Intervention de Sophia Chikirou

Réunion du mercredi 28 juin 2023 à 13h20
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSophia Chikirou :

Merci pour ce rapport d'information qui nous permet un premier « tour de chauffe » sur le projet de loi relatif à l'industrie verte. Il nous éclaire, à travers vos dix propositions, sur les manquements que vous avez pu vous-même constater sur le projet de loi qui nous est présenté.

Nous partageons avec vous le tableau des enjeux et des obstacles à lever pour mener une véritable politique industrielle. Tout le monde ici est d'accord pour retrouver notre souveraineté industrielle. Comment ne pas l'être après la crise du Covid, après l'invasion de l'Ukraine et la rupture des relations avec la Russie ou quand l'on constate que, parmi les secteurs stratégiques, les semi-conducteurs sont produits en Asie ? Même le Japon annonce la nationalisation de sa principale entreprise du secteur. En matière écologique, je trouve le rapport un peu plus timide. L'urgence est là mais je ne vois pas dans vos propositions de mesures qui permettraient d'agir en conséquence.

Finalement, je suis au regret de vous dire que vous faites le constat des symptômes mais ne dites rien sur les causes. La réalité, que ce soit dans l'Union européenne ou en France, est que l'idéologie libérale fait du libre marché et du productivisme l'alpha et l'oméga de la politique industrielle européenne. Cela conduit à une concurrence à l'intérieur des frontières de l'Union européenne et à des faiblesses face à nos grands concurrents que sont aujourd'hui les États-Unis ou la Chine. Nous sommes donc dans le scénario 4 de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) dans son rapport sur la transition 2050, qui s'appelle « le pari réparateur » : on continue comme avant en priant pour que la technologie nous sauve. C'est le cas du projet de loi relatif à l'industrie verte et de la politique que mène toujours l'Union européenne.

Je suis plutôt favorable pour ma part au scénario 1 de l'ADEME, un scénario de sobriété qui est certainement le plus efficace puisqu'il prévoit de baisser la consommation, notamment énergétique, et de changer aussi bien les comportements et les organisations que la technologie. Je vais tout de même revenir sur deux aspects de votre rapport.

D'abord, le projet de loi relatif à l'industrie verte aurait dû être l'occasion de soutenir et de préciser le protectionnisme que nous devons appeler de nos vœux avec le Buy European Act. Il aurait également pu faire des propositions pour pallier les failles du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Ce n'est malheureusement pas le cas.

Il est nécessaire d'aborder à la fois le verdissement de l'industrie existante et le développement d'une nouvelle industrie verte, mais on ne peut pas englober les deux. Il faut pouvoir les distinguer pour pouvoir mener des politiques plus adaptées à l'une comme à l'autre.

Pourquoi ne pas recommander de renforcer le mécanisme de contrôle des investissements étrangers dans l'Union européenne en l'élargissant à des critères environnementaux ? Comme vous le savez, je vais présenter tout à l'heure un rapport sur la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises qui doit justement responsabiliser ces dernières tout au long de leur chaîne de valeur, notamment sur l'impact environnemental.

Que pensez-vous, par ailleurs, de l'idée de conditionner les investissements directs étrangers dans l'Union européenne à un contrat d'implantation qui pourrait s'appuyer sur des critères en matière environnementale, sociale et de création d'emplois ? Ce contrat d'implantation est inspiré par M. Xavier Bertrand qui le met en œuvre depuis plusieurs années dans les Hauts-de-France.

Pourquoi ne pas fixer des objectifs contraignants de réduction des émissions de CO2, et, surtout, pourquoi limiter l'ambition d'une industrie verte à la décarbonation quand des enjeux aussi essentiels que la biodiversité, la pollution, les usages de l'eau, la sobriété foncière et énergétique font aussi partie de l'industrie verte ?

Pourquoi, enfin, ne pas proposer une harmonisation des normes écologiques au niveau européen, notamment dans le secteur agricole, mais surtout en matière d'écoconception ? On a déjà commencé à le faire dans l'Union européenne, mais on pourrait aller beaucoup plus loin et cela participe du verdissement de l'industrie.

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