Intervention de Marie-Anne Barbat-Layani

Réunion du mercredi 28 juin 2023 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Marie-Anne Barbat-Layani :

L'année 2022 a été marquée par une hausse significative des sanctions, pour un montant total ayant quasiment atteint 100 millions d'euros. À la fin de l'année 2022, notre commission des sanctions, qui est indépendante, a prononcé une sanction très exceptionnelle contre la société H2O et ses dirigeants. Nous ne faisons pas de sanctions pour l'exemple : elles sont toujours proportionnées à la gravité et aux capacités de paiement des personnes sanctionnées.

Au-delà des cas particuliers, le régulateur doit être capable de proposer des sanctions importantes, face à des situations critiquables en termes de respect des obligations professionnelles, de protection des épargnants et de leurs intérêts et en cas de défaillance des dispositifs de prévention du blanchiment et du financement du terrorisme. Les régulateurs français ont longtemps été critiqués pour la faiblesse de leurs sanctions. Nous sommes aujourd'hui prêts à nous rapprocher du plafond législatif, qui est de 100 millions d'euros, pour les cas les plus graves.

S'agissant de notre plafond de recette et de nos difficultés de recrutement, l'AMF est une autorité qui exerce sur un marché important. Nos effectifs restent modestes par rapport à nos principaux pairs en Europe, et leur augmentation a été beaucoup plus modérée. À la fin de l'année 2021, il y avait 486 équivalents temps plein travaillé (ETPT) à l'AMF et en quatre ans, l'augmentation avait été de 0,4 %. En Italie, la Consob dispose de 685 collaborateurs et ses effectifs ont augmenté de 12,5 % en trois ans. Au Luxembourg, il y avait 938 salariés et l'augmentation sur trois ans a été de 28,2 %. Aux Pays-Bas, l'AFM est dotée de 675 collaborateurs et ses effectifs sont en hausse de 13,2 %. En Allemagne, la BaFin, dont le périmètre est beaucoup plus large (marchés, banque et assurance) a 2 786 salariés, avec une augmentation de 40,5 % sur les trois dernières années. Notre homologue espagnol n'a que 458 salariés, mais ses effectifs ont crû de 4,9 %.

Nous restons donc très économes de moyens et le plafond de recettes ne nous permettait pas l'année dernière de « saturer » notre plafond d'emploi, qui est actuellement de 515 ETPT. Nous avons besoin de poursuivre notre investissement dans les systèmes d'information (SI), notamment à travers le développement de l'intelligence artificielle. Nos SI utilisent déjà en partie des dispositifs d'intelligence artificielle, notamment pour identifier des mouvements anormaux dans les marchés.

Nous estimons nos besoins d'investissements à 10 millions d'euros par an, que nous devons assurer sur notre seul plafond de recettes. En effet, nous ne disposons plus de réserves : au cours des dernières années, l'AMF a en partie financé ses investissements en utilisant ses réserves. Ce plafond de recettes doit donc être relevé, pour nous permettre de maintenir ce niveau d'investissement et de recruter les collaborateurs supplémentaires dont nous avons besoin, soit environ une quinzaine. Nous travaillons d'abord en termes de redéploiement : nous sommes conscients que nous sommes une autorité publique, qui agit dans un univers contraint.

Avec les équipes de l'AMF, nous avons pris plusieurs mesures. Tout d'abord, nous organisons une gestion plus resserrée, à partir d'un budget pluriannuel. Nous lançons un programme d'économies, après avoir réalisé un audit sur les coûts informatiques et notre recours aux prestations intellectuelles, qui restent modestes en matière de conseils stratégiques. À titre d'exemple, le plan stratégique a été élaboré en interne, sans appui extérieur, en nous fondant sur les retours de nos partenaires et des parties prenantes.

Le financement de l'économie et la vigilance liée aux évolutions des comportements des investisseurs représentent des évolutions majeures. Il est exact que l'environnement change très rapidement, notamment en raison de l'inflation et de la remontée des taux. Ils nécessitent une adaptation rapide. S'agissant de la remontée des taux, on peut sans doute considérer que nous évoluons dans un environnement désormais plus « normal », où l'argent à un coût, après une très longue période de taux nuls voire négatifs. Cette période a eu un impact important sur le prix des actifs, occasionnant parfois des bulles.

Ensuite, on peut craindre deux éléments dans le comportement des investisseurs. La première crainte porte sur la recherche d'investissements permettant de faire face à l'érosion du pouvoir d'achat et l'épargne dans un contexte d'inflation élevé. À court terme, la dernière enquête sur les épargnants et les investisseurs menée à l'automne 2022 n'a pas montré la volonté des épargnants de prendre davantage de risques pour tenter de défendre le pouvoir d'achat réel de leur épargne. Les Français sont prudents, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Naturellement, si cette situation devait se prolonger, nous ne pouvons pas exclure une évolution de leur comportement.

Il faut également se demander si les investisseurs sont réellement conscients de l'impact de l'inflation sur leur épargne. Celle-ci devrait les rendre plus vigilants sur les frais qu'ils payent. De notre côté, nous devons effectivement les aider à comprendre les risques, à ne pas en prendre de manière excessive, mais aussi à mieux prendre conscience de l'impact de la hausse de l'inflation et de la remontée des taux sur leur épargne.

Vous m'avez interrogé sur les cryptoactifs. La France a été pionnière dans le domaine de leur régulation, avec la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi Pacte). L'objectif consiste ici à faire entrer ces acteurs dans une logique de régulation. Aujourd'hui, environ 77 prestataires de services sur actifs numériques sont enregistrés auprès de l'AMF. La loi Pacte prévoyait deux étages de régulation : un étage d'enregistrement et un étage d'agrément, beaucoup plus exigeant et qui correspond largement à ce qui sera en vigueur lorsque le règlement européen MiCA sera effectif à la fin de l'année 2024.

Nous appelons de nos vœux le passage le plus rapide possible à une logique d'agrément. Dans le cadre de la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (loi DDADUE), le parlement a adopté un régime intermédiaire, c'est-à-dire un enregistrement renforcé. De fait, dès la fin du mois de juin, nous fermons les possibilités de procéder à un enregistrement simple. Les nouveaux acteurs qui devront déposer des dossiers devront le faire soit à travers des dossiers d'agrément, soit des dossiers d'enregistrement renforcé. Je rappelle que l'agrément simple ne prévoit aucune disposition de protection des investisseurs. Il s'attache à vérifier l'honorabilité et la compétence des dirigeants, mais aussi la qualité des dispositifs de prévention de blanchiment et de financement du terrorisme.

J'en profite d'ailleurs pour répondre à une des questions qui a été posée. En lien avec l'autorité de contrôle prudentielle et de résolution (ACPR), nous avons ainsi été conduits à retirer l'enregistrement d'un acteur crypto dont le dispositif anti-blanchiment avait été jugé insuffisant.

La remontée des taux d'intérêt, qui fait suite à un contexte financier différent, nécessite que les acteurs s'adaptent, notamment les acteurs financiers. À l'occasion des crises qui se sont produites au printemps dans certaines banques régionales américaines, nous avons assisté à des problématiques de mauvaise anticipation de la valeur des actifs détenus. Au niveau international et en lien avec le conseil de stabilité financière, nous veillons à mieux identifier les risques qui se sont matérialisés, notamment en matière de gestion d'actifs. Nous préconisons une meilleure attention à la gestion de la liquidité. Nous continuerons à insister sur ce point au niveau français également, dans la mesure où les deux principaux types de risques que nous identifions sont des risques de taux et des risques sur la liquidité. Enfin, il faut aussi mentionner le risque que les comportements des épargnants ne s'adaptent pas assez vite à ce nouveau contexte.

Au niveau européen, nous constatons que les marchés sont encore fragmentés, ce qui induit une taille plus modeste par rapport à d'autres ensembles géographiques, notamment les États-Unis. Cela se traduit aussi par le risque, notamment pour les épargnants, que les pratiques de réglementation ne soient pas totalement homogènes dans tous les pays et que la mise en œuvre de la réglementation européenne ne soit pas identique, menant à une mauvaise compréhension des risques qui sont pris, dans le cadre de l'exercice du passeport européen.

C'est la raison pour laquelle nous travaillons à la poursuite de deux objectifs principaux au niveau européen. Le premier vise à renforcer la convergence des pratiques de supervision, qui est le rôle éminent de l'autorité européenne des marchés financiers (ESMA). Nous travaillons également à la qualité des règles qui sont édictées, notamment par les autorités européennes et l'ESMA, dont les règles techniques doivent être prises en compte. Actuellement, nous œuvrons par exemple sur les standards techniques qui s'appliqueront aux nouveaux fonds européens d'investissement à long terme (ETIF). Il s'agit d'ailleurs d'un des objets de la loi sur l'industrie verte. Nous souhaitons que ces standards techniques soient prescriptifs, afin que les mesures qui seront prises dans tous les États en matière de gestion de la liquidité de ces fonds soient les mêmes et répondent à des standards collectifs.

Vous m'avez interrogé sur la pratique des « CumCum » et le rôle de l'AMF. L'AMF n'a pas de compétences en matière fiscale. Or il s'agit là de l'enjeu essentiel de ce dossier. En revanche, nous pouvons identifier l'existence d'un surcroît d'opérations via les déclarations de transaction sur les dérivés que reçoit l'AMF et, le cas échéant, transmettre des informations permettant d'identifier, ou non, un volume plus important susceptible de qualifier des opérations anormales. Cependant, au-delà de l'enjeu fiscal, il existe également un enjeu de liquidité pour la place financière au travers des dérivés. C'est d'ailleurs au titre de l'enjeu sur la liquidité que nous avons des compétences conduisant à effectuer un reporting sur ce sujet, au titre de la directive sur les marchés d'instruments financiers (MIF).

En matière de finance verte, la qualité des informations et de la transparence a progressé mais elle est insuffisamment harmonisée et présente toujours des risques de greenwashing. Les règles européennes ont beaucoup progressé et j'ai d'ailleurs évoqué les textes clefs qui sont en cours de finalisation. S'agissant du reporting des entreprises en matière extra financière, la directive CSRD va entrer en vigueur progressivement, à partir de 2025 pour les entreprises cotées, avant de concerner les autres, dans un second temps. Dans le même temps, des travaux indispensables sont conduits sur les normes de reporting extra-financier, afin de disposer de règles plus homogènes. Ces travaux sont menés au niveau international avec l' International Sustainability Standards Board (ISSB) ; mais aussi et surtout au niveau européen, avec les normes EFRS ( European Sustainability Reporting Standards ), qui sont plus exigeantes. Nous retrouvons d'ailleurs là l'objectif européen en matière de finance durable. La consultation sur les normes européennes est en cours et elle devrait être adoptée d'ici à la fin de l'année, en vue d'une entrée en vigueur progressive de la directive CSRD.

S'agissant de la mise en œuvre de SFDR, nous avons publié il y a quelques mois un papier de position pour plaider en faveur de davantage de définitions communes, notamment sur l'investissement durable, mais aussi pour la définition et la prise en compte de la notion de transition, qui nous paraît fondamentale pour les fonds d'investissement. Il s'agit que les investisseurs aient une vision claire de ce dans quoi ils investissent. Je fais ici référence aux polémiques qui ont pu avoir lieu sur la mise en œuvre des articles 8 et 9 en matière de fonds d'investissement, qui méritent selon nous d'être clarifiés. Il s'agit d'une des propositions que nous effectuons en vue des futurs travaux de la Commission européenne.

Par ailleurs, je signale que les trois autorités européennes, dont l'ESMA, viennent de publier une définition du greenwashing, qui permettra de mieux lutter contre ce phénomène. Fondamentalement, nous devons arriver à clarifier le plus rapidement les normes applicables, afin de pouvoir ensuite prévenir ce greenwashing. Au niveau de l'ESMA nous menons une action de supervision coordonnée, que nous mettrons en place au début de l'année prochaine. Nous venons de publier un document sur les sociétés de gestion, pour vérifier qu'elles disposent bien en interne des processus nécessaires pour s'assurer que leurs « promesses » en matière d'ESG sont bien respectées. Nous avons identifié les bonnes pratiques, mais aussi les pratiques plus contestables.

La fourniture de ces indications fait ainsi partie de notre pratique de supervision, ce qui n'exclue pas les sanctions. Nous n'avons pas uniquement une action pédagogique vis-à-vis des acteurs : si nous souhaitons bien sûr développer des actions pédagogiques, nous ne nous interdisons pas des actions de sanction, comme nous l'avons évoqué précédemment. À l'occasion de nos contrôles à visée pédagogique, si nous identifions des pratiques contestables, celles-ci peuvent donner lieu à des procédures de sanction.

Dans le domaine de la finance durable, qui est relativement nouveau et où la norme se cristallise petit à petit, il est très important que nous aidions les acteurs à mettre en place les bons dispositifs, pour limiter les risques de greenwashing. En effet, les investisseurs témoignent d'une forte volonté d'investir dans une finance durable, mais ils peuvent se sentir perdus entre ce qui est affiché et ce qui existe réellement.

Vous m'avez interrogé également sur le trading à haute fréquence et la question des transactions intraday. Nous avons effectivement été confrontés à de nombreuses questions sur les taxes des transactions financières. Il existe une taxe sur ces transactions financières en France, qui porte notamment sur le trading à haute fréquence, mais pas sur les transactions intraday, pour différentes raisons. Parmi celles-ci figure le fait que les opérations intraday ne génèrent pas de transfert de propriété identifié.

Si l'on devait modifier la taxe sur les transactions financières, il est éminemment souhaitable de le faire au minimum au niveau européen. Sans me prononcer sur l'opportunité politique, qui ne relève pas de ma compétence, si des mesures sur l'extension du périmètre devaient être prises, il serait souhaitable qu'elles le soient au niveau européen, pour éviter qu'un certain nombre de transactions migrent vers d'autres places financières et posent des problèmes de liquidité sur la place de Paris.

Je ne sais pas si la blockchain peut jouer un rôle. Un des objectifs du régime pilote qui a été adopté au niveau européen dans le règlement MiCA et qui a été transposé en France par la récente loi DDADUE porte justement sur les cryptoactifs. Nous avons connaissance d'un certain nombre de projets qui permettront d'opérationnaliser les opportunités offertes sur le suivi des transactions post marché par la blockchain. Nous savons que des acteurs y travaillent, mais pour le moment aucun projet effectif n'a été mis en place et il est donc prématuré de vous répondre.

Ensuite, je n'ai pas très bien saisi la question qui m'a été posée sur Euroclear France. S'agissant de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, j'ai en partie répondu, notamment sur le volet crypto. Il s'agit évidemment d'une des missions centrales de l'AMF, dans ses activités de régulation. Nous avons bénéfice en 2021 ou en 2022 d'un contrôle approfondi du Groupe d'action financière (Gafi), qui a considéré que le dispositif français était globalement de très bonne qualité. Cependant, cela n'interdit pas de renforcer notre vigilance de manière continue. En effet, dans ces domaines, les risques peuvent se déployer en permanence avec de nouvelles modalités. Nous travaillons de manière approfondie avec Tracfin et avons également un dialogue très nourri avec les responsables de la conformité des acteurs de la gestion, que nous formons, et qui jouent un rôle éminent en matière de prévention et de financement du terrorisme. Notre protocole de coopération avec Tracfin a été signé en 2022.

Vous avez également posé une question sur la mise en place des outils de veille en lien avec les influenceurs et, de manière plus générale, sur les réseaux sociaux. Nous menons déjà une veille très active pour identifier des offres ou des sites illicites. En outre, nous sommes très largement alimentés par les difficultés que peuvent connaître les épargnants. Notre service Épargne Info Service a ainsi reçu plus de 12 000 demandes l'année dernière. J'ajoute que les saisines de notre médiatrice ont également fortement augmenté, puisqu'elles sont désormais au nombre de 2 000 par an.

Nous avons en outre des dispositifs d'alerte. Lorsque nous identifions des offres ou des sites illicites, nous pouvons le signaler à nos collègues européens. Il existe également un dispositif d'alerte au niveau international, via l'association de régulateurs des marchés mondiaux (IOSCO). Cela nous permet d'identifier des sites frauduleux ou des activités frauduleuses. L'année dernière, nous avons également obtenu en justice la fermeture de 70 sites. Nous nous interrogeons actuellement sur l'opportunité d'avoir des possibilités plus directes pour procéder à la fermeture des sites. Cependant, notre coopération avec la justice se déroule déjà très bien et nous permet d'être efficaces.

La loi sur les influenceurs nous a conféré des pouvoirs particuliers pour intervenir, notamment lorsque ceux-ci font de la promotion pour des offres illicites ou des produits trop risqués. Là aussi, nous souhaitons mettre en œuvre ce dispositif de manière très proactive, notamment en lien avec les grandes plateformes. Nous aurions par ailleurs besoin d'une extension de nos pouvoirs pour procéder de manière efficace via le web scraping, une technique d'extraction automatisée et structurée des données en ligne sur des sites web. De nombreuses autorités de contrôle nourrissent en effet ce projet. De notre côté, nous y travaillons avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Si nous trouvons un dispositif suffisamment protecteur des données, nous reviendrons le cas échéant devant le législateur avec des propositions expérimentales nous permettant de travailler plus efficacement. Cela pourrait aussi passer par l'extension de la possibilité d'utiliser une identité d'emprunt, qui existe aujourd'hui pour nos enquêteurs.

Vous avez également évoqué la situation très dégradée d'Orpea, mais aussi le plan qui a été mis en place sous l'égide de la nouvelle ordonnance de 2021, qui prévoit le traitement des entreprises en difficulté. L'AMF est très sensible au traitement des actionnaires minoritaires, mais je rappelle que nous ne sommes pas en charge des procédures collectives. Dans le cas d'Orpea, il y avait manifestement une situation d'entreprise en difficulté. Dans le cadre de nos travaux, une dérogation a été accordée par le collège de l'AMF.

La nouvelle procédure sur les entreprises en difficulté prévoit une règle de priorité absolue, qui établit une hiérarchie entre les parties intéressées, les actionnaires venant en dernier. Évidemment, dans cette logique, les actionnaires peuvent avoir l'impression que le traitement qui leur est accordé n'est pas le plus favorable. Néanmoins, ce texte cherche à sauver l'entreprise face des parties intéressées qui pourraient s'opposer à un plan de restructuration. Dans ce cadre, le tribunal de commerce est doté d'un fort pouvoir, puisqu'il peut imposer le plan à l'ensemble des parties, y compris si le vote des actionnaires est négatif. Je rappelle à cet égard qu'il y a bien un vote des actionnaires, qui doit d'ailleurs intervenir aujourd'hui. Mais désormais, le président du tribunal de commerce peut se substituer aux actionnaires pour voter le plan de restructuration.

S'agissant des évaluations réalisées sur l'entreprise, même s'il y a une offre, l'AMF n'a pas la charge de la fixation du prix de l'offre. En revanche, elle vérifie les modalités de fixation du prix. Dans ce contexte, nous avons pris connaissance du rapport de l'expert indépendant qui a été mandaté conformément aux objectifs dans ce type de situation. Nous avons en outre regardé la valorisation des actifs immobiliers, sur laquelle l'expert s'est également prononcé. En résumé, cette affaire est hors norme et consacre le premier cas où la nouvelle procédure est mise en œuvre. Il est vrai que celle-ci peut conduire les actionnaires à se trouver dans une situation défavorable. À ce titre, l'information financière doit être exacte et leur permettre de se positionner lors des plans de restructuration, notamment sur la dilution dont ils peuvent faire l'objet. Orpea constitue le premier d'entre eux, mais nous serons vraisemblablement conduits à en connaître d'autres.

Vous m'avez aussi questionné sur la finance durable et le projet de loi industrie verte. Le développement de l'accès aux actifs non cotés pour des investisseurs individuels est effectivement un des objectifs de ce projet de loi, à travers de nouveaux produits. Un des constats majeurs que nous avons réalisés est le suivant : si la Bourse de Paris s'est fortement développée, l'introduction en bourse n'a plus vraiment de succès. En effet, de nombreuses entreprises préfèrent recourir à des financements privés, notamment le private equity. Or les particuliers ont moins d'accès à ce private equity en dehors de la gestion collective. Nous avons observé le développement important des fonds d'investissements alternatifs portant sur ce domaine, mais aussi sur l'immobilier. Il existe donc bien une appétence des investisseurs pour ce type d'outils.

L'arrivée des Eltif va renforcer cet accès et la loi industrie verte prévoit des dispositions relatives à ces nouveaux fonds d'investissement sur le territoire français. Le risque d'illiquidité de ces véhicules fait effectivement partie des sujets que nous regardons, notamment dans le nouveau contexte de taux plus élevés. Nous continuerons à recommander très fortement aux gestionnaires de fonds de mettre en place les outils de gestion de la liquidité permettant aux investisseurs particuliers d'en bénéficier. Nous veillerons également à la transparence de l'information, notamment sur les possibilités de sortie desdits fonds. Les investisseurs doivent également être au fait des mesures et des méthodes de valorisation qui pourraient être mises en place en période de stress. Je ne me prononcerai pas sur l'assurance, puisque nous n'avons pas de compétences dans ce domaine.

M. Brun, vous avez évoqué la question de la prévention des conflits d'intérêts. Depuis que je suis en fonction, cette prévention est assurée au sein de notre collège et dans le cadre des décisions qui peuvent être déléguées. J'ai mis en place un certain nombre de déports. Vous avez évoqué le cas du CIC. Je ne me suis pas déportée en l'espèce, puisque je n'ai jamais travaillé pour le CIC et cela n'a pas empêché le collège de proposer des sanctions fortes pour des défauts d'organisation.

Vous avez également évoqué les faillites qui ont pu intervenir et les délais de mise en œuvre de la supervision et de l'application de MiCA. Avec nos homologues internationaux, nous travaillons sur les leçons à tirer de la crise du mois de mars. Nous avons constaté, entre autres, une accélération des phénomènes de retrait des dépôts bancaires, avec des mouvements très violents qui peuvent intervenir en quelques heures. Face à cela, il y avait manifestement un manque de réactivité chez les acteurs concernés, ce qui fera partie des sujets qui seront étudiés de très près. Cette question concerne plutôt les superviseurs bancaires.

Les délais d'application du règlement MiCA sont désormais fixés. Il est effectivement souhaitable de passer vers une procédure d'agrément, qui offrira plus de sécurité, notamment aux épargnants. Les exigences seront particulièrement notables en matière de fonds propres, de prévention des conflits d'intérêts et de protection contre les cyberattaques.

En France, la question est un peu moins sensible. En effet, nous disposons déjà d'un outil d'agrément très proche de l'agrément MiCA et d'un dispositif d'enregistrement renforcé, qui entrera en vigueur dès cet été. MiCA va modifier le passeport, ce qui nécessite que l'ensemble des autorités européennes contrôlent bien ce domaine. Une fois que des agréments MiCA auront été accordés dans un pays de l'Union européenne, les acteurs concernés disposeront en effet d'un passeport.

Ensuite, les sanctions actuelles sont-elles suffisantes ? La question peut effectivement se poser, puisque nous sommes proches d'avoir atteint le plafond de sanction. Par ailleurs, nous disposons d'outils de surveillance des marchés en temps réel, qui nous permettent d'identifier des phénomènes à contrôler au titre d'éventuels abus de marché. Ils nous offrent aussi la possibilité d'identifier les évolutions de marché qui pourraient s'avérer problématiques et donc d'alerter les acteurs, afin qu'ils renforcent leur vigilance. À cet égard, j'ai déjà évoqué les recommandations que nous pouvons formuler auprès des acteurs.

En matière d'intelligence artificielle, nous regardons toutes les opportunités qui peuvent exister, de manière à largement automatiser la surveillance de base. Nous pourrions développer davantage les outils dont nous disposons déjà. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons conserver notre capacité d'investissement autour de 10 millions d'euros. Celle-ci est en forte baisse par rapport aux deux dernières années, où nous avons investi 20 millions d'euros. Nous souhaitons pouvoir continuer à investir dans la donnée pour que nos collaborateurs puissent se concentrer sur des activités à plus haute valeur ajoutée. L'intelligence artificielle peut nous permettre d'identifier les problèmes.

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