Intervention de Dominique Faure

Réunion du mardi 11 juillet 2023 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Dominique Faure, ministre déléguée :

Une grande partie d'entre vous, quelle que soit son appartenance politique, a reconnu qu'il y avait des avancées, et je vous en remercie. Nous y avons mis toute notre énergie depuis un an.

Vous avez demandé, notamment Mme Pochon, si cela suffirait, et si on allait changer le monde de la ruralité grâce à ce plan. Vous avez raison de poser la question en ces termes, mais il faut être conscient que nous pourrons, grâce aux indicateurs que nous avons prévus, faire des évaluations tous les six mois et qu'il y aura à la fin de l'année une petite dizaine de territoires d'expérimentation. On pourra ainsi voir si on a investi de l'argent d'une manière qui n'est pas très utile, parce que personne ne s'en saisit, et si certains besoins, auxquels nous n'avons pas répondu, émergent dans d'autres domaines. Cela peut paraître surprenant, mais nous avons conçu France ruralités comme un plan évolutif et adaptable, sur la base d'indicateurs de mesure.

Si vous avez des propositions concrètes, sur la base du fonctionnement de ce que nous allons mettre en œuvre dans les six mois qui viennent, et des témoignages, ne vous privez donc pas de nous les faire remonter. L'idée est que France ruralités doit être utile à nos concitoyens. Nous avons bâti ce plan avec nos convictions et à la suite de rapports et de concertations, mais nous restons humbles. Il y aura une capacité d'adaptation si vous pensez qu'il faudrait faire d'autres choses qui ne sont pas prévues à ce stade.

Vous êtes nombreux à avoir dit que 30 millions d'euros pour la mobilité, 100 millions pour les médicobus et 100 millions encore pour la dotation en faveur de la biodiversité, c'était bien mais pas assez. Commençons déjà par utiliser ces moyens ! Soyez nos porte-parole dans les territoires, non pas pour dire que ce que fait le Gouvernement est génial – ceux qui sont dans l'opposition ne le diront jamais –, mais pour inviter, parce qu'ils aiment la ruralité, les communes à se saisir de ces dispositifs. Nous regarderons si elles le font parce qu'elles apprécient ces mesures, et inversement, si elles ne s'en saisissent pas car elles ne les connaissent pas.

Si au bout du compte, les 100 médicobus sont insuffisants et qu'il faut en prévoir 200, nous trouverons les ressources. Je doute qu'on utilise intégralement en 2024 les 30 millions d'euros prévus pour la mobilité du dernier kilomètre, mais je peux me tromper : il faudra peut-être 40 ou 50 millions d'euros. Portons des projets d'ingénierie en matière de mobilité, et essayez de me faire remonter les manques éventuels. En tout cas, dire qu'il n'y a pas assez de moyens, ce n'est pas une raison pour ne rien faire. Nos ruralités sont demandeuses, et nous devons agir collectivement, quel que soit notre bord politique.

Madame Miller, vous avez dit que les maires demandent plus d'accompagnement financier pour les maisons France Services – je le sais, vous avez raison. Certains maires sont en difficulté, et nous les accompagnons avec les outils dont dispose la direction générale des collectivités locales (DGCL). Nous avons remis de l'argent pour l'accompagnement par les maisons France Services et nous avons prolongé les conseillers numériques. Nous sommes conscients, M. Stanislas Guerini et moi-même – nous travaillons d'une façon très partenariale sur ce sujet –, que beaucoup de maires nous demandent de faire plus. Nous avons pérennisé le dispositif et nous l'avons renforcé, mais j'entends ce qui nous est dit – nous ne sommes pas sourds et nous allons voir ce que nous pouvons faire.

S'agissant des chefs de projet en ingénierie dans les territoires, ils feront les diagnostics que j'ai évoqués, puis ils convoqueront tous les acteurs de l'ingénierie et ils feront venir tous les maires qui le souhaitent, lors de deux ou trois séances par circonscription. Ils verront, d'ici à la fin du mois d'octobre, l'ensemble des maires ruraux, afin que chacun d'entre eux connaisse, dans les départements où nous aurons recruté un chef de projet, celui qui a rejoint le préfet et comment il procédera. Les maires pourront alors lever le doigt, et les projets émaneront des territoires. Les chefs de projet se donneront deux mois pour faire le tour des premiers projets et pour leur apporter soit de l'ingénierie qui existe déjà, soit leur propre ingénierie, soit de l'ingénierie qui sera achetée, afin d'assurer un accompagnement.

En ce qui concerne la simplification, nous sommes vraiment sur la bonne voie grâce au document unique qui résultera de l'ingénierie et qui pourra donner lieu à des financements des départements et des régions, mais il faudra que vous me laissiez du temps en la matière : je n'ai pas encore convaincu tout le monde. Il faut que je m'adresse à tous les départements et à toutes les régions. Je m'appuierai, évidemment, sur les associations d'élus, Régions de France et Départements de France. Nous devrions arriver à assurer la simplification que tous les maires appellent de leurs vœux, si les départements concernés jouent le jeu, bien sûr.

S'agissant de l'évaluation, j'ajoute que nous avons mis en place ce que nous appelons, par référence au Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, un « Giec de la ruralité ». Il s'agit tout simplement de scientifiques qui ont l'habitude de travailler avec une entité dénommée Popsu – la Plateforme d'observation des projets et stratégies urbaines. Nous avons la chance qu'environ 200 scientifiques soient pilotés par Popsu dans notre pays. J'ai fait leur rencontre grâce à Mme Sandra Marsaud – je connaissais déjà Popsu métropoles, puis j'ai découvert, il y a un an, Popsu territoires. Popsu a trouvé une vingtaine de scientifiques qui vont nous aider à évaluer, au fil de l'eau, l'efficacité des politiques publiques en matière de prise en compte de la biodiversité et de l'environnement.

M. Antoine Villedieu a dit que le plan était vide juridiquement et qu'il aurait fallu faire ceci et cela. Je ne peux pas vous dire « non », et c'est peut-être ce que vous auriez proposé si vous étiez au Gouvernement. En tout cas, nous ne pensons pas que la loi réglera tout, mais plutôt qu'il y a un besoin en la matière dans deux domaines. Le premier est la définition et les critères des zones de revitalisation rurale, qui font l'objet de deux propositions de loi au Sénat et d'un projet de loi sur lequel nous travaillons – nous sommes ainsi en train de regarder la question posée par M. Taupiac au sujet des communes et des intercommunalités. Il faut aussi inscrire dans la loi les critères définissant quelles collectivités pourront bénéficier de la dotation en faveur de la biodiversité. Un inspecteur de l'Igedd y travaille.

Le projet de loi permettra de reconnaître les ruralités dans la loi, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, mais je ne pense pas qu'il soit nécessaire de tout mettre dans la loi. Pourquoi les mots « chasseurs » ou « pêcheurs » ne sont-ils pas présents ? Nous les aimons et nous ne faisons pas preuve de dogmatisme : les chasseurs et les pêcheurs ont leur rôle à jouer. Il ne faut pas se placer dans un camp plutôt que dans un autre : dans la ruralité, on aime les chasseurs et les pêcheurs, la biodiversité, l'environnement et l'écologie. Tout cela, on l'aime et je pense qu'on peut arriver, ensemble, à le concilier.

Y a-t-il deux poids, deux mesures, entre les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les ruralités ? Notre objectif est qu'il y ait plus d'équité territoriale et d'aller chercher de l'argent pour des sujets qui nous semblent pertinents. S'il n'y en a pas suffisamment, nous saurons en trouver. Vous aurez en moi une ambassadrice lorsqu'on verra que cela marche et qu'il faut plus d'argent, mais en attendant commençons, si vous le voulez bien, par nous saisir de ce qui est déjà proposé.

D'où sort le nombre, évoqué par Mme Catherine Couturier, de 500 communes accompagnées ? S'il y en a 800, nous serons très contents, et s'il n'y en a que 200, nous serons aussi très contents. J'ai dit que nous répondrons aux maires qui lèveront le doigt, et tout dépendra des sujets sur lesquels ils voudront se positionner. Villages d'avenir vise à accompagner en matière d'ingénierie les communes qui le souhaiteront, pour leurs politiques culturelles, pour leur vision prospective en matière d'aménagement du territoire ou pour leurs besoins en ingénierie financière. Nous n'avons pas fixé un nombre de communes ; vous avez peut-être entendu parler, quelque part, de 500, ce qui nous irait très bien, mais ce n'est pas un objectif ou une fin en soi. L'idée est d'accompagner les ruralités : plus les maires nous saisiront en matière d'accompagnement pour leurs projets, plus nous serons heureux.

Oui, des classes ferment, mais nous ne sommes pas là pour en parler.

Vous avez évoqué, à propos des médicobus, un monde de « sorcières », de « magibus ». Je ne comprends pas bien pourquoi vous accablez de moqueries cette proposition qui vise tout simplement à améliorer la qualité de vie de nos concitoyens, alors que j'ai l'humilité de vous dire que si personne n'utilisait ce dispositif, nous pourrions tout à fait évoluer, pour faire d'autres choses, que vous pourriez, notamment, nous proposer.

Monsieur Pierre Vatin, vous nous dites que les choses vont dans le bon sens mais que nous saupoudrons les mesures. J'accepte certaines critiques – ceux qui ont travaillé avec moi savent que je les considère comme un vecteur de progrès –, et je sais que toute proposition d'action peut donner lieu à critiques. Mais si nous prévoyons des mesures pour le logement et pas pour la mobilité, on va nous dire que nous ne comprenons pas la ruralité. Or nous avons essayé de couvrir un large spectre de sujets après avoir écouté, avec mon équipe, les maires des villages, les associations et les habitants, que j'ai beaucoup rencontrés. Vous dites que j'ai une vision dégradante de la ruralité : je le prends presque comme une insulte. Je respecte votre point de vue, mais nos propositions ne donnent pas une vision dégradante de la ruralité. Au contraire, nous voulons une ruralité encore plus heureuse, dont on rémunère les richesses en aménités rurales, et à laquelle on essaie de fournir des services en matière de lutte contre les logements vacants et d'accompagnement des projets de mobilité. Nous verrons bien si ces actions suffisent. En attendant, dialoguons, échangeons, soyons constructifs, aimons la ruralité, appliquons les mesures proposées et évaluons ce qui fonctionne et ce qui marche moins bien.

La Première ministre a annoncé la pérennisation du dispositif des ZRR dès novembre 2022, et les contenus du dispositif seront présentés à l'automne prochain. Nous prolongeons les ZRR, car la définition de critères de rémunération des aménités rurales est complexe – peut-être que si vous étiez au pouvoir, vous auriez déjà trouvé, mais nous y travaillons depuis un an, et nous avons fini par mandater un inspecteur de l'Igedd. Nous consultons et nous cherchons à dégager des critères pertinents pour élargir les zones Natura 2000. Ce n'est pas facile, et les décisions feront sûrement l'objet de critiques. Deux propositions de loi ont été déposées sur le sujet, mais elles ne sont pas convergentes ; je suis néanmoins très confiante sur le fait que nous aboutissions à un texte de compromis entre votre assemblée, le Sénat et le Gouvernement, dans l'intérêt des ZRR.

Monsieur Jimmy Pahun, je vous prie de m'excuser de ne pas avoir évoqué les tiers-lieux, qui se trouvent également au cœur de France ruralités ; certains d'entre eux relèvent de l'économie sociale et solidaire et plaisent beaucoup. Le plan y consacre 12 millions d'euros. Portez des projets de tiers-lieux ! Quand il n'y aura plus d'argent pour les financer, nous irons chercher des crédits supplémentaires, mais cette enveloppe de 12 millions est énorme par rapport à ce que l'on a effectivement dépensé pour ces projets dans les territoires ruraux : il faut donc sensibiliser les collectivités territoriales et leur parler de Fabriques de territoire pour leur donner envie. Nous serons au chevet de ces projets, qui se développent souvent dans des centres-bourgs.

Toutes les mesures que je vous présente et que je vous invite à examiner plus en détail viennent en complément du CPER, du fonds Vert, de la DETR et de la DSIL. Pour financer les médicobus, nous avons trouvé, avec le ministère de la santé et de la prévention, de l'argent qui s'ajoute à tous les moyens déjà mobilisés. Le volet consacré aux transports collectifs dans les contrats de plan État-région satisfait plus ou moins les régions, mais que celles-ci travaillent avec mon collègue M. Clément Beaune sur toutes les mobilités à l'échelle régionale ! France ruralités interviendra pour les fins de parcours à partir des gares et des arrêts de bus.

Monsieur Stéphane Delautrette, je partage votre constat sur l'existence de besoins criants. J'ai travaillé avec beaucoup d'entre vous et des élus locaux, et c'est vous qui nous direz si les choses s'améliorent. Vous saurez m'interpeller sur ce qui ne va pas dans le cadre des questions au Gouvernement, et nous saurons effectuer les ajustements qui se révéleront nécessaires. Lançons déjà ce programme, que nous avons élaboré en toute humilité avec la Première ministre et quatorze collègues du Gouvernement, au service des habitants de la ruralité. La capacité à ajuster les mesures est un facteur essentiel de la réussite du programme.

Vous estimez que la prime de 5 000 euros versée aux propriétaires remettant sur le marché des logements vacants après leur rénovation n'est pas assez élevée ; vous avez raison. Concernera-t-elle 10 000, 5 000, 3 000 ou 2 000 logements ? Nous verrons. Nous nous sommes bagarrés pour qu'elle soit plus importante, mais au moins sommes-nous parvenus à la rétablir ; réjouissons-nous-en et voyons combien de propriétaires s'en saisissent. Avec 5 000 euros, on peut quand même couvrir la moitié des frais d'installation d'un chauffage plus moderne dans une maison de taille moyenne.

Quant à la dotation pour la protection de la biodiversité, vous avez été nombreux à dire que l'enveloppe de 100 millions d'euros était insuffisante, mais commençons par la consommer et nous ferons le point ensuite.

Madame Marie Pochon, vous avez fait une jolie intervention avec des références au temps. Certes, cette dimension est importante, mais je suis dans l'action. Il est en effet plus long de se connecter à internet dans les territoires ruraux qu'en ville et l'espérance de vie y est plus brève. Je partage votre diagnostic et j'espère que France ruralités améliorera les choses. Je vous soutiendrai si vous voulez amender et compléter notre plan en cas de besoin.

Monsieur David Taupiac, vous avez raison de dire que l'essence est chère dans les territoires ruraux. Il faut lutter contre la vie chère dans ces territoires ; voilà pourquoi le développement d'un service public de mobilité à l'échelle intercommunale est essentiel. Les EPCI veulent s'occuper de logement et jouer un rôle de complément de celui des régions dans l'organisation de la mobilité : qu'ils se lancent ! Nous avons des crédits pour les accompagner.

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