procureurs. Cette volonté de mise sous tutelle est unanimement vécue par les douaniers comme une sanction totalement injustifiée.

La douane est une administration autonome, et elle doit le rester ; le procureur n'a pas à donner son aval à leurs actions. La douane devant être rapide et réactive pour attraper les contrebandiers, la multiplication des décideurs ne ferait qu'entraver leur action, donc réduire leur efficacité.

À une époque où les échanges commerciaux s'accélèrent et où la pression des narcotrafiquants se fait de plus en plus forte, il faudrait au contraire donner plus de moyens et une plus grande liberté d'action à nos douaniers. Une autre voie est possible, mais, pour s'y engager, il faut du courage et de la volonté pour aller affronter le Conseil constitutionnel, car, jusqu'à preuve du contraire, c'est au législateur de faire la loi, et non au juge.

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