Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du mardi 13 juin 2023 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

Source

La séance est ouverte à 17 heures 05.

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

La Commission procède à l'examen des articles 1er à 5, 8, 8 bis, 11, 11 bis, 11 ter et 11 quater, délégués au fond par la commission des finances, du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces (n° 1301) (Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis).

Lien vidéo : https://assnat.fr/stllUT

Nominations de rapporteurs

Projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces

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Monsieur le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, je vous souhaite la bienvenue au sein de notre commission – je crois que c'est une première pour vous. Nous examinerons les articles 1er à 5, 8, 8 bis, 11, 11 bis, ter et quater qui, délégués au fond par la commission des finances, appartiennent au projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, dont Mme Élodie Jacquier-Laforge est rapporteure pour avis.

L'examen du projet de loi, dont nous avons concerté le découpage avec le Sénat, suit un partage selon les compétences des commissions des finances et des lois. Formellement, c'est la première qui a été saisie au fond, avant de nous renvoyer les articles précités.

En outre, ce projet de loi fait suite à la censure du Conseil constitutionnel qui, survenue à l'été dernier, concernait l'article 60 du code des douanes. Celle-ci prendra effet à partir du 1er septembre prochain, raison pour laquelle il est nécessaire de légiférer.

Puisque la commission des finances se prononcera demain, nous devons achever nos travaux ce soir, la coutume étant que les positions que nous prendrons sur les articles qui nous sont délégués soient reprises telles quelles par la commission au fond.

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La douane française est, selon la formule consacrée, l'administration de la frontière et de la marchandise. Administration de la frontière, la douane assure donc le traitement des flux de marchandises lors de leur passage en frontière, concourt à l'action de l'État en mer par la surveillance de la frontière maritime, et endosse une mission de garde-frontière ; administration des marchandises, elle veille à leur conformité aux normes, accompagne les entreprises dans leurs opérations douanières et lutte contre les trafics, la contrefaçon, la criminalité organisée et le financement du terrorisme.

Si la douane est l'héritière de la Ferme générale, son ancienneté ne la dispense pas d'être moderne ; utilisant les nouvelles technologies et investissant la frontière numérique, elle a su s'adapter aux défis et aux enjeux contemporains. Ce sont ainsi plus de 16 600 personnes qui assurent au quotidien la sécurité du territoire et de la population, par une action qui est marquée du sceau de l'efficacité, comme en témoignent les chiffres records du bilan annuel pour 2022.

Pour assurer la pérennité de cette efficacité, nous devons donner à la douane les moyens qui lui permettront de faire face aux nouveaux défis, menaces et méthodes toujours plus sophistiqués et agiles des trafiquants et des criminels.

L'objet de ce projet de loi s'inscrit dans un contexte particulier. Si 2022 a été une année record, les douanes risquent, sans une intervention rapide du législateur, de se retrouver privées dès la rentrée du droit de visite douanière, qui est l'un de leurs principaux leviers d'action. Cette visite par les douaniers des marchandises, des véhicules et des personnes était possible sur tout le territoire, à toute heure et sans justification particulière pour rechercher des infractions à la législation douanière et lutter contre la fraude.

Sur le fondement législatif, l'article 60 du code des douanes a en effet été censuré par le Conseil constitutionnel le 22 septembre 2022, même si l'effet de cette censure a été différé au 1er septembre prochain pour nous éviter un vide juridique aux conséquences désastreuses.

Composé initialement de seize articles, le texte, après son examen par le Sénat, en compte désormais vingt-trois. De même, la commission des finances nous a délégué au fond les articles 1er à 5, 8, 8 bis et 11 à 11 quater : nous sommes donc saisis de onze articles, que je vais vous présenter.

L'article 1er modifie la zone terrestre du rayon des douanes, où des prérogatives étendues peuvent être exercées afin d'en fixer la limite à 40 kilomètres à partir des frontières, sans permettre au pouvoir réglementaire de l'étendre – elle est de 20 kilomètres dans la loi, mais de 60 kilomètres en réalité.

L'article 2, qui peut être considéré comme le cœur du texte, constitue la réponse à la censure de 2022. Nous passons, avec cet article, d'un dispositif laconique, d'une longueur de deux lignes et datant de 1948, que la Cour de cassation avait encadré d'une abondante jurisprudence, à un robuste corpus de onze articles déclinant la finalité du droit de visite, ses modalités d'exercice, ainsi que les garanties qui l'entourent.

L'utilisation de ce droit sera fondée soit sur le lieu où il peut être exercé sans justifier d'un motif particulier – lieux exposés à l'international et lieux situés dans le « rayon des douanes » –, soit dans tout autre lieu, après information du parquet, pour des motifs particuliers, comme la suspicion d'une commission d'infraction ou la recherche d'infractions particulières.

Dans la mesure où d'importantes garanties sont prévues pour assurer le respect des droits des personnes, les visites des marchandises, des véhicules et des personnes feront l'objet d'un encadrement rigoureux.

Le dispositif relatif au droit de visite est ainsi opportunément équilibré, en ce qu'il en assure la robustesse juridique tout en préservant son caractère opérationnel. L'action des douanes demeurera évidemment possible sur tout le territoire national, mais son cadre juridique changera en fonction des lieux. Ne nous focalisons donc pas sur le rayon d'action des douanes ou sur certains lieux : l'ensemble du territoire, je le répète, sera concerné, le droit de visite pouvant être partout mis en œuvre, mais parfois avec un encadrement renforcé, afin de répondre à la censure constitutionnelle et d'assurer un équilibre avec la liberté d'aller et de venir.

L'article 3 transpose ces garanties aux visites des navires, qui font l'objet de dispositifs spécifiques dans le code des douanes.

L'article 4 formalise les pouvoirs des agents des douanes lorsqu'ils constatent une infraction de droit commun punie d'emprisonnement, en permettant notamment la remise du suspect à un officier de douane judiciaire.

L'article 5 précise, quant à lui, le fondement des contrôles exercés aux frontières extérieures, en renvoyant aux dispositions pertinentes du code frontières Schengen.

En complétant les dispositions des procédures spéciales d'enquête douanière préexistantes, l'article 8 permet, pour les infractions les plus graves et sur autorisation du juge des libertés et de la détention, à des agents spécialement habilités de procéder à des sonorisations et à des fixations d'images pour une durée d'un mois renouvelable.

Enfin, l'article 11 instaure une expérimentation d'une durée de trois ans portant sur l'exploitation élargie du dispositif de lecteurs automatiques des plaques d'immatriculation (Lapi), afin de contrer la sophistication grandissante des modes opératoires des délinquants.

Afin de faciliter la constatation des délits douaniers de contrebande, d'importation ou d'exportation de marchandises prohibées commis en bande organisée, ainsi que la constatation du délit de blanchiment, les agents des douanes, spécialement habilités et affectés à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), pourront consulter les données enregistrées par le Lapi pendant une durée plus longue, et les consulter en l'absence de rapprochement positif avec le fichier des objets et véhicules signalés (FOVeS) et le système d'information Schengen (SIS).

Le Sénat, en commission puis en séance, a apporté de nombreuses modifications d'une portée variable, mais en conservant l'équilibre initial du texte.

Au sein du premier bloc, composé des articles 1er à 5, trois ont été adoptés sans être modifiés – les articles 1er, 4 et 5 –, tandis que l'article 3 a été précisé, en cohérence avec l'article 2 qui a concentré l'essentiel des modifications. Ces dernières ont cependant confirmé l'économie générale, ainsi que l'équilibre du texte proposé par le Gouvernement, puisqu'il s'agit, pour l'essentiel, de précisions ou de clarifications bienvenues.

Certains pourraient être tentés d'assouplir le dispositif ou de supprimer certains cadres, mais j'appelle votre attention sur la prudence dont nous devons faire preuve pour conserver ce délicat équilibre juridique, salué par le Conseil d'État et nos collègues sénateurs. À vouloir aller trop loin, nous risquerions d'exposer cet outil à une nouvelle censure, privant ainsi les douanes de leur capacité d'action.

Au sein du second bloc, si l'article 8 a été adopté sans modification par les sénateurs, ils ont introduit en commission des lois, à travers un amendement du rapporteur pour avis, un article 8 bis. Cet article permet d'appliquer les dispositions du code de procédure pénale relatives à l'enquête, à la poursuite, à l'instruction et au jugement en matière de criminalité organisée aux délits douaniers commis en bande organisée.

L'article 11 a été modifié par les sénateurs en commission ainsi qu'en séance. Le Sénat a souhaité que deux rapports d'évaluation, dont il a précisé le contenu, soient rendus au cours de l'expérimentation – au lieu d'un seul, dans la version du texte déposée par le Gouvernement. Suivant une recommandation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), le Sénat a voulu que soient évaluées plusieurs durées de conservation des données collectées.

Tenant compte du caractère sensible du contenu du décret en Conseil d'État, lequel précise les modalités d'application de l'article, le Sénat a voté pour que celui-ci ne soit pas publié. Il prévoit cependant que l'avis de la Cnil, rendu en amont de la prise du décret, doit être motivé et que le sens de cette motivation doit faire l'objet d'une publication. Les sénateurs ont par ailleurs précisé que l'expérimentation est soumise aux dispositions de la loi dite « informatique et libertés ».

Le Sénat a enfin souhaité, en séance publique, adopter trois articles additionnels après l'article 11. Introduit par un amendement du sénateur Jérôme Bascher, l'article 11 bis permet aux agents des douanes, de la police et de la gendarmerie nationales chargés de missions de police aux frontières de « se communiquer sur demande ou spontanément tous les renseignements et documents détenus ou recueillis à l'occasion de leurs missions respectives en matière de franchissement des frontières. »

Introduit par un amendement du Gouvernement sous-amendé par le rapporteur, l'article 11 ter crée la catégorie d'agent de douane judiciaire. Ces derniers, qui disposent des mêmes prérogatives que celles dévolues aux agents de police judiciaire, sont ainsi chargés de suppléer les officiers de douane judiciaire.

Enfin, l'article 11 quater, lui aussi introduit par un amendement du Gouvernement, permet aux agents des douanes de recourir aux caméras aéroportées dans le cadre de leur mission de lutte contre les mouvements transfrontaliers de tabac, ainsi que de surveillance des frontières.

Ce texte est une opportunité rare de renforcer les capacités de nos services douaniers, dont j'ai pu constater l'excellence et la volonté de faire au mieux avec les moyens dont ils disposent. Les dispositions que je viens de vous présenter, dont nous aurons l'occasion de débattre cet après-midi et cette nuit, viendront renforcer leur action au service de notre sécurité. J'espère qu'elles recueilleront ici un large consensus.

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Nous sommes réunis pour examiner le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces. Déposé au Sénat le 13 avril dernier, ce texte s'attache à maintenir un haut niveau d'efficacité de l'action de la douane française dans ses missions de surveillance, de contrôle et de lutte contre les fraudes sur l'ensemble du territoire. Il tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2022, aux termes de laquelle le droit de visite des agents des douanes, prévu à l'article 60 du code des douanes, est inconstitutionnel. Néanmoins l'effet de la décision a été reporté au 1er septembre 2023.

Administration de la frontière et de la marchandise, l'administration des douanes se situe au centre du processus de mondialisation. Remplissant simultanément une mission de soutien à l'attractivité de l'économie et à la performance économique des entreprises, elle joue aussi un rôle essentiel dans la protection et la sécurité du territoire ainsi que de la population.

Les agents douaniers étant en première ligne pour assurer notre sécurité sur l'ensemble du territoire, la censure du Conseil constitutionnel nécessite l'élaboration d'un nouveau cadre législatif pour l'action des agents des douanes. Ce dernier permettrait de mieux circonstancier l'exercice du droit de visite, en tenant compte des lieux de son exercice, des motifs de sa mise en œuvre et des garanties apportées au droit des personnes, afin d'assurer une conciliation équilibrée entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions douanières et, de l'autre, la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée.

Le projet de loi, en proposant un cadre rénové du droit de visite, permet d'engager dans les prochains mois un important travail de recodification du code des douanes, lequel n'a fait l'objet d'aucune réforme d'ensemble depuis 1948.

Ce texte offre par ailleurs de nouveaux moyens d'action et d'investigation aux agents des douanes. Pour leur permettre de continuer à assurer avec efficacité les missions de protection du territoire et de la population, mais aussi de lutter contre la fraude, leurs pouvoirs d'investigation seront modernisés et adaptés aux évolutions des menaces criminelles. Il en sera de même en ce qui concerne le recours croissant des fraudeurs aux nouvelles technologies, lesquelles leur permettent de faire prospérer leur trafic tout en restant anonymes.

Donner des moyens aux agents est essentiel. Le bilan de l'administration douanière pour l'année 2022 est historique et parle de lui-même : ont été saisis 104 tonnes de drogue, 649 tonnes de tabac et de cigarettes de contrebande et 11 millions d'articles de contrefaçon.

Si nous voulons garder ce haut niveau d'exigence, il faut accompagner nos douaniers en leur donnant les voies et moyens d'accomplir leur mission dans un monde en pleine mutation. C'est l'ambition même du texte que nous examinons.

Parce que la douane est essentielle pour la sécurité de nos concitoyens et du territoire national, et parce que ce texte donne davantage de moyens à l'administration douanière, notre groupe le votera.

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Alors que les Pays-Bas et la Belgique voient leurs ministres menacés d'enlèvement, voire d'assassinat, par les narcotrafiquants, la France fait le choix de restreindre le champ d'action de la douane.

À cause du Conseil constitutionnel, l'agent devra, en dehors du territoire des douanes, justifier d'une raison plausible pour contrôler un véhicule ou un individu. C'est donc la fin du flair du douanier et des contrôles aléatoires, qui ont pourtant fait leurs preuves durant toutes ces années.

Il faut bien comprendre que les contrebandiers, bien loin des caricatures du cinéma, ressemblent chaque jour un peu plus à M. Tout-le-monde. L'introduction de cette raison plausible dans notre droit sera alors à l'origine de nombreux contentieux : c'est une aubaine pour les avocats et les narcotrafiquants, mais une catastrophe pour les douaniers et nos concitoyens.

Il faut bien comprendre que si la raison plausible invoquée est jugée trop fragile par un magistrat, le douanier verra son affaire réduite à néant. Quand nous voyons les résultats que cela a donnés chez nos gendarmes et policiers, quand nous voyons leur résignation et leur envie de baisser les bras, nous assumons de vouloir un autre destin pour nos douaniers.

Que dire de la mise en place du procès-verbal en cas de contrôle négatif ? Ce document devra détailler les raisons pour lesquelles un contrôle a été effectué sur les personnes ou les biens. Ce faisant, la douane donnera de facto aux trafiquants des indications sur les raisons d'un contrôle, ce qui leur permettra de rectifier leurs erreurs en faisant de la rétro-ingénierie.

En plus de rajouter de la bureaucratie et de réduire la présence des douaniers sur le terrain, ces dispositions désarment nos douaniers. Alors que la douane n'a fait l'objet d'aucun scandale ni bavure, alors qu'elle est une administration bien gérée – elle est la seule, je le rappelle, à rapporter de l'argent à l'État –, le Gouvernement entend placer les douaniers sous la tutelle des procureurs. Cette volonté de mise sous tutelle est unanimement vécue par les douaniers comme une sanction totalement injustifiée.

La douane est une administration autonome, et elle doit le rester ; le procureur n'a pas à donner son aval à leurs actions. La douane devant être rapide et réactive pour attraper les contrebandiers, la multiplication des décideurs ne ferait qu'entraver leur action, donc réduire leur efficacité.

À une époque où les échanges commerciaux s'accélèrent et où la pression des narcotrafiquants se fait de plus en plus forte, il faudrait au contraire donner plus de moyens et une plus grande liberté d'action à nos douaniers. Une autre voie est possible, mais, pour s'y engager, il faut du courage et de la volonté pour aller affronter le Conseil constitutionnel, car, jusqu'à preuve du contraire, c'est au législateur de faire la loi, et non au juge.

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Nous sommes réunis pour discuter du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, puisque l'article 60 du code des douanes a été jugé non conforme à la Constitution, et qu'il nous faut donc adapter la loi afin qu'elle se conforme à la norme suprême.

L'enjeu de ce texte est de permettre à nos douaniers à la fois d'avoir les moyens d'agir et de faire face aux différentes menaces pesant sur nous, mais aussi d'effectuer les contrôles qui sont nécessaires – notamment pour ce qui est de la drogue, de la contrebande ou du trafic d'armes –, tout en garantissant nos droits.

Ce texte recèle plusieurs incohérences : censé renforcer les pouvoirs des douaniers, il augmente la surface des frontières mais, en même temps, la diminue, puisqu'il supprime une disposition permettant de l'élargir. De même, il retire des contrôles possibles les axes secondaires et tertiaires, et il n'aborde pas explicitement la question du fret ferroviaire. Nous avons donc déposé des amendements pour y remédier, afin de mieux circonscrire l'objet de notre discussion.

En réalité, ce texte fourre-tout traite de trois sujets qui débordent largement le cadre de la réécriture de l'article 60. Premièrement, il expose à une dérive technologique avec l'utilisation des drones pour surveiller les frontières. Nous commençons à être un peu inquiets, puisque les sénateurs ont voté une disposition autorisant l'activation des micros et des caméras des téléphones ainsi que la reconnaissance faciale dans l'espace public. Tout cela crée une inquiétante ambiance de contrôle technologique permanent et généralisé.

Deuxièmement, il y a un risque de transformer les douanes en police aux frontières – nous le voyons dans un certain nombre d'amendements de nos collègues de la droite et de l'extrême droite. Ni nous ni les douaniers ne voulons avoir affaire à un contrôle qui serait avant tout celui des individus ; nous voulons plutôt faire en sorte que la douane reste dans un contrôle des marchandises, des flux financiers et de la contrebande, bref, des matériaux, de leur acheminement ainsi que du transport numérique de flux financiers – d'ailleurs le projet de loi crée, chose positive, une frontière numérique que nous trouvons très intéressante. En somme, nous ne souhaitons pas que la douane devienne la police aux frontières, ni qu'elle contrôle autre chose que les marchandises ou les flux financiers.

Troisièmement, la question des moyens, un peu absente du projet de loi, constitue le véritable enjeu. En France, nous disposons d'un peu moins de 17 000 douaniers, alors qu'il y en a 48 000 en Allemagne ; nous avons en outre 2,3 fois moins d'agents par habitant, bien que nous possédions 3,9 fois plus de frontières que l'Allemagne et 29 fois plus de superficie à gérer : c'est comme si nous avions l'équivalent de deux voitures de police pour gérer l'intégralité de notre territoire maritime !

Comme toujours, la question des moyens est donc la grande absente. Vous le reconnaissez d'ailleurs dans l'étude d'impact, puisque vous y écrivez qu'il s'agit, en travaillant davantage avec le procureur de la République, de prendre en compte l'activité des services de police judiciaire, lesquels ne peuvent pas assurer une disponibilité vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Vous gérez en réalité une pénurie, faute de donner des moyens suffisants à la justice et aux douaniers.

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Permettez-moi tout d'abord, au nom du groupe Les Républicains, de remercier les agents des douanes pour le travail qu'ils réalisent et pour les menaces auxquelles ils font face au quotidien. Que ce soit dans nos aéroports, nos ports, nos gares ou aux frontières, ils effectuent un travail remarquable avec bien trop peu de moyens. Leur rôle est essentiel pour contrôler les allées et venues sur le territoire national, mais aussi pour réguler l'importation de produits contraires aux normes françaises ou pour protéger nos buralistes de la concurrence des pays limitrophes, en particulier dans les départements frontaliers de la Suisse comme – au hasard – le territoire de Belfort.

Ce projet de loi répond en partie à ces enjeux par l'évolution du cadre d'action des douanes, en l'adaptant notamment aux évolutions du numérique, de la cyberdélinquance ou encore aux nouvelles stratégies des réseaux de fraude à l'échelle européenne. Il tire également les conséquences de la décision du 22 septembre 2022 du Conseil constitutionnel de déclarer contraire à la Constitution le droit de visite dont bénéficiaient les agents douaniers, faute d'un cadre tenant compte des lieux où les visites sont réalisées et de l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction. Atteintes disproportionnées, au point de vue du Conseil constitutionnel, au droit d'aller et de venir et au respect de la vie privée, ces dispositions seront abrogées dès le 1er septembre prochain. Ce projet de loi était donc nécessaire pour remédier à ces failles juridiques.

Le code des douanes date en effet de 1948 et apparaît désuet aujourd'hui : les moyens sont insuffisants et les méthodes d'action limitées ; l'évolution du numérique n'a pas été suffisamment prise en compte, alors que les trafiquants, eux, ont pris une longueur d'avance tout en bénéficiant d'une économie souterraine particulièrement florissante. Ce sont 104 tonnes de drogue qui ont été saisies en 2022 par nos services douaniers, pour une valeur de revente estimée à plus de 1 milliard d'euros. Ils ont également intercepté 640,1 tonnes de tabac et de cigarettes, ainsi que 11,53 millions d'articles de contrefaçon.

La commission des lois du Sénat ayant rendu conforme à la Constitution le droit de visite douanière en clarifiant les dispositifs proposés, il appartiendra à notre commission de les valider, voire de les améliorer : il en est ainsi de la précision apportée à la notion d'abords des lieux, où les opérations des agents des douanes peuvent être conduites à toute heure. La définition d'un rayon de 10 kilomètres autour des ports, des aéroports et des gares ferroviaires ou routières apporte une limite spatiale claire, tout en veillant au respect des principes fondamentaux lors des fouilles individuelles.

Le cadre d'exercice des pouvoirs douaniers est étendu, tant pour leurs enquêtes au titre de la lutte contre les réseaux de criminalité organisée que pour clarifier le régime de transfert à l'État de la propriété des objets saisis et non restitués. L'intégration du numérique a été un enjeu important, dans la mesure où la nouvelle prérogative permettant de geler les données numériques dans le cadre d'une visite au domicile a été encadrée. Un renforcement de l'échange d'informations entre l'autorité judiciaire et l'administration des douanes a également été apporté pour améliorer la coordination et l'efficacité des actions menées. L'expérimentation relative aux données issues des Lapi devrait être évaluée, afin d'envisager la pérennisation du dispositif, mais, conformément aux préconisations de la Cnil, celles-ci ne devront pas être systématiquement conservées pendant la durée maximale allouée, qui est de quatre mois.

Ce projet de loi vise donc à combler les lacunes d'un code douanier qui n'est plus adapté aux enjeux de notre époque, et à anticiper les menaces ainsi que les enjeux futurs, tout en sécurisant juridiquement les moyens d'y parvenir.

Comme à son habitude lorsqu'il s'agit d'œuvrer pour améliorer la sécurité des Français, le groupe Les Républicains votera pour ce projet de loi, tout en regrettant que la question des moyens n'y soit pas abordée – mais nous aurons, monsieur le ministre délégué, l'occasion d'y revenir lors du projet de loi de finances pour 2024.

Monsieur le président, permettez-moi de saluer notre collaboratrice de groupe Ludivine Moles, qui, pour la dernière fois, est présente parmi nous. Au nom des commissaires aux lois du groupe Les Républicains, je veux la remercier pour son professionnalisme, son dévouement et ses qualités humaines. Nous lui souhaitons beaucoup de réussite dans ses futures activités.

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Le projet de loi que nous étudions tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2022, prise à la suite d'une saisine par la Cour de cassation dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). L'exécutif a, dans cette décision, été appelé à revoir l'article 60 du code des douanes, jugé non conforme à la Constitution à compter du 1er septembre 2023.

L'article 60 régit le droit de visite des agents de la douane, en les autorisant à fouiller, en vue de la recherche de fraude, les moyens de transport, les marchandises et les personnes afin d'appliquer les dispositions du code des douanes. Ce droit de fouille n'étant pas limité dans l'espace, le temps ou selon les circonstances, il convient de souligner que cette prérogative majeure des douaniers n'a fait l'objet d'aucune modification depuis 1948.

Le Conseil constitutionnel a jugé que la rédaction actuelle de l'article 60, en ce qu'elle ne précise pas suffisamment le cadre applicable au droit de visite, n'assure pas une conciliation équilibrée entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions et, de l'autre, la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée. C'est donc pour préserver les prérogatives majeures des douaniers, tout en garantissant la conformité de l'article 60 à la Constitution que le Gouvernement a déposé ce projet de loi. Je note d'ailleurs la célérité de Bercy en la matière : il conviendra que d'autres ministères s'en inspirent.

Le texte tend à moderniser les pratiques douanières. Trois tendances fortes constituent des leviers de transformation des métiers de la douane pour faire face aux nouvelles menaces. La première, ce sont les évolutions de fond qui affectent les frontières et les flux de marchandises, puisque le boom provoqué par l'e-commerce et la mise en place du paquet « TVA e-commerce » conduisent la douane à bâtir de nouvelles modalités de gestion de la frontière numérique ; s'y ajoute la nouvelle frontière physique créée par le Brexit.

La deuxième tendance est le besoin renforcé de protection, celle de la souveraineté du territoire face au terrorisme et à la criminalité organisée, celle des entreprises françaises face à la contrefaçon – et l'aide qu'on leur apporte à l'export –, mais aussi celle de la population face aux trafics, en particulier de tabac illicite, et à la criminalité environnementale.

Troisièmement, le numérique et les données permettent à la douane de se moderniser, de gagner en efficience, de simplifier les procédures pour les usagers et de renforcer les capacités opérationnelles des agents.

Ce texte a été utilement complété par le Sénat, qui a adopté plusieurs amendements afin de mieux encadrer la nouvelle procédure de gel des données numériques dans le cadre d'une visite domiciliaire, d'autoriser la levée du secret professionnel pour les besoins de la prévention de la circulation des armes chimiques, de préciser les dispositions relatives au droit de visite douanière et aux prérogatives des douanes concernant la lutte contre les contenus illicites en ligne, d'accorder aux agents des douanes un accès automatique aux informations de la direction générale des finances publiques (DGFIP) pour le contrôle des opérations de détaxe de TVA et d'améliorer l'échange d'informations entre l'autorité judiciaire et la douane. Nos collègues sénateurs ont, par ailleurs, adopté deux amendements du Gouvernement visant, d'une part, à créer des agents de douane judiciaire (ADJ), chargés de soutenir les officiers de douane judiciaire en matière de formalisation des procédures et, d'autre part, à étendre la possibilité d'utiliser des drones aux missions de lutte contre les trafics de tabac.

Le groupe Démocrate votera ce projet de loi, qui permet d'atteindre les objectifs fixés.

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Nous examinons un texte important, rendu nécessaire par une décision prise par le Conseil constitutionnel dans son rôle de garant de l'État de droit et de défenseur des libertés fondamentales susceptibles d'être mises à mal, notamment par les fouilles menées par les douanes. Il concerne 18 000 agents – un chiffre dont M. Léaument a certes relativisé l'importance en le comparant aux effectifs d'autres pays européens –, qui travaillent pour une administration au rôle considérable, puisqu'elle est compétente en matière de lutte contre les trafics illicites, le blanchiment d'argent, le terrorisme, et qu'elle contrôle le respect des réglementations sanitaires et phytosanitaires. Elle concourt à notre sécurité en protégeant le territoire national. Elle assure non seulement un contrôle des flux commerciaux, mais également des missions fiscales en collectant des taxes pour l'Union européenne, l'État et les collectivités territoriales. Preuve de l'importance de l'administration des douanes, la DNRED fait partie du premier cercle des services de renseignement assurant la défense des intérêts fondamentaux de la nation.

Bien que ce texte comporte un certain nombre de points positifs, nous veillerons à ce qu'il n'accorde pas à la douane un trop grand pouvoir discrétionnaire, avec le risque juridique de décisions arbitraires – c'est d'ailleurs ce qui a justifié la censure, par le Conseil constitutionnel, de l'article 60 du code des douanes.

M. Léaument l'a dit tout à l'heure : texte après texte – je pense notamment à la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) et à la loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 –, nous adoptons toute une série de dispositions qui mériteraient d'être davantage encadrées et sécurisées juridiquement. Cette remarque s'applique aussi au présent projet de loi. Lorsque les avocats ont été autorisés à assister les personnes placées en garde à vue, de nombreux policiers ont craint que cette nouvelle disposition vienne entraver leur travail ; or cette présence est aujourd'hui considérée comme un contre-pouvoir utile, qui permet aux forces de police de mieux exercer leur travail au quotidien. Je pense qu'il en sera de même pour les douanes si la loi comporte des garanties permettant d'éviter d'éventuels excès de pouvoir.

On observe un rapprochement entre la qualité d'agent des douanes et celle d'officier de police judiciaire. La criminalité se transforme, se joue des frontières, se saisit des outils numériques et menace jusqu'à des autorités politiques. En tant qu'élu lillois, je suis sensible aux menaces d'enlèvement adressées par les narcotrafiquants au ministre de la justice belge et à sa famille, alors que ce dernier avait annoncé un coup de pied dans la fourmilière. Nous veillerons à l'équilibre entre les différents agents de police judiciaire, celle-ci étant déjà affaiblie par la départementalisation.

Nous reviendrons sur tous ces éléments dans les amendements que nous défendrons. Il ne s'agit évidemment pas de nier l'ampleur de la menace à laquelle font face les services de douane – en tant qu'élu de Lille, territoire frontalier, je suis bien placé pour évaluer l'incroyable puissance financière des narcotrafiquants –, mais de sécuriser davantage et de mieux encadrer leurs pouvoirs, dont nous craignons qu'ils puissent devenir discrétionnaires.

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Nos services de douane jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les trafics de toute nature, qu'il s'agisse des trafics de stupéfiants, d'armes ou de tabac de contrebande en France et dans l'Union européenne. En 2022, les douanes ont ainsi saisi plus de 100 tonnes de drogue, pour une valeur de revente illicite estimée à plus de 1 milliard d'euros, quelque 640 tonnes de tabac et de cigarettes, ainsi que plus de 11 millions d'articles de contrefaçon.

Chargée de contrôler nos frontières terrestres, maritimes, physiques et numériques, la douane assure la protection de notre territoire, de nos concitoyens ainsi que des intérêts économiques et financiers nationaux et européens. Son champ d'intervention est large. Elle contrôle les flux de marchandises au passage des frontières pour protéger la population, l'environnement et l'économie. Elle est garde-frontière et, à ce titre, participe pleinement aux contrôles migratoires aux points de passage frontaliers. Elle concourt à l'action de l'État en mer. Elle lutte contre les trafics, la criminalité organisée et le financement du terrorisme. Elle investit depuis plusieurs années la frontière numérique.

Pour exercer leurs missions, les douanes sont dotées de larges pouvoirs coercitifs. Elles disposent de leur propre service de renseignement, la DNRED, et s'appuient sur un service d'enquête spécialisé, le service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF). Elles sont par ailleurs soumises à un droit particulier.

Les services de douane doivent disposer de moyens pour atteindre leurs objectifs. À l'horizon 2025, le Gouvernement entend démanteler ou entraver chaque année 100 filières criminelles, relever 32 500 infractions par an dans le fret express et postal, et scanner l'intégralité des colis postaux venant de pays non européens.

Nous examinons aujourd'hui, en commission des lois, le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces. Ce texte vise, d'une part, à mettre un terme à l'obsolescence marquée du code des douanes, qui n'a pas été actualisé depuis 1948, même après le traité de Maastricht et, d'autre part, à rendre l'article 60 du même code – celui qui prévoit les modalités d'exercice du droit de visite, c'est-à-dire la capacité de contrôler les marchandises, les moyens de transport et les personnes à des fins douanières – conforme à la Constitution, afin de faire cesser l'insécurité juridique provoquée par la décision rendue par le Conseil constitutionnel fin 2022. Cette décision a suscité un réel émoi et fait redouter un affaiblissement de la capacité de l'État à lutter contre les trafics et la criminalité organisée.

L'article 60 est la pierre angulaire sur laquelle repose l'efficacité de la douane, dans la mesure où il encadre les contrôles effectués par les douaniers, aux frontières comme à l'intérieur du territoire national. Le présent projet de loi vise à réarmer la douane, à réaffirmer son rôle à l'intérieur de nos frontières – il souligne ainsi l'impératif de protection du territoire face à des flux frauduleux en expansion –, à renforcer les prérogatives d'investigation des services et à adapter ces derniers aux transformations induites par les nouvelles technologies numériques.

Parce que les services de douane jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les trafics de toute nature, qu'il s'agisse des trafics de stupéfiants, d'armes ou de tabac de contrebande en France et dans l'Union européenne, et parce que nous sommes absolument convaincus de la nécessité de leur donner les moyens de faire face aux nouvelles menaces tout en modernisant le cadre d'action de l'administration des douanes, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de ce projet de loi.

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Je salue également les agents des douanes, qui accomplissent une mission essentielle de lutte contre les trafics.

Ce projet de loi comporte quelques dispositions non dénuées d'intérêt, à l'instar de l'article 2, qui tente de répondre à la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2022. Nous proposerons de l'améliorer encore : vous aurez ainsi l'occasion d'adopter un excellent amendement de ma collègue Sandra Regol.

D'autres dispositions, en revanche, font craindre un recul des libertés et de nouvelles atteintes à la vie privée. L'article 11, par exemple, prévoit – certes à titre expérimental, mais dans la perspective d'une intégration durable dans le droit français – de porter de deux semaines à quatre mois la durée de conservation des données issues des lecteurs automatiques de plaques d'immatriculation, et ce de manière indiscriminée. Certains ajouts du Sénat sont également, de notre point de vue, particulièrement inquiétants. Ainsi, l'article 11 bis vise à durcir considérablement la politique migratoire. Cette disposition est probablement un cavalier : elle n'a, à notre sens, rien à faire dans un texte relatif aux prérogatives des douanes.

Enfin, je ne résiste pas à l'envie d'évoquer l'article 7, même si notre commission n'en est pas saisie au fond. Cet article prévoit la mise en place d'une réserve opérationnelle « destinée à des missions de renfort temporaire des services de l'administration des douanes ». Nous nous interrogeons sur les missions concernées – peut-être dans le cadre des Jeux olympiques ? Après avoir fait adopter une réforme des retraites largement rejetée par les agents des douanes, le Gouvernement propose de mettre au travail les retraités pour pallier les insuffisances du recrutement. Quand bien même cela se ferait sur la base du volontariat, on voit bien que le Gouvernement essaie, une fois encore, de masquer le manque criant de moyens, en particulier humains, rappelé il y a quelques instants par M. Léaument. Nous voyons là une forme de cynisme et un nouvel exemple de la dérive austéritaire. Après l'hôpital, l'école et la police, voilà que les douanes en sont frappées ! Nous serons très vigilants à ce sujet, et nous nous opposerons à l'article 7.

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Ce projet de loi est très attendu par tous les agents des douanes. Il ne fait aucun doute que nos services de douane doivent disposer de pouvoirs encadrés, mais spécifiques à leurs missions, afin de protéger le territoire français et européen des menaces que font peser sur lui les organisations criminelles.

Cette année encore, la douane a affirmé son rôle central d'administration des frontières, en assurant les contrôles nécessaires à la protection de notre territoire, de notre économie et de nos concitoyens. Rien qu'en 2022, plus de 104 tonnes de stupéfiants et près de 650 tonnes de tabac de contrebande ont été saisies, 11 millions de contrefaçons ont été détruites, 2 500 manquements aux obligations déclaratives dans le cadre de mouvements d'argent liquide ont été relevés, pour un montant supérieur à 4 millions d'euros, 1 135 armes ont été saisies et 423 constatations portant sur des espèces protégées ont été dressées.

Ces quelques données parcellaires suffisent à démontrer l'utilité et l'efficacité des douanes dans la protection de nos concitoyens. Cette administration dispose d'une capacité spécifique à agir rapidement et efficacement, sur le fondement d'un code des douanes agile visant le contrôle des marchandises et non des personnes. À ce titre, nos douaniers doivent disposer d'un droit de visite certes encadré et respectueux des droits des personnes, mais suffisamment large et souple pour leur permettre de vérifier la conformité des produits et marchandises transportés. Sans ce droit de visite adapté, l'action de nos douaniers serait drastiquement entravée et leur efficacité très relative.

Il me semble essentiel de rappeler ici que la douane, contrairement aux services de police et de gendarmerie, n'agit pas sur le fondement de plaintes préalables. Elle se doit de rechercher et détecter des fraudes potentielles, par nature fugaces et dissimulées. Son travail consiste à découvrir ces fraudes en flagrant délit, pour permettre à la justice de poursuivre les investigations sur le plan judiciaire. Nos douaniers sont ainsi parfaitement complémentaires des services de police et de gendarmerie. C'est à ce besoin, résultant de la censure de l'article 60 du code des douanes par le Conseil constitutionnel, le 22 septembre 2022, que nous devons répondre aujourd'hui.

Notre commission n'est saisie que d'une partie des articles de ce projet de loi, mais je tiens à saluer l'esprit global du texte, qui repose sur une recherche d'équilibre entre efficacité des contrôles et respect des libertés individuelles.

Je salue le toilettage et la réécriture globale de l'article 60 du code des douanes relatif au fameux droit de visite. Le texte adopté par le Sénat est équilibré et tient compte des impératifs de respect des libertés individuelles. Notre groupe y est pleinement favorable.

S'agissant des moyens des douanes, notre groupe souhaite appeler votre attention sur leur rayon d'intervention, que l'article 1er prévoit de ramener de 60 à 40 kilomètres. Nous comprenons la crainte d'une nouvelle censure du Conseil constitutionnel, mais cette diminution de 20 kilomètres du rayon d'intervention paraît surprenante dans un texte visant à renforcer la capacité d'action des douanes. Nous proposerons un certain nombre d'amendements à ce sujet.

Le projet de loi entend enfin créer une nouvelle catégorie d'agents, celle des agents de douane judiciaire. Cette mesure semble aller dans le bon sens afin de lutter contre la fraude. Certains membres de notre groupe proposeront cependant un meilleur encadrement de l'action de ces agents.

Permettez-moi de remercier les services des douanes de Montpellier et de Toulouse, qui m'ont apporté des éléments d'appréciation très utiles et permis de comprendre les difficultés auxquelles ils se trouvent confrontés pour exercer leurs contrôles, notamment sur le pont de Millau, un lieu de trafic bien connu dans notre pays.

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Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics

Je suis très heureux de m'exprimer pour la première fois devant votre commission, au sujet d'un texte important, que je qualifierai même d'historique puisqu'il s'agit du premier projet de loi consacré à la douane depuis 1965. Ce texte est essentiel pour l'action de nos douaniers : je remercie tous les intervenants qui ont insisté sur ce point, notamment Mme Agresti-Roubache, M. Latombe et M. Lemaire.

Sur 17 000 douaniers, 8 000 agents sont affectés à la surveillance. Ils obtiennent des résultats exceptionnels, puisque plus de 70 % des stupéfiants saisis dans notre pays le sont par les douaniers – vous conviendrez que leur efficacité est absolument remarquable. L'an dernier, plus de 11 millions d'articles de contrefaçon ont été retirés du marché, tandis que 105 tonnes de stupéfiants et 650 tonnes de tabac ont été saisies – un chiffre à comparer aux 200 tonnes de tabac saisies en 2017.

Cette augmentation très forte et très préoccupante révèle non seulement la plus grande efficacité de nos services de douane, mais également un accroissement des trafics. On a vu l'an dernier, pour la première fois dans notre histoire, des usines clandestines de cigarettes de contrefaçon en activité sur le sol français. Dans les hangars de chacune de ces usines étaient produites 1 à 2 millions de cigarettes par jour : cela montre l'étendue de la menace à laquelle nous faisons face et la nécessité que nos douaniers puissent agir.

Nous pouvons nous retrouver autour de ce texte fondamental, qui permettra tout simplement aux douaniers de poursuivre leurs missions. Le fait est que le Conseil constitutionnel, dont je sais qu'il est particulièrement respecté dans votre commission, a décidé de nous donner un an pour réécrire l'article 60 du code des douanes. Que cela soit très clair : sans texte, à partir du 1er septembre prochain, les douaniers ne pourront plus ouvrir un seul coffre de voiture ni exercer leur droit de visite. De même, en votant un texte déséquilibré qui comporterait le risque d'une nouvelle censure, nous fragiliserions l'accès des douaniers à cette prérogative essentielle qui leur permet d'agir. Aussi l'administration des douanes a-t-elle travaillé pendant des mois avec le Conseil d'État, en associant les organisations syndicales et des douaniers de terrain, pour aboutir au projet de loi le plus équilibré possible. Il respecte évidemment les libertés individuelles et comporte les garanties demandées par le Conseil constitutionnel, tout en veillant à ne pas mettre de bâtons dans les roues des douaniers.

Monsieur Sabatou, votre intervention laisse à penser que chaque douanier souhaitant exercer son droit de visite devrait désormais prouver qu'il a des raisons plausibles de suspecter une infraction. Ce n'est pas du tout ce que prévoit le nouvel article 60, qui apporte trois changements à la législation existante.

Tout d'abord il codifie une jurisprudence qui, dégagée depuis plusieurs années par la Cour de cassation, notamment sur le caractère contradictoire du contrôle, est donc déjà respectée par nos douaniers.

Les principes d'intervention de la douane dans le rayon de nos frontières ne sont pas modifiés. Ce n'est que dans la profondeur du territoire, un endroit où agit également la douane française – il s'agit là d'une spécificité par rapport à beaucoup d'autres pays –, que les interventions devront être soit justifiées par des raisons plausibles de suspecter une infraction douanière, soit menées après en avoir informé le procureur de la République. Je parle bien d'une information du procureur, non d'une autorisation qui aurait entraîné un changement de logique et une rupture d'efficacité de l'action de nos douaniers. Sur les routes secondaires, des contrôles continueront évidemment d'être menés dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui ; ils seront simplement précédés d'une information du procureur de la République, par tout moyen. Nous avons tout fait pour que l'effectivité des prérogatives de nos douaniers soit la moins affectée. Cependant, un encadrement a été demandé par le Conseil constitutionnel : nous devons nous y plier.

S'agissant enfin de l'établissement d'un procès-verbal, nous transposons dans le code des douanes un dispositif existant aujourd'hui dans le code de procédure pénale. Un procès-verbal ne sera pas distribué à chaque opération de contrôle, comme vous semblez le craindre. C'est à la demande de la personne ayant fait l'objet d'un contrôle, si ce dernier s'avère négatif, qu'un tel document pourra lui être remis. Il en est de même lorsqu'un contrôle est effectué en l'absence de la personne concernée. Vous redoutez que ce procès-verbal donne aux trafiquants ou aux réseaux des informations relatives aux motivations du contrôle. Tel ne sera pas le cas : il ne visera qu'à laisser une trace.

Monsieur Léaument, les douaniers utilisent déjà des drones, mais la législation actuelle ne leur permet pas de le faire pour lutter notamment contre le trafic de tabac. Ainsi, lorsqu'un drone repère un transport de marchandises prohibées, que les trafiquants sont interpellés et que les douaniers s'aperçoivent alors que les produits transportés ne sont pas des stupéfiants ou des marchandises contrefaites, mais du tabac, toute la procédure peut tomber. Vous conviendrez qu'il faut remédier à cette lacune.

J'en viens à vos remarques relatives aux contrôles migratoires. Indépendamment des gardes-frontières, qui agissent en vertu du code Schengen en vigueur depuis près de vingt ans, quelque 1 500 douaniers effectuent des contrôles d'identité dans notre pays. Vous dites que les douaniers ne sont pas là pour contrôler les personnes : il est vrai que la priorité est au contrôle des marchandises, mais vous admettrez que ces dernières sont généralement transportées par des personnes !

Vous avez comparé les effectifs des services de douane français avec ceux de nos voisins, notamment allemands. Je ne suis pas sûr que l'indicateur pertinent soit le nombre d'agents rapporté à la population. Il faut surtout prendre en compte les flux commerciaux et la part de ces échanges dans l'économie du pays ; or ils sont beaucoup plus nombreux en Allemagne, même si j'espère que la France rattrapera ce retard dans les années à venir. Surtout, les missions des douanes française et allemande ne sont pas le mêmes. En Allemagne, tous les douaniers ont le statut d'officier de police judiciaire (OPJ) et peuvent donc exercer des prérogatives que n'ont pas les douaniers français, notamment la conduite d'enquêtes judiciaires en matière de stupéfiants. En outre, leur compétence est étendue à la lutte contre le travail illégal : ainsi, 10 000 à 15 000 douaniers allemands réalisent une partie du travail effectué par notre Urssaf. Les comparaisons faites avec l'Italie sont tout aussi malvenues, car nos deux douanes nationales ne remplissent pas les mêmes missions.

Monsieur Lucas, vous avez émis des réserves quant à l'extension de l'expérimentation menée sur les Lapi. Je tiens à défendre ce dispositif dont nous avons besoin, notamment dans le cadre de la lutte contre le trafic de tabac, lequel constitue une plaie pour la santé des Français, pour leur sécurité – il finance des trafics beaucoup plus dangereux – et pour le réseau des buralistes qui subissent l'augmentation du prix du paquet en même temps que l'explosion de la contrebande. C'est pour eux une double peine : nous leur devons donc une lutte implacable contre le trafic de tabac sur notre sol.

Aujourd'hui, des services douaniers dotés de lecteurs automatiques scannent des plaques d'immatriculation et les confrontent au fichier des véhicules volés. S'ils s'aperçoivent que deux plaques d'immatriculation circulent régulièrement – par exemple chaque semaine – à proximité l'une de l'autre, ils pourront suspecter l'organisation de convois constitués d'un véhicule ouvreur et d'une voiture suiveuse et transportant des marchandises prohibées. Cela leur permettra de mieux cibler leurs interventions. Je vous assure que les douaniers sur le terrain attendent impatiemment l'expérimentation de ce dispositif.

Vous m'avez demandé quelles missions exercerait la réserve opérationnelle de l'administration des douanes. Vous avez d'ailleurs indiqué qu'elle serait constituée de retraités, ce qui n'est pas exact. Il pourra évidemment y avoir des retraités désireux de continuer de soutenir les douaniers, mais ils ne seront pas les seuls. De même que des douaniers font actuellement partie de la réserve opérationnelle de la police nationale, j'aimerais que des policiers puissent également être réservistes dans la douane, dans une logique de partage de compétences, d'expériences et de cultures.

Effectivement, la réserve opérationnelle des douanes, comme il en existe déjà dans la police et la gendarmerie, pourra être mobilisée dans le cadre d'événements particuliers entraînant un pic d'activité, tels que les Jeux olympiques. De même, si l' Ocean Viking accoste dans le sud de la France, les douanes seront amenées à assurer l'accueil et le tri des passagers : nous pourrions alors utiliser la réserve.

La création de cette dernière servira enfin à attirer des compétences nouvelles auprès des douaniers, qui peuvent être amenés à saisir des cryptomonnaies et ont donc besoin de comprendre le fonctionnement de ce mécanisme. Des spécialistes des cryptoactifs travaillant dans le secteur privé ont envie d'aider leur pays, pendant leur temps disponible, en faisant profiter les douaniers de leur expertise : la réserve opérationnelle fournira un cadre juridique permettant d'organiser leur intervention.

Nous pouvons nous retrouver très largement autour du soutien à nos douaniers. Chacun aura compris que l'adoption de ce texte est absolument essentielle pour qu'ils puissent continuer à agir et à protéger les Français.

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Monsieur Sabatou, il ne s'agit pas de placer les douaniers sous la tutelle des procureurs : le nouvel article 60 du code des douanes crée un régime d'information, non d'autorisation. La commission des lois veille évidemment à ne pas aller à l'encontre des décisions du Conseil constitutionnel.

Soyez rassuré, monsieur Léaument : le contrôle du fret n'étant pas exclu des missions de la douane, il demeure possible.

Monsieur Lucas, je ne pense pas que l'article 11 bis soit un cavalier, puisqu'il est passé sous les fourches caudines du contrôle de recevabilité au Sénat.

Monsieur Morel-À-L'Huissier, je m'associe à vos propos soulignant l'utilité et l'efficacité des douanes, également saluées par de nombreux intervenants.

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Ma première question, qui m'a été suggérée par les échanges que nous avons eus avec la direction des douanes, porte sur le statut des gares de bus, dès lors qu'il est précisé que les douanes peuvent intervenir dans les lieux internationaux : qu'en est-il à cet égard des « bus Macron », dont certains réalisent essentiellement des trajets intérieurs ?

Par ailleurs, les trophées de chasse d'espèces protégées ne relèvent pas du périmètre de la loi et, comme me l'ont indiqué plusieurs douaniers, la France continue à accorder des permis pour des espèces protégées. Notre pays est ainsi le sixième plus gros importateur de spécimens d'espèces protégées morts et destinés à décorer les murs de personnes qui peuvent dépenser des sommes faramineuses pour l'extermination d'espèces en voie de disparition dans des pays lointains. Bien que cela soit encadré à la fois par le droit de l'environnement et par celui des douanes, un projet qui se présente comme une rénovation des douanes en vue de la douane du futur devrait aller un peu plus loin dans l'interdiction formelle de l'importation de ces espèces.

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Gabriel Attal, ministre délégué

Les gares routières ouvertes au trafic international figurent bien dans le champ des prérogatives étendues de la douane. Ce n'est pas le cas, en revanche, des gares routières qui n'offrent pas de trafic international. La liste sera publiée dans un arrêté que je signerai.

Pour ce qui est des importations de viande d'espèces protégées, la douane procède à des contrôles au titre de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites). Ces contrôles très pointus et très difficiles à mener donnent lieu à des échanges réguliers avec les ONG à propos de l'importation de viande de brousse, véritable fléau auquel sont confrontés les douaniers. Nous prévoyons de présenter en septembre un plan d'action consacré plus largement aux espèces protégées, question à laquelle nous sommes très attentifs et sur laquelle nous continuerons à travailler.

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Ce texte est fondamental car il nous faut absolument, comme l'a dit à très juste titre M. le ministre délégué, conserver à la douane des moyens d'action spécifiques et, dans le même temps, rappeler progressivement les règles élémentaires de protection des libertés individuelles. Vous avez dit, monsieur le ministre délégué, qu'il n'y avait pas eu de texte à ce propos depuis les années 1960, mais des évolutions sont intervenues, comme la loi de 2009 modifiant l'article 215 du code des douanes – il était alors possible, en effet, de saisir des marchandises dont l'origine ne pouvait être justifiée, ce qui constituait un délit douanier rétroactif et a provoqué une vive réaction de la part du Conseil constitutionnel. Dans le contexte de l'aller-retour permanent entre, d'une part, la spécificité nécessaire du code des douanes et des pratiques douanières et, d'autre part, la protection des libertés individuelles, le texte qui nous est soumis répond à une logique absolue et nous ne pouvons que le soutenir, quitte à vérifier certains points de son application dans le détail.

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Quelles sont ces nouvelles menaces ? Elles ne sont jamais définies. De fait, chaque titre des projets de loi du Gouvernement mérite que l'on s'y arrête.

Par ailleurs, les chiffres évoqués à propos des stupéfiants me suggèrent deux réflexions. Tout d'abord, on voit ce qu'on regarde et, dès lors que nous demandons aux douaniers d'être particulièrement mobilisés à cet égard, les saisies augmentent – et c'est heureux –, mais cela ne signifie pas qu'il y ait davantage de stupéfiants en circulation. Se pose ensuite la question de l'efficacité de cette politique de prohibition, au vu notamment des volumes de saisies que vous avez évoqués. J'espère que nous pourrons un jour nous interroger à ce propos. Il conviendrait, en outre, de zoomer tout particulièrement sur la question du trafic d'armes.

Enfin, le texte présente le même flou que l'article censuré par le Conseil constitutionnel et s'expose donc, de notre point de vue, à la même censure ; aussi défendrons-nous des amendements très constructifs qui visent à préciser, resserrer et cadrer l'action des douaniers.

Reste, bien évidemment, la question des moyens humains, car le cerveau humain est ainsi fait qu'il peut traiter plus de complexité que certains outils ou gadgets technologiques.

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Gabriel Attal, ministre délégué

Il existe en effet de nouvelles menaces : l'explosion des cryptomonnaies et leur utilisation pour le blanchiment – l'article 13 prévoit que les actifs numériques pourront relever du délit de blanchiment douanier –, ainsi que l'essor du e-commerce, avec tout ce qu'il charrie en termes de fraude à la TVA et de dropshipping – livraison directe. Quant au trafic de stupéfiants, il a toujours existé, mais tous les échanges que j'ai avec les douaniers confirment que les méthodes utilisées par les trafiquants évoluent beaucoup. On assiste ainsi à une explosion de la criminalité portuaire, observée dans notre pays après l'avoir été dans plusieurs autres, et à l'apparition de nouvelles méthodes. De fait, l'échouage sur plusieurs plages françaises de pains de cocaïne, dont se sont étonnés plusieurs articles de presse ces dernières semaines, s'explique par un phénomène nouveau : des trafiquants jettent dans l'océan des pains de stupéfiants équipés de balises numériques permettant à d'autres trafiquants de venir les chercher en hors-bord.

Il est très important de permettre à nos douaniers de faire face à ces évolutions avec de nouveaux moyens et de nouvelles prérogatives. C'est aussi l'objet de ce texte.

Avant l'article 1er

Amendement CL115 de M. Jordan Guitton.

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Cet amendement vise à ajouter un objectif de renforcement de la surveillance douanière sur l'ensemble du territoire.

La commission rejette l'amendement.

Article 1er (art. 44, 45, 213 et 214 du code des douanes) : Modifications relatives à la zone terrestre du rayon des douanes

Amendements CL21 de M. Michaël Taverne, amendements identiques CL34 de M. Xavier Breton et CL137 de M. Romain Baubry, amendements CL118 de M. Jordan Guitton, CL45 de M. Antoine Léaument, CL122 de M. Xavier Breton, CL66 de M. Alexandre Sabatou, CL35 et CL123 de M. Xavier Breton et CL138 de M. Romain Baubry (discussion commune).

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L'amendement CL21 vise à porter à 60 kilomètres la zone terrestre du rayon des douanes, qui s'étend, en l'état du droit, jusqu'à une ligne terrestre tracée à 20 kilomètres du littoral ou d'une frontière terrestre. Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre délégué, l'efficacité du dispositif, réelle à la frontière, doit également se manifester en profondeur. Les Hollandais et les Belges ont constaté un phénomène de glissement, et ce qui se produisait dans ces pays se produit désormais aussi en France.

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Dans le même esprit, l'amendement CL34 vise lui aussi à inscrire dans la loi l'extension de ce rayon de 40 à 60 kilomètres, afin d'assurer l'efficacité opérationnelle de nos services douaniers.

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L'amendement CL137, identique, tend en effet à fixer par la loi à 60 kilomètres la zone d'intervention des douanes, comme il était possible de le faire par arrêté avant que cette possibilité soit supprimée par le texte. Il convient en effet d'élargir le périmètre d'action de nos douaniers.

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Le droit actuel fixe à 20 kilomètres le rayon de la douane et permet de l'étendre à 60 kilomètres par arrêté du ministre. Le projet de loi prévoit de supprimer cette possibilité d'extension, en fixant la zone d'intervention à 40 kilomètres, soit un moyen terme entre la distance minimale de 20 kilomètres et la distance maximale qui pouvait être définie par arrêté ministériel.

Le désir de couper la poire en deux n'est pas une raison valable. Du reste, d'autres amendements ont été déposés pour fixer la distance à 50 kilomètres : il faudrait que nous puissions discuter de la bonne distance. Le rayon de 60 kilomètres que nous proposons répond à la recommandation des douaniers de Sud Solidaires, et il semble en effet logique que le rayon de la douane soit plus profond, car cela augmente les chances de rattraper les go fast qui, comme leur nom l'indique, vont vite.

Je vous prie par ailleurs de nous excuser, car nous devons nous absenter quelques minutes pour aller voter dans l'hémicycle contre l'accord de libre-échange avec le Mercosur, le Marché commun du Sud. Nous reviendrons ensuite entendre les réponses aux questions que nous avons posées.

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Mon amendement CL122, de repli, est destiné à entretenir le débat sur cette question.

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La zone de 20 kilomètres a été définie à une époque où l'on se déplaçait en calèche et à cheval. Les douaniers s'étaient ménagé une certaine profondeur pour agir mais, à l'heure des trains à grande vitesse et des automobiles, il semble important de maintenir une zone de 60 kilomètres.

Je rappelle par ailleurs que le Conseil constitutionnel n'a pas remis en cause l'article du code des douanes consacré à cette question. Il n'y a donc pas lieu de laver plus blanc que blanc : conservons les acquis des douaniers.

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Alors que les amendements précédents portaient sur la distance entre le littoral et la ligne tracée pour définir la zone terrestre, l'amendement CL35 vise quant à lui à définir la distance entre la frontière terrestre et la ligne qui serait tracée à 60 kilomètres. Quant à l'amendement CL123, il est de repli.

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Les amendements que nous déposons répondent à une demande des douaniers, qui craignent de voir raccourcir leur périmètre d'action.

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Pour ce qui concerne la profondeur de la zone terrestre du rayon des douanes, la prudence est de mise. Comme l'a rappelé le ministre délégué, au-delà de la limite fixée, le droit de visite de la douane peut toujours s'exercer, mais dans des conditions différentes et encadrées. Il n'y a donc pas lieu de dire qu'il y a plus de droit de visite possible au-delà de cette limite : je tiens à rassurer nos collègues à cet égard.

Si, par ailleurs, le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur cette disposition, c'est parce qu'il n'en a pas été saisi. Il s'agit donc de trouver un équilibre tenant compte des moyens d'action dont les douaniers ont besoin et de la censure du droit de visite par le Conseil constitutionnel, qui se justifiait par le défaut d'encadrement et qui nous oblige précisément à encadrer la pratique. Je rappelle, à ce propos, que le texte prévoit que les contrôles s'appliquent selon un double cadre : géographique, le système actuel étant conservé dans un rayon fixé à 40 kilomètres ; fonctionnel au-delà de cette distance, sous réserve que les motifs en soient exposés ou, pour certaines infractions, que le procureur en soit informé.

Cette distance de 40 kilomètres est déjà importante à l'échelle de l'Hexagone, et il faut y ajouter les aéroports et les ports ouverts à l'international, les gares routières et les gares en général, les péages, les lignes ferroviaires et les sections autoroutières, soumis à un droit de visite général selon le même régime que dans le rayon des douanes. Partout ailleurs, je le répète, le droit de visite, le contrôle en profondeur, est possible, que ce soit le long de la D117 pour M. Léaument, au péage de l'A5 pour M. Guitton, sur l'A40 pour M. Breton ou sur le parc d'activité des Baumes pour M. Baubry.

La seule différence entre, d'une part, le rayon des douanes et les lieux assimilés et, d'autre part, tout le reste du territoire tient au cadre d'intervention. Nulle part cependant l'action douanière ne sera exclue. Loin d'être fragilisée, cette action est, au contraire, sécurisée et garantie. Aller plus loin nous exposerait à une nouvelle censure.

J'émets donc un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.

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Gabriel Attal, ministre délégué

Le débat est d'importance. Chacun veut, avec ces amendements, pousser au maximum les leviers d'action de nos douaniers. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel nous demande d'encadrer davantage le droit de visite et indique qu'une des pistes principales pour le faire est de distinguer les lieux où s'effectue le contrôle. Aujourd'hui, la loi fixe le rayon des douanes à 40 kilomètres et permet au ministre de porter par arrêté cette distance à 60 kilomètres. Fixer d'emblée la distance à 60 kilomètres, comme y tendent certains amendements, ne serait pas un encadrement supplémentaire, mais reviendrait au contraire à aller plus loin encore que la législation censurée par la décision du Conseil constitutionnel. Ce ne serait pas là l'équilibre que nous recherchons.

En deuxième lieu, le nouvel article 60 et le nouveau droit de visite qu'il prévoit établissent une distinction plus nette entre les contrôles pratiqués dans le rayon des douanes et ceux qui le sont dans la profondeur du territoire.

Me déplaçant chaque semaine au contact des douaniers partout sur le territoire, j'ai des échanges avec eux et je connais leurs inquiétudes. Certains d'entre eux ont ainsi pu craindre que le nouvel article 60 ne leur permette de continuer à exercer leur droit de visite que dans le rayon de la frontière, mais ne le leur permette plus dans la profondeur du territoire. Or, ce droit, ils pourront continuer à l'exercer dans les mêmes lieux et dans les mêmes conditions qu'auparavant, mais si c'est au-delà du rayon de la frontière, ils devront informer le procureur de la République avant de programmer ou de lancer le contrôle, ou devront invoquer des motifs préalables.

L'action reste donc la même partout : ce qui change, c'est le cadre d'intervention juridique, selon que l'intervention se déroule dans le rayon de la frontière ou en dehors. Il est donc important de nous en tenir à cette zone de 40 kilomètres pour des raisons d'équilibre, sous peine d'exposer le texte à une nouvelle censure.

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Bien que ni moi, ni les autres députés écologistes n'ayons déposé d'amendements sur ce point, nous nous sommes interrogés sur cette limite de 20, 40 ou 60 kilomètres, qui, très peu fondée scientifiquement, supposerait peut-être une période d'expérimentation préalablement à toute fixation d'un chiffre. Je suis pour ma part élue d'un territoire couvert à 75 % par la zone des 40 kilomètres, entre l'Allemagne et la Suisse. Se pose cependant la question de la légitimité et du caractère pratique de ces 40 kilomètres. Nous pourrions donc y réfléchir à la faveur d'une expérimentation qui permettrait au corps des douanes d'évaluer la pertinence de cette distance et nous éviterait de jouer entre nous au Pictionary pour savoir quel est le nombre de kilomètres qui convient.

Enfin, madame la rapporteure pour avis, le droit de visite existe toujours, certes, mais il est désormais très encadré et, lorsqu'il faudra agir vite, la distance retenue ne sera pas suffisante, car une énorme partie du territoire français ne sera plus concernée – c'est précisément l'enjeu de ce projet de loi.

Nous devons pouvoir envisager tous les cas de figure et, même si je n'étais pas favorable à cette zone de 60 kilomètres, je plaide pour qu'un temps d'expérimentation nous permette de fixer au mieux la distance appropriée.

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Monsieur le ministre délégué, vous avez dit que ce texte était historique, important et essentiel, et je souscris à ce jugement car les douaniers, eux, nous ont dit que les organisations criminelles s'organisaient de plus en plus : par conséquent, si notre dispositif présente une faille dans la profondeur, elles s'y jetteront, nous mettant en difficulté.

Le Conseil constitutionnel n'a pas retoqué cette profondeur de 60 kilomètres et je ne pense pas que cette distance, qui reste dans une fourchette raisonnable, soit abusive ou porte atteinte aux libertés individuelles.

Pendant des années, nous n'avons pas écouté les professionnels de la sécurité. Or n'oublions pas que les douaniers, même s'ils appartiennent à un autre ministère, remplissent des missions de sécurité, notamment face au terrorisme – je ne l'ai pas souvent entendu dire durant la discussion générale. Nous devons avoir un temps d'avance pour ne pas nous trouver, à l'avenir, dans une situation dramatique. Écoutons les professionnels, pour qui un rayon de 60 kilomètres représente une fourchette raisonnable qui leur permettrait d'intervenir plus sereinement.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL22 de M. Michaël Taverne.

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Il s'agit en quelque sorte d'un amendement de repli par rapport à mon précédent amendement CL21. S'il est pertinent de porter à 40 kilomètres la zone terrestre du rayon des douanes, il est regrettable de supprimer la possibilité de l'étendre à 60 kilomètres en cas de nécessité. L'amendement tend donc à conserver le cadre de l'article 44 du code des douanes, car cette possibilité peut se révéler très utile.

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Déléguer au pouvoir réglementaire la possibilité d'étendre ce périmètre est inconstitutionnel, comme l'atteste la décision n° 93-323 DC du Conseil constitutionnel. Avis défavorable, donc.

La commission rejette l'amendement.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 1er non modifié.

Article 2 (art. 60, art. 60-1 à 60-10 [nouveaux], art. 65 B et 67 bis du code des douanes, art. L. 112-24 du code du patrimoine, art L. 251-18, L. 251-18-1, L. 936-6 et L. 951-18 du code rural et de la pêche maritime et art. L. 80 J du livre des procédures fiscales) : Mise en conformité du droit de visite douanière

Amendement de suppression CL10 de M. Fabien Di Filippo.

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L'amendement tend à supprimer l'article 2, qui affaiblit considérablement les pouvoirs des agents des douanes indispensables au bon exercice de leurs fonctions. Le rayon de 60 kilomètres n'était pas excessif et nous pouvons trouver des moyens légaux de le préserver sous cette forme ou sous une autre, en tout cas de limiter les autorisations judiciaires nécessaires pour procéder aux contrôles. Comme l'a dit le ministre délégué, les douanes représentent aujourd'hui 80 % des saisies et effectuent un travail considérable. Le changement législatif risque d'avoir des conséquences sur les trafics, notamment de stupéfiants.

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Vous pouvez contester la décision du Conseil constitutionnel selon laquelle le droit de visite n'était pas assez encadré, mais le législateur ne peut pas ne pas en tenir compte. Un équilibre s'est opéré entre les différents éléments de l'article 60 – d'un côté, le respect des libertés et, de l'autre, la capacité opérationnelle des douaniers à effectuer leurs contrôles.

Si vous ne me croyez pas, je vous invite à croire au moins le Conseil d'État, qui a émis un avis favorable à cet équilibre, ou nos collègues sénateurs, à qui vous accorderez peut-être plus de crédit et qui l'ont expressément reconnu. Votre amendement serait contre-productif car, en supprimant l'article, vous priveriez la douane de tout moyen d'action pour contrôler les marchandises, les véhicules et les personnes. En effet, si nous ne légiférons pas, le droit de visite disparaîtra au 1er septembre. Je ne crois pas que ce soit ce que vous recherchez. Avis défavorable.

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Gabriel Attal, ministre délégué

Même avis.

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Je ne vois pas comment la réduction du périmètre d'action de la douane pourrait résoudre le problème des libertés individuelles, ni pourquoi les trafics seraient moins intenses au-delà de 40 kilomètres des frontières. Nous sommes aujourd'hui confrontés à une recrudescence de tous ces trafics, et les chiffres fournis à propos des stupéfiants et du tabac montrent que plus les prix montent, plus ces trafics sont endémiques. Faire du périmètre de contrôle l'alpha et l'oméga du respect des libertés individuelles ne me semble pas être la solution.

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Pour notre part nous nous opposerons à cet amendement car, par définition, si l'on supprime l'article, il n'en reste plus rien. Or il faut tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel. Nous préférons donc améliorer l'article 2, et nous ne saurions suivre M. Di Filippo.

Votre objectif est d'éviter que le texte soit de nouveau censuré par le Conseil constitutionnel. À cet égard, vous pouvez écouter les Insoumis, qui font un travail sérieux en matière de respect des droits individuels et des dispositions constitutionnelles – quand bien même nous sommes opposés à la Constitution de la Ve République…

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'amendement rédactionnel CL147 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

Amendement CL3 de M. Fabien Di Filippo.

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Cet amendement de repli vise à supprimer les alinéas 7 à 12, qui définissent le périmètre d'intervention des douanes. Le fait que nos collègues Insoumis soient favorables au texte montre bien l'affaiblissement des pouvoirs de police et de contrôle dont il est porteur, et donc le danger qu'il représente pour la sécurité de nos concitoyens.

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Une fois encore, je suis surprise, car vous souhaitez, en définitive, supprimer les alinéas qui créent un article 60-1 dans le code des douanes, consacrent le droit de visite sans motif particulier et définissent les zones et les lieux concernés. Ce faisant, vous mettez aussi à mal les dispositifs qui se rattachent à cet article – les visites ne nécessitant pas de motif, celles qui en requièrent un et celles dont le procureur doit être informé. L'articulation de ces précisions, à la fois géographiques et fonctionnelles, garantit l'équilibre du système et permet, à nos yeux, de se conformer à la décision du Conseil constitutionnel. Avis défavorable.

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Gabriel Attal, ministre délégué

Même avis.

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Au motif que nous sommes des Insoumis, nous serions des « zinzins », incapables de défendre l'intérêt de l'État. C'est une erreur fondamentale, monsieur Di Filippo. Nous sommes les seuls, me semble-t-il, à proposer le doublement des effectifs des services des douanes. La politique de votre ami M. Sarkozy, quant à elle, avait abouti à leur diminution, avec la révision générale des politiques publiques (RGPP) et le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Ce sont donc vous et vos amis qui mettez à mal les services publics en supprimant des postes de fonctionnaires. À l'inverse, nous voulons augmenter les pouvoirs des douanes en accroissant les moyens humains dont ils disposent.

Dès lors que 8 000 agents des douanes réalisent 70 % des saisies de stupéfiants, nous considérons qu'il vaut mieux augmenter le nombre de douaniers et s'emparer de ces produits à la source, plutôt que d'envoyer des policiers contrôler les points de deal, c'est-à-dire intervenir à la toute fin de la chaîne, ce qui ne permet pas de s'attaquer aux « gros bonnets ». Nous voulons faire en sorte que les stupéfiants n'arrivent pas sur notre territoire – et il en va de même pour les armes. Il faut augmenter le nombre des douaniers, car ils sont efficaces ; nous ne cesserons de le dire. Sur ce sujet, vous devriez écouter les Insoumis.

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Je laisse à M. Léaument le terme « zinzins ». Les Insoumis ne sont pas fous du tout ; leur stratégie en matière de sécurité est tout à fait calculée, au contraire. Dans leur conception, la balance entre les libertés individuelles et la sécurité collective penche dans un sens que je n'approuve pas.

Madame la rapporteure pour avis, vous dites que les alinéas que je propose de supprimer consacrent les possibilités de contrôle. Pour ma part, j'estime qu'ils en restreignent trop le champ. Nous aurons de très mauvaises surprises quand ce texte entrera en application. Je sais bien que ce n'est pas la faute du Gouvernement, qui doit répondre à une décision du Conseil constitutionnel, mais j'aurais aimé que l'on trouve d'autres moyens de résoudre le problème.

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Nous avons bien compris que nous étions sur la corde raide : nous devons voter pour que, le 1er septembre, les douanes puissent poursuivre leur action. Les amendements de M. Di Filippo ont pour objectif de provoquer la discussion. Il n'en ressort pas moins de nos rencontres avec les douaniers et l'administration que le recours à la notion de « raisons plausibles de soupçonner » n'est pas la bonne solution. Certes, elle répond à la demande du Conseil constitutionnel, mais créera de nombreux contentieux qui risquent d'entraîner l'annulation de certaines affaires.

Vous parlez de l'obligation d'informer le procureur, mais le texte précise que celui-ci peut s'opposer à la proposition des douanes. Je demanderai la suppression de cette disposition : le fait que les douanes fassent remonter les informations au procureur ne pose aucun problème, mais celui-ci n'a pas à donner son avis sur les missions des douanes, car ces services sont autonomes.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL148 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

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Cet amendement vise à revenir à la version initiale du projet de loi. Celle-ci faisait référence aux « abords » des lieux d'intervention des douanes. Les sénateurs ont préféré prévoir un rayon de 10 kilomètres, ce qui correspond à des zones extrêmement vastes : la ville de Paris tout entière se trouverait dans le rayon d'action des douanes, et il en irait de même pour les villes près d'un important port fluvial, puisque les ports sont concernés par la disposition.

La notion d'« abords » me paraît plus juste. Du reste, elle est d'ores et déjà définie dans le code de procédure pénale, où elle est utilisée dans le cadre des contrôles d'identité. Cette disposition est de nature à sécuriser l'action des douaniers et à répondre à la décision du Conseil constitutionnel, que certains collègues remettent en cause. Nous conservons un équilibre entre les libertés individuelles garanties par la Constitution, d'une part, et la capacité opérationnelle des douaniers, d'autre part.

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Gabriel Attal, ministre délégué

Avis favorable.

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J'anticipe la chute des amendements suivants une fois que celui-ci aura été adopté. Je comptais, pour ma part, proposer de faire passer le périmètre de 10 à 30 kilomètres. La notion d'« abords » risque d'introduire un flou juridique de nature à rendre plus difficile le travail des douaniers. De plus, selon le dictionnaire, le terme renvoie à l'idée d'une proximité immédiate. Vous aurez donc du mal à me convaincre, madame la rapporteure pour avis, que cela représente davantage qu'un rayon de 10 kilomètres.

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C'est une raison de plus de ne pas affaiblir juridiquement le texte en réintroduisant cette notion !

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Sur le plan juridique, la notion d'« abords » désigne les rues attenantes. Je vous confirme donc, monsieur Di Filippo, que cela ne va pas bien loin.

J'entends vos arguments, madame la rapporteure pour avis, mais, pour faire avancer les débats, nous pourrions trouver une solution de compromis consistant à différencier les grandes villes et le milieu rural : dans le cas des routes de campagne, un rayon de 10 kilomètres me semble parfaitement adapté à l'action des douanes.

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Moi aussi je m'interroge sur la notion d'« abords », qui est floue. Les services des douanes eux-mêmes sont circonspects. La distance de 10 kilomètres n'est peut-être pas adéquate, mais il serait dommage que des saisies de drogue soient invalidées en raison du caractère imprécis de la disposition.

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La notion d'« abords immédiats » figure déjà dans le code de la sécurité intérieure.

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La proposition consistant à étendre le rayon d'action à 30 kilomètres s'inscrit dans la continuité de vos précédents amendements, monsieur Di Filippo. J'y aurais été défavorable.

Madame Regol, la notion d'« abords » n'a rien de flou : elle existe déjà dans le code de procédure pénale, dans le code de la sécurité intérieure ainsi que dans le code des douanes, à l'article 67 quater. Selon une pratique constante, elle désigne les rues adjacentes.

Certains d'entre vous craignent que le droit de visite n'existe plus au-delà d'un certain périmètre, mais il n'en est rien : il pourra s'exercer s'il existe des « raisons plausibles de soupçonner » une infraction et, pour des infractions spécifiques, les douaniers pourront procéder à des inspections après en avoir informé le procureur – et non pas après avoir sollicité son autorisation. Le dispositif est donc robuste et opérationnel.

En ce qui concerne une distinction éventuelle entre territoires urbains et territoires ruraux, je laisserai le soin à M. le ministre délégué de répondre. Toutefois, une telle disposition me semble de nature à complexifier l'action des douaniers. Elle ne me paraît pas nécessaire.

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Gabriel Attal, ministre délégué

Comme dans les autres domaines, nous essayons de trouver le bon équilibre : il s'agit à la fois de permettre à nos douaniers d'agir efficacement et de donner des garanties suffisantes au Conseil constitutionnel.

Il n'y a pas lieu d'opposer les zones de frontière et le reste du territoire. Certes, dans les zones de frontière, du fait de la présomption d'infractions douanières plus importantes, le texte donne des prérogatives très étendues aux services – tout en intégrant les acquis de la jurisprudence –, mais les douaniers disposeront d'un cadre assez souple pour agir dans le reste du territoire. À cet égard, il est bel et bien prévu qu'ils informent le procureur, et non qu'ils reçoivent son autorisation.

Nous avons retenu la notion d'« abords » pour deux raisons. D'une part, si l'on établissait un rayon de 10 kilomètres, toute l'agglomération parisienne serait considérée comme une zone de frontière, en quelque sorte, sans limite d'action, ce qui ne nous semble pas respecter l'équilibre demandé par le Conseil constitutionnel. D'autre part, la notion d'« abords » est loin d'être floue. Elle est inscrite dans le code de la sécurité intérieure, à l'article 78-2 du code de procédure pénale et même à l'article 67 quater du code des douanes, qui concerne les contrôles migratoires. Elle désigne les rues adjacentes aux gares ferroviaires, aux gares routières ainsi qu'aux aéroports.

Pour ces raisons, il est très important de revenir à la rédaction initiale.

La commission adopte l'amendement.

En conséquence, les amendements CL4 de M. Fabien Di Filippo, CL30 de Mme Marie-France Lorho, CL23 de M. Michaël Taverne et CL120 de M. Jordan Guitton tombent, de même que l'amendement CL8 de M. Fabien Di Filippo.

Amendements CL53 de M. Antoine Léaument, CL81 de M. Éric Ciotti et CL121 de M. Jordan Guitton (discussion commune).

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Le syndicat Solidaires Douanes nous a alertés sur l'absence de référence aux axes routiers secondaires et tertiaires dans le texte, ce qui pourrait entraîner l'invalidation de certaines saisies. Cet amendement vise à corriger le tir. Certes, M. le ministre délégué nous a dit que ces axes étaient inclus, mais le fait de l'inscrire dans la loi ne coûte rien et nous garantit que ces axes seront bel et bien couverts.

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Le projet de loi revêt une très grande importance : il apporte une réponse – partielle, il est vrai – à la décision du Conseil constitutionnel. Celle-ci mettait gravement en danger l'action des douanes, qui est pourtant essentielle.

L'amendement CL81 vise à étendre le rayon d'action des douanes au réseau routier secondaire et aux routes nationales. Il s'agit ainsi de compléter le dispositif : dans la mesure où le rayon d'intervention a été étendu pour les autoroutes, le fait de ne pas inclure les axes secondaires et les routes nationales permettrait aux contrevenants d'y trouver refuge.

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Comme les autres amendements en discussion commune, l'amendement CL121 vise à élargir les contrôles aux axes secondaires, fréquemment utilisés par les délinquants. Si nous n'incluons pas ces axes, nous risquons de faciliter les trafics.

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En lisant ces amendements, on a le sentiment que les douanes ne pourront pas exercer leur droit de visite sur les réseaux secondaire et tertiaire. Or ce sera tout à fait possible, mais de manière encadrée – c'est l'objet des articles 60-2 et 60-3. Les douaniers pourront procéder à des inspections s'ils ont des raisons plausibles de suspecter une infraction ou s'ils sont à la recherche d'infractions bien précises, telles que le trafic de stupéfiants ou la contrefaçon.

J'ai eu la chance de faire un stage d'immersion auprès des douanes de l'Isère. Nous avons effectué un contrôle à la fois au péage de Voreppe et sur une départementale adjacente. Ce sera toujours possible après l'adoption du projet de loi. De même, les douaniers pourront procéder à des visites de véhicules sur la nationale 104 ou la départementale 117, à proximité de Sainte-Geneviève-des-Bois, monsieur Léaument.

Nous sommes tenus de limiter l'étendue de la zone d'intervention sans motif ni information du procureur, mais je le dis clairement : les douanes pourront agir sur les réseaux secondaire et tertiaire. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL54 de M. Antoine Léaument.

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Cet amendement, qui vise à englober le fret ferroviaire, participe à la sécurisation juridique nécessaire pour éviter une nouvelle censure du Conseil constitutionnel. Qui plus est, il s'agit de tenir compte du développement de la circulation des biens et des marchandises, lié notamment à l'accroissement totalement insensé du e-commerce.

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Parfois, à force de vouloir préciser un texte, on le rend moins lisible. En l'occurrence, le projet n'exclut en aucun cas les trains de marchandises. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL48 de M. Antoine Léaument.

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Il faut conserver un équilibre entre la nécessité de mettre au jour certains trafics et le respect des libertés individuelles. À cet égard, il convient de préciser les modalités d'action des douaniers. Il faut, en particulier, écarter tout risque de discrimination. Nous ne soupçonnons pas les douaniers d'être guidés par de tels motifs, mais il nous paraît important de l'inscrire noir sur blanc dans la loi. La même raison nous conduit à nous interroger sur la notion de « raisons plausibles de soupçonner ». Nous essaierons donc, par voie d'amendement, de donner au dispositif un caractère parfaitement objectif.

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La discrimination constitue une infraction pénale. Nous partageons votre objectif, mais il est inutile d'écrire dans la loi qu'il faut respecter la loi…

La formule « raisons plausibles de soupçonner » résulte des termes mêmes de la décision du Conseil constitutionnel.

Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

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Gabriel Attal, ministre délégué

Même avis.

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Le douanier ne choisit pas le contrebandier : il contrôle des marchandises. Cela dit, la notion de « raisons plausibles de soupçonner » risque de donner lieu à des contentieux fondés sur des raisons comme celle dont il est question ici : ce sera une aubaine pour les avocats, et de nombreuses procédures pourraient être annulées.

Des douaniers m'ont expliqué que certaines nationalités étaient surreprésentées dans des filières bien précises – on pense notamment aux pays d'Amérique du Sud. Les agents contrôlent les ressortissants de ces pays car ils savent qu'il y a plus de chances qu'ils transportent des marchandises prohibées. Il ne s'agit pas d'un délit de faciès ou de discrimination : le fait est que, pour trouver des marchandises, les douaniers utilisent des techniques de ciblage visant préférentiellement certaines personnes.

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D'où la nécessité d'adopter cet amendement ! On ne saurait préjuger du fait que certaines personnes doivent être davantage contrôlées que d'autres au motif qu'elles viennent de telle ou telle zone, de tel ou tel pays. Inscrire cela dans la loi poserait des questions majeures.

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Les vols internationaux ne sont pas soumis au régime des « raisons plausibles » : nous sommes dans le cadre des contrôles en zone aéroportuaire. Cela témoigne du fait que le système proposé est suffisamment robuste pour s'adapter aux contraintes opérationnelles.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL135 de M. Romain Baubry.

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L'année prochaine, notre pays accueillera un événement sportif majeur qui sera regardé dans le monde entier. L'objet de cet amendement est de permettre aux douaniers d'agir aux abords des infrastructures où se dérouleront les épreuves olympiques et des lieux où seront hébergés les athlètes. En effet, il y aura davantage de trafic de stupéfiants et de commerce illégal à proximité de ces sites, comme c'est déjà le cas lors de manifestations sportives de moindre ampleur.

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Modifier le code des douanes de façon pérenne pour un événement par nature ponctuel ne nous paraît pas opportun. En outre, l'ensemble de la ville de Paris serait concerné. Du reste, il n'y a pas forcément de lien direct entre une infrastructure utilisée pour les Jeux olympiques (JO) et l'action des douanes.

Par ailleurs, en tout état de cause, l'action des douanes est possible partout : ce sont juste les critères et les modes opératoires qui doivent s'adapter en fonction des zones.

Enfin, la loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 nous a déjà fourni les mesures de sécurité et de surveillance nécessaires. Avis défavorable.

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Gabriel Attal, ministre délégué

Y compris pendant les Jeux olympiques, l'enjeu principal pour les douanes sera davantage de contrôler les personnes arrivant sur notre sol par les ports et les aéroports que d'être présentes sur la plaque parisienne – même si des opérations y seront menées également.

Surtout, les JO entrent précisément dans le cadre défini par la nouvelle rédaction de l'article 60 du code des douanes. Comme il s'agit d'un événement se tenant dans un lieu et un temps déterminés, il suffira d'informer le procureur de la République en amont des contrôles : le droit de visite des douaniers pourra s'exercer sans aucune limite dès lors que les interventions auront été signalées au parquet.

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Il paraît difficile d'introduire une référence aux Jeux olympiques dès lors que l'on cherche à donner une portée générale au texte.

De surcroît, même si les équipements sont concentrés pour l'essentiel à Paris et en Seine-Saint-Denis, on trouve des sites dans de nombreuses régions de France. Les douaniers auront déjà beaucoup de travail, tout comme l'ensemble des services chargés de la sécurité, qui seront très nombreux sur les sites olympiques – ce qui provoque d'ailleurs un début de bronca compréhensible chez les maires. Si l'on élargit encore le périmètre d'intervention des douaniers pendant cet événement, on ne va pas s'en sortir.

Enfin, cette proposition traduit une conception étrange du sport.

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La préfecture de police de Paris, semble-t-il, a établi un partenariat avec le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques afin, notamment, de lutter contre ces trafics. Je redéposerai mon amendement en séance publique en supprimant la référence aux Jeux et en mentionnant, plus généralement, les compétitions sportives.

La commission rejette l'amendement.

Amendements identiques CL101 de M. Jocelyn Dessigny et CL5 de M. Fabien Di Filippo, amendements CL71 de M. Alexandre Sabatou et CL47 de M. Antoine Léaument (discussion commune).

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Le droit de visite prévu à l'article 60 du code des douanes est la prérogative à caractère administratif la plus déterminante de l'action de l'administration des douanes. Il permet aux agents, dont l'objectif est la recherche de la fraude douanière, de procéder à toute heure à la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes, sur la voie publique et sur l'ensemble du territoire douanier.

Grâce à ce droit, les agents douaniers peuvent valablement provoquer la flagrance, c'est-à-dire révéler une infraction qu'aucun élément extérieur ne permettait de soupçonner. La nécessité de caractériser la flagrance ou d'avoir des « raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction » pour agir revient à opérer un changement de paradigme. Les fonctionnaires ne pourront plus mener à bien leur mission car, par définition, l'infraction, comme les raisons plausibles qui lui sont attachées, ne se découvrent qu'au cours du contrôle de douane et non a priori.

Par ailleurs, dans notre droit, les personnes assujetties à une réglementation particulière – fiscale, par exemple – peuvent être contrôlées sans aucune raison objective de les suspecter.

Cet amendement d'appel tend donc à supprimer la condition des « raisons plausibles » préalables, afin de protéger l'action des douanes et l'objectif à valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions.

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Quelle est donc la nature de ces « raisons plausibles », qui viendraient limiter l'action de nos douaniers ? Hors le flagrant délit, cette notion ne me semble pas pertinente. De surcroît, elle peut introduire un risque juridique dans le cadre d'opérations de contrôle spontanées, dont nous savons combien elles sont fructueuses.

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Qui sera-t-il possible de contrôler, dans ces conditions, alors que les contrebandiers ressemblent de plus en plus à M. Tout-le-monde ?

De plus, pour découvrir de nouvelles filières d'importation de marchandises prohibées, les douaniers vont parfois contre leur instinct en visant par exemple un véhicule qu'ils n'auraient de prime abord jamais songé à contrôler… et ils font mouche. Quid, dès lors, des « raisons plausibles » ?

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Je propose de mentionner non des « raisons plausibles », formulation trop vague, mais des « raisons objectives », ce qui contribuera à sécuriser juridiquement les opérations des douaniers dans le cadre défini par le Conseil constitutionnel.

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Précisément, la censure du Conseil constitutionnel s'est exercée faute d'un cadre « tenant compte […] de l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction ».

Par ailleurs, cette formulation n'est en rien imprécise et figure déjà à l'article 78-2 du code de procédure pénale.

Enfin, contrairement à l'objectif visé, l'adoption de l'amendement CL71 reviendrait à restreindre la portée du dispositif en autorisant seulement le droit de visite « dans l'objectif d'empêcher la commission d'une infraction ».

Avis défavorable sur l'ensemble des amendements.

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Gabriel Attal, ministre délégué

À la suite de la décision du Conseil constitutionnel, une telle formulation offre une garantie essentielle. Elle figure également dans le code de procédure pénale, elle est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation – y compris s'agissant de l'action des douanes – et elle est également utilisée par la Cour européenne des droits de l'homme.

Les « raisons plausibles » rendent vraisemblable, aux yeux de tous, la commission d'une infraction. Ce peut être, par exemple, le refus d'un conducteur de rabattre son véhicule en vue d'un contrôle, comme je l'ai moi-même constaté à Lille, avec des douaniers que j'accompagnais. Il en a été de même lorsqu'ils ont soupçonné la présence d'une cache aménagée sous un camion.

J'ajoute que s'ils opèrent un contrôle sur une route secondaire hors du rayon de la frontière, le procureur de la République en sera informé préalablement, et que, même en cas d'absence de « raisons plausibles », d'éventuelles infractions ne manqueraient pas d'être poursuivies.

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Je comprends fort bien, mais des infractions seront constatées en dehors de toutes « raisons plausibles ».

Quant à faire état de « raisons objectives », cela reviendrait à interdire tout contrôle.

L'amendement CL71 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL149 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

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Le Sénat a souhaité supprimer la mention de la « tentative » de commission d'une infraction, la jugeant satisfaite. Je propose de la rétablir, car si elle est bien satisfaite pour les infractions douanières, il en va autrement pour les infractions non douanières qui sont dans le champ du droit de visite, dont, par exemple, les infractions en matière d'argent liquide. Sur un plan délictuel, la tentative est punissable comme infraction seulement si la loi le prévoit. Il s'agit, au demeurant, d'une mention qui est expressément prévue en matière de contrôles d'identité par le code de procédure pénale, dont l'article 78-2 prévoit qu'ils peuvent être faits s'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'une personne a commis « ou tenté de commettre » une infraction.

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Gabriel Attal, ministre délégué

Avis favorable.

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Soyons concrets. Nous présenterons un amendement en commission des finances concernant la présence d'argent liquide mais, en la matière, ce sont surtout les trafics financiers, de drogue et d'armes qui sont en cause et, dans ces cas-là, le contrôle permet de constater la commission d'une infraction et non une « tentative ».

Une telle mention, de plus, serait contradictoire avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : une condamnation n'est possible qu'en cas de non-respect de la loi, les actes condamnables étant précisément définis. Je ne suis pas certain de la constitutionnalité d'une telle disposition.

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Les infractions que vous visez figurent dans le code des douanes. La « tentative » concerne le commencement de l'exécution de l'infraction. De plus, il n'est pas question d'une condamnation, mais de l'exercice du droit de visite. Cette disposition ne porte en rien atteinte aux droits de l'homme.

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Le laxisme de M. Léaument semble sans borne... La « tentative » de commission d'une infraction ne permet pas de condamner, mais d'autoriser une fouille pour constater d'éventuels trafics qui tombent sous le coup de la loi. De ce point de vue, je suis en désaccord avec le Sénat. Les résultats obtenus par les douaniers sont éloquents. Il faut leur laisser faire leur travail.

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L'article 78-2 du code de procédure pénale dispose en effet qu'il est possible de procéder à un contrôle d'identité sur « toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner […] qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ». Il importe qu'il en soit de même dans ce nouvel article en matière délictuelle dans le cadre du droit de visite.

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Gabriel Attal, ministre délégué

La notion de « tentative » est en effet « canonique » dans le droit pénal.

Le code des douanes permet déjà que les délits douaniers couvrent la tentative, mais il nous paraît nécessaire qu'il en soit de même dans le cadre du droit de visite. Par exemple, si un douanier trouve 60 000 euros sur une personne, somme susceptible de constituer un délit de blanchiment – lequel n'est donc pas encore constitué –, cette mention permettra de poursuivre la procédure.

La commission adopte l'amendement.

En conséquence, l'amendement CL62 de M. Yoann Gillet tombe.

Amendement CL46 de M. Antoine Léaument.

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Le droit de visite s'accompagne d'une information préalable du procureur de la République, lequel peut s'y opposer. Nous voulons toujours garantir les droits de l'homme et les moyens d'action des douaniers.

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L'article 60-2 concerne le droit de visite en cas de soupçon de commission d'infraction. L'information du parquet, dans ce cas-là, n'est pas prévue, à la différence de l'article 60-3, qui prévoit un encadrement plus strict car aucun soupçon n'est requis pour intervenir. Votre amendement me semble aller trop loin et entraverait de façon excessive l'action de la douane. Avis défavorable.

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Gabriel Attal, ministre délégué

Une telle disposition alourdirait l'encadrement. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que Solidaires Douanes vous ait soufflé cet amendement. S'il était adopté, les douaniers devraient appeler le procureur de la République avant de pouvoir poursuivre un véhicule dont la fuite constitue une raison plausible de soupçonner une infraction douanière.

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Il importe de donner des garanties aux citoyens, ce qui d'ailleurs contribuera à sécuriser juridiquement les procédures. Le Conseil constitutionnel a censuré l'article 60 du code des douanes en raison du caractère disproportionné de ses dispositions.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL24 de M. Michaël Taverne.

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La plupart des saisies de stupéfiants effectuées par les douaniers relèvent de leur initiative, à partir d'éléments souvent anodins ; or les agents seront juridiquement sur le fil du rasoir et préféreront ne pas procéder à des contrôles s'ils risquent d'être mis en cause pour des atteintes aux libertés individuelles, la notion de « raisons plausibles » étant de surcroît difficile à définir. À moins de spécifier que leur « discernement reste prioritaire », les contrôles et les saisies diminueront.

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Dans le cadre des contrôles d'identité et de la visite des véhicules, les articles 78-2 et 78-2-3 du code de procédure pénale conditionnent déjà l'action des forces de l'ordre à des « raisons plausibles de soupçonner ». Cette notion n'est en rien imprécise et figure dans la décision du Conseil constitutionnel. Le discernement, enfin, fait partie intégrante du métier de douanier. Sans doute serait-ce leur faire injure que de laisser penser qu'ils n'en ont pas. Avis défavorable.

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Je ne remets pas en cause le discernement des agents, bien au contraire, puisque je souhaiterais qu'il soit valorisé. Des douaniers m'ont dit, à moi qui suis élu d'un territoire frontalier de la Belgique, que leur attention avait été appelée par la simple couleur d'une vis d'un véhicule. Ils l'ont contrôlé et ils sont tombés sur un stock de cocaïne. En quoi la couleur d'une vis pourrait constituer une « raison plausible » ? Juridiquement, un terme aurait été mis à la procédure.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL89 de M. Roger Vicot.

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Le Conseil constitutionnel, qui a censuré l'article 60, nous demande de prévoir les garanties nécessaires pour assurer une conciliation équilibrée entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée. Il convient de supprimer le droit de fouille « à toute heure » et, par l'amendement CL139, dont nous allons discuter dans la discussion commune qui s'annonce, d'insérer les trois alinéas suivants :

« Entre huit heures et vingt heures ou, en dehors de ces heures, lorsque l'accès au public est autorisé, le procureur de la République est informé immédiatement, par tout moyen, dès la prise de décision de procéder aux opérations de visite.

En dehors de ces heures, les opérations de visites ne peuvent être engagées qu'après information du procureur de la République.

Le procureur de la République peut s'y opposer. »

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Empêcher que le droit de visite, si les douaniers ont des soupçons, puisse avoir lieu à toute heure risque de considérablement entraver l'action des douanes.

Par ailleurs, vos propositions subordonnent l'action des douanes, entre vingt heures et huit heures, à l'information du parquet, alors que le cadre juridique ne l'exige pas : nous ne sommes pas dans une recherche d'infraction sans soupçon, donc plus intrusive, mais bien dans une visite due à des soupçons. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CL139, CL87 et CL88 de M. Roger Vicot et CL44 de Mme Elsa Faucillon (discussion commune).

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Les amendements CL87 et CL88 tendent respectivement à insérer, après l'alinéa 13, les deux alinéas suivants : « Les opérations de visite ne peuvent être engagées qu'après information du procureur de la République, qui peut s'y opposer » ; « Le procureur de la République en est informé immédiatement, par tout moyen. Il peut s'y opposer. »

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Le Conseil constitutionnel nous invite en effet à trouver un équilibre. Il importe donc d'informer le procureur de la République et de laisser à ce dernier la possibilité de s'y opposer. Nous demandons simplement un contrôle judiciaire, comme c'est le cas pour d'autres procédures douanières qui ont fait leur preuve.

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Ces mesures sont excessives. Les articles 60-2 et 60-3 offrent un cadre suffisant. Avis défavorable.

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Ma collègue Faucillon a raison : pourquoi ne voulez-vous pas qu'il y ait des contrôles judiciaires ? Les jugez-vous malvenus ? Non, personne ne peut dire cela. Un contrôle judiciaire n'est pas grave en soi : il n'empêche pas l'action des douaniers ; au contraire il l'encadre et permet de s'assurer que, les droits ayant été respectés, aucun vice de procédure n'empêchera la condamnation d'un individu.

C'est le même problème que pour la police judiciaire dont il est question dans l'étude d'impact : comme on ne met plus assez de moyens dans la justice, on ne réalise pas de contrôle judiciaire dans toutes les situations où ce serait nécessaire. Il n'est pas possible que, pour des raisons financières, les droits ou la loi soient moins respectés.

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Vous anticipez le débat sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice, qui se tiendra dans quinze jours.

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M. Léaument fait du teasing sur nos prochaines réunions !

Quoi qu'il en soit, on se rapproche ici du régime applicable aux contrôles d'identité. Face à un go fast, par exemple, vous avez des raisons plausibles de soupçonner une infraction douanière. Prendre le temps d'informer le procureur vous empêcherait d'agir.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL102 de M. Jocelyn Dessigny.

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Comme d'habitude, nos amis droit-de-l'hommistes nous offrent une parodie de défense de nos concitoyens, alors que leur seul objectif est de défendre les malfrats qui violent les lois. Cet amendement d'appel a pour objectif de libérer les mains des douaniers afin qu'ils puissent intervenir à tout moment sans être tenus de justifier leur action. On le sait, on peut trouver de la drogue dans n'importe quelle voiture. Les douaniers doivent avoir la liberté d'agir comme ils l'entendent, au moment où ils le souhaitent.

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Pratiquer des contrôles sans limitation, c'est l'état actuel du droit. Or ces dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel.

De plus, il est important de caractériser les « raisons plausibles », comme le recommande la décision du Conseil constitutionnel. Je l'ai dit, cela renvoie au code de procédure pénale. Nous sommes sur des rails qui permettront aux douanes d'agir de manière encadrée. J'émets donc un avis défavorable.

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Décidément, le Rassemblement national nous éclaire sur sa vision de la France. Je ne m'y attendais pas dans un débat sur les douanes !

Notre collègue s'adresse à ses « amis droit-de-l'hommistes », comme si défendre les droits de l'homme et du citoyen était une insulte... Mais je comprends pourquoi, car l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Pour ceux qui, d'une manière générale, défendent l'inégalité entre les êtres humains et vont jusqu'à traiter une présidente de groupe de « poissonnière » – M. Dessigny a été sanctionné pour de tels propos –…

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D'autres traitent un ministre d'« assassin » !

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Le débat s'est bien déroulé jusqu'à présent. Reprenez-vous, chers collègues.

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Vous voyez combien nos collègues du Rassemblement national, en plus de ne pas défendre les droits de l'homme et du citoyen, sont incompétents et laxistes. Le Conseil constitutionnel a refusé des dispositions, précisément parce qu'elles ne respectaient pas la Constitution, qui inclut la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dans son bloc de constitutionnalité. Il va falloir vous y faire : la France est fondée ainsi, sur une révolution, sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le drapeau tricolore et La Marseillaise ont vu le jour dans le prolongement de 1789. Défendre les droits de l'homme, chers collègues du Rassemblement national, c'est être patriote. Le patriotisme, c'est précisément cela. Vous en avez une vision étriquée, mauvaise et contradictoire avec ce qui a fondé la France et le peuple français comme nation, c'est-à-dire comme peuple souverain.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL65 de M. Alexandre Sabatou.

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Dans un souci de transparence des actions de la douane dans le territoire national, le service doit informer le procureur de la République des contrôles prévus. Cependant, afin que cette information lui permette de garder son autonomie et sa souveraineté, elle ne pourra pas faire l'objet d'un refus de la part du procureur.

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Vous proposez de réécrire l'article 60-3, en supprimant le procès-verbal de visite sur demande de la personne et, surtout, en prévoyant l'information du procureur vingt-quatre heures à l'avance, mais sans indiquer que celui-ci pourra s'opposer à la visite. J'avoue ne pas comprendre le sens de cet amendement qui corsète l'action des douanes, contrairement aux précédents, qui visaient à élargir leur capacité d'action.

Au demeurant, obliger à informer le procureur vingt-quatre heures à l'avance risque de réduire à néant le caractère spontané du droit de visite.

Enfin, le procès-verbal sur demande existe déjà dans le code de procédure pénale.

Avis défavorable.

L'amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements CL150, de précision légistique, et CL151, rédactionnel, de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis.

Amendements identiques CL6 de M. Fabien Di Filippo, CL28 de Mme Marie-France Lorho et CL69 de M. Alexandre Sabatou.

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L'obligation d'informer le procureur de la République risque d'empêcher des opérations de contrôle spontanées ou de les rendre caduques. Il faut parfois laisser une plus grande marge de manœuvre aux acteurs de terrain.

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J'ai pu constater que les douaniers du Vaucluse œuvrent en bonne entente avec le procureur de la République. Une information systématique à cet échelon hiérarchique constitue pourtant une nouvelle démarche. L'avis contraignant que peut rendre le procureur est susceptible de bloquer certaines opérations.

Par ailleurs, les agents des douanes n'ont pas nécessairement d'itinéraire défini : leurs déplacements peuvent les mener sur des lieux inattendus, où il est délicat d'informer leur hiérarchie.

L'amendement vise donc à supprimer l'obligation d'informer systématiquement le procureur du déroulement, étape par étape, des opérations douanières et, surtout, à laisser aux agents des douanes les mains libres, en supprimant le refus que le procureur pourrait opposer.

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Madame la rapporteure pour avis, je souhaiterais avoir votre avis sur l'alinéa 16, qui dispose : « Les opérations de visites prévues aux premier et deuxième alinéas du présent article ne peuvent être engagées qu'après information du procureur de la République, lequel pouvant s'y opposer. » N'est-ce pas là une mise sous tutelle ? Il est clairement dit que le procureur a le droit d'accepter ou de refuser une action des douanes. Pouvez-vous écarter nos doutes, qui semblent légitimes ?

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Le droit de visite prévu à l'article 60-3 ne suppose pas d'avoir des raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction : pour qu'il ne soit pas assimilé au régime de l'article 60-1, il faut l'encadrer par l'information du procureur. Toutefois il s'agit d'informer par tout moyen, non de recueillir une autorisation. Le dispositif est similaire à celui de l'accès aux locaux professionnels, en vue de rechercher des infractions douanières, prévu à l'article 63 ter du code des douanes.

Quant au risque de congestion des services, la direction des affaires criminelles et des grâces nous a indiqué que cela ne présenterait pas de difficulté.

Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable.

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Gabriel Attal, ministre délégué

Avis défavorable également.

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Ce qui fait débat, c'est surtout la possibilité donnée au procureur de s'opposer à une opération. Or il peut être informé qu'une opération de police ou de renseignement judiciaire se tiendra au même endroit et au même moment que celle des douanes. De fait, les procureurs que j'ai interrogés n'ont pas la volonté de s'opposer systématiquement aux opérations douanières : ils veulent seulement éviter qu'elles n'en compromettent d'autres dont les agents des douanes ne sont pas forcément informés : c'est notamment le cas pour des affaires de criminalité en bande organisée, où de vastes opérations de renseignement sont menées.

Il faudrait préciser ce point : l'information doit être faite par tout moyen et s'adresser au procureur ou à son substitut.

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Ces amendements témoignent d'un grand laxisme. Le projet de loi a pour objet de répondre à la censure du Conseil constitutionnel, qui estime que ces opérations ne sont pas encadrées. Il faut donc créer un cadre afin de n'être pas confronté à cette difficulté.

En tant qu'élus, en restant à notre place – quand on en est capable –, on peut observer comment les opérations sont traitées en temps réel et constater la réactivité des procureurs. Faites-le, vous serez rassurés et moins laxistes.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL136 de M. Romain Baubry.

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Mme la rapporteure pour avis et M. Latombe ont indiqué qu'une information « par tout moyen » était nécessaire, ce que le projet de loi ne précise pas. Or, il est parfois difficile de joindre le procureur de la République directement. C'est le cas pour les forces de l'ordre lorsqu'elles veulent entamer une garde à vue, ainsi que pour les douaniers. C'est pourquoi ces derniers souhaitent que les mots « par tout moyen » figurent dans le texte.

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L'amendement est satisfait, puisque le texte ne prévoit ni délai, ni horaires, ni formalisme. Je vous renvoie également à l'article 63 ter du code des douanes, qui prévoit un dispositif similaire.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

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On risque tout de même que le procureur donne des directives aux services de douane et leur dicte les termes de cette information, par le biais d'une note par exemple. Cela se pratique dans la police, avec les officiers du ministère public.

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Le procureur n'exerce pas cette autorité, ce sont des ministères différents – Gabriel Attal peut le confirmer. Soyez rassurés sur ce point.

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Je comprends la réponse juridique de la rapporteure pour avis comme l'inquiétude des douaniers. Il serait bon qu'en séance, le ministre fournisse des éléments, qui figureront au compte rendu publié au Journal officiel. Cela permettra d'allier la concision de la loi et une explication qui rassurera les douaniers.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL37 de M. Xavier Breton, amendements identiques CL119 de M. Jordan Guitton et CL18 de M. Alexandre Sabatou, amendements CL63 de M. Yoann Gillet et CL25 de M. Michaël Taverne (discussion commune).

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Mon amendement vise à préciser les circonstances et les conditions du refus que le procureur a la possibilité d'exercer. La rédaction actuelle risque d'entraîner des refus arbitraires. Nous proposons que le procureur puisse s'opposer « de façon motivée », en vue d'éviter cet arbitraire.

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Il s'agit de supprimer les mots « lequel pouvant s'y opposer », qui introduit un dispositif flou où le procureur pourra interdire une opération par n'importe quel moyen et pour n'importe quelle raison. J'entends qu'il doit parfois arbitrer entre différentes opérations, mais les nombreux amendements à la fin de l'alinéa 16 montrent que la copie doit peut-être être revue. Je vous propose donc de supprimer les derniers mots de l'alinéa. Rien ne vous empêche de revenir en séance avec un amendement de réécriture. Ce point est important, car il inquiète beaucoup les douaniers.

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Le calendrier ne m'a pas permis de rencontrer les procureurs comme notre collègue Latombe l'a fait. Monsieur le ministre délégué, madame la rapporteure pour avis, si vous aussi vous estimez que les procureurs et les douaniers travaillent en bonne entente, vous pouvez déposer un amendement afin de préciser les raisons pour lesquelles le procureur peut s'opposer à une opération. Les membres de l'administration se sont dits confiants dans les relations entre procureurs et douaniers ; les douaniers, plus sceptiques, m'ont expliqué que les relations, comme les hommes, variaient. Chaque procureur a sa manière de faire. Il serait bon que la loi encadre ce point.

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L'alinéa 16 prévoit que les opérations de visite ne peuvent être engagées qu'après information du procureur de la République, lequel pourrait s'y opposer. Il n'encadre pas de façon suffisamment précise les circonstances et les conditions dans lesquelles le droit de visite douanière peut être refusé. Ce refus, non motivé, est susceptible de faire obstacle aux missions des douanes. Par cet amendement, il est proposé d'encadrer le champ d'intervention du procureur de la République pour prévenir le risque de refus généralisé et arbitraire, en vue de lutter plus efficacement contre les infractions douanières. Le procureur devra motiver son refus par écrit. C'est simplement du bon sens.

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Mon amendement est dans le même état d'esprit. Les douaniers travaillent avec beaucoup d'efficacité ; il faut pouvoir les motiver, et qu'il y ait une bonne entente entre la justice et les agents des services. L'opposition du procureur doit donc être motivée.

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Mes arguments sont les mêmes que précédemment. Un dispositif similaire existe pour la visite des locaux professionnels. Il ne s'agit pas de remettre en question l'équilibre trouvé. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL130 de M. Jocelyn Dessigny.

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L'amendement vise à compléter l'alinéa 16, afin de préciser que « le procureur de la République territorialement compétent est celui du siège de la brigade des douanes ayant effectué le contrôle ». Une brigade pouvant intervenir dans plusieurs secteurs, il est important que l'on puisse simplifier les tâches administratives des douaniers.

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La précision n'est pas judicieuse, car elle risque de rigidifier le dispositif et ne relève pas nécessairement de la loi. Je vous renvoie, là encore, à l'article 63 ter du code des douanes. Au demeurant, il semble plus logique que le procureur compétent soit celui du lieu où s'exerce le droit de visite. Enfin, votre amendement ne résout pas la question de la pluralité des parquets compétents. Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable.

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Les procureurs peuvent établir plus facilement des relations entre eux. Rien n'empêche un procureur d'informer par la suite son confrère. Il s'agissait donc plutôt d'alléger la tâche des douaniers.

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Il vous a été répondu qu'informer le procureur permet aussi d'éviter d'intervenir à mauvais escient, par méconnaissance d'une opération en cours. Si l'on adoptait votre amendement, on pourrait courir ce risque, ce qui pose un problème.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL7 de M. Fabien Di Filippo.

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Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 18, car il restreint les visites des marchandises placées sous surveillance douanière à des horaires de bureau. Je sais qu'il existe des règlements européens sur la question, mais ce dispositif cocasse semble déconnecté de la réalité.

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Votre amendement supprime un nouvel outil d'action, utile aux douaniers et complémentaire des autres moyens prévus. Les plages horaires sont les mêmes que celles fixées dans les cadres voisins prévus aux articles 63 ter et 66 du code des douanes. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL90 de M. Timothée Houssin, amendements identiques CL26 de M. Michaël Taverne, CL67 de M. Alexandre Sabatou et CL91 de M. Timothée Houssin (discussion commune).

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Mon amendement tend à supprimer la limitation à douze heures consécutives des droits de visite des douanes. Celle-ci entrave la souplesse opérationnelle des services douaniers, qui sont les plus à mêmes de juger du temps maximal nécessaire à leur visite. Elle peut aussi compromettre l'efficacité des contrôles, créant des failles dans les périodes non surveillées. Enfin, la limitation peut imposer des contraintes logistiques inutiles. Il s'agit donc de donner la plus grande marge de manœuvre possible aux douanes, tout en restant conscients de nos obligations envers le Conseil constitutionnel.

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L'article 60-5 limite à douze heures consécutives la durée maximale des visites effectuées par les agents des douanes en dehors de zones définies. Cette limitation est parfois trop restrictive, notamment lorsque les douanes doivent faire intervenir un officier de police judiciaire. Une opération douanière dans ma circonscription a duré plus de vingt heures. Mon amendement a pour objet de porter la limitation à vingt-quatre heures.

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La limitation de douze heures concerne non une visite donnée, mais une série de contrôles en un même lieu ou une même zone. Lors de mon immersion avec les services des douanes, j'ai pu constater que les agents étaient repérés très rapidement, par exemple à un péage. Il est donc question que la série de contrôles sur un même point ne puisse avoir lieu durant plus de douze heures. Cela correspond au rythme de travail des douanes, par exemple pour un contrôle routier ou près d'un port.

L'interdiction des contrôles systématiques participe de l'encadrement juridique nécessaire. Au demeurant, ce cadre existe déjà dans le code des douanes et le code de procédure pénale pour les contrôles d'identité. Enfin, une dérogation est prévue, notamment pour les gares, aéroports et ports.

Le but de la mesure est d'encadrer le droit de visite, pour garder un équilibre entre, d'une part, la liberté d'aller et venir et, de l'autre, la capacité d'action des douanes. Pour toutes ces raisons, je donne un avis défavorable à l'ensemble des amendements.

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Il n'y a rien de concret dans ces amendements. Les dispositifs mis en place comprennent des durées données qui, la plupart du temps, sont tenables. Au contraire, instaurer des contrôles systématiques pendant vingt-quatre heures oblige à un fort turnover, par lequel vous vous écartez du droit du travail. Nous estimons que les moyens humains mis à disposition des douanes sont l'un des principaux problèmes. Si vous ne considérez pas cet aspect, vous êtes à côté de la plaque – comme d'habitude.

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Madame la rapporteure pour avis, nous sommes d'accord avec vous : la plupart des contrôles se passent en quelques minutes. Ce n'est pas le sujet. Nous voulons donner aux douaniers la possibilité d'outrepasser la limitation de douze heures pour lutter notamment contre le phénomène des « mules », ces personnes qui ont ingéré des ovules de produits stupéfiants, et que les organisations criminelles utilisent pour franchir les services de contrôle. Il s'agit de garder ces personnes pendant vingt-quatre heures – une durée plus longue ne nous semble pas nécessaire.

La commission rejette successivement les amendements.

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

- Mme Cécile Untermaier, rapporteure d'application sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice (n° 569 2022-2023 Sénat) ;

- M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur d'application sur le projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire (n° 570 2022-2023 Sénat).

La séance est levée à 20 heures 05.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Sabrina Agresti-Roubache, M. Erwan Balanant, M. Romain Baubry, M. Ian Boucard, M. Florent Boudié, M. Xavier Breton, Mme Blandine Brocard, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Éric Ciotti, M. Jean-François Coulomme, Mme Mathilde Desjonquères, Mme Elsa Faucillon, M. Yoann Gillet, M. Guillaume Gouffier Valente, M. Jordan Guitton, M. Benjamin Haddad, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Marietta Karamanli, M. Andy Kerbrat, M. Philippe Latombe, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, Mme Julie Lechanteux, M. Didier Lemaire, Mme Marie-France Lorho, M. Benjamin Lucas, Mme Élisa Martin, M. Thomas Ménagé, M. Ludovic Mendes, M. Didier Paris, M. Éric Poulliat, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, Mme Sarah Tanzilli, M. Jean Terlier, M. Roger Vicot

Excusés. - M. Philippe Dunoyer, M. Philippe Gosselin, M. Mansour Kamardine, Mme Emeline K/Bidi, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Davy Rimane, M. Guillaume Vuilletet

Assistaient également à la réunion. - M. Mickaël Bouloux, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. Alexandre Sabatou, M. Michaël Taverne