Intervention de Philippe Juvin

Réunion du lundi 18 septembre 2023 à 16h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Juvin :

Vous avez raison, madame la présidente, il faut s'intéresser au fond.

Précisément, les chiffres du chômage ne sont pas bons : la France est en vingt-troisième position sur vingt-sept. Il faut donc cesser de s'autocongratuler. De plus, nous comptons 4 ou 5 millions de chômeurs – la comptabilité est en effet un mystère administratif... – et pas une seule entreprise, une seule municipalité, une seule maison de retraite ou un seul hôpital qui ne cherchent quelqu'un !

Le plein emploi est un objectif capital, nous sommes d'accord avec le ministre. J'approuve donc le titre de votre projet. Toute personne en recherche d'emploi doit être inscrite à Pôle emploi : nous soutiendrons cette bonne mesure. Toutefois, force est de constater que certains aspects du texte sont encore inquiétants.

Tout d'abord, une recentralisation larvée. Le texte issu du Sénat a un peu amélioré les choses et j'espère qu'il ne sera pas détricoté. Mme la rapporteure se félicite qu'avec l'article 10, les communes seront désormais officiellement responsables de la gestion de la petite enfance et des crèches. Comme d'autres ici, j'ai été maire et nous savons que les communes le sont depuis longtemps. D'un côté, vous inscrivez dans la loi qu'elles exerceront officiellement cette prérogative et, de l'autre, vous créez un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l'accueil des jeunes enfants, validé par une instance départementale et repris en main par l'État en cas de « manquements ». Il s'agit d'une décentralisation en « liberté surveillée ». Nous sommes inquiets d'un tel manque de confiance à l'endroit des collectivités territoriales alors que nous aurions tout intérêt à travailler avec elles. Outre qu'elles utilisent l'argent public d'une manière sans doute plus efficace que l'État, le service rendu est probablement moins coûteux.

Ensuite, l'obligation de 15 heures d'activité hebdomadaires pour l'ensemble des allocataires du RSA. Nous défendons une telle mesure depuis longtemps et nous soutenons son inscription dans la loi mais, parce que nous ne sommes pas tous égaux face à la reprise d'activité et, encore moins, face à l'emploi, certaines personnes sont plus éloignées que d'autres de l'emploi et nos débats devront permettre d'aménager le dispositif, en particulier pour les personnes en situation de handicap et les parents isolés qui ne disposent pas de modes de garde. Il n'en reste pas moins que, faute d'inscrire ce principe dans la loi, il sera détourné, comme il l'est aujourd'hui. En outre, comment se dérouleront les contrôles ? Nous serons particulièrement attentifs aux garanties apportées pour qu'ils soient réalisés en nombre suffisant.

Enfin, nous vous alertons sur le coût financier de cette réforme, estimé entre 2 et 3 milliards sur trois ans. L'étude d'impact est très intéressante sur un plan sociologique, administratif ou philosophique, mais elle ne fait état d'aucun chiffre ; or nous sommes bien obligés de nous demander qui paie et avec quoi. Le rapport du haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises apporte quelques précisions qui ne manquent pas d'intérêt, puisque c'est l'Unedic qui sera probablement ponctionnée, malgré ses 42 milliards d'euros de dette prévus en 2025. Une telle question ne saurait être évacuée.

J'ajoute que la question de la formation est fondamentale. Si les entreprises cherchent des personnels alors que les chômeurs sont en si grand nombre, c'est que notre système de formation est inadapté. Cette loi ne se saisit pas de ce problème, même si nous comprenons qu'elle ne puisse tout traiter.

Nous nous en remettons au débat et nous serons vigilants quant aux solutions qui seront proposées.

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