Intervention de Didier Le Gac

Réunion du mercredi 19 juillet 2023 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Le Gac, rapporteur :

À partir de la notion de représentativité dont mon collègue a montré toute la complexité à l'instant, il était nécessaire de fixer un cadre permettant de déterminer quelles organisations pouvaient y prétendre.

Depuis les lois de 2014 et de 2016 mises en œuvre pour la première fois à l'occasion de la mesure d'audience de 2017, les organisations patronales représentatives doivent remplir un certain nombre de critères liés à leur nature et aux entreprises qui y adhèrent, mettant ainsi fin au principe de la présomption de représentativité.

Comme les syndicats de salariés, les organisations patronales doivent désormais démontrer un certain nombre de caractéristiques : le respect des valeurs républicaines, l'indépendance, la transparence ou encore l'ancienneté minimale de deux ans d'influence. Elles doivent également, au niveau des branches, justifier d'une implantation territoriale équilibrée et, au niveau national et interprofessionnel, être présentes dans les secteurs de l'industrie, de la construction, du commerce et des services.

D'autre part, les organisations patronales sont considérées comme représentatives en fonction d'un critère d'audience satisfait lorsque l'organisation répond à l'une des deux conditions suivantes : au moins 8 % des entreprises de la branche y adhèrent ; les entreprises adhérentes représentent au moins 8 % des salariés de la branche.

Ce double critère est issu du compromis – j'insiste sur ce terme – trouvé entre le Medef, la CPME et l'U2P. Il vise à représenter les organisations patronales dans leur diversité. Le critère du nombre d'entreprises favorise ainsi les organisations comprenant majoritairement des TPE-PME, tandis que le critère du nombre de salariés favorise les grandes entreprises.

L'un des enseignements de notre mission est que la mise en œuvre du cadre actuel ne fait pas consensus, c'est le moins que l'on puisse dire. De nombreux acteurs ont souligné l'importance de la publicité et de la fiabilité des chiffres issus de la mesure d'audience. Cependant, force est de constater que le contrôle par un commissaire aux comptes faisant office de tiers de confiance pour certifier la mesure, n'écarte pas les critiques. En effet, les règles mises en œuvre par les organisations et les types de contrôles effectués par les commissaires aux comptes ne sont pas uniformes, et la lisibilité des résultats est amoindrie par le phénomène déjà évoqué par mon collègue des multi-adhésions.

Pourtant, l'enjeu est de taille puisque l'accès à la représentativité patronale emporte des conséquences significatives. La première, qui est d'ordre symbolique mais qui n'est pas sans importance, est de donner aux organisations représentatives, particulièrement au niveau national, une crédibilité qui contribue à la diffusion de leur discours sur la scène publique. Les organisations patronales représentatives sont également en capacité de négocier la norme sociale et d'approuver son application. À l'échelon de la branche ou à l'échelon national et interprofessionnel, elles sont aussi les seules à pouvoir signer conventions et accords collectifs avec les organisations syndicales, qui déterminent le droit applicable aux salariés de leurs entreprises adhérentes.

Le ministre du travail est le plus souvent amené à étendre ces droits par la procédure d'extension de la convention ou de l'accord à l'ensemble des salariés concernés. Les organisations patronales représentatives peuvent alors s'opposer à l'extension d'une convention ou d'un accord dans leur branche. Néanmoins, le droit d'opposition n'est ouvert qu'aux seules organisations représentant au moins 50 % des salariés des entreprises adhérentes, ce qui constitue l'un des principaux points de difficulté identifiés par notre mission. L'U2P, ainsi que des organisations représentatives de branche comme la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), souhaitent en effet revoir ce mécanisme. Elles considèrent qu'elles représentent dans certaines branches, comme celles du bâtiment ou des opticiens par exemple, une majorité d'entreprises, même si celles-ci n'emploient qu'une minorité de salariés. Cependant, la procédure d'extension vise à appliquer la même norme à l'ensemble des salariés d'une branche. Son effet s'apprécie donc au regard du nombre de salariés auxquels la convention ou l'accord a vocation à s'appliquer et non au regard du nombre d'entreprises couvertes. Ceci explique que le droit d'opposition soit réservé aux organisations représentant une majorité de salariés, quel que soit le nombre d'entreprises adhérentes. Au demeurant, il n'apparaît pas certain, bien au contraire, que la multiplication des droits d'opposition permette de résoudre les difficultés que connaissent quelques rares branches en matière de dialogue social, là où la majorité d'entre elles ne connaissent pas de difficultés.

En troisième lieu, les organisations représentatives désignent des mandataires au sein des institutions et organismes paritaires. Sauf accord prévoyant une règle différente, le nombre de sièges est déterminé pour 70 % en tenant compte du nombre de salariés des entreprises adhérentes et, pour 30 %, du nombre d'entreprises adhérentes. Les auditions que nous avons menées ont établi que certaines organisations patronales n'étaient pas toujours en mesure de nommer des mandataires pour occuper les sièges qui leur ont été attribués, en contradiction avec la volonté de faire évoluer ces règles dans un futur proche.

Enfin, en dernier lieu, une part du fonds pour le financement du dialogue social est attribuée aux organisations représentatives, selon une règle prenant en compte à proportion égale le nombre de salariés des entreprises adhérentes et le nombre de ces entreprises. Il ne semble pas que le bénéfice de ce fonds constitue un enjeu particulier pour celles-ci, dès lors qu'elles disposent de sources de financement propres déjà importantes.

Avant de laisser la parole à mon collègue afin qu'il présente ses conclusions, je tiens à présenter la situation du champ national et multiprofessionnel qui existe au côté du champ interprofessionnel. Les organisations qui en sont représentatives relèvent de secteurs particuliers : l'agriculture, avec la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, l'économie sociale et solidaire, avec l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire, et le spectacle vivant, avec la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma. Ces organisations n'ont pas vocation à négocier la norme sociale mais elles sont consultées afin que soit adapté au mieux le droit du travail aux spécificités de leur secteur. Les critères actuels qui conditionnent la représentativité à la présence des organisations dans au moins dix conventions collectives s'accommodent mal du mouvement souhaitable de restructuration des branches, et nécessitera donc une réflexion sur l'avenir du champ multiprofessionnel.

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