La réunion

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La commission entend Mme Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l'Autorité des marchés financiers (AMF) sur le rapport public annuel de l'Autorité.

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Mes chers collègues, nous entendons ce matin Mme Marie-Anne Barbat-Layani, que nous avions auditionnée il y a un peu moins d'un an, à l'occasion de sa nomination comme présidente de l'Autorité des marchés financiers en remplacement de M. Robert Ophèle. Elle vient aujourd'hui nous présenter le rapport public annuel de cette autorité indépendante, selon l'usage. Vous en avez eu connaissance dès la fin de semaine dernière, avant qu'il ne soit rendu public en début de semaine.

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Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l'Autorité des marchés financiers

Je vous remercie de me recevoir au sein de votre commission pour vous remettre, conformément à l'article L. 621-19 du code monétaire et financier, le rapport annuel 2022 de l'Autorité des marchés financiers.

C'est l'occasion pour moi de revenir devant votre commission, qui m'a fait l'honneur de se prononcer en faveur de ma nomination au mois d'octobre dernier. J'ai pris mes fonctions le 26 octobre 2022 et j'ai l'honneur de présider une autorité de contrôle et un régulateur de marché de premier plan, autorité publique indépendante reconnue par ses pairs, dotée d'un collège pluridisciplinaire et d'une commission des sanctions indépendante, et composée de collaborateurs de haut niveau.

Je profiterai de cette audition pour vous présenter prioritairement les orientations stratégiques de notre activité pour la période 2023-2027, qui correspond à la durée de mon mandat. Nous les avons rendues publiques ce lundi 26 juin. Elles seront la colonne vertébrale qui guidera nos choix et nos actions dans l'accomplissement de nos missions d'autorité publique indépendante, au service de l'intérêt général.

Ce plan porte un nom fort qui en exprime l'ambition : Impact 2027. Le nom que nous avons choisi illustre notre objectif d'être un régulateur à fort impact, impliqué à la fois dans l'élaboration des textes et dans leur déploiement ; mais également un régulateur à impact dans ses pratiques de supervision. L'impact est enfin ce que nous voulons donner à l'action des collaborateurs de l'AMF.

Pour commencer, je tiens à évoquer en quelques mots le processus. Nos orientations résultent des travaux que nous avons menés ces derniers mois avec nos équipes et le collège de l'AMF sur les grandes leçons des années passées et sur les éléments du contexte dans lequel l'Autorité exercera ses missions dans les années à venir. Elles ont été nourries de l'écoute de l'ensemble des parties prenantes. Cette posture d'écoute et d'interaction est importante et nous souhaitons la développer.

L'année 2022 a été une année complexe, marquée par la guerre en Ukraine et le retour de l'inflation sous l'effet de la hausse des prix de l'énergie, dans un environnement financier en mutation et confronté à des risques nouveaux. Les marchés financiers ont connu une forte volatilité et une baisse significative. En 2023, se confirme un environnement complexe, marqué par la fin d'une longue période de taux bas, voire négatifs. Face à l'inflation et la montée des taux d'intérêt, les acteurs financiers et les investisseurs vont devoir s'adapter.

Dans ce contexte, les problématiques d'endettement, de risques de taux et de liquidité prennent davantage d'importance. Nous avons également connu un certain nombre de crises. Tout d'abord, le marché de la dette souveraine britannique a connu une forte crise en septembre 2022, année où le monde des cryptoactifs a également essuyé ses premières crises majeures. Au printemps 2023, des acteurs financiers spécifiques ont rencontré des difficultés, notamment certaines banques régionales américaines et le Crédit Suisse. Les réactions des superviseurs et des régulateurs ont permis que la stabilité financière globale ne soit pas remise en cause, mais ces évènements ont montré à quel point la vigilance et une forte coordination des autorités de régulation sont nécessaires.

Dans le même temps, la place de Paris est devenue la première place financière européenne par la capitalisation boursière. C'est un atout considérable pour l'autonomie stratégique de l'Union européenne et le financement de l'économie, mais c'est aussi une responsabilité éminente pour le régulateur.

Au-delà de ce contexte, deux sujets de fond prennent une importance croissante pour notre action : la digitalisation du monde financier et la finance durable. La digitalisation génère de nouveaux acteurs, de nouvelles opportunités, de nouvelles pratiques de commercialisation, mais aussi de nouveaux défis pour les régulateurs, notamment en matière de protection des investisseurs, de protection des données et de cybersécurité. Quant à l'urgence climatique, c'est une priorité absolue, confirmant la pertinence de la position pionnière de l'AMF en matière de finance durable.

Sur la base de ces éléments, nous avons retenu six grandes orientations pour la période 2023-2027. Il s'agit tout d'abord de deux axes stratégiques transversaux : être un régulateur exigeant pour une place financière de premier plan ; et avoir une action nationale et européenne forte. Ensuite, nos trois priorités thématiques sont les suivantes : protéger les épargnants ; promouvoir une finance plus durable et accompagner l'innovation. Enfin, nous avons une grande orientation, que nous avons appelée notre « socle essentiel » et qui porte sur notre organisation et nos équipes, pour lesquelles nous nous sommes fixé une priorité interne : être une autorité attractive et performante au service l'intérêt général.

Notre premier axe transversal consiste à être un « régulateur exigeant pour la première place financière européenne ». Cet axe repose sur une conviction et un engagement. Notre conviction est qu'une régulation exigeante n'est pas antinomique avec une place financière dynamique, bien au contraire. La conquête de la première place européenne par la place de Paris le prouve. L'AMF se positionnera donc en régulateur exigeant, pour garantir le bon fonctionnement des marchés et la bonne information des investisseurs.

Nous souhaitons œuvrer à l'intégrité des marchés, à la qualité de l'information financière et extra-financière, à la protection des actionnaires minoritaires et à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Notre action de supervision s'appuiera sur l'identification des risques et les recommandations que nous donnerons aux acteurs, voire dans un certain nombre de cas, des actions pouvant aller jusqu'à la sanction. Nous souhaitons développer et pérenniser nos outils en matière d'enquête, de contrôle et de sanction, ce qui pourra passer par des modifications législatives.

Notre engagement vise à œuvrer à l'attractivité de la place de Paris. Nous éviterons la sur-réglementation, notamment toute surtransposition de la réglementation européenne, sauf, évidemment au cas par cas, sur des enjeux majeurs de protection des épargnants. Nous nous efforcerons d'offrir le meilleur environnement de supervision possible, en développant le dialogue avec les acteurs et en surveillant nos performances en matière de délais et de réactivité. Nous donnerons des indications sur nos attentes et sur les bonnes pratiques, à travers la publication de recommandations et de questions-réponses. Nous poursuivrons la modernisation de nos outils de supervision, notamment en matière d'exploitation de la donnée. Nous réaliserons régulièrement des études de perception ciblées. Enfin, nous rendrons davantage compte de notre activité et de notre performance, pour laquelle nous travaillons à la mise en œuvre d'indicateurs, que nous rendrons publics.

Notre deuxième axe transversal porte sur « une action internationale forte ». L'AMF considère la dimension européenne comme essentielle et lui donnera naturellement la priorité, tirant les conséquences d'un marché financier européen qui reste fragmenté et d'une organisation de la supervision qui repose encore, pour l'essentiel, sur les régulateurs nationaux.

Notre action donnera la priorité aux outils permettant une convergence des pratiques de supervision. Au sein de l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA), qui est pour l'AMF un partenaire essentiel, nous privilégierons les outils permettant une convergence fondée sur la bonne compréhension des pratiques de marché : l'étude de cas concrets, les revues par les pairs et les actions de supervision communes.

Nous soutiendrons tous les efforts de mise en place d'un marché des capitaux européens plus unifié. Mais compte tenu du contexte actuel, nous plaiderons pour mieux protéger les épargnants et pour faire en sorte que les superviseurs des pays d'accueil des prestations transfrontalières disposent de davantage de pouvoirs en matière de protection des épargnants. Sur le plan international, l'AMF poursuivra son implication forte dans les travaux conduits notamment au sein de l'Organisation internationale des commissions de valeur (OICV), en particulier sur les enjeux de stabilité financière et d'innovation financière.

Nous avons également identifié trois priorités thématiques. La première consiste à protéger les épargnants. Nous souhaitons porter le message d'une finance accessible à tous, et pas seulement aux experts. Cela passe par la clarté et l'intelligibilité de l'information fournie aux investisseurs et la comparabilité des produits. Nous serons attentifs à l'accessibilité et à la qualité du conseil ainsi qu'à sa proximité. Celui-ci doit être réalisé dans l'intérêt exclusif de l'épargnant et être adapté au profil et aux objectifs de l'épargnant.

Nous travaillerons également à la formation des professionnels et à l'éducation financière des épargnants. Nous serons particulièrement attentifs à faire progresser la transparence sur les frais. Dans ce contexte, nous participerons activement aux travaux issus de la stratégie sur l'investissement de détail ( Retail Investment Strategy ) proposée par la Commission européenne, en particulier sur le concept du rapport qualité-prix des instruments financiers.

Nous poursuivrons notre investissement sur la régulation des influenceurs financiers. Nous développerons également nos outils de veille des pratiques de commercialisation, qui se traduisent par un flou sur la frontière entre le jeu et l'investissement, que l'on appelle la « gamification ». Nous amplifierons nos activités de lutte contre les arnaques et pratiques de commercialisation problématiques. Nous poursuivrons nos actions répressives, notamment en matière de fermeture de sites internet, mais aussi nos actions de communication pour aller chercher les épargnants là où ils sont, notamment sur les réseaux sociaux, et les aider à développer leur esprit critique, afin qu'ils puissent identifier les problèmes auxquels ils sont confrontés.

Promouvoir une finance plus durable est notre deuxième priorité thématique. La France porte en la matière un message singulier. L'AMF a été pionnière sur ces sujets et entend porter le leadership d'une transformation ambitieuse. Cela passe de plus en plus par la mise en place d'un cadre européen ambitieux. Je veux parler ici notamment du règlement Taxonomie, de la directive sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD) et du règlement SFDR ( Sustainable Finance Disclosure Regulation ), qui porte notamment sur la durabilité en matière de fonds d'investissement. Nous serons force de proposition en vue de la finalisation de ce cadre, et nous accompagnerons l'ensemble des acteurs : les entreprises, les gestionnaires de fonds et les investisseurs.

Accompagner l'innovation est notre troisième priorité thématique. Nous réaffirmons notre positionnement de régulateur ouvert et favorable à l'innovation. L'AMF a su développer une véritable expertise de l'écosystème de l'innovation, ce qui nous permet d'identifier les nouveaux développements en matière d'innovation (finance ouverte, finance décentralisée, intelligence artificielle), mais aussi les grands enjeux en matière de régulation. C'est pourquoi nous serons notamment très investis sur le déploiement du cadre européen de réglementation sur les cryptoactifs (MiCA), qui permettra d'accompagner ces acteurs vers davantage de maturité.

Enfin, notre priorité interne concerne ce « socle essentiel » : nous souhaitons être une autorité attractive et performante, au service de l'intérêt général. L'AMF jouit d'une réputation d'excellence, qui est son premier atout. Celle-ci repose sur la qualité de ses systèmes d'information, mais aussi et surtout sur la qualité et l'engagement de ses équipes, que je salue et que je m'engage à valoriser. En effet, travailler au sein d'une autorité publique indépendante, reconnue, et œuvrer au service de l'intérêt général donne un sens fort à l'engagement de nos collaborateurs. Mais nous souhaitons travailler encore davantage à notre attractivité et confirmer notre statut d'employeur exemplaire. Nous veillerons au maintien d'un dialogue social de qualité avec l'ensemble de nos collaborateurs.

L'AMF poursuivra également sa transformation dans une dynamique d'amélioration de sa performance. En tant qu'entité publique, nous devons être exemplaires dans la gestion de nos ressources. Nous nous engageons à mettre en place une gestion resserrée et à rendre davantage compte de notre action, notamment par des indicateurs de performance.

En conclusion, nos missions se sont développées ces dernières années et vont continuer à s'accroître. C'est une vraie gageure pour une autorité publique, dont les ressources sont contraintes. J'espère que nous pourrons convaincre de la nécessité de nous donner les moyens de continuer à nous développer, compte tenu de l'importance des enjeux qui sont devant nous, et de notre ambition d'avoir un réel impact en tant que régulateur de la place financière de Paris, qui est devenue la première place financière européenne.

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En 2022, la Commission des sanctions de l'AMF a rendu douze décisions concernant trente-deux personnes (dix-huit personnes morales et quatorze personnes physiques). Parmi elles, vingt-huit personnes ont fait l'objet de sanctions pécuniaires, dont les montants allaient de 20 000 euros à 75 millions d'euros, atteignant un montant cumulé de pratiquement 100 millions d'euros, soit « le plus important prononcé par la commission des sanctions depuis sa création, en nette hausse par rapport aux années précédentes ». Comment expliquer cette évolution ? Les manquements constatés sont-ils plus graves que naguère ? Ou est-ce la commission des sanctions qui, à manquement identique, se fait plus sévère qu'il y a quelques années ?

Vous indiquez par ailleurs que « l'élargissement constant des missions de l'Autorité nécessite que le relèvement du plafond de recettes qui lui est octroyé se poursuive sur les années à venir ». Est-ce à dire que les moyens humains et financiers de l'AMF ne sont pas à la hauteur des besoins ? Concrètement, l'AMF a-t-elle, pour cette raison, rencontré des difficultés en 2022 ou au début de cette année 2023 ? Je note également que sur les vingt-cinq équivalents temps pleins permis par la loi de finances 2022, seuls quatre ont été recrutés, bien que les salaires soient élevés. Pouvez-vous nous évoquer plus en détail ces difficultés de recrutement ?

Ensuite, auditionnée le 12 octobre dernier par notre commission dans la perspective de votre nomination, vous déclariez que le financement de l'économie « nécessite une vigilance particulière dans le contexte actuel où l'endettement des acteurs est très élevé, où les conditions générales de marché sont volatiles et où les taux d'intérêt remontent et les investisseurs peuvent être tentés par le court-termisme ». La situation vous paraît-elle différente aujourd'hui ?

Enfin, vous avez parlé de cryptomonnaies et vous avez indiqué vouloir les accompagner vers leur maturité. Qu'entendez-vous par là ?

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Je vous remercie pour votre rapport très clair, pour votre présentation, mais aussi pour avoir participé à faire de Paris la première place financière européenne.

La remontée des taux directeurs, menée à un rythme assez soutenu par la Banque centrale européenne (BCE), est au cœur des réflexions actuelles sur la stabilité financière. Quel en est l'impact sur les risques identifiés par l'AMF ? Comment accompagnez-vous les investisseurs face aux risques liés à ce nouvel environnement de taux ?

S'agissant du niveau européen, votre rapport souligne que le marché des capitaux demeure imparfait et fragmenté d'un État membre à l'autre. Comment l'AMF participe-t-elle à limiter les opportunités d'arbitrages réglementaires entre les différents pays ?

S'agissant de la pratique frauduleuse des « CumCum », l'AMF a été la seule à mesurer l'ampleur du phénomène. Quel est votre rôle pour essayer d'éviter ce type de fraudes ? Considérez-vous que les garanties sont désormais suffisantes pour éviter qu'elles ne se reproduisent ?

Enfin, vous soulignez que la transparence et l'information des actionnaires a aujourd'hui beaucoup progressé en matière de responsabilité environnementale des acteurs économiques. Considérez-vous pour autant qu'il existe aujourd'hui de vrais produits en matière de placement vert et d'épargne verte ? Sommes-nous toujours dans une phase où certaines offres relèvent du greenwashing ? Quelle est la dynamique entre l'offre et la demande dans ce type d'épargne ?

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En vue de l'examen de la proposition de loi visant à élargir l'assiette de la taxation sur les transactions financières (TTF), nous avons pu auditionner M. de Juvigny et Mme Tertrais. À partir des différentes auditions, nous tentons de réfléchir à un système d'imposition des opérations de trading à haute fréquence et des opérations intraday. La difficulté réside dans l'absence de transfert de propriété au cours de ces opérations. Or l'assiette de la TTF repose sur ce transfert de propriété. Actuellement, le contrôle opéré par l'administration fiscale s'effectue a posteriori. Comment mettre en place la nouvelle technologie dite blockchain que proposent les cryptoactifs, au service d'une taxation des opérations de trading à haute fréquence ? Pour lever les obstacles, serait-il possible de réviser les relations entre Euroclear France, l'administration fiscale et les portefeuilles de négociation ?

Vous avez indiqué que vous luttiez contre le blanchiment d'argent dans le cadre du djihadisme. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les méthodes et les moyens mis en œuvre, et surtout sur les résultats déjà obtenus ?

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Vous avez évoqué deux grandes orientations : la digitalisation progressive du monde et la finance durable. À ce sujet, j'aimerais vous interroger sur une actualité liée à la responsabilité écologique de la société Glencore, importante multinationale d'extraction minière et qui fait actuellement des dégâts considérables en Colombie. Trois importantes banques françaises financent cette société. Elles sont mises en demeure au nom de la loi de vigilance de 2017, mais cette démarche a peu de chance d'aboutir. Pensez-vous que le législateur doive renforcer les outils de sanction pour que l'AMF puisse jouer un rôle plus prononcé dans le suivi des responsabilités sociales et environnementales des banques et de leur financement ?

Ensuite, dans cette lettre, vous parlez de la conjoncture actuelle où, malgré un contexte de fortes tensions, la stabilité globale n'est pas remise en cause. J'aimerais pointer la publication de récente du rapport de l'Observatoire de l'inclusion bancaire Avec plus de 4 millions de personnes en situation de fragilité, la Banque de France note que les relatives stabilités et les modérations de surendettement et des incidences bancaires peuvent sembler paradoxales dans un contexte marqué par un ralentissement de l'économie et une inflation élevée. La Banque de France a indiqué devoir rester vigilante et approfondir l'analyse pour comprendre pourquoi ces tensions budgétaires ne se traduisent pas par des difficultés sur les comptes bancaires. Relevez-vous le même type d'incertitudes ?

Enfin, pour être en adéquation avec les missions dont elle a la charge, vous affirmez que l'AMF a traité un nombre record de dossiers, ce qui signifie par extension un mécontentement légitime des épargnants envers l'accroissement de produits financiers trompeurs. L'AMF a-t-elle les moyens nécessaires pour mener l'ensemble de ses missions de contrôle ? Quel est le montant qui devrait être investi dans l'AMF pour lui permettre d'avoir la maîtrise réelle de ses ambitions ?

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Ma première question porte sur les annonces effectuées lundi dernier par l'AMF, où étaient présentées les priorités stratégiques jusqu'en 2027. Celles-ci sont notamment centrées sur l'accompagnement des acteurs financiers à l'égard de la réglementation verte et de la protection des épargnants, en faisant le pari de la pédagogie plutôt que la contrainte. Pourriez-vous nous détailler la mise en œuvre pratique des contrôles pédagogiques ciblés qui seront mis en place ?

Ma deuxième question porte sur l'annonce faite par l'AMFde se doter d'outils de veille sur les réseaux sociaux, alors que la promotion d'offres financières faites par des célébrités ou par des influenceurs dont les contenus sont sponsorisés constitue une préoccupation. À quel horizon temporel envisagez-vous l'effectivité de ces outils face à cette préoccupation urgente ?

Ma troisième question porte sur la situation du groupe Orpea. La situation est très dégradée et entraîne une nécessaire restructuration. Un consortium mené par le Caisse des dépôts et des consignations va intervenir dans le cadre d'une nouvelle procédure régie par l'ordonnance de septembre 2021. L'AMF a accordé la dérogation qui a été prévue dans le cadre de la souscription à l'augmentation de capital d'une société dans une situation avérée de difficultés financières. Les actionnaires sont d'ailleurs réunis aujourd'hui pour voter sur le projet de plan de sauvegarde accélérée. Ma première inquiétude porte sur la situation des trois augmentations de capital, qui vont entraîner une dilution importante des actionnaires actuels. Les méthodes d'évaluation sont contestées et ont fait l'objet de nombreux commentaires. Je voudrais vous alerter sur la dérogation à des règles mondiales de comptabilisation, notamment à l'IAS 16. Cette dérogation existante dans les comptes au 31 décembre 2022 semble poser un problème important de crédibilité des marchés financiers en France.

Ma deuxième inquiétude porte sur le fait que le groupe Orpea a obtenu le report de la date de l'Assemblée générale pour approuver les comptes annuels au 31 décembre 2022, qui pourra se tenir jusqu'au 31 décembre 2023. Les nouveaux actionnaires vont donc voter sur les comptes qui ne les concernent pas et ont servi d'évaluation pour établir l'augmentation de capital au 31 décembre 2022. Il y a là une véritable difficulté, puisque ces nouveaux actionnaires sont à la fois juges et parties.

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Le projet de loi industrie verte que nous allons examiner bientôt entend donner la possibilité aux assurés d'avoir un accès plus aisé aux actifs non cotés au sein de l'assurance vie et des plans épargne retraite. Il convient de rappeler que la finance verte présente l'avantage d'offrir des solutions pouvant combiner rendement potentiellement élevé et financement de la transition écologique par le soutien à des PME et des ETI.

Les actifs non cotés présentent aussi des inconvénients : ils sont souvent peu liquides, plus risqués et bloqués de longues années. Depuis plus de vingt ans, les gouvernements successifs multiplient les dispositifs pour rendre le non coté plus séduisant auprès des épargnants. Cependant, le succès est en demi-teinte. Quelles sont les actions envisagées par l'AMF pour inciter les épargnants à investir dans les entreprises non cotées qui participent à la transition écologique ? Avez-vous des éléments de comparaison européens sur le non coté ? Est-il plus développé chez nos voisins européens ? Si tel est le cas, quels facteurs ont permis ce développement plus avancé ?

Par ailleurs, il semblerait que les assureurs rencontrent des difficultés structurelles pour proposer des investissements non cotés dans le cadre de produits d'assurance vie, car ceux-ci sont soumis des risques d'illiquidité. Quel est votre sentiment sur ce frein ? Pourrait-il être levé en imaginant certains dispositifs adéquats ? Enfin, vous avez indiqué que la place de Paris est désormais la première capitalisation boursière continentale. Comment se compare-t-elle avec la place de Londres ?

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Lors de votre audition devant la commission vous aviez fait part des potentiels conflits d'intérêts qui résulteraient de vos activités passées, au Crédit Agricole et à Dexia, sans parler de votre expérience de directrice générale de la Fédération bancaire française, qui est le lobby des banques. Vous vous étiez engagée devant nous à vous déporter d'un certain nombre d'affaires qui pourraient être problématiques du point de vue de la déontologie. Vous êtes-vous effectivement déportée dans les cas vous avez estimé être en conflit d'intérêts ?

Enfin, l'AMF a récemment sanctionné le CIC, banque adhérente à la Fédération bancaire français, dans deux décisions du 19 juin 2023. Si les sanctions sont prononcées par la direction des sanctions, celle-ci est bien saisie par vous-même et le collège. Vous êtes-vous déportée de cette décision de saisine ?

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Je vous remercie pour votre rapport, source d'informations essentielles. Dans votre lettre au Président de la République qui a introduit votre rapport, vous appelez à une augmentation des moyens dédiés à l'AMF. Vous indiquez qu'en tant qu'autorité publique, il est naturel que l'AMF prenne sa part des efforts de maîtrise de la dépense publique, en poursuivant sa transformation interne et en renforçant la rigueur de sa gestion. Simultanément, vous indiquez que les effectifs de l'AMF sont sensiblement inférieurs à ceux de vos principaux homologues et que l'effort d'investissement dans la donnée doit être poursuivi. Le régulateur de marché français doit donc disposer de moyens à la hauteur de ses missions. Pourriez-vous en dire plus sur les transformations que vous menez et les efforts de gestion que vous pourrez entreprendre ?

Je m'interroge également sur la prolifération de la promotion d'outils financiers frauduleux sur les réseaux sociaux. Avez-vous une vision précise de l'ampleur de ce phénomène en volume, en valeur, des sommes en jeu et des pertes potentielles pour les investisseurs ? Vous avez évoqué la récente loi sur les influenceurs. Quelle est votre vision de ce nouvel outil législatif ? Correspond-il à vos besoins ? Vous sera-t-il utile ?

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Votre rapport appelle plusieurs questions de la part de notre groupe. Le rapport de l'année 2022 fait état de travaux européens et internationaux sur la standardisation du reporting de durabilité des sociétés, dans le but d'améliorer la qualité et la disponibilité des données environnementales, sociales et de gouvernance. Pouvez-vous nous faire état de l'avancement de ces travaux ? À quelle échéance devraient-ils aboutir complètement ?

Dans son rapport annuel 2021, l'AMF soulignait la nécessité de donner de la visibilité et de la crédibilité à l'investissement durable. À ce jour, la taxonomie verte qui définit les investissements considérés comme respectueux de l'environnement reste complètement inachevée. Le règlement de la publication d'information en matière de durabilité de produits financiers est source de confusions et les normes de comptabilité extra-financières ne sont pas finalisées.

Cela génère de la confusion sur les offres d'investissements dits durables et n'inspire aucunement confiance. On a ainsi du mal à distinguer ce qui est vertueux de ce qui est seulement du greenwashing. Parmi vos orientations stratégiques 2023-2027 figure la promotion d'une finance plus durable. De quoi s'agit-il ? Du vertueux ou du greenwashing ? Quelles solutions vous semblent envisageables pour endiguer cette confusion et inciter à la confiance dans cette finance durable ?

Par ailleurs, les déboires intervenus ces derniers mois, notamment les faillites de banques et de portefeuilles de cryptomonnaies comme FTX, ont secoué le monde des cryptomonnaies et relancé le débat sur la régulation du secteur. Des règlements européens sur les transferts de fonds et de certains crypto-actifs sont applicables progressivement à partir de l'année prochaine. De nombreuses interrogations subsistent, notamment sur le délai d'application, lorsque l'on sait que les transactions illicites effectuées avec des cryptomonnaies en 2022 ont plus que doublé en un an et sont estimées à 21 milliards de dollars.

À l'heure où le gouvernement présente un plan contre la fraude fiscale et où il n'est jamais fait état de la question des cryptomonnaies, n'est-ce pas là une fenêtre ouverte aux fraudeurs et aux réseaux criminels internationaux pour continuer leur entreprise malsaine à l'endroit des investisseurs non avertis ? Que pensez-vous de ces délais d'application ?

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Dans un contexte mondial frappé par une croissance fragile et une inflation sans précédent, plusieurs éléments suscitent des inquiétudes quant à la spéculation sur les marchés et soulèvent les risques de bulle spéculative. Malheureusement, il est souvent nécessaire d'attendre une catastrophe majeure avant que les autorités de régulation ne s'en saisissent. Par exemple, la Silicon Valley Bank avait reçu six avertissements de la Federal Reserve de San Francisco sans réagir.

L'essor des cryptomonnaies, qui ne contribuent en rien à l'économie réelle et ne font qu'attirer la spéculation tout en entraînant des faillites en série illustre le manque de réglementation. Les sanctions actuelles sont-elles suffisantes et dissuasives pour prévenir les comportements à risque ? Quelles mesures sont envisagées pour renforcer l'efficacité des sanctions et ainsi prévenir les comportements irresponsables ?

En parallèle, les marchés financiers intègrent désormais l'intelligence artificielle dans leurs algorithmes pour faciliter les échanges et prédire les mouvements des actions. Bien que l'AMF ait été précurseure en développant une application utilisant le langage naturel, quels sont vos projets pour étendre son utilisation à tous les domaines relevant de vos compétences, afin d'améliorer notamment la détection des fraudes ?

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Marie-Anne Barbat-Layani

L'année 2022 a été marquée par une hausse significative des sanctions, pour un montant total ayant quasiment atteint 100 millions d'euros. À la fin de l'année 2022, notre commission des sanctions, qui est indépendante, a prononcé une sanction très exceptionnelle contre la société H2O et ses dirigeants. Nous ne faisons pas de sanctions pour l'exemple : elles sont toujours proportionnées à la gravité et aux capacités de paiement des personnes sanctionnées.

Au-delà des cas particuliers, le régulateur doit être capable de proposer des sanctions importantes, face à des situations critiquables en termes de respect des obligations professionnelles, de protection des épargnants et de leurs intérêts et en cas de défaillance des dispositifs de prévention du blanchiment et du financement du terrorisme. Les régulateurs français ont longtemps été critiqués pour la faiblesse de leurs sanctions. Nous sommes aujourd'hui prêts à nous rapprocher du plafond législatif, qui est de 100 millions d'euros, pour les cas les plus graves.

S'agissant de notre plafond de recette et de nos difficultés de recrutement, l'AMF est une autorité qui exerce sur un marché important. Nos effectifs restent modestes par rapport à nos principaux pairs en Europe, et leur augmentation a été beaucoup plus modérée. À la fin de l'année 2021, il y avait 486 équivalents temps plein travaillé (ETPT) à l'AMF et en quatre ans, l'augmentation avait été de 0,4 %. En Italie, la Consob dispose de 685 collaborateurs et ses effectifs ont augmenté de 12,5 % en trois ans. Au Luxembourg, il y avait 938 salariés et l'augmentation sur trois ans a été de 28,2 %. Aux Pays-Bas, l'AFM est dotée de 675 collaborateurs et ses effectifs sont en hausse de 13,2 %. En Allemagne, la BaFin, dont le périmètre est beaucoup plus large (marchés, banque et assurance) a 2 786 salariés, avec une augmentation de 40,5 % sur les trois dernières années. Notre homologue espagnol n'a que 458 salariés, mais ses effectifs ont crû de 4,9 %.

Nous restons donc très économes de moyens et le plafond de recettes ne nous permettait pas l'année dernière de « saturer » notre plafond d'emploi, qui est actuellement de 515 ETPT. Nous avons besoin de poursuivre notre investissement dans les systèmes d'information (SI), notamment à travers le développement de l'intelligence artificielle. Nos SI utilisent déjà en partie des dispositifs d'intelligence artificielle, notamment pour identifier des mouvements anormaux dans les marchés.

Nous estimons nos besoins d'investissements à 10 millions d'euros par an, que nous devons assurer sur notre seul plafond de recettes. En effet, nous ne disposons plus de réserves : au cours des dernières années, l'AMF a en partie financé ses investissements en utilisant ses réserves. Ce plafond de recettes doit donc être relevé, pour nous permettre de maintenir ce niveau d'investissement et de recruter les collaborateurs supplémentaires dont nous avons besoin, soit environ une quinzaine. Nous travaillons d'abord en termes de redéploiement : nous sommes conscients que nous sommes une autorité publique, qui agit dans un univers contraint.

Avec les équipes de l'AMF, nous avons pris plusieurs mesures. Tout d'abord, nous organisons une gestion plus resserrée, à partir d'un budget pluriannuel. Nous lançons un programme d'économies, après avoir réalisé un audit sur les coûts informatiques et notre recours aux prestations intellectuelles, qui restent modestes en matière de conseils stratégiques. À titre d'exemple, le plan stratégique a été élaboré en interne, sans appui extérieur, en nous fondant sur les retours de nos partenaires et des parties prenantes.

Le financement de l'économie et la vigilance liée aux évolutions des comportements des investisseurs représentent des évolutions majeures. Il est exact que l'environnement change très rapidement, notamment en raison de l'inflation et de la remontée des taux. Ils nécessitent une adaptation rapide. S'agissant de la remontée des taux, on peut sans doute considérer que nous évoluons dans un environnement désormais plus « normal », où l'argent à un coût, après une très longue période de taux nuls voire négatifs. Cette période a eu un impact important sur le prix des actifs, occasionnant parfois des bulles.

Ensuite, on peut craindre deux éléments dans le comportement des investisseurs. La première crainte porte sur la recherche d'investissements permettant de faire face à l'érosion du pouvoir d'achat et l'épargne dans un contexte d'inflation élevé. À court terme, la dernière enquête sur les épargnants et les investisseurs menée à l'automne 2022 n'a pas montré la volonté des épargnants de prendre davantage de risques pour tenter de défendre le pouvoir d'achat réel de leur épargne. Les Français sont prudents, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Naturellement, si cette situation devait se prolonger, nous ne pouvons pas exclure une évolution de leur comportement.

Il faut également se demander si les investisseurs sont réellement conscients de l'impact de l'inflation sur leur épargne. Celle-ci devrait les rendre plus vigilants sur les frais qu'ils payent. De notre côté, nous devons effectivement les aider à comprendre les risques, à ne pas en prendre de manière excessive, mais aussi à mieux prendre conscience de l'impact de la hausse de l'inflation et de la remontée des taux sur leur épargne.

Vous m'avez interrogé sur les cryptoactifs. La France a été pionnière dans le domaine de leur régulation, avec la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi Pacte). L'objectif consiste ici à faire entrer ces acteurs dans une logique de régulation. Aujourd'hui, environ 77 prestataires de services sur actifs numériques sont enregistrés auprès de l'AMF. La loi Pacte prévoyait deux étages de régulation : un étage d'enregistrement et un étage d'agrément, beaucoup plus exigeant et qui correspond largement à ce qui sera en vigueur lorsque le règlement européen MiCA sera effectif à la fin de l'année 2024.

Nous appelons de nos vœux le passage le plus rapide possible à une logique d'agrément. Dans le cadre de la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (loi DDADUE), le parlement a adopté un régime intermédiaire, c'est-à-dire un enregistrement renforcé. De fait, dès la fin du mois de juin, nous fermons les possibilités de procéder à un enregistrement simple. Les nouveaux acteurs qui devront déposer des dossiers devront le faire soit à travers des dossiers d'agrément, soit des dossiers d'enregistrement renforcé. Je rappelle que l'agrément simple ne prévoit aucune disposition de protection des investisseurs. Il s'attache à vérifier l'honorabilité et la compétence des dirigeants, mais aussi la qualité des dispositifs de prévention de blanchiment et de financement du terrorisme.

J'en profite d'ailleurs pour répondre à une des questions qui a été posée. En lien avec l'autorité de contrôle prudentielle et de résolution (ACPR), nous avons ainsi été conduits à retirer l'enregistrement d'un acteur crypto dont le dispositif anti-blanchiment avait été jugé insuffisant.

La remontée des taux d'intérêt, qui fait suite à un contexte financier différent, nécessite que les acteurs s'adaptent, notamment les acteurs financiers. À l'occasion des crises qui se sont produites au printemps dans certaines banques régionales américaines, nous avons assisté à des problématiques de mauvaise anticipation de la valeur des actifs détenus. Au niveau international et en lien avec le conseil de stabilité financière, nous veillons à mieux identifier les risques qui se sont matérialisés, notamment en matière de gestion d'actifs. Nous préconisons une meilleure attention à la gestion de la liquidité. Nous continuerons à insister sur ce point au niveau français également, dans la mesure où les deux principaux types de risques que nous identifions sont des risques de taux et des risques sur la liquidité. Enfin, il faut aussi mentionner le risque que les comportements des épargnants ne s'adaptent pas assez vite à ce nouveau contexte.

Au niveau européen, nous constatons que les marchés sont encore fragmentés, ce qui induit une taille plus modeste par rapport à d'autres ensembles géographiques, notamment les États-Unis. Cela se traduit aussi par le risque, notamment pour les épargnants, que les pratiques de réglementation ne soient pas totalement homogènes dans tous les pays et que la mise en œuvre de la réglementation européenne ne soit pas identique, menant à une mauvaise compréhension des risques qui sont pris, dans le cadre de l'exercice du passeport européen.

C'est la raison pour laquelle nous travaillons à la poursuite de deux objectifs principaux au niveau européen. Le premier vise à renforcer la convergence des pratiques de supervision, qui est le rôle éminent de l'autorité européenne des marchés financiers (ESMA). Nous travaillons également à la qualité des règles qui sont édictées, notamment par les autorités européennes et l'ESMA, dont les règles techniques doivent être prises en compte. Actuellement, nous œuvrons par exemple sur les standards techniques qui s'appliqueront aux nouveaux fonds européens d'investissement à long terme (ETIF). Il s'agit d'ailleurs d'un des objets de la loi sur l'industrie verte. Nous souhaitons que ces standards techniques soient prescriptifs, afin que les mesures qui seront prises dans tous les États en matière de gestion de la liquidité de ces fonds soient les mêmes et répondent à des standards collectifs.

Vous m'avez interrogé sur la pratique des « CumCum » et le rôle de l'AMF. L'AMF n'a pas de compétences en matière fiscale. Or il s'agit là de l'enjeu essentiel de ce dossier. En revanche, nous pouvons identifier l'existence d'un surcroît d'opérations via les déclarations de transaction sur les dérivés que reçoit l'AMF et, le cas échéant, transmettre des informations permettant d'identifier, ou non, un volume plus important susceptible de qualifier des opérations anormales. Cependant, au-delà de l'enjeu fiscal, il existe également un enjeu de liquidité pour la place financière au travers des dérivés. C'est d'ailleurs au titre de l'enjeu sur la liquidité que nous avons des compétences conduisant à effectuer un reporting sur ce sujet, au titre de la directive sur les marchés d'instruments financiers (MIF).

En matière de finance verte, la qualité des informations et de la transparence a progressé mais elle est insuffisamment harmonisée et présente toujours des risques de greenwashing. Les règles européennes ont beaucoup progressé et j'ai d'ailleurs évoqué les textes clefs qui sont en cours de finalisation. S'agissant du reporting des entreprises en matière extra financière, la directive CSRD va entrer en vigueur progressivement, à partir de 2025 pour les entreprises cotées, avant de concerner les autres, dans un second temps. Dans le même temps, des travaux indispensables sont conduits sur les normes de reporting extra-financier, afin de disposer de règles plus homogènes. Ces travaux sont menés au niveau international avec l' International Sustainability Standards Board (ISSB) ; mais aussi et surtout au niveau européen, avec les normes EFRS ( European Sustainability Reporting Standards ), qui sont plus exigeantes. Nous retrouvons d'ailleurs là l'objectif européen en matière de finance durable. La consultation sur les normes européennes est en cours et elle devrait être adoptée d'ici à la fin de l'année, en vue d'une entrée en vigueur progressive de la directive CSRD.

S'agissant de la mise en œuvre de SFDR, nous avons publié il y a quelques mois un papier de position pour plaider en faveur de davantage de définitions communes, notamment sur l'investissement durable, mais aussi pour la définition et la prise en compte de la notion de transition, qui nous paraît fondamentale pour les fonds d'investissement. Il s'agit que les investisseurs aient une vision claire de ce dans quoi ils investissent. Je fais ici référence aux polémiques qui ont pu avoir lieu sur la mise en œuvre des articles 8 et 9 en matière de fonds d'investissement, qui méritent selon nous d'être clarifiés. Il s'agit d'une des propositions que nous effectuons en vue des futurs travaux de la Commission européenne.

Par ailleurs, je signale que les trois autorités européennes, dont l'ESMA, viennent de publier une définition du greenwashing, qui permettra de mieux lutter contre ce phénomène. Fondamentalement, nous devons arriver à clarifier le plus rapidement les normes applicables, afin de pouvoir ensuite prévenir ce greenwashing. Au niveau de l'ESMA nous menons une action de supervision coordonnée, que nous mettrons en place au début de l'année prochaine. Nous venons de publier un document sur les sociétés de gestion, pour vérifier qu'elles disposent bien en interne des processus nécessaires pour s'assurer que leurs « promesses » en matière d'ESG sont bien respectées. Nous avons identifié les bonnes pratiques, mais aussi les pratiques plus contestables.

La fourniture de ces indications fait ainsi partie de notre pratique de supervision, ce qui n'exclue pas les sanctions. Nous n'avons pas uniquement une action pédagogique vis-à-vis des acteurs : si nous souhaitons bien sûr développer des actions pédagogiques, nous ne nous interdisons pas des actions de sanction, comme nous l'avons évoqué précédemment. À l'occasion de nos contrôles à visée pédagogique, si nous identifions des pratiques contestables, celles-ci peuvent donner lieu à des procédures de sanction.

Dans le domaine de la finance durable, qui est relativement nouveau et où la norme se cristallise petit à petit, il est très important que nous aidions les acteurs à mettre en place les bons dispositifs, pour limiter les risques de greenwashing. En effet, les investisseurs témoignent d'une forte volonté d'investir dans une finance durable, mais ils peuvent se sentir perdus entre ce qui est affiché et ce qui existe réellement.

Vous m'avez interrogé également sur le trading à haute fréquence et la question des transactions intraday. Nous avons effectivement été confrontés à de nombreuses questions sur les taxes des transactions financières. Il existe une taxe sur ces transactions financières en France, qui porte notamment sur le trading à haute fréquence, mais pas sur les transactions intraday, pour différentes raisons. Parmi celles-ci figure le fait que les opérations intraday ne génèrent pas de transfert de propriété identifié.

Si l'on devait modifier la taxe sur les transactions financières, il est éminemment souhaitable de le faire au minimum au niveau européen. Sans me prononcer sur l'opportunité politique, qui ne relève pas de ma compétence, si des mesures sur l'extension du périmètre devaient être prises, il serait souhaitable qu'elles le soient au niveau européen, pour éviter qu'un certain nombre de transactions migrent vers d'autres places financières et posent des problèmes de liquidité sur la place de Paris.

Je ne sais pas si la blockchain peut jouer un rôle. Un des objectifs du régime pilote qui a été adopté au niveau européen dans le règlement MiCA et qui a été transposé en France par la récente loi DDADUE porte justement sur les cryptoactifs. Nous avons connaissance d'un certain nombre de projets qui permettront d'opérationnaliser les opportunités offertes sur le suivi des transactions post marché par la blockchain. Nous savons que des acteurs y travaillent, mais pour le moment aucun projet effectif n'a été mis en place et il est donc prématuré de vous répondre.

Ensuite, je n'ai pas très bien saisi la question qui m'a été posée sur Euroclear France. S'agissant de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, j'ai en partie répondu, notamment sur le volet crypto. Il s'agit évidemment d'une des missions centrales de l'AMF, dans ses activités de régulation. Nous avons bénéfice en 2021 ou en 2022 d'un contrôle approfondi du Groupe d'action financière (Gafi), qui a considéré que le dispositif français était globalement de très bonne qualité. Cependant, cela n'interdit pas de renforcer notre vigilance de manière continue. En effet, dans ces domaines, les risques peuvent se déployer en permanence avec de nouvelles modalités. Nous travaillons de manière approfondie avec Tracfin et avons également un dialogue très nourri avec les responsables de la conformité des acteurs de la gestion, que nous formons, et qui jouent un rôle éminent en matière de prévention et de financement du terrorisme. Notre protocole de coopération avec Tracfin a été signé en 2022.

Vous avez également posé une question sur la mise en place des outils de veille en lien avec les influenceurs et, de manière plus générale, sur les réseaux sociaux. Nous menons déjà une veille très active pour identifier des offres ou des sites illicites. En outre, nous sommes très largement alimentés par les difficultés que peuvent connaître les épargnants. Notre service Épargne Info Service a ainsi reçu plus de 12 000 demandes l'année dernière. J'ajoute que les saisines de notre médiatrice ont également fortement augmenté, puisqu'elles sont désormais au nombre de 2 000 par an.

Nous avons en outre des dispositifs d'alerte. Lorsque nous identifions des offres ou des sites illicites, nous pouvons le signaler à nos collègues européens. Il existe également un dispositif d'alerte au niveau international, via l'association de régulateurs des marchés mondiaux (IOSCO). Cela nous permet d'identifier des sites frauduleux ou des activités frauduleuses. L'année dernière, nous avons également obtenu en justice la fermeture de 70 sites. Nous nous interrogeons actuellement sur l'opportunité d'avoir des possibilités plus directes pour procéder à la fermeture des sites. Cependant, notre coopération avec la justice se déroule déjà très bien et nous permet d'être efficaces.

La loi sur les influenceurs nous a conféré des pouvoirs particuliers pour intervenir, notamment lorsque ceux-ci font de la promotion pour des offres illicites ou des produits trop risqués. Là aussi, nous souhaitons mettre en œuvre ce dispositif de manière très proactive, notamment en lien avec les grandes plateformes. Nous aurions par ailleurs besoin d'une extension de nos pouvoirs pour procéder de manière efficace via le web scraping, une technique d'extraction automatisée et structurée des données en ligne sur des sites web. De nombreuses autorités de contrôle nourrissent en effet ce projet. De notre côté, nous y travaillons avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Si nous trouvons un dispositif suffisamment protecteur des données, nous reviendrons le cas échéant devant le législateur avec des propositions expérimentales nous permettant de travailler plus efficacement. Cela pourrait aussi passer par l'extension de la possibilité d'utiliser une identité d'emprunt, qui existe aujourd'hui pour nos enquêteurs.

Vous avez également évoqué la situation très dégradée d'Orpea, mais aussi le plan qui a été mis en place sous l'égide de la nouvelle ordonnance de 2021, qui prévoit le traitement des entreprises en difficulté. L'AMF est très sensible au traitement des actionnaires minoritaires, mais je rappelle que nous ne sommes pas en charge des procédures collectives. Dans le cas d'Orpea, il y avait manifestement une situation d'entreprise en difficulté. Dans le cadre de nos travaux, une dérogation a été accordée par le collège de l'AMF.

La nouvelle procédure sur les entreprises en difficulté prévoit une règle de priorité absolue, qui établit une hiérarchie entre les parties intéressées, les actionnaires venant en dernier. Évidemment, dans cette logique, les actionnaires peuvent avoir l'impression que le traitement qui leur est accordé n'est pas le plus favorable. Néanmoins, ce texte cherche à sauver l'entreprise face des parties intéressées qui pourraient s'opposer à un plan de restructuration. Dans ce cadre, le tribunal de commerce est doté d'un fort pouvoir, puisqu'il peut imposer le plan à l'ensemble des parties, y compris si le vote des actionnaires est négatif. Je rappelle à cet égard qu'il y a bien un vote des actionnaires, qui doit d'ailleurs intervenir aujourd'hui. Mais désormais, le président du tribunal de commerce peut se substituer aux actionnaires pour voter le plan de restructuration.

S'agissant des évaluations réalisées sur l'entreprise, même s'il y a une offre, l'AMF n'a pas la charge de la fixation du prix de l'offre. En revanche, elle vérifie les modalités de fixation du prix. Dans ce contexte, nous avons pris connaissance du rapport de l'expert indépendant qui a été mandaté conformément aux objectifs dans ce type de situation. Nous avons en outre regardé la valorisation des actifs immobiliers, sur laquelle l'expert s'est également prononcé. En résumé, cette affaire est hors norme et consacre le premier cas où la nouvelle procédure est mise en œuvre. Il est vrai que celle-ci peut conduire les actionnaires à se trouver dans une situation défavorable. À ce titre, l'information financière doit être exacte et leur permettre de se positionner lors des plans de restructuration, notamment sur la dilution dont ils peuvent faire l'objet. Orpea constitue le premier d'entre eux, mais nous serons vraisemblablement conduits à en connaître d'autres.

Vous m'avez aussi questionné sur la finance durable et le projet de loi industrie verte. Le développement de l'accès aux actifs non cotés pour des investisseurs individuels est effectivement un des objectifs de ce projet de loi, à travers de nouveaux produits. Un des constats majeurs que nous avons réalisés est le suivant : si la Bourse de Paris s'est fortement développée, l'introduction en bourse n'a plus vraiment de succès. En effet, de nombreuses entreprises préfèrent recourir à des financements privés, notamment le private equity. Or les particuliers ont moins d'accès à ce private equity en dehors de la gestion collective. Nous avons observé le développement important des fonds d'investissements alternatifs portant sur ce domaine, mais aussi sur l'immobilier. Il existe donc bien une appétence des investisseurs pour ce type d'outils.

L'arrivée des Eltif va renforcer cet accès et la loi industrie verte prévoit des dispositions relatives à ces nouveaux fonds d'investissement sur le territoire français. Le risque d'illiquidité de ces véhicules fait effectivement partie des sujets que nous regardons, notamment dans le nouveau contexte de taux plus élevés. Nous continuerons à recommander très fortement aux gestionnaires de fonds de mettre en place les outils de gestion de la liquidité permettant aux investisseurs particuliers d'en bénéficier. Nous veillerons également à la transparence de l'information, notamment sur les possibilités de sortie desdits fonds. Les investisseurs doivent également être au fait des mesures et des méthodes de valorisation qui pourraient être mises en place en période de stress. Je ne me prononcerai pas sur l'assurance, puisque nous n'avons pas de compétences dans ce domaine.

M. Brun, vous avez évoqué la question de la prévention des conflits d'intérêts. Depuis que je suis en fonction, cette prévention est assurée au sein de notre collège et dans le cadre des décisions qui peuvent être déléguées. J'ai mis en place un certain nombre de déports. Vous avez évoqué le cas du CIC. Je ne me suis pas déportée en l'espèce, puisque je n'ai jamais travaillé pour le CIC et cela n'a pas empêché le collège de proposer des sanctions fortes pour des défauts d'organisation.

Vous avez également évoqué les faillites qui ont pu intervenir et les délais de mise en œuvre de la supervision et de l'application de MiCA. Avec nos homologues internationaux, nous travaillons sur les leçons à tirer de la crise du mois de mars. Nous avons constaté, entre autres, une accélération des phénomènes de retrait des dépôts bancaires, avec des mouvements très violents qui peuvent intervenir en quelques heures. Face à cela, il y avait manifestement un manque de réactivité chez les acteurs concernés, ce qui fera partie des sujets qui seront étudiés de très près. Cette question concerne plutôt les superviseurs bancaires.

Les délais d'application du règlement MiCA sont désormais fixés. Il est effectivement souhaitable de passer vers une procédure d'agrément, qui offrira plus de sécurité, notamment aux épargnants. Les exigences seront particulièrement notables en matière de fonds propres, de prévention des conflits d'intérêts et de protection contre les cyberattaques.

En France, la question est un peu moins sensible. En effet, nous disposons déjà d'un outil d'agrément très proche de l'agrément MiCA et d'un dispositif d'enregistrement renforcé, qui entrera en vigueur dès cet été. MiCA va modifier le passeport, ce qui nécessite que l'ensemble des autorités européennes contrôlent bien ce domaine. Une fois que des agréments MiCA auront été accordés dans un pays de l'Union européenne, les acteurs concernés disposeront en effet d'un passeport.

Ensuite, les sanctions actuelles sont-elles suffisantes ? La question peut effectivement se poser, puisque nous sommes proches d'avoir atteint le plafond de sanction. Par ailleurs, nous disposons d'outils de surveillance des marchés en temps réel, qui nous permettent d'identifier des phénomènes à contrôler au titre d'éventuels abus de marché. Ils nous offrent aussi la possibilité d'identifier les évolutions de marché qui pourraient s'avérer problématiques et donc d'alerter les acteurs, afin qu'ils renforcent leur vigilance. À cet égard, j'ai déjà évoqué les recommandations que nous pouvons formuler auprès des acteurs.

En matière d'intelligence artificielle, nous regardons toutes les opportunités qui peuvent exister, de manière à largement automatiser la surveillance de base. Nous pourrions développer davantage les outils dont nous disposons déjà. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons conserver notre capacité d'investissement autour de 10 millions d'euros. Celle-ci est en forte baisse par rapport aux deux dernières années, où nous avons investi 20 millions d'euros. Nous souhaitons pouvoir continuer à investir dans la donnée pour que nos collaborateurs puissent se concentrer sur des activités à plus haute valeur ajoutée. L'intelligence artificielle peut nous permettre d'identifier les problèmes.

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Euroclear ne dispose pas de l'ensemble des informations. Comment lever les obstacles, puisqu'ils sont les seuls à pouvoir intervenir sur cette taxation ?

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Je vous remercie pour votre intervention, qui permet de fournir un certain nombre de précisions. Parmi vos priorités thématiques, la deuxième vise à « promouvoir une finance plus durable ». Je souhaite revenir sur la finance verte et plus particulièrement la manière dont un certain nombre de critères sont développés à ce titre. Je pense notamment à l'ISR, c'est-à-dire l'investissement social responsable ; et d'autre part l'ESG, c'est-à-dire les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Néanmoins, une des difficultés qui semblent se développer actuellement tient au fait que, lorsque l'on effectue des comparaisons à l'international, on s'aperçoit que la Chine va jusqu'à émettre des green bonds pour construire des centrales à charbon propres. Que peut-on faire pour s'assurer qu'il existe une véritable normalisation à l'échelle internationale de cette labellisation verte ?

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Pendant deux ans, le groupe de travail sur les autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes a été mis en sommeil. Comment expliquez-vous que l'indisponibilité ait conduit cette cellule à être mise en sommeil pendant deux ans ?

En 2022, il y avait 490 ETPT à l'AMF, contre 509 en 2023. Dans votre priorité, qui concerne la protection des épargnants, vous avez évoqué la formation des professionnels. Dans l'ensemble de votre équipe, combien de personnes sont-elles dédiées à la formation des professionnels pour garantir et protéger les épargnants ?

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Je vous remercie pour la qualité et l'exhaustivité de vos réponses. Ma question complémentaire porte sur l'intelligence artificielle, qui connaît déjà des tests de grande envergure outre-Atlantique, qu'il s'agisse du trading, des prédictions d'évolution des marchés et de leur contrôle. Êtes-vous attentifs à ces démarches à l'AMF ? Expérimentez-vous déjà cette technologie dans la surveillance et le contrôle ?

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Je remercie à mon tour la présidente de l'AMF pour sa présentation. Je souhaite prolonger la question de mon collègue Philippe Brun. Vous avez évoqué votre non-déport concernant le CIC. Le CIC est membre de la Fédération bancaire, ce qui aurait pu justifier ce déport. Pourriez-vous nous transmettre la liste des déports depuis votre prise de fonction ?

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Lors de la précédente législature, nous avions conduit une mission avec Éric Woerth sur la question de l'activisme actionnarial. Nous avions formulé treize recommandations visant notamment à renforcer la transparence des marchés et à encadrer les ventes à découvert. De nouvelles dispositions ont-elles été mises en place pour encadrer ces ventes à découvert ?

Ensuite, s'agissant des déclarations de franchissement de seuil, nous avions proposé d'avoir un premier seuil à 3 % et un deuxième à 5 %, mais également d'avoir des déclarations obligatoires pour les franchissements à la hausse, mais aussi à la baisse. Des évolutions ont-elles eu lieu sur ces franchissements de seuil ?

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Nous savons que les entreprises sont extrêmement préoccupées par les évolutions du droit de la conformité, c'est-à-dire la manière dont elles rendent compte de leurs approvisionnements et de la planification de leurs opérations de décarbonation dans le temps. Il existe un enjeu déterminant sur le seuil auquel s'appliquent ces limites, puisque les petites entreprises n'ont pas les mêmes moyens que les grands groupes. Compte tenu des règles de cotation et de votre rôle, quel regard portez-vous sur l'évolution actuelle du droit européen, notamment en matière de conformité ?

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Marie-Anne Barbat-Layani

Euroclear ne dispose d'informations sur les transferts intraday. Au-delà des problématiques qui verraient le jour sur la liquidité si on devait mettre en place une taxation sur les transactions intraday, il faudrait trouver d'autres dispositifs, ce qui constitue une des difficultés techniques non négligeables dans ce domaine.

Dans le domaine de la finance durable, l'Europe est pionnière et elle est la plus exigeante en matière de reporting extra financier. Pour le moment, les normes européennes sont soumises à consultation, mais elles sont plus strictes que les normes internationales (ISSB) actuellement en discussion et qui seront d'ailleurs endossées par l'organisation internationale des régulateurs de marchés. En effet, les normes internationales se fondent sur la simple matérialité : il est demandé aux entreprises de rendre public l'impact des problématiques de climat sur leur situation financière.

Les normes européennes imposent elles aussi un véritable reporting sur la matérialité financière, mais elles comportent aussi une double matérialité. Les entreprises doivent donner les impacts des dérèglements climatiques qu'elles subissent, mais elles doivent également indiquer leur impact sur les sujets de développement durable. Nous pouvons espérer que les autres juridictions se placeront dans la même direction que l'Europe, pionnière en la matière et qui souhaite montrer la voie.

Comment mener des comparaisons internationales ? Nous espérons que la base qui sera fournie par les ISSB soit adoptée par l'ensemble des juridictions, ce qui ne va pas nécessairement de soi. En effet, nous avons vu ce qu'il en a été il y a quelques années sur les normes financières IFRS. En matière de bonne information des épargnants, il relèvera de la responsabilité des entreprises européennes, et notamment françaises, de faire valoir que leurs normes sont plus exigeantes. Nous espérons que les épargnants pourront s'y reconnaître et nous les aiderons en ce sens.

La mise en sommeil du groupe de travail sur les achats des autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes a été réelle dans cette période post Covid. Néanmoins, les contacts sont restés très importants. Nous avons d'ores et déjà développé des mutualisations avec l'Autorité de régulation des communications électroniques et le Haut Conseil du commissariat aux comptes sur les agences de voyages et nous regardons au-delà de ces autorités. Dans le domaine de la gestion des ascenseurs, nous avons ainsi mis en place une mutualisation avec la préfecture de Paris. De fait, il est vrai que nous ne sommes « que » 500 et que nous n'intéressons pas nécessairement tous les prestataires dans le cadre de nos appels d'offres. La mutualisation nous permet de réduire nos coûts et d'avoir accès à une offre plus large.

Vous m'avez également posé une question sur la formation des professionnels. Nous disposons effectivement d'un comité de certification professionnelle, qui a mis en place un certificat pour les responsables de la conformité et un certificat sur la finance durable. Nous consacrons une partie de nos moyens, à travers notamment notre direction des épargnants, à la mesure de nos moyens. En matière de certification professionnelle, 1,5 ETPT est dédié à ce sujet, qui prépare les décisions de certification. Nous démultiplions notre intervention car nous donnons nos certifications à des écoles de formation. Nous tenons au moins une fois par an un webinaire avec les responsables de conformité, qui leur permet de s'informer des évolutions réglementaires. Nous avons également l'ambition d'en créer un autre avec les conseillers en investissements financiers, soit environ 20 000 personnes sur le territoire français.

Vous vous interrogez sur l'utilisation de l'intelligence artificielle sur les marchés et pour les régulateurs de marché. Nous avons déjà développé, en tant que régulateur, un certain nombre d'outils sur la surveillance des marchés, qui s'appuient sur des algorithmes et nous permettent de détecter notamment les mouvements anormaux. Par ailleurs, nous menons des échanges avec l'écosystème de l'innovation pour identifier les développements qui peuvent avoir un impact important sur notre activité de régulateur. Nous y travaillons aussi au niveau international. Si le domaine n'est pas nouveau, l'accélération est notable et nous souhaitons être en mesure d'identifier les évolutions, qui peuvent avoir des impacts importants pour la protection des investisseurs et des épargnants.

Ensuite, je rappelle que, conformément aux textes en vigueur, j'ai effectué une déclaration d'intérêts et de patrimoine auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, que j'ai porté à la connaissance du déontologue du collège. Ceci peut effectivement conduire à mon déport sur certains dossiers.

Par ailleurs, le premier franchissement de seuil devant faire l'objet d'une déclaration est aujourd'hui fixé à 5 %. Dans notre communication d'avril 2020 sur l'activisme, nous avions effectivement évoqué la possibilité de l'abaisser à 3 %. Pour le moment, nous n'avons pas adopté de position définitive à ce sujet. Cela relèverait, le cas échéant, de la loi. Ce sujet peut également remis à l'ordre du jour de nos commissions consultatives, qu'il s'agisse de la commission des émetteurs ou la commission des épargnants.

Nous effectuons en outre une surveillance des ventes à découvert, puisqu'il existe une obligation de déclaration auprès de l'AMF dès qu'une évolution de 0,1 % voit le jour. Nous rendons cette information publique à partir de 0,5 %. Au-delà de l'activisme, d'autres questions peuvent se poser en matière de stabilité financière. Des réflexions sont ainsi menées sur le marché des credit default swaps (CDS), qui est assez étroit.

M. Lacresse nous interroge sur le développement du droit européen en matière de conformité et son éventuelle pesanteur sur les petites entreprises. Le développement de la conformité ou compliance est une tendance structurelle forte. Nous menons un dialogue prononcé avec les responsables de la conformité dans les sociétés de gestion. Cependant, nous ne pouvons pas nous en remettre à une conformité qui serait seulement formaliste, car nous courons le risque que les acteurs financiers perdent le sens de leur obligation de continuer à exercer leur meilleur jugement. En résumé, nous sommes à juste titre très exigeants en matière de conformité vis-à-vis des acteurs financiers.

S'agissant des entreprises, je pense que M. Lacresse fait allusion à la mise en œuvre de la directive CSRD et l'obligation de conduire un reporting extra financier de plus en plus exigeant. L'entrée en vigueur sera progressive et il existera une proportionnalité sur le niveau des exigences. Cependant, même en tenant compte de cette proportionnalité, le niveau d'exigence sera élevé. Les entreprises doivent donc s'y préparer si elles veulent avoir accès à des investisseurs qui sont de plus en plus concernés par la durabilité de leur investissement.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 28 juin 2023 à 9 heures

Présents. - M. Franck Allisio, M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Karim Ben Cheikh, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, M. Éric Coquerel, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, M. Benjamin Dirx, Mme Alma Dufour, Mme Sophie Errante, M. Luc Geismar, Mme Félicie Gérard, Mme Perrine Goulet, M. Victor Habert-Dassault, M. Patrick Hetzel, M. François Jolivet, M. Emmanuel Lacresse, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, Mme Constance Le Grip, M. Pascal Lecamp, Mme Patricia Lemoine, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Plassard, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Michel Sala, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Jean-Marc Tellier

Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Manuel Bompard, M. Charles de Courson, M. Joël Giraud, M. Daniel Labaronne, Mme Karine Lebon, M. Philippe Lottiaux, Mme Mathilde Paris, M. Charles Sitzenstuhl