Commission des affaires sociales

Réunion du lundi 18 septembre 2023 à 16h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à seize heures.

La commission auditionne M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, pour le plein emploi (n° 1528) (M. Paul Christophe et Mme Christine Le Nabour, rapporteurs).

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Mes chers collègues, la session extraordinaire débutera lundi prochain par l'examen du projet de loi pour le plein emploi. Ce texte est donc à l'ordre du jour de notre commission cette semaine.

Je remercie M. le ministre du travail de venir nous présenter ce texte à l'issue de son examen par le Sénat en juillet dernier. Comme de coutume, cette audition tiendra lieu de discussion générale.

Conformément aux décisions prises par le bureau de la commission en début de législature, s'agissant d'un texte important, le temps de parole des orateurs des groupes, après le propos du ministre et des rapporteurs, sera de cinq minutes. Les autres interventions demeureront limitées à deux minutes.

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Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion

Je tiens d'abord à vous féliciter, madame Parmentier-Lecocq, pour votre élection à la présidence de la commission des affaires sociales, où vous succédez à Mme Fadila Khattabi, avec qui j'aurai le plaisir de travailler dans les nouvelles fonctions qui sont les siennes.

Je suis très heureux de vous présenter ce projet de loi pour le plein emploi, qui s'inscrit dans la droite ligne des réformes que les gouvernements successifs ont menées depuis 2017 en faveur du plein emploi. Jalon essentiel de la politique de l'emploi, il a été adopté le 11 juillet par le Sénat, qui l'a fait évoluer.

L'objectif de ce texte est contenu dans son titre : il s'agit d'atteindre le plein emploi pour tous. C'est l'une des priorités du Gouvernement et celle du ministère dont j'ai la charge. Contre le chômage, nous n'avons manifestement pas tout essayé. Après des décennies de chômage de masse, le taux de chômage est certes au plus bas depuis 1982, et le taux d'emploi au plus haut depuis que l'Insee le mesure, c'est-à-dire 1975, y compris pour les jeunes et les seniors, mais nous devons poursuivre notre action, afin d'atteindre le plein emploi.

Depuis 2017, nous avons favorisé l'accès des jeunes à l'emploi, avec la réforme de l'apprentissage et du lycée professionnel et l'instauration du contrat d'engagement jeune (CEJ) et modernisé le régime de l'assurance chômage. Il nous reste l'important chantier de l'emploi des seniors : nous avons confié aux partenaires sociaux le soin d'en discuter, au titre de l'article L. 1 du code du travail.

Avec ce projet de loi, nous réformons le service public de l'emploi, notamment l'accompagnement qu'il propose aux personnes les plus éloignées de l'emploi. Ce texte s'appuie sur un constat et une conviction.

Le constat, c'est que les entreprises peinent à recruter, alors que le chômage reste important : c'est le signe que le service public de l'emploi manque parfois d'efficacité pour faire se rencontrer l'offre et la demande de travail, malgré les efforts de son personnel et des acteurs de l'emploi et de l'insertion. Complexe, atomisé, parfois inintelligible et mal coordonné, le service public de l'emploi crée des parcours hachés qui nuisent à la situation des plus fragiles, sans répondre aux besoins des entreprises en matière de recrutement. Pour les travailleurs en situation de handicap, le parcours d'orientation est particulièrement complexe, souvent impersonnel, source de déception et d'incompréhension.

La conviction, c'est que personne n'est inemployable. Ce projet de loi entend donc garantir à tous l'accès au marché du travail, y inclure ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi et donner ou redonner un emploi aux plus fragiles, ceux-là mêmes qui, pendant des décennies, ont souvent été relégués au second rang par la fatalité du chômage de masse. Rénover le service public de l'emploi, mieux le coordonner et mieux accompagner les personnes en recherche d'emploi, comme les entreprises qui souhaitent recruter, tel est notre objectif.

Avant d'en venir aux dispositions du texte, je souhaite dire un mot de la méthode qui a été choisie pour l'élaborer.

En septembre 2022, j'ai confié une mission de concertation et de préfiguration à M. Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises. Il m'a rendu son rapport le 17 avril, au terme de huit mois de concertation avec l'ensemble des acteurs. Ce travail considérable a abouti à un ensemble de propositions, dont certaines trouveront une traduction législative ou réglementaire, tandis que d'autres, qui ne relèvent ni de la loi, ni du règlement, mais des bonnes pratiques, contribueront également à améliorer l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi. Le projet de loi que je vous présente reprend l'essentiel des principes établis par la mission, rendus consensuels par la concertation.

Ce texte comporte un volet relatif à l'emploi des personnes en situation de handicap, qui a lui aussi fait l'objet d'une large concertation et qui reprend les annonces faites par le Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap (CNH), qui s'est réunie le 26 avril. Une vingtaine de mesures pour l'emploi des personnes en situation de handicap ont fait l'objet d'un consensus au sein de la CNH. Celles qui nécessitent une traduction législative figurent dans ce texte.

Enfin, l'examen du texte au Sénat a permis de l'enrichir : j'y reviendrai à la fin de mon exposé.

J'en viens aux dispositions du texte, qui comporte cinq volets.

Le premier concerne l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi. Certains constats sonnent comme des alertes : 16 % des allocataires du RSA y sont encore inscrits plus de dix ans après leur première inscription ; une étude de 2022 menée par la Cour des comptes a par ailleurs montré que 42 % des allocataires du RSA y sont inscrits de manière permanente ou intermittente sept ans après leur première inscription ; enfin, 18 % des allocataires ne sont suivis par aucun organisme, ni social, ni socioprofessionnel et ne connaissent du RSA que l'allocation. Cette proportion dépasse même 30 % dans une quinzaine de départements.

Je suis convaincu que nous ne sommes pas quittes de notre devoir de solidarité par le versement de quelques centaines d'euros et qu'atténuer les symptômes de la précarité n'en fera jamais disparaître les causes. Il faut renforcer l'accompagnement et l'insertion par le travail, dont les plus fragiles ont besoin, et tenir enfin la promesse de solidarité du RSA par une série de mesures concrètes.

D'abord, l'ensemble des personnes en recherche d'emploi, notamment les allocataires du RSA et les jeunes en recherche d'emploi accompagnés par les missions locales, seront inscrites auprès de l'opérateur France Travail. C'est essentiel pour garantir un accompagnement à chacun et éviter les ruptures de parcours. Certains allocataires du RSA, parce qu'ils sont très isolés et fragiles, ne sont pas en mesure de retrouver un emploi immédiatement. Ce dont ils ont besoin, avant toute chose, c'est d'un accompagnement social ; ensuite viendra le temps de l'accompagnement professionnel, lorsqu'ils en auront retrouvé les capacités et la force. L'article 6 reconnaît et sécurise les acteurs, en très grande majorité associatifs, chargés de repérer et d'aller vers les personnes qui ne sont plus suivies par les acteurs traditionnels de l'insertion et de l'emploi. Il importe de reconnaître ces acteurs associatifs et de les intégrer au réseau des acteurs pour l'insertion et pour l'emploi.

Ensuite, le parcours d'accompagnement sera formalisé dans le cadre d'un contrat d'engagement rénové et unifié. Pour plus de lisibilité et d'efficacité, ce nouveau contrat sera proposé à tous les demandeurs d'emploi, quelle que soit leur situation. Il détaillera les engagements réciproques pris avec l'organisme référent, les ateliers et actions de formation, de mise en situation professionnelle ou de levée de freins à l'emploi proposés et les engagements d'assiduité et de participation de la personne accompagnée. Il ne s'agit évidemment pas de travail gratuit, ni de bénévolat obligatoire, mais bien d'activités d'insertion et de formation pour permettre le retour à l'emploi.

Ce contrat intégrera un plan d'action précisant les objectifs d'insertion sociale et professionnelle du demandeur d'emploi, qui tiendra compte de sa situation. Les expérimentations montrent qu'il est essentiel, pour avoir le diagnostic le plus complet, d'associer le point de vue des travailleurs sociaux du département ou de la caisse d'allocations familiales (CAF) et celui des conseillers en insertion professionnelle de Pôle emploi. Une fois le diagnostic posé, il importera de lever les freins rencontrés par le demandeur d'emploi en matière de logement, de garde d'enfant, de santé ou de mobilité. Il sera également tenu compte, et c'est un apport du Sénat que je veux saluer, de la situation spécifique des proches aidants et des familles monoparentales.

Dans le cadre de ce contrat d'engagement, qui n'est que la modernisation de celui prévu au moment de la création du revenu minimum d'insertion (RMI) en 1988, nous souhaitons rénover le régime de contrôle et de sanctions des allocataires du RSA pour le rendre plus progressif, mais aussi plus effectif. À l'heure actuelle, il existe une procédure de radiation. Nous souhaitons créer un nouveau premier niveau de sanction, la suspension-remobilisation, qui permettra de suspendre temporairement et rapidement l'allocation sans interrompre l'accompagnement. Si la personne respecte ses engagements, elle bénéficiera d'un versement rétroactif de ses droits. Dans le cas contraire, elle risquera la radiation.

Ce nouveau contrat proposera un accompagnement intensif et personnalisé. Le Sénat a introduit un objectif de 15 à 20 heures d'accompagnement par semaine, mêlant ateliers, formations, solutions locales, etc. Je vous invite à la prudence : en inscrivant cette obligation dans la loi, il faut pouvoir garantir que les acteurs de l'emploi et de l'insertion seront en mesure d'assurer 15 à 20 heures de formation parfaitement adaptées aux personnes partout sur le territoire. Par ailleurs, si cet objectif paraît tout à fait adapté à des personnes proches de l'emploi, il l'est beaucoup moins pour des personnes qui en sont éloignées depuis longtemps. Pour elles, une montée en charge progressive paraît nécessaire.

Enfin, pour que cet accompagnement intègre une offre de formation adaptée, nous confortons le principe de contractualisation pluriannuelle entre l'État et les régions pour la formation, donc la poursuite du plan d'investissement dans les compétences (PIC). La priorité sera donnée à l'insertion des publics fragiles et à l'accompagnement des recrutements dans les métiers en tension et dans ceux de la transition écologique, qui seront des gisements d'emploi dans les dix années à venir. Afin de viser le public le plus large, nous proposons que les formations financées dans le cadre du PIC soient désormais accessibles à des demandeurs d'emploi jusqu'à bac + 2, et plus seulement à des demandeurs d'emploi ayant un niveau inférieur au baccalauréat. Chacun sait que de jeunes bacheliers ayant connu un problème d'orientation ou un échec en première année se trouvent sans solution et sont privés de l'accès aux formations financées dans le cadre du PIC.

Le deuxième volet de ce projet de loi concerne l'amélioration de la gouvernance du service public de l'emploi. C'est un autre chantier essentiel : les remontées du terrain témoignent toutes d'une difficulté d'adaptation aux problématiques locales et du sentiment que les acteurs ne se parlent pas assez. Le projet de loi définit un patrimoine commun aux membres du réseau des acteurs de l'insertion et de l'emploi. Ce patrimoine rassemble des méthodes, des règles de coordination, des critères d'inscription et d'orientation, des référentiels métiers et formations, qui seront mis en commun et partagés, grâce à la mise en réseau des systèmes d'information. C'est la garantie d'un suivi sans rupture et d'un bon partage de l'information. Le système d'information de Pôle emploi deviendra ainsi la plateforme France Travail, qui facilitera le travail de chacun.

Ce seront aussi plus d'informations pour les collectivités et leurs élus : des données agrégées sur les parcours et les accompagnements, mais aussi sur la mise en œuvre des droits et des devoirs seront régulièrement transmises aux collectivités, qui seront associées à la gouvernance de France Travail.

Afin que la gouvernance soit la plus territorialisée possible, nous proposons qu'elle repose sur un copilotage entre l'État et les collectivités locales, à chaque échelon territorial pertinent. Nous voulons qu'une instance nationale associant l'État, les collectivités locales, mais aussi les partenaires sociaux détermine les orientations stratégiques et les modalités de pilotage du patrimoine commun. Au niveau local, il y aura un comité régional, coprésidé par le représentant de l'État dans la région et le représentant de la région, et un comité départemental, coprésidé par le préfet de département et le président du conseil départemental. Pour les comités locaux, nous considérons que la meilleure façon de procéder, pour tenir compte des spécificités des bassins d'emploi, c'est de permettre aux élus membres de ces comités de désigner parmi eux l'instance qui sera chargée d'assurer le copilotage auprès de l'État : dans certains territoires, ce seront les intercommunalités ; dans d'autres, ce pourra être un élu régional ou départemental, en fonction des caractéristiques du territoire. En la matière, la subsidiarité nous semble être la meilleure façon de fonctionner.

Je souligne que nous ne touchons pas aux compétences des collectivités locales. Pas un article, pas une disposition ne revient sur la répartition des compétences entre l'État et les collectivités. Pas un article ne revient sur la répartition des compétences entre les collectivités elles-mêmes : les régions gardent leurs prérogatives pleines et entières sur la formation, comme les départements sur l'insertion et les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sur l'action sociale de proximité, le logement et les transports. L'État et les collectivités auront conjointement la main pour définir et orienter l'action des opérateurs et des partenaires du réseau. Les collectivités n'auront pas moins de compétences, mais plus de visibilité, et elles seront associées, avec une voix délibérative, à la définition des orientations du service public de l'emploi, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, ni au niveau national, ni au niveau régional. Pour atteindre le plein emploi, il faut lever des freins et garantir l'accès à la formation et à l'insertion : cela doit nécessairement impliquer les collectivités.

Dans ce cadre, nous souhaitons que Pôle emploi, devenu France Travail, prenne en charge de nouvelles missions, au service des acteurs du réseau, notamment sur les systèmes d'information ou les référentiels. Le choix de donner le même nom, France Travail, à l'opérateur et au réseau a suscité des débats au Sénat. La rapporteure a considéré qu'il y avait là un risque de confusion : c'est un avis que je ne partage pas et j'espère que nous pourrons avancer sur ce point. Il faudra marquer l'importance que revêt le changement de nom de l'opérateur principal, tout en signifiant clairement que l'opérateur n'a pas de pouvoir de subordination sur l'ensemble des acteurs du réseau. Il travaille pour leur compte, en mettant en œuvre les orientations définies dans le cadre des comités de pilotage.

Dans le même esprit, les missions locales et Cap emploi pourront, mais seulement s'ils le souhaitent, se saisir de la marque France Travail dans leur nom. J'ajoute, parce que certaines d'entre elles ont exprimé des craintes à ce sujet, que les missions locales, comme les structures d'insertion par l'activité économique, dont le financement est assuré principalement par l'État, seront toujours conventionnées directement avec l'État. Si nous les faisions financer par l'opérateur, nous créerions un lien de subordination, et ce n'est pas notre souhait.

Le troisième chantier poursuit l'engagement que nous avons pris de favoriser l'accès à l'emploi des personnes en situation de handicap, qui rencontrent encore trop de difficultés. Nous voulons aller plus loin, autour de trois axes clairs. D'abord, nous améliorons l'orientation professionnelle des personnes en situation de handicap en la confiant au service public de l'emploi. Pour ce faire, nous supprimons l'orientation vers le marché du travail ordinaire par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). L'orientation en milieu ordinaire devient ainsi un droit universel ; chacun est présumé pouvoir y travailler. Le service public de l'emploi proposera un accompagnement à toute personne en situation de handicap et sans emploi qui en exprimera le souhait, comme pour tout demandeur d'emploi. Nous considérons qu'un demandeur d'emploi en situation de handicap est d'abord un demandeur d'emploi. Ce n'est que si l'insertion en milieu ordinaire n'est pas possible, malgré les aménagements et les adaptations, que France Travail pourra proposer une orientation en milieu adapté, qui sera alors mise en œuvre par les MDPH.

C'est un changement de paradigme, puisque l'orientation en milieu ordinaire devient un droit commun. Cela permettra la construction d'un projet professionnel défini sur la base d'immersions dans différents environnements : établissement et service d'aide par le travail (Esat), entreprise adaptée, entreprise ordinaire avec emploi accompagné, emploi ordinaire. Nous souhaitons mettre un terme aux orientations prononcées uniquement sur la base d'un dossier administratif, sans tenir compte de la capacité et de la volonté des personnes de travailler en milieu ordinaire. Par ailleurs, la trajectoire de développement de l'emploi accompagné, qui permet de soutenir les personnes en situation de handicap invisible, est confortée, et son pilotage sera confié, d'ici à 2027, au ministère du travail.

Nous améliorons également l'accès aux droits des personnes en situation de handicap. Les personnes reconnues handicapées au titre d'une pension d'invalidité ou d'une rente d'incapacité auront les mêmes droits prévus dans le code du travail que les personnes titulaires d'une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, sans passer par la MDPH. Elles pourront être recrutées par une entreprise adaptée sans faire de démarches administratives supplémentaires.

De la même manière, les conditions de travail des personnes en Esat évolueront et leurs droits sociaux convergeront avec les droits individuels et collectifs des salariés : prise en charge de la mutuelle, du transport domicile-travail, reconnaissance du droit de grève et syndical, etc. Cela nécessitera une période de convergence et un travail avec le secteur de l'emploi adapté, dont il faudra revoir progressivement le modèle de financement.

Enfin, nous favorisons l'engagement des employeurs privés et publics. Pour accompagner les employeurs dans le recrutement de personnes handicapées, le modèle des entreprises adaptées de travail temporaire et des contrats à durée déterminée « tremplin », jusqu'alors expérimentaux, rentreront de manière pérenne dans le code du travail.

Le quatrième volet du projet de loi concerne le service public de la petite enfance : c'est l'article 10. La ministre des solidarités et des familles le présentera et en débattra avec vous : je n'entre donc pas dans le détail de ses dispositions.

Le dernier volet prévoit la transposition, par voie réglementaire, des mesures du texte aux territoires d'outre-mer. Les spécificités du marché de l'emploi dans les territoires ultramarins nécessitent en effet des déclinaisons et une forme de différenciation.

Ce projet de loi devra évidemment mobiliser des moyens financiers sur toute la durée de son application pour être efficace. Pour atteindre le plein emploi, nous avons un objectif : la création de 700 000 emplois d'ici à la fin du quinquennat. Pour mémoire, 1 700 000 emplois ont déjà été créés lors du précédent quinquennat et un peu plus de 200 000 au cours des derniers mois. C'est un objectif atteignable, qui demandera un investissement social important, notamment dans l'insertion et la formation. Mais ce retour à l'emploi aura aussi des vertus pour les finances publiques, car accompagner les personnes les plus éloignées de l'emploi est moins coûteux que le chômage de longue durée. Il favorisera l'activité économique de notre pays et, en retour, accroîtra les moyens de l'État, c'est-à-dire notre capacité à produire et à garantir la cohésion sociale.

Des moyens supplémentaires seront donc inscrits dans le projet de loi de finances pour 2024, avec une montée en charge des moyens accordés à Pôle emploi, qui augmenteront de 300 millions d'euros en 2024, de 500 millions en 2025, de 750 millions en 2026 et de 1 milliard en 2027. Ces moyens seront financés par la trajectoire de subvention versée par l'État à Pôle emploi, mais aussi par la trajectoire de la contribution de l'Unedic à Pôle emploi, rendue possible, notamment, par les économies permises par les différentes réformes de l'assurance chômage. Le financement de France Travail passera également par un nouveau cadre de contractualisation entre l'État et les départements : en 2024, l'État consacrera 170 millions à cette contractualisation, afin de financer la montée en charge de l'offre de service et de l'accompagnement rénové des allocataires du RSA, qui se déploient actuellement dans dix-huit bassins d'emploi faisant l'objet d'une expérimentation – qui a vocation à s'élargir. Je l'ai dit, nous allons aussi investir massivement dans la contractualisation avec les régions, au travers du plan d'investissement dans les compétences.

Enfin, nous confortons notre soutien aux acteurs de l'insertion par l'activité économique, en tenant le cap fixé par le Président de la République en 2018 avec le pacte d'ambition pour l'insertion par l'activité économique et en reconnaissant le secteur associatif dans le cadre du dispositif prévu à l'article 6.

Les sénateurs ont introduit beaucoup de dispositions nouvelles et nous en gardons l'essentiel : la prise en compte des proches aidants et des représentants des usagers ; l'amélioration des réponses apportées aux besoins de recrutement des entreprises, notamment pour les personnes en situation de handicap ou en lien avec l'éducation nationale ; la pérennisation de l'organisation de l'emploi accompagné sous forme de plateformes départementales de services intégrés.

D'autres questions n'ont pas suscité la même unanimité. Je pense notamment à l'obligation introduite au Sénat, pour tous les allocataires, de faire 15 à 20 heures de formation par semaine ; j'ai expliqué qu'un système plus progressif me paraissait préférable, tenant compte de la situation de chacun et des capacités de l'action publique. Des désaccords sont également apparus au sujet de la gouvernance territoriale et je souhaite que des dispositions soient adoptées pour mieux garantir l'équilibre de représentation entre les différents niveaux de collectivités. Les sénateurs ont par ailleurs supprimé la charte d'engagements ; je pense que nous pouvons avancer sur cette question en substituant le mot « coopération » à celui d'engagement, afin de bien délimiter le champ de cette charte, notamment sur la question du partage des données. Il faut encore ajouter à cela quelques questions techniques et celle, plus symbolique, relative au changement de nom de l'opérateur. L'automaticité de certaines dispositions, enfin risque d'introduire une trop grande rigidité.

Je ne doute pas que nos débats nous permettront d'avancer sur tous ces points et de construire le texte le plus efficace et utile pour atteindre le plein emploi.

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Le projet de loi dont nous entamons l'examen traduit la volonté politique du Gouvernement et de sa majorité d'atteindre le plein emploi grâce à la transformation du service public de l'emploi et à l'intensification de l'accompagnement des demandeurs d'emploi et des bénéficiaires du RSA. Il trouve sa source dans les travaux de préfiguration conduits par le haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises, M. Thibaut Guilluy, et les expérimentations en cours sur nos territoires. Il s'inscrit dans un contexte d'amélioration significative du marché du travail dont notre pays peut être fier. Non seulement notre taux de chômage est historiquement bas, à 7,2 %, mais la part de CDI est aussi très élevée parmi les emplois créés. Malgré ces résultats très encourageants, une partie de nos concitoyens reste durablement éloignée de l'emploi et, mécaniquement, enfermée dans une situation de très grande précarité. C'est un constat dont personne ne peut se satisfaire.

L'article 1er prévoit la transformation de la nature même de la liste des demandeurs d'emploi, qui devient un outil d'accompagnement de l'ensemble des personnes sans emploi pour leur insertion sociale et professionnelle. Il définit, en outre, un nouveau cadre d'orientation des demandeurs d'emploi, qui a été utilement précisé par les sénateurs.

En cohérence, l'article 2 modifie le régime des droits et devoirs des demandeurs d'emploi à travers un contrat d'engagement rénové. Les contrats signés par les allocataires du RSA ne contiennent souvent aucune action à visée d'emploi. Par conséquent, sept ans après l'entrée au RSA, seuls 11 % des bénéficiaires ont retrouvé́ un emploi durable, alors que 60 % d'entre eux sont encore allocataires cinq ans après leur première inscription. Pourtant, nombre d'entre eux sont capables de travailler et le revendiquent. C'est pourquoi nous voulons que l'allocataire puisse désormais fixer avec son référent des objectifs progressifs, afin de lui construire de nouvelles perspectives professionnelles, mais aussi de lever les freins périphériques qu'il connaît, que ce soit en matière de santé, de logement ou de garde d'enfant, par exemple.

Nous devrons débattre de la meilleure manière d'appliquer ce plan d'action. Aux dispositions figurant initialement dans le projet de loi, les sénateurs ont ajouté une obligation d'activité d'au moins 15 heures par semaine. Au-delà du fait qu'un tel dispositif sera matériellement impossible à mettre en place, il méconnaît les grandes difficultés sociales et professionnelles que rencontrent certains allocataires. Sans remettre en cause l'idée que ce contrat doit replacer au cœur du dispositif des exigences d'engagement, d'assiduité et de motivation, nous proposerons d'aménager la rédaction proposée par le Sénat, tout comme nous reviendrons sur la mesure liant la radiation de la liste des demandeurs d'emploi à celle de la liste des bénéficiaires du RSA, afin de ne jamais perdre de vue notre objectif de poursuivre l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Les portes du service public de l'emploi leur seront toujours ouvertes.

En cas d'échec de l'accompagnement, se traduisant par des manquements répétés du demandeur d'emploi à ses obligations, il existe déjà un régime de sanctions, qui se traduit par la suppression de l'allocation et la rupture de l'accompagnement. Nous souhaitons faire évoluer cette logique. L'article 3 construit ainsi un régime de sanctions plus progressif par la création d'une sanction dite de suspension-remobilisation. Par celle-ci, le bénéficiaire verra son allocation suspendue temporairement. S'il reprend son parcours et les devoirs qui lui sont liés, ses droits seront restaurés et ses allocations lui seront restituées.

J'en viens à présent au titre II, relatif à la réforme du service public de l'emploi.

Contrairement à ce que l'on peut lire dans l'exposé sommaire d'un grand nombre d'amendements, les acteurs auditionnés ont tous appelé de leurs vœux l'approche territoriale des politiques de l'emploi et de l'insertion adoptée dans ce texte.

L'article 4 crée un réseau national réunissant l'ensemble des acteurs de l'emploi, de la formation et de l'insertion, afin de définir un nouveau cadre pour l'exercice de leurs compétences, et ce dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales consacrée par l'article 72 de la Constitution. Parce que la notion de « charte d'engagements » a pu sembler coercitive, nous proposerons de lui substituer celle de « charte de coopération », dont la signature par les collectivités locales et leurs groupements ne conditionnera pas la coprésidence des comités territoriaux du réseau. Tous ces acteurs partageront un patrimoine commun, en particulier numérique et méthodologique, fourni par l'opérateur France Travail, dont nous vous proposerons de rétablir la nouvelle dénomination, en particulier à l'article 5, qui définit ses missions.

Si l'article 6 vise à mieux repérer les personnes les plus éloignées de l'emploi, grâce à de nouveaux organismes associées au réseau, l'article 7 vise, pour sa part, à développer, en lien avec les régions, une offre nationale complémentaire de formation à distance et à élargir l'accès à la préparation opérationnelle à l'emploi individuel. Nous aurons l'occasion de débattre, mesure par mesure, du bien-fondé de cette réforme ambitieuse, mais je suis convaincu qu'elle nous permettra d'atteindre notre objectif à tous, celui d'accompagner au mieux l'insertion sociale et professionnelle de nos concitoyens et, ainsi, de les aider à sortir de la pauvreté.

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Il me revient à présent de vous présenter les articles des titres III à V.

Les articles du titre III rassemblent des dispositions qui tendent à favoriser l'accès à l'emploi et le maintien en emploi des personnes en situation de handicap. Elles s'inscrivent dans le prolongement des réformes conduites sous la précédente législature, de la refonte du régime de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH) au programme Cap vers l'entreprise inclusive 2018-2022, du rapprochement des réseaux de Pôle emploi et de Cap emploi au plan de transformation des Esat – entre autres. Ces réformes ont eu des effets positifs, puisque le taux de chômage des personnes en situation de handicap est passé de 19 à 13 % entre 2017 et 2022 et que le taux d'emploi direct des bénéficiaires de l'OETH évolue positivement depuis l'entrée en vigueur de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Ces résultats sont encourageants, mais insuffisants, tant les marges de progrès demeurent importantes. Il y a donc lieu que le Parlement légifère pour améliorer la situation de ce public, dans le respect des orientations dégagées par la mission de préfiguration de France Travail et des engagements formulés par la Conférence nationale du handicap. Avec ce texte, la majorité présidentielle s'y emploie.

L'article 8 étend à l'ensemble des bénéficiaires de l'OETH l'application des dispositifs ouverts aux seuls travailleurs reconnus handicapés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées : ils pourront par exemple bénéficier du dispositif d'emploi accompagné, dont la gestion est transférée à l'État, ou être recrutés par une entreprise adaptée. Il supprime le principe de l'orientation de ces travailleurs en milieu ordinaire, de sorte qu'elle devienne l'orientation de droit commun, ouverte à tous, sans validation préalable, afin de faciliter leur accès au marché du travail. Il pérennise les dispositifs expérimentaux relatifs au CDD « tremplin » et aux entreprises adaptées de travail temporaire, qui obtiennent de bons résultats, ce dont les acteurs du secteur se sont unanimement félicités.

L'article 8 bis A prévoit le recensement dans un système d'information national des aménagements ayant bénéficié à chaque personne en situation de handicap dans le cadre de sa scolarité, d'une formation ou d'un emploi. Traduction législative d'une annonce faite lors de la Conférence nationale du handicap, ce nouveau service, baptisé « sac à dos numérique », devra permettre la mise en œuvre d'aménagements plus fluides et plus rapides à toutes les étapes de la carrière.

L'article 8 bis B inscrit dans la loi la règle selon laquelle la portabilité des équipements contribuant à l'adaptation du poste de travail des travailleurs handicapés pourra être prévue par convention entre deux entreprises à l'occasion d'un changement d'employeur. Le risque d'une rupture dans les parcours professionnels sera en conséquence mieux prévenu.

L'article 8 bis, introduit par la commission des affaires sociales du Sénat, permet la mise à disposition d'un salarié temporaire auprès d'une entreprise utilisatrice, au motif qu'il bénéficie de l'OETH. Ce faisant, il confère un caractère pérenne au dispositif expérimental créé par la loi du 5 septembre 2018.

L'article 9 traduit lui aussi plusieurs annonces faites lors de la Conférence nationale du handicap. Il confie au service public de l'emploi le soin d'accompagner tous les demandeurs d'emploi, y compris ceux en situation de handicap, de faire converger les droits individuels et collectifs des travailleurs accueillis en Esat vers ceux que le code du travail garantit aux salariés et, enfin, de sécuriser les parcours professionnels de ces travailleurs.

Le Sénat a apporté quelques modifications aux articles du titre III qui, pour l'essentiel, ne soulèvent pas de difficulté. Je présenterai toutefois un amendement pour supprimer le dispositif ouvrant la voie à une modulation à la baisse du montant de la contribution versée par l'employeur pour s'acquitter de l'OETH, qui résulterait de l'effort consenti en matière de maintien dans l'emploi ou de recrutement direct des bénéficiaires de l'OETH, notamment ceux qui sont lourdement handicapés.

L'article 10, unique article du titre IV, modifie l'architecture de la gouvernance de la politique d'accueil du jeune enfant, selon une double approche. Premièrement, il clarifie le rôle et les missions des acteurs au plan national et local. Deuxièmement, il instaure de nouveaux leviers d'action et rénove les leviers existants au profit de ces acteurs. Les mesures qu'il contient s'inscrivent dans la perspective de la création du service public de la petite enfance, qui suppose d'autres évolutions, notamment l'augmentation du nombre de places en crèche. Chacun sait que le Gouvernement a fait des annonces dans ce domaine. Cet article a toute sa place dans le projet de loi : l'insuffisance quantitative de l'offre d'accueil d'enfants de moins de 3 ans et, plus généralement, l'inadaptation de cette offre aux besoins des familles à l'échelle du pays empêche de nombreux parents d'accéder au marché du travail ou de poursuivre leur activité – un phénomène qui pénalise très majoritairement les femmes. Il est donc impératif de lever ce frein connexe à l'emploi.

L'article fait des communes, qui interviennent déjà largement dans le champ de la petite enfance, les autorités organisatrices de la politique d'accueil du jeune enfant, tout en ajustant le périmètre de leurs obligations, en fonction du nombre de leurs habitants. Il crée un mécanisme de régulation de l'offre d'accueil au plan local. Il améliore la prise en compte des besoins du secteur dans les politiques de formation, afin de lutter contre la pénurie des professionnels. Il facilite l'implantation des structures d'accueil sur le territoire.

Vous le savez, l'article 10 a été substantiellement modifié par les sénateurs. Ces derniers ont en effet supprimé les dispositions relatives à l'établissement d'une stratégie nationale de l'accueil du jeune enfant, ainsi que les dispositions relatives au contrôle du respect par les communes de leurs nouvelles obligations. Ils ont aussi décidé que l'élaboration du schéma pluriannuel de maintien et de développement de l'offre d'accueil du jeune enfant ne serait imposée qu'aux communes de plus de 10 000 habitants, ce qui réduit considérablement la portée du dispositif. Ils ont repoussé d'un an l'entrée en vigueur des dispositions touchant à la mise en œuvre des nouvelles compétences reconnues aux communes. Ils ont, enfin, autorisé le principe du transfert aux intercommunalités de tout ou partie des compétences attachées à la qualité d'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant. Ils ont préféré cette solution à celle du transfert en bloc, initialement retenue.

Avec la majorité, je vous proposerai de revenir sur certaines de ces évolutions et d'apporter au texte quelques modifications complémentaires, pour en faire le support d'une réforme cohérente, utile et ambitieuse de la gouvernance de la politique du jeune enfant.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mmes Peyron et Dubré-Chirat se partageront le temps de parole du groupe Renaissance.

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Après la loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, promulguée en 2022, nous poursuivons nos réformes afin d'atteindre un tel objectif : un emploi pour tous, un accompagnement socioprofessionnel renforcé pour les personnes qui en ont le plus besoin, une transformation du service public de l'insertion et de l'emploi.

Ce projet de loi pose le cadre qui permettra d'améliorer sensiblement l'offre de services proposée aux personnes en recherche d'emploi mais, également, aux entreprises grâce à une meilleure coopération des acteurs, rassemblés au sein du réseau France Travail. En contrepartie d'une telle amélioration, le bénéficiaire devra s'engager à suivre un parcours d'insertion, sinon, son allocation pourra être suspendue ou supprimée.

Avec ce texte, nous renforçons l'accompagnement des demandeurs d'emploi et des bénéficiaires du RSA dans le cadre d'un unique contrat d'engagement et, pour tous, d'une inscription automatique comme demandeur d'emploi. Nous proposerons de préciser ou de rédiger autrement certaines modifications apportées par le Sénat en première lecture.

Concernant les titres Ier et II, les auditions ont mis en évidence la difficulté de réaliser les 15 à 20 heures d'activité. Par exemple, une femme isolée avec des enfants en bas âge ne pourra effectuer 15 heures de formation au début de son parcours avant que des solutions relatives à la garde de ses enfants soient identifiées. Ainsi, notre groupe présentera un amendement de précision afin que soient prises en compte la réalité des besoins et la situation particulière des personnes.

Nous proposerons de rétablir le changement de dénomination de Pôle emploi en le transformant en « Opérateur France Travail » et de supprimer l'articulation entre les listes de demandeurs d'emploi et de bénéficiaires du RSA. En effet, la radiation d'une liste entraînait automatiquement une radiation dans l'autre.

Pouvez-vous dresser le bilan du contrat d'engagement jeune dont s'inspire l'accompagnement renforcé prévu par ce texte ?

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La Conférence nationale du handicap s'est tenue au printemps dernier et a été suivie par l'organisation de concertations avec les ministères concernés. Ces travaux ont débouché sur dix-sept mesures centrées notamment sur la reconnaissance du handicap, l'accès à la formation, l'accompagnement des personnes en situation de handicap en recherche d'emploi. Ce projet réaffirme l'orientation de toute personne dans un circuit simplifié, plus lisible et mieux adapté à ses besoins, notamment pour ces dernières.

En 2018 et 2020, un rapprochement de Pôle emploi et Cap emploi a été proposé afin de mieux appréhender les besoins et d'accompagner la personne handicapée mais, aussi, l'entreprise qui l'accueille. Ce dispositif ne fonctionne pas de la même façon selon les territoires. Quels sont les bénéfices de ce travail commun alors que ces organismes sont positionnés au sein du réseau France Travail et doivent travailler en complémentarité pour que ce soit le travail qui s'adapte à la personne et non la personne à l'emploi ?

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Quel dommage, quelle occasion manquée ! Le principe d'un guichet unique pour le retour à l'emploi était pertinent et, même, nécessaire selon tous les professionnels, sous réserve qu'il soit axé sur la véritable priorité : le principe de proximité. En effet, il doit être déployé jusqu'au cœur des territoires et au plus près des citoyens. Compte tenu du coût des carburants, il ne peut se trouver à plus de 20 kilomètres, en voiture, du domicile des demandeurs d'emploi.

Ce guichet unique doit être tenu par des personnes physiquement présentes, pas en visioconférence. A fortiori, il ne saurait reposer sur une gestion algorithmique. De la même manière, il ne saurait y avoir d'exclusion numérique : l'illectronisme est hélas une réalité et nul ne doit être obligé de posséder un ordinateur pour effectuer une recherche d'emploi ou contacter son opérateur de Pôle emploi.

Selon nous, la clef du succès d'une telle réforme repose sur l'amélioration de la formation. Nous souffrons d'un déficit de compétences et les Français ne sont pas formés selon les besoins du marché. La corrélation des compétences des personnes aux besoins des entreprises est à la peine. Nous devons nous ajuster au mieux aux nécessités immédiates des entreprises et aux projets industriels dont nous décidons : réindustrialisation, intelligence artificielle, numérique, science des données, lutte contre la cybercriminalité, nucléaire, automobile, construction ou économie du grand âge.

Autre point devant être renforcé : les contrôles du service national de la lutte contre la fraude, laquelle est insupportable pour nos concitoyens.

Enfin, ce texte présente trois difficultés principales.

Tout d'abord, la multitude et l'incompatibilité des acteurs de la gouvernance stratégique – le plus important, Pôle emploi, étant de surcroît absent –, qui nous condamnent à un immobilisme certain. Votre projet, dès lors, sera inefficace.

Ensuite, l'obligation d'activité hebdomadaire, qui ouvre la porte au dévoiement du dispositif de retour à l'emploi.

Enfin, le coût de cette réforme. Vous avez évoqué 2,7 milliards d'euros, alors que notre déficit public est abyssal. Comment comptez-vous financer votre projet ?

En fin de compte, vous instaurez un dispositif de gouvernance voué à l'immobilisme et défendez un projet de loi qui ne comporte aucune mesure courageuse. Le changement de nom de Pôle emploi, qui deviendra France Travail, est inutile et ne fera qu'accentuer la confusion. De surcroît, combien coûtera au contribuable le changement de toutes les enseignes et de tous les logos ? Est-ce donc là votre seule priorité pour les Français ?

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Ce texte s'inscrit directement dans la lignée de la réforme des retraites, imposée par le 49.3 contre l'avis de 93 % des actifs. En volant deux ans de vie au peuple, des dizaines de milliers de seniors seront privés d'emploi et se retrouveront au RSA. Parce que travailler en étant plus âgé augmente les risques, ils seront aussi plus nombreux à être en situation de handicap et dans l'incapacité de travailler.

En outre, tout cela coûtera « un pognon de dingue ». Votre solution ? Le travail gratuit ou sous-payé à 7 euros de l'heure et l'inscription de force des allocataires du RSA, des jeunes des missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale et des personnes en situation de handicap comme demandeurs d'emploi en les forçant à 15 heures d'activité par semaine. Vous imposez aux allocataires une alternative sordide : accepter n'importe quel boulot, même sous-payé, au gré des exigences du moment du patronat, ou être radié. Ce sont les enfants qui en paieront le prix : le RSA insuffisant de leurs parents pourra être rogné, voire suspendu, et ils n'auront rien à manger. Ce sont également les mères isolées : en France, 96 % des allocataires du RSA majoré sont des femmes et plus d'une sur deux a plus d'un enfant à charge. À qui cette réforme profitera-t-elle ? Aux organismes privés de placement, que votre ami Marc Ferracci connaît très bien, en client indirect. Leur importance sera accrue puisque vous augmentez les missions du service public de l'emploi, déjà sous pression, sans augmenter...

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Pas d'attaques personnelles gratuites comme vous le faites, ce n'est pas digne de cette commission. Revenons au fond.

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Ce n'est pas gratuit ! Au contraire, cela coûte cher au contribuable !

Notre logique, à l'inverse, vise à lutter réellement contre les destructions d'emploi et à créer des emplois grâce à la planification écologique et au développement des services publics. C'est la logique de la garantie d'emploi, avec l'État employeur en dernier ressort, des territoires zéro chômeur de longue durée – dont vous avez hélas décidé cet été de diminuer drastiquement les moyens –, d'un service public de l'emploi qui accompagne les gens au lieu de les fliquer, d'un droit inconditionnel à une garantie de dignité, supérieure au seuil de pauvreté.

Le Préambule de la Constitution fonde un droit à l'aide sociale pour les personnes sans ressource, mais d'elle, vous ne gardez que les rouages vous permettant de gouverner contre le peuple. À l'inverse, ce sont les principes républicains de liberté, d'égalité et de fraternité que nous devons faire vivre.

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Vous avez raison, madame la présidente, il faut s'intéresser au fond.

Précisément, les chiffres du chômage ne sont pas bons : la France est en vingt-troisième position sur vingt-sept. Il faut donc cesser de s'autocongratuler. De plus, nous comptons 4 ou 5 millions de chômeurs – la comptabilité est en effet un mystère administratif... – et pas une seule entreprise, une seule municipalité, une seule maison de retraite ou un seul hôpital qui ne cherchent quelqu'un !

Le plein emploi est un objectif capital, nous sommes d'accord avec le ministre. J'approuve donc le titre de votre projet. Toute personne en recherche d'emploi doit être inscrite à Pôle emploi : nous soutiendrons cette bonne mesure. Toutefois, force est de constater que certains aspects du texte sont encore inquiétants.

Tout d'abord, une recentralisation larvée. Le texte issu du Sénat a un peu amélioré les choses et j'espère qu'il ne sera pas détricoté. Mme la rapporteure se félicite qu'avec l'article 10, les communes seront désormais officiellement responsables de la gestion de la petite enfance et des crèches. Comme d'autres ici, j'ai été maire et nous savons que les communes le sont depuis longtemps. D'un côté, vous inscrivez dans la loi qu'elles exerceront officiellement cette prérogative et, de l'autre, vous créez un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l'accueil des jeunes enfants, validé par une instance départementale et repris en main par l'État en cas de « manquements ». Il s'agit d'une décentralisation en « liberté surveillée ». Nous sommes inquiets d'un tel manque de confiance à l'endroit des collectivités territoriales alors que nous aurions tout intérêt à travailler avec elles. Outre qu'elles utilisent l'argent public d'une manière sans doute plus efficace que l'État, le service rendu est probablement moins coûteux.

Ensuite, l'obligation de 15 heures d'activité hebdomadaires pour l'ensemble des allocataires du RSA. Nous défendons une telle mesure depuis longtemps et nous soutenons son inscription dans la loi mais, parce que nous ne sommes pas tous égaux face à la reprise d'activité et, encore moins, face à l'emploi, certaines personnes sont plus éloignées que d'autres de l'emploi et nos débats devront permettre d'aménager le dispositif, en particulier pour les personnes en situation de handicap et les parents isolés qui ne disposent pas de modes de garde. Il n'en reste pas moins que, faute d'inscrire ce principe dans la loi, il sera détourné, comme il l'est aujourd'hui. En outre, comment se dérouleront les contrôles ? Nous serons particulièrement attentifs aux garanties apportées pour qu'ils soient réalisés en nombre suffisant.

Enfin, nous vous alertons sur le coût financier de cette réforme, estimé entre 2 et 3 milliards sur trois ans. L'étude d'impact est très intéressante sur un plan sociologique, administratif ou philosophique, mais elle ne fait état d'aucun chiffre ; or nous sommes bien obligés de nous demander qui paie et avec quoi. Le rapport du haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises apporte quelques précisions qui ne manquent pas d'intérêt, puisque c'est l'Unedic qui sera probablement ponctionnée, malgré ses 42 milliards d'euros de dette prévus en 2025. Une telle question ne saurait être évacuée.

J'ajoute que la question de la formation est fondamentale. Si les entreprises cherchent des personnels alors que les chômeurs sont en si grand nombre, c'est que notre système de formation est inadapté. Cette loi ne se saisit pas de ce problème, même si nous comprenons qu'elle ne puisse tout traiter.

Nous nous en remettons au débat et nous serons vigilants quant aux solutions qui seront proposées.

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Parallèlement à cet objectif qu'est le plein emploi, auquel nous ne pouvons que souscrire, ce texte nous invite à un débat idéologique sur la question du travail et de sa place dans notre société. Notre groupe considère que le travail est une source d'émancipation, d'inclusion, d'insertion ou de réinsertion. Le travail, c'est aussi une réalité économique permettant d'œuvrer à la réduction de la pauvreté et d'accompagner la dynamique de notre pays.

Forte de telles certitudes, notre majorité a agi depuis 2017 et a obtenu d'indéniables résultats : 1 700 000 emplois ont été créés et nous n'avions pas connu un taux de chômage aussi bas depuis plus de quarante ans.

De nombreux défis doivent être néanmoins encore relevés : 3 millions de chômeurs de catégorie A, 1 400 000 jeunes inactifs – les fameux NEET (ni en emploi, ni en études, ni en formation) –, près de 2 millions de foyers au RSA, en hausse de 46 % depuis dix ans, dont plus de la majorité perçoit l'allocation depuis plus de deux ans et plus d'un tiers depuis plus de cinq ans.

Deux constats, ensuite. Le premier repose sur la dichotomie entre le nombre de chômeurs et de bénéficiaires du RSA qui peinent à revenir vers l'emploi, et des entreprises qui peinent à recruter : deux tiers des PME disent rencontrer des difficultés de recrutement et 60 % des entreprises industrielles déclarent avoir renoncé à augmenter leur activité faute de candidats. Le second repose sur le fait que notre système se fonde sur un grand nombre d'acteurs qui travaillent en silo et sans coordination ou sur une coordination insuffisante, ce qui induit des trous dans la raquette, des doublons et, trop souvent, des ruptures de parcours.

Pour répondre à de tels défis, le Gouvernement a présenté ce projet de loi après plusieurs mois de concertations et d'échanges avec les différents acteurs du monde de l'insertion et de l'emploi, échanges qui se sont poursuivis dans le cadre des auditions menées au Parlement. Je tiens à ce propos à souligner le travail et le sérieux de nos deux rapporteurs.

Ce projet est constitué autour de trois grands objectifs.

Tout d'abord, l'amélioration de la gouvernance du service public de l'emploi à partir de la création du réseau France Travail. Ce texte pose un cadre de coopération en faisant le pari du dialogue et de la coordination, avec une mise en œuvre progressive dans laquelle la confiance envers les territoires, les différents acteurs et les demandeurs d'emploi est primordiale.

Ensuite, l'amélioration de l'accompagnement des demandeurs d'emploi grâce à une meilleure organisation permettant de repérer, de mobiliser et d'accompagner les personnes les plus éloignées de l'emploi, en lien constant avec les entreprises et leurs besoins. Cet objectif se fonde sur un accompagnement plus rapide, plus adéquat, plus humain, plus intensif lorsque c'est possible ou, sinon, par étapes. L'accompagnement est au cœur de ce projet de loi. Cet investissement considérable produira des résultats. La formation constitue un autre enjeu fondamental pour la réussite de notre action, le défaut de compétences étant souvent un frein au retour à l'emploi.

Enfin, des mesures d'équité indispensables et attendues pour certains publics. Nous nous félicitons de la poursuite de l'engagement pour l'emploi en faveur des personnes en situation de handicap, dont le parcours d'orientation est trop souvent complexe.

Le texte évoque également la question de la garde des enfants, ce dont nous nous félicitons, car elle demeure trop souvent pour les femmes l'un des principaux blocages à l'accès à l'emploi. Près d'un tiers des baux réels solidaires d'activité concerne des familles monoparentales.

Ce sont là autant de mesures sensées, soutenues par une vision que nous partageons.

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Ce projet de loi « pour le plein emploi » est mal nommé. Selon le Larousse, l'adjectif plenus désigne ce qui est fait dans un matériau qui ne comporte pas de vide. Or l'ère du vide que nous traversons depuis six ans se caractérise par la tentative sans cesse renouvelée de déstabilisation de notre modèle social, auquel vous vous apprêtez encore une fois à mettre un coup de griffe en participant à la stigmatisation des plus pauvres, en voulant les rendre responsables de leur non ou de leur mal-insertion et en obérant le premier responsable : un État qui échoue à offrir un accompagnement.

Pourtant, telle était la promesse du RMI défendue par les socialistes et Michel Rocard, revenu de subsistance assorti d'un accompagnement à la hauteur avec, en guise de boussole, le refus de la stigmatisation et, au bout du chemin, la dignité retrouvée.

Contrairement à ce qu'a dit un ancien ministre de l'intérieur Renaissance, l'allocation, ce n'est pas la réponse des lâches. Votre projet de stigmatisation, de mise sous contrôle des allocataires, est d'abord vide d'humanité.

Le vide, c'est également celui dans lequel vous précipitez les Français, dans la continuité de vos travaux de sape du modèle social. Après avoir amputé l'assurance chômage tout en faisant basculer les chômeurs en fin de droit vers le RSA, après avoir volé deux ans de vie aux Français avec votre réforme des retraites, si injuste, qui maintiendra plus longtemps au RSA des centaines de milliers de seniors sans emploi, nous vous retrouvons aujourd'hui avec une réforme de ce dernier qui, en fin de compte, se traduira par une exclusion de l'allocation de ces chômeurs ou de ces seniors.

De plus, les organisations syndicales sont unanimement opposées à ce texte, comme les associations qui luttent contre la précarité, les personnes qui accompagnent les allocataires du RSA, les collectivités locales, les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes, les agents du service public de l'emploi.

Le vide, c'est aussi celui des arguments : sur quels fondements scientifiques ou issus de l'expérience justifiez-vous votre approche ? Comment pérenniser dans la loi une expérimentation qui n'est pas terminée et même, dans la plupart des dix-huit départements préfigurateurs, pas commencée ? Nous avons demandé à disposer d'éléments sur le nombre de sanctions et leurs effets sociaux et vous ne nous avez jamais répondu. Comment peut-on légiférer ainsi ? Nous vous invitons à lire la documentation scientifique internationale, selon laquelle le renforcement des sanctions n'a aucun effet sur la réinsertion. Au contraire, il augmente le non-recours et le stress.

Comme la Défenseure des droits, nous nous étonnons surtout du vide de moyens financiers et humains. Vous prétendez mieux accompagner les allocataires mais où sont les recrutements à Pôle emploi ? Votre étude d'impact n'analyse rien du tout, et surtout pas un éventuel impact sur les femmes, qui constituent l'immense majorité des allocataires du RSA majoré. L'absence de plan de financement est également étonnante alors que vous vous dites si soucieux de la bonne gestion des finances publiques.

Vous allez intégrer des millions de personnes dans l'opérateur France Travail et vous leur demanderez des heures d'activité, peut-être 15 heures pour 1 900 000 foyers, ce qui coûtera environ 10 milliards d'euros. Dans les faits, il sera impossible d'accompagner convenablement les allocataires et les salariés de Pôle emploi, lesquels sont déjà en souffrance et en sous-effectif.

Le vide, c'est aussi celui que connaîtront les jeunes de moins de 25 ans qui, si l'on vous suit bien, contractualiseront avec Pôle emploi pour faire des heures sans pour autant avoir droit au RSA.

Doit-on être rassuré par les micro-mesures concernant le handicap ou la petite enfance ? Nous aurions aimé que des textes spécifiques soient consacrés à ces questions essentielles afin de faire preuve d'une véritable ambition et d'instaurer une véritable politique publique digne de ce nom.

Nous, socialistes, choisirons de défendre le droit opposable à l'accompagnement, l'inconditionnalité du RSA, l'automaticité d'un revenu minimum d'existence fixé à un niveau décent et ouvert aux moins de 25 ans.

Vous n'avez pas choisi le plein emploi mais le vide d'emploi ou le mal-emploi, en faisant fi des freins périphériques à l'emploi : transports, salaires, accessibilité, etc. C'est d'ailleurs le terme même d'« emploi » que vous voulez faire disparaître à travers la dénomination « France Travail ». Ce qui prime, à vos yeux, c'est le travail à n'importe quel prix, quitte à ce qu'il ne soit pas rémunéré. Votre « plein emploi » revient à fabriquer à la chaîne des Daniel Blake, comme dans le film de Ken Loach, où privatisations, mises sous contrôle et mises en concurrence des allocataires ne produit que désespoir et misère.

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Depuis 2017, notre ambition première a été la politique de l'emploi. Ce projet de loi audacieux s'inscrit dans une vision à long terme.

Le taux de chômage n'a jamais été aussi bas depuis quarante ans. Au deuxième trimestre, cette année, il s'élevait à 7,2 % de la population active et, depuis 2017, 1 700 000 emplois a été créé. Cette dynamique est le fruit de nombreuses réformes et de textes ambitieux.

La tendance à la baisse est particulièrement notable pour nos jeunes, ce qui illustre combien cette vision d'un marché du travail dynamique ne se réduit pas à un idéal mais constitue une réalité en acte, avec un objectif de plein emploi en 2027.

Le rapport de préfiguration de France Travail brosse un tableau réaliste qui nous interpelle : des accompagnements peu intensifs, des suivis tardifs voire plus formels que réels, des actions peu tournées vers l'emploi ou l'entreprise. Il illustre également combien les parcours peuvent être éclatés et manquer cruellement de coordination. De tels constats poussent à l'action.

C'est pourquoi, au-delà des chiffres, ce projet vise à transformer en profondeur le système de l'emploi et ambitionne de renforcer l'accompagnement de tous, en particulier de ceux qui sont les plus éloignés du monde professionnel. Cet accompagnement se doit d'être plus efficace, plus tangible et plus personnalisé en facilitant les parcours.

Avec la création du réseau France Travail, l'inscription de toute personne sans emploi, dont les allocataires du RSA et bénéficiaires d'un accompagnement de Cap emploi et des missions locales, sera automatique. Au-delà de la simplicité, l'enjeu premier est de garantir un suivi adapté, continu et coordonné de chacun.

Le contrat d'engagement unique remplace la mosaïque en vigueur et clarifie les droits et les devoirs de tous. Nous soutiendrons l'introduction d'une clause pour les 15 heures d'activité des bénéficiaires du RSA, en nous assurant que celles-ci soient adaptées à leurs besoins et à leurs difficultés.

Le texte présente également un certain nombre de mesures pour les travailleurs en situation de handicap. S'établissant à 12 % en 2022, leur taux de chômage est au plus bas depuis huit ans. Il s'agit là d'une avancée notable, notamment en comparaison du taux de chômage global, qui est passé de 8 % à 7 % entre juin 2021 et juin 2022. Toutefois, nous devons et pouvons mieux faire.

Ce projet vise donc à renforcer notre dispositif. Le titre III tend spécifiquement à faciliter l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés. En outre, en consolidant le rôle des missions locales au sein du réseau France Travail, nous reconnaissons et amplifions leur rôle, qui est fondamental. Elles sont en effet en première ligne pour accompagner nos jeunes qui ont besoin de soutiens socioprofessionnels. Il importera aussi de préciser que tous les jeunes suivis par les missions locales ne sont pas en attente d'un accompagnement professionnel et n'ont donc pas tous vocation à être inscrits à Pôle emploi. Nous soutiendrons un amendement en ce sens.

Chaque mesure est le reflet de notre engagement à poursuivre notre objectif de plein emploi. Avec ce texte et ceux qui suivront – je pense au travail en cours avec les partenaires sociaux sur l'emploi des seniors – nous parviendrons à réaliser les objectifs ambitieux que nous avons fixés.

Notre groupe soutiendra évidemment ce projet.

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Après les réformes de l'assurance chômage et des retraites, ce texte constitue le troisième acte d'une politique visant à précariser les plus fragiles. Derrière l'argument de la centralisation de l'information et de la rationalisation, je crains que ne se cache une volonté de piloter le marché du travail pour faire coïncider, à marche forcée, l'offre et la demande : votre objectif, c'est le plein emploi à tout prix et à n'importe quel prix.

France Travail résulte d'un logiciel productiviste au sein duquel tout ce qui ne produit pas, ne cotise pas et ne consomme pas, n'a pas de valeur : les jeunes, les aînés, les chômeurs.

La pauvreté touche 9 millions de nos concitoyens, dont 3 millions d'enfants ; 2 000, parmi eux, sont à la rue et plus de 200 dans la seule métropole de Lyon ; bien au-dessous du seuil de pauvreté : les bénéficiaires du RSA, que vous visez dans ce projet de loi.

Pour une personne seule, il s'élève à 598,54 euros. Votre réforme est aussi abjecte qu'inefficace, comme vous l'expliqueront toutes les associations venant en aide aux plus démunis là où l'État fait défaut. ATD Quart Monde, Secours catholique, Fondation Abbé Pierre, les trente-quatre fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté, réunies au sein du collectif Alerte, toutes dressent le même constat.

Les personnes les plus pauvres ont tout d'abord besoin d'être libérées de la peur du lendemain. Être pauvre, c'est avant tout une charge mentale, des privations, c'est compter chaque dépense, c'est être en moins bonne santé physique et mentale.

Ensuite, nombre de bénéficiaires des minima sociaux travaillent déjà. Ils s'occupent d'un parent, d'un enfant en situation de handicap, ils bouchent les trous que vous n'avez pas réussi à combler faute d'une politique volontariste : pas assez de places en crèches, pas de places en structures spécifiques ou pas assez d'accompagnants d'élèves en situation de handicap, des lieux de vie pour les personnes âgées bien trop chers, etc.

Enfin, la grande majorité des personnes les plus pauvres souhaite travailler, prendre toute leur place dans la société mais grâce à un travail reconnu socialement et rémunéré correctement. Or votre texte éclipse une nouvelle fois la question du travail, notamment celle du sens qu'on lui donne. S'il ouvrait un tel débat, nous nous poserions les questions suivantes : pourquoi certains secteurs ne trouvent-ils plus de candidats ? Faut-il orienter les travailleurs de force ? Le ferions-nous pour nos enfants ? Je soupçonne que non.

Vous refusez de regarder les choses en face. La responsabilité des emplois non pourvus incombe majoritairement aux employeurs et à la nature des emplois proposés, avec des conditions de travail dégradées. Ce texte ne comporte rien à ce sujet parce que vous ne tenez surtout pas à contraindre les employeurs.

Ce projet de loi fait porter toute la responsabilité de leur condition de vie aux personnes n'arrivant pas à trouver un emploi alors que les inégalités de patrimoine, de parcours et de capital social sont évidemment déterminantes dans la quête d'un emploi bien rémunéré et socialement valorisé. C'est la responsabilité de l'État de faire en sorte que les plus vulnérables puissent accéder à leurs droits.

Vous avez mentionné les 16 % de personnes inscrites au RSA qui le sont encore dix ans plus tard, mais cela relève de notre, de votre responsabilité. Augmenter les contraintes ne fait que renforcer la peur et la stigmatisation. Ces personnes ont d'abord besoin d'un accompagnement bienveillant et de proximité avec quelqu'un qui ait du temps à leur consacrer. Ce n'est pas avec des conseillers de Pôle emploi qui gèrent parfois plus de cent demandeurs d'emploi que nous y parviendrons.

Les femmes occupent huit emplois à temps partiel sur dix. Elles exercent bien souvent des métiers précaires, représentent 62 % des personnes payées au Smic et ont des carrières plus hachées. La quasi-totalité des bénéficiaires du RSA majoré sont des femmes. Une femme sur deux bénéficiaire du RSA a plus d'un enfant à charge. Je regrette encore une fois l'absence de mesures spécifiques.

Pourtant, les idées ne manquent pas et nous vous en faisons part régulièrement : aides aux familles monoparentales, revalorisation des emplois à prédominance féminine et prise en compte de leur pénibilité, refonte du congé paternité. Non seulement vous n'activez aucune de ces mesures pour endiguer les phénomènes que je viens de décrire mais celles que vous proposez risquent d'aggraver la situation.

J'aimerais que nous prenions un peu de hauteur et que nous réfléchissions à ce que deviendra le travail avec le réchauffement climatique. Le monde change et le travail avec lui. C'est le sens de la proposition que nous avons formulée au mois de juillet visant à inscrire dans le code du travail un droit de retrait des travailleurs au-delà d'une certaine température. Avec cette proposition, nous avons voulu montrer que la raréfaction des ressources, la multiplication des événements climatiques extrêmes et la hausse des températures modifieront profondément nos façons de vivre, donc, de produire et, inévitablement, de travailler. Il relève de notre responsabilité d'anticiper et de proposer en conséquence des adaptations de notre modèle social et de notre droit. Je regrette que rien de tout cela ne soit ne serait-ce qu'évoqué.

Donnons-nous davantage d'ambitions que ces simples petits arrangements techniques, qui seront peut-être utiles mais qui sont très loin d'être à la hauteur.

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Nous sommes convaincus de la nécessité de continuer à lutter contre le chômage, qui demeure un immense fléau social, et que ce n'est pas en portant atteinte aux droits des personnes privées d'emploi et des salariés que nous y parviendrons.

Cette réforme s'inscrit dans la droite ligne des réformes de l'assurance chômage, qui réduisait les droits, et des retraites, qui accroîtra la crise du travail et de l'emploi. Vous parlez de plein emploi mais de quel emploi s'agit-il ? Il est possible de s'en faire une idée en lisant votre texte mais également le rapport de préfiguration de France Travail où, page 18, le « bon » emploi n'est qu'un détail entre parenthèses : « le plein (et bon) emploi ».

Si l'on se contente d'un objectif qui se résume à un taux de chômage de 5 %, que l'on ne dit rien sur la qualité de l'emploi visé – durée, droits, revenus – on court le risque d'occulter une très grande hétérogénéité des emplois et l'inégalité des chances face à l'emploi. Avec de nombreuses personnes condamnées au sous-emploi ou au mal-emploi, nous risquons de nous diriger vers une société du « plein mauvais emploi ». Avec un tel adéquationnisme, une logique de pions à mettre dans des cases, sommés d'aller au turbin coûte que coûte, vous ne manquerez pas d'augmenter la souffrance au travail alors que nous avons besoin d'accompagnement humain, d'insertion et de formation.

Si nous pouvons souscrire à une nécessaire clarification des circuits et à une meilleure accessibilité et performance du service public de l'emploi, comme le demandent les organisations syndicales des structures concernées, nous nous interrogeons : est-ce bien là votre objectif ?

La description de l'entité France Travail est assez difficile à appréhender, avec ses comités à tous les échelons territoriaux, son réseau associant tous les organismes d'accompagnement, le public et le privé, sans distinction. Précisément, nous assistons à la privatisation d'une part des prestations du service public de l'emploi.

Nous comprenons que le comité national présidant aux grandes orientations sera en définitive aux mains de votre ministère. Si cette concentration du pouvoir a le mérite de simplifier la « lecture » de ce que sera France Travail, elle nous laisse perplexes quant au projet politique, à la place des élus « très » locaux, au risque d'accroissement de la concurrence des territoires et à la marge de manœuvre des différents opérateurs, qui n'ont pas tous la même vocation. Les missions locales, notamment, s'inquiètent de l'amputation de leurs missions d'accompagnement des jeunes dans tous les aspects de la vie.

La simplification que vous invoquez passe par une uniformisation : chaque personne concernée doit s'inscrire d'office et, si j'ose dire, à contre-emploi, sur la liste des demandeurs d'emploi, mais doit être également soumise au même contrat d'engagement, contrat de non-travail qui ne comporte aucune réciprocité : tout le monde est soumis à un même régime de droits et de devoirs et, surtout, à des sanctions plus importantes. Votre logique, c'est l'érosion du droit à choisir son emploi, l'infantilisation, l'« invisibilisation » des personnes privées d'emploi ou en difficulté sociale.

Au-delà d'une expérimentation dont nous ne connaissons pas le fin mot, vous organisez une confusion entre protection sociale et solidarité nationale, entre allocation chômage et RSA. Vous brouillez les pistes entre le revenu de remplacement assurantiel et le RSA, prestation sociale assise sur la solidarité et financée par l'impôt.

Devant le Sénat, vous avez indiqué que quand le plein emploi sera atteint, il conviendra de réfléchir à la nature des allocations pouvant être versées à ceux qui sont dans une situation où l'employabilité n'est pas possible. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Se pose enfin la question des moyens. Dans la lettre de cadrage adressée aux organisations syndicales et patronales pour la prochaine négociation de l'Unedic, on découvre que celle-ci devra débourser des milliards supplémentaires. La contribution de l'Unedic, en effet, « a vocation à monter en charge au fur et à mesure que le régime dégage des excédents, pour atteindre en 2026 entre 12 % et 13 % des recettes du régime ». Au-delà des sérieuses contestations de vos projections macroéconomiques et concernant l'Unedic, un tel choix de financement est problématique car il constitue une forme de détournement de plus en plus massif des cotisations Unedic et des droits à l'assurance chômage.

Nous souhaitons une vraie loi en faveur d'un véritable respect du travail et de l'homme au travail.

À propos de l'outre-mer, vous annoncez des mesures réglementaires mais quelle est la nature des distinctions que vous faites ? Je me fais ainsi le porte-parole de nos collègues ultramarins, qui souhaitent que soient débattues et votées les mesures concernant les outre-mer, ce que nous souhaitons également.

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Nous croyons à l'émancipation par le travail et à la logique du mérite. Dès lors, nous nous étonnons du calendrier que vous avez retenu.

Vous traitez de la réforme du RSA alors que nous n'avons toujours pas évoqué la question des salaires, que nous souhaitons l'organisation d'une conférence sociale autour de celles du travail et de la capacité, pour ceux qui ont un emploi, de bénéficier de rémunérations à hauteur de leur engagement.

Nous regrettons qu'il n'ait pas été possible de travailler sur des cas spécifiques, lorsque des gens qui retrouvent une activité perdent une partie de leur revenu, ce qui conduit un certain nombre de nos compatriotes à considérer que l'inactivité peut être choisie. Il relève de notre responsabilité de faire en sorte que chaque activité soit rémunérée au-delà des revenus d'assistance.

Ce projet de loi s'inscrit dans un récit politique, cette fable du plein emploi selon quoi il convenait d'abord de réformer l'assurance chômage, puis les retraites, avant d'enfin fouetter le cul de ceux de ceux qui seraient encore dans le canapé parce qu'ils bénéficieraient d'un revenu d'assistance, tant nous nous approchons du plein emploi. L'exercice est compliqué car les droits et les devoirs existent déjà. Si défaillance il y a, elle se situe du côté de ceux-là et non de ceux-ci.

Nous souhaitons certes une meilleure synergie dans le système de l'emploi mais la mesure phare de ce projet est constituée par les 15 à 20 heures, cette fable absolue. Vous voilà funambule, entre la volonté de porter la voix du Président de la République, de ne pas contrister nos collègues LR tout en prenant en compte la réalité quotidienne. Les 15 à 20 heures, c'est impossible, tout le monde le sait, en particulier ceux qui travaillent auprès des allocataires.

Si vous vous adressez au segment électoral des travailleurs pauvres – qui ont le sentiment de faire des efforts que d'autres ne font pas et regardent avec méfiance les personnes sans activité –, le douloureux constat que vous faites peut éventuellement être partagé. C'est en réalité de la question des salaires qu'il faut leur parler, plutôt que de plonger encore un peu plus dans la précarité – et, il faut le dire, dans la pauvreté – des personnes bénéficiant d'un revenu prétendument d'assistance.

Nous sommes favorables à un engagement renforcé et réciproque – j'insiste sur ce dernier mot, qui ne figure plus dans le texte. Je le dis avec force, nous croyons à la libre adhésion : vous ne contraindrez personne, car la logique de la carotte et du bâton ne fonctionne pas. La condition de la réussite – qui nécessite de se donner du temps – réside dans la validation par l'allocataire d'un projet avec les professionnels qui le suivent.

Par ailleurs, nous partageons l'objectif d'un rapprochement avec les territoires en matière de gouvernance. Je fais partie des élus qui ont longtemps milité pour que les territoires soient en mesure de peser sur les objectifs fixés par le service public de l'emploi. Quant aux moyens, d'autres collègues l'ont évoqué, ils doivent impérativement être à la hauteur des objectifs que vous vous fixez. À cet égard, nous nous étonnons que vous choisissiez de passer par l'Unedic. Il est également curieux que nous entreprenions une réforme d'envergure sans disposer de retour d'expérimentation. Peut-être disposez-vous d'éléments que nous n'avons pas et qui vous permettent de voir clair.

Sur la question des outre-mer, je me ferai l'écho de Pierre Dharréville : vous faites le choix de la voie de l'ordonnance, donc du silence : il est inacceptable pour nos collègues d'outre-mer. Bien sûr, il y a un besoin de différenciation, mais nous ne connaissons pas vos intentions en la matière et nous souhaitons que le débat ait lieu dans l'hémicycle.

D'une manière générale, nous craignons qu'il s'agisse uniquement d'un texte d'affichage et de communication politique, destiné à parler à des segments électoraux, même s'il comporte des avancées, sur la question de la petite enfance ou sur celle des travailleurs handicapés : elles auraient justifié que nous prenions plus de temps pour en débattre.

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Olivier Dussopt, ministre

Je répondrai en regroupant vos questions par thèmes ; pardonnez-moi le manque d'exhaustivité susceptible d'en résulter.

S'agissant des mesures déjà mises en œuvre, j'évoquerai tout d'abord le bilan du dispositif du CEJ, en vigueur depuis un an et demi. Il fonctionne bien : 330 000 contrats ont été signés en 2022, le volume étant – comme prévu – d'environ 300 000 CEJ par an. Les premiers résultats sur les signataires étant allés au bout du parcours sont encourageants, même s'ils sont partiels, puisqu'il s'agit des premières cohortes démographiques, principalement de Corse, suivies par Pôle emploi. Un tiers des contrats sont en effet suivis par Pôle emploi, deux tiers l'étant par les missions locales. Le taux de retour à l'emploi est de 84 %, pour un maintien dans le dispositif autour de huit à neuf mois. Cela nous a permis de démontrer que nous savons mettre en œuvre des dispositifs efficaces, avec un accompagnement intensif, à hauteur de 15 à 20 heures par semaine. En termes de formation initiale, plus de la moitié des signataires ont le bac ou moins, tandis que 9 % d'entre eux sont mineurs, ce qui est assez logique puisque la cible est celle des jeunes de 16 à 25 ans.

Le second dispositif déjà en place est celui du rapprochement du réseau Pôle emploi avec le réseau Cap emploi, notamment l'accompagnement des personnes en situation de handicap. Les inquiétudes du début se sont dissipées, puisque le réseau Cheops (Conseil national handicap et emploi des organismes de placement spécialisés), qui coordonne l'ensemble des Cap emploi départementaux, se dit satisfait du fonctionnement actuel – montée en compétence des opérateurs et des agents de Cap emploi comme de ceux de Pôle emploi, constitution de portefeuilles dédiés, satisfaction des usagers mesurée à plus de 85 %, équipes travaillant de manière très polyvalente et rapprochée dans le cas des agences de Pôle emploi. Notre objectif est de démontrer que nous pouvons avoir un réseau de proximité, capable de diversifier les politiques menées en matière d'emploi.

J'en viens à la question de l'illectronisme, qui ne doit pas être un frein à la recherche d'emploi : il faut bien évidemment une présence suffisante sur le territoire, permettant d'accueillir le public concerné partout. Nous devons nous appuyer sur les agences de Pôle emploi, mais aussi, lorsque c'est possible, sur l'organisation d'accueils dans les maisons France Services lorsqu'elles existent. D'une manière générale, l'illectronisme ne doit pas être un frein. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons mettre la lutte contre l'illectronisme, l'illettrisme et l'analphabétisme au centre des priorités, dans le cadre de la nouvelle contractualisation avec les régions sur le plan d'investissement dans les compétences. Il s'agit en effet de savoirs de base qui figurent parmi les principaux freins pour l'accès à l'emploi.

Le PIC constitue le volet formation évoqué par MM. Juvin et Delaporte. Alors que nous devons continuer à former massivement, il nous a permis de multiplier par trois le nombre de demandeurs d'emploi qui, chaque année, ont accès à une formation qualifiante. Nous savons que cela marche, car un demandeur d'emploi qui suit une formation dans le cadre du PIC voit son taux de retour à l'emploi à six mois augmenter de 9 points – de 17 points lorsqu'il s'agit d'un demandeur d'emploi âgé de plus de 50 ans. Il faut donc continuer à investir, pour former rapidement et donner de l'employabilité – ce néologisme n'est pas agréable à entendre – à ceux qui en ont besoin – sur des métiers en tension, mais aussi en transition, pour répondre aux besoins à venir de l'économie, en matière d'écologie ou de numérique. C'est pourquoi le PIC, contracté en 2018, va être renouvelé ; dès cette semaine, les discussions seront ouvertes avec les régions pour la mise en œuvre de ces nouveaux contrats, en leur donnant davantage de souplesse que dans la première version, s'agissant notamment de l'adaptation aux territoires régionaux et de la sortie d'un modèle de répartition trop uniforme entre les différentes priorités.

Cet accès à la formation est nécessaire, si nous voulons continuer à faire baisser le chômage. J'en profite pour faire une parenthèse sur la question du chômage, évoquée par M. Juvin : si le taux de chômage nous place effectivement parmi les mauvais élèves en Europe, nous pouvons cependant tous nous réjouir qu'en quelques années, nous soyons passés d'un taux de 9,5 % à 7,1 %. Certes, c'est encore trop, ce d'autant que les entreprises connaissent, dans le même temps, des difficultés de recrutement : il y a encore beaucoup de travail, pour que l'économie, qui a créé 2 millions d'emplois en l'espace de six ans, continue à le faire, et que les mesures en matière de formation et d'accompagnement contribuent à diminuer davantage le taux de chômage. Le chômage français revêt une particularité : le niveau de tension de recrutement que nous connaissons actuellement correspond à celui qui prévaut en Allemagne ou au Danemark lorsque le taux de chômage ne dépasse pas 3 à 4 %, nous renvoyant peut-être à une composante structurelle du chômage français, s'agissant notamment du chômage de très longue durée.

Sur la question de la place des collectivités et de la gouvernance, j'ai indiqué, dans mon propos introductif, qu'aucune disposition ne remet en cause la moindre compétence des collectivités, ni ne modifie la répartition des compétences des collectivités entre elles. J'illustrerai mon propos à l'aide d'un exemple : les présidents de conseils départementaux sont compétents en matière de sanctions vis-à-vis de bénéficiaires du RSA en situation de manquement : la sanction actuellement en vigueur est celle de la radiation, à l'issue d'une commission pluridisciplinaire. Nous proposons de créer un dispositif de suspension – le rapporteur Paul Christophe l'a parfaitement décrit –, avec la possibilité d'un versement rétroactif et une grande réactivité dans la mise en œuvre.

Comment ce dispositif fonctionnera-t-il ? Lorsqu'un travailleur social du département fera une proposition de suspension – de la même manière qu'il fait aujourd'hui une proposition de radiation –, le président du conseil départemental sera compétent pour en décider. Lorsqu'un agent de Pôle emploi – devenu France Travail – fera une proposition de suspension, le président du conseil départemental restera compétent pour en décider. Il pourra, s'il le souhaite, avec l'accord de son conseil départemental, déléguer la décision à France Travail ; en l'absence de délégation, il restera compétent pour décider des suites données à la proposition de suspension.

Quant à la question du pilotage, je rappellerai qu'aujourd'hui les régions, les départements, l'ensemble des niveaux de collectivités ne participent pas à l'élaboration des orientations du service public de l'emploi, tant aux échelons national, régional, départemental et local. Nous souhaitons que cela soit possible demain, pour définir les orientations ; Pôle emploi – France Travail – sera ensuite chargé de la mise en œuvre des orientations décidées par le comité dans lequel siégeront l'État, les collectivités à tous les échelons, mais aussi les partenaires sociaux, aux échelons national et régional. Nous donnons donc aux collectivités une capacité à peser sur les orientations, sans revenir sur leurs compétences.

S'agissant de la question des systèmes d'information et de leur utilité, l'objectif est d'éviter les ruptures ou les redondances de parcours vers l'emploi ou la formation. Actuellement, lorsqu'un jeune, faisant uniquement l'objet d'un suivi par une mission locale – parfois pour des questions d'âge – rejoint Pôle emploi, le dossier doit être repris à zéro. Le fait d'avoir un système horizontal garantirait à chaque conseiller, à tout moment du parcours, un accès aux informations sur les formations réalisées, sur l'accompagnement dont a bénéficié la personne concernée : cela serait plus efficace et nous permettrait d'éviter les ruptures et les sorties de dispositif.

Dans le cadre de cet accompagnement, figure la question – importante – des 15 à 20 heures, évoquée par le Président de la République lors de sa campagne présidentielle. Elle s'articule autour de trois points. Premier point, le RSA est une aide inconditionnelle, dès lors que l'on remplit certains critères économiques et financiers, notamment de privation de ressources. Dès lors que la personne est éligible au RSA, il est, en l'état actuel du droit, nécessaire de signer un contrat d'engagement. Or, en pratique, seuls 47 % des allocataires le signent, non pas parce qu'ils le refusent, mais parce qu'il ne leur est pas proposé. Nous voulons que le contrat d'engagement puisse être proposé à tous, et qu'il inclue un parcours adapté, tenant compte des possibilités de chacun.

L'objectif fixé par le Sénat – de 15 à 20 heures – s'appliquerait à tous les bénéficiaires, quelle que soit leur situation. On a évoqué la nécessité de tenir compte des demandeurs d'emploi en situation de handicap et des familles monoparentales ; au-delà, un certain nombre de personnes allocataires du RSA vont être confrontées à d'énormes problèmes de mobilité, à des soucis de santé – ne relevant pas nécessairement d'un handicap reconnu comme tel, mais d'une maladie ou de difficultés –, à des soucis de garde d'enfants pour les familles monoparentales. Nous devons en tenir compte, alors que nous nous fixons un objectif très ambitieux – le niveau de 15 à 20 heures est celui qui permet la plus grande mobilisation –, en ayant conscience que nous devons parfois l'atteindre progressivement, au fil des interventions successives. Nos débats devraient nous permettre d'aboutir à un texte équilibré.

Nous disposerons de moyens nouveaux comprenant, je l'ai dit, 170 millions d'euros dans le cadre de la contractualisation des départements avec France Travail. Pôle emploi bénéficiera, dès 2024, de 300 millions d'euros supplémentaires ; au cours des cinq dernières années, cette structure a déjà profité de 4 000 créations de poste, dans une période où le nombre de demandeurs d'emploi inscrits avait tendance à baisser. Nous continuerons à déployer ces moyens. Le financement proviendra de la subvention de l'État à Pôle emploi, mais aussi d'un prélèvement sur les excédents de l'Unedic, lequel n'empêchera pas l'Unedic de voir sa dette divisée par deux d'ici à 2027. Nous participons au financement d'une politique active pour l'emploi : chaque accompagnement d'une personne vers l'emploi se traduit par moins d'allocations et par plus de cotisations ; c'est un modèle vertueux pour les comptes de l'Unedic et il ne remet pas en cause la perspective de son désendettement. Nous avons les moyens de réussir ce pari, avec une montée en puissance progressive – pas de généralisation avant le 1er janvier 2025 – de ce nouvel accompagnement.

Ce point est lié à la question des expérimentations. M. Saint-Huile s'est interrogé sur l'opportunité d'adopter une nouvelle loi, alors que les expérimentations sont en cours. Nous menons des expérimentations avec dix-huit conseils départementaux : chacun d'entre eux a retenu un bassin d'emploi, à l'exception d'un département – la Creuse –, pour lequel l'expérimentation se fait à l'échelle départementale, pour des questions démographiques. Si les expérimentations sont réalisées maintenant, c'est parce qu'elles portent sur des modalités d'accompagnement qui n'ont aucun caractère réglementaire ou législatif. Il s'agit de regarder comment améliorer les parcours, le suivi et les types d'activités proposées : à mes yeux, il est impensable que la future loi précise la nature des activités d'insertion et de formation qui seront mises en œuvre. Le texte indique que le travail n'est pas gratuit, qu'il ne s'agit pas de bénévolat obligatoire, mais il ne peut pas aller dans le détail des propositions. Ceux d'entre vous qui ont lu le rapport de Thibaut Guilluy auront noté qu'il comporte, en annexe, une liste de plus de cent cinquante exemples d'activités extrêmement variées, qui n'ont pas vocation à figurer dans la loi.

En revanche, nous avons beaucoup travaillé avec l'Assemblée des départements de France (ADF). Début 2024, nous dresserons un premier bilan des expérimentations ouvertes, pour la plupart d'entre elles, au 1er avril 2023. Le périmètre des expérimentations va être élargi. À cet égard j'ai proposé au président de l'ADF que les modalités de sélection et de définition des nouveaux territoires inclus soient réalisées en lien très étroit avec le bureau de cette institution. Elles dureront jusqu'à fin 2024, pour nous permettre de connaître les meilleures pratiques et d'avancer, sans qu'il soit nécessaire de passer par la loi, sauf bien sûr s'il s'avère, à l'issue de ces expérimentations, que telle ou telle disposition le nécessite. Cependant les programmes d'accompagnement ne revêtent par nature pas de caractère législatif ou réglementaire.

Sur la question des opérateurs privés de placement, donc du secteur de l'emploi, le texte n'apporte rien de nouveau. Ils continueront à accompagner le service public de l'emploi comme ils le font aujourd'hui, sans qu'il y ait la moindre modification. Il en va de même, dans un autre domaine, pour les missions locales, pour lesquelles les modalités de financement restent les mêmes : elles font l'objet d'un conventionnement avec l'État ; leurs compétences – M. Dharréville a évoqué le sujet – restent les mêmes, notamment en matière d'accueil et d'accompagnement intégral des jeunes. Nous avons veillé, y compris dans les derniers arbitrages sur le texte, à préciser qu'il s'agissait d'un exercice de compétences de plein droit, et non pas par délégation. Ni les compétences des missions locales, ni leur gouvernance ne seront donc affectées par le texte.

La seule – double – différence pour les missions locales réside dans l'accès à un système d'information horizontal, offrant des informations nouvelles, et dans la participation au comité France Travail à la quasi-totalité des niveaux, c'est-à-dire à la définition – de laquelle elles sont aujourd'hui absentes – des orientations qu'elles mettront ensuite en œuvre. Là encore, la réforme se traduit plutôt par un mieux que par un moins.

Quant aux autres points évoqués, s'agissant notamment des autres sujets à débattre, comme vous le savez, à l'issue de la rencontre avec les chefs de partis, le Président de la République a annoncé la tenue d'une conférence sociale : elle se tiendra lors de la semaine du 16 octobre. Nous travaillons actuellement avec les partenaires sociaux pour en déterminer l'ordre du jour : les négociations de branche, la classification permettant de garantir une progression salariale à l'échelle d'une carrière, le temps partiel subi, le sous-emploi, l'évolution des salaires et du Smic sur plusieurs années, les conséquences et les interférences entre cette évolution des salaires et du Smic en son sein, la montée en puissance de la prime d'activité, les sorties de tunnels d'exonérations, l'égalité professionnelle y figureront. Nous restons toutefois attachés au modèle français de détermination des salaires, celui d'une indexation du Smic arrêtée par la loi, suivie d'une négociation de branche pour déterminer le niveau des rémunérations.

M. Saint-Huile l'a évoqué, nous devons également travailler sur les conditions de reprise d'emploi. Aujourd'hui, un certain nombre de personnes qui survivent grâce à des minima sociaux ont le sentiment qu'il n'est pas efficace de reprendre un emploi : c'est parfois vrai, non pas de manière générale – des modèles montrent que la reprise d'emploi va plutôt dans le bon sens –, mais de manière temporaire, parce que les coûts et la perte de droits liés à la reprise d'emploi sont souvent plus rapides que la mise en place des nouveaux droits liés à la perception d'un salaire au niveau du Smic ou légèrement au-dessus du Smic. Il nous faut travailler sur ces tuilages, pour faire en sorte que la reprise d'emploi soit toujours plus intéressante immédiatement, et non pas trois, quatre ou cinq mois plus tard, comme c'est parfois le cas.

Je terminerai par trois points, sans avoir été exhaustif. Tout d'abord, il est évidemment hors de question de stigmatiser qui que ce soit. Au contraire, lorsque l'on investit dans l'accompagnement, dans la formation et dans l'insertion, on est au rendez-vous de la réelle solidarité, celle qui consiste à ne pas laisser les gens dans une trappe à précarité ou à pauvreté. Je ne connais pas de meilleure façon de sortir de la pauvreté que celle de l'emploi et de l'accès à un revenu salarié, en plus de l'émancipation et de l'autonomie qu'ils procurent.

Deuxièmement, concernant les dispositions relatives au handicap, je tiens à remercier l'ensemble des intervenants qui nous ont dit leur intérêt pour ces mesures et le fait qu'elles vont dans le bon sens – ce qui est une réalité, dont je suis heureux, fruit des travaux de la CNH.

Troisièmement, M. Dharréville s'est interrogé sur la question de la reprise d'emploi. La qualité de l'emploi s'est améliorée et nous pouvons nous en réjouir. Un chiffre permet de l'illustrer : pour la première fois en 2022, la part des CDI dans les signatures de contrats d'un mois ou plus – l'indice statistique qui a toujours été retenu – a passé, pour la première fois, le cap des 50 %, alors que nous étions entre 43 % et 46 % de manière régulière. Cela s'est accompagné, pour la première fois aussi, depuis plus de trente ans, par une part majoritaire de CDI dans le total de l'emploi privé : les créations d'emplois que nous avons connues au cours des six dernières années se sont donc accompagnées d'une amélioration de l'emploi, bien sûr, en raison des conditions économiques, mais aussi des politiques mises en place, notamment autour du bonus-malus.

Enfin, M. Dharréville m'a posé une question importante sur l'une de mes déclarations au Sénat, où j'ai indiqué que lorsque nous aurons atteint le plein emploi, il faudra nous interroger sur le fait que des hommes et des femmes restent durablement dans des dispositifs tels que le RSA, ainsi que sur la nature de l'activité. Mon propos était de dire que nous savons que, parmi les presque 2 millions d'allocataires du RSA, des hommes et des femmes sont extrêmement profondément et violemment abîmés par la vie. Certains d'entre eux sont également confrontés à des problématiques de santé mentale, souvent mal prises en compte. Lorsque nous aurons accompagné toutes les personnes qu'il est possible de soutenir, nous devrons nous demander s'il existe une difficulté trop importante pour être surmontée. N'est-il pas hypocrite de maintenir ces personnes sur des revenus de solidarité, qui renvoient à une activité et à une insertion professionnelle ? N'y a-t-il pas d'autres dispositifs plus adaptés, ou à créer, pour tenir compte de la réalité de leur situation ? Ce débat viendra après, mais il viendra nécessairement : ne soyons pas hypocrites et assumons le fait que, parmi les allocataires du RSA, certains ont malheureusement été trop exposés par la vie pour pouvoir remonter la pente au même rythme, ou même à l'échelle d'une vie.

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Au-delà du titre prometteur du texte, je souhaite vous interroger sur trois axes qui, à mon sens, gagneraient à être renforcés, afin de vraiment atteindre le plein emploi, faute de quoi on risque de faire semblant, tout en amenuisant l'effectivité de l'objectif affiché, que nous partageons.

Le premier axe concerne la question d'une valorisation suffisante du travail. Il y a un an, vous aviez indiqué que certains citoyens pouvaient, en reprenant un travail, pour des raisons de seuils induisant la perte de certaines allocations, gagner moins à court terme, au moins temporairement. Vous venez à cet égard d'évoquer une durée de quatre à cinq mois. Sans une meilleure valorisation du travail, nous peinerons à atteindre le plein emploi et ce projet de loi s'avérera bien insuffisant. En parallèle de ce texte, prévoyez-vous une réforme structurelle, pour que les revenus du travail soient toujours bien supérieurs aux aides sociales ?

Le deuxième point concerne la coordination des nouvelles instances créées par le projet de loi avec les communes et les intercommunalités. Pourquoi ne pas inclure dans l'article 1er les intercommunalités et les communes, qui exercent bien souvent des compétences en matière de mobilité ou d'accueil du jeune enfant, qui constituent de vrais freins au retour à l'emploi ? Dans le même esprit, leur regard serait précieux pour soutenir les missions de repérage et d'accompagnement spécifique prévues à l'article 6. Êtes-vous également prêt à élargir, pour les communes, l'accès aux informations du nouveau système d'information, concernant les demandeurs d'emploi ?

Le troisième axe d'amélioration concerne, à l'article 10, les mesures pour les familles. Si l'on ne peut que soutenir votre volonté de renforcer les solutions d'accueil des enfants, je m'interroge sur la pertinence des paramètres retenus, ainsi que sur les compensations financières qui devront être garanties par l'État. Pourquoi retenir trois ans, et non pas six ans ou dix ans ? À ces âges, beaucoup de parents ont encore besoin de solutions de garde, notamment avant ou après le début de la classe, ou pendant les vacances scolaires. Qui laissera un enfant âgé de 4 ans seul ? Par ailleurs, vous envisagez de définir des zones caractérisées par un niveau d'offre d'accueil du jeune enfant particulièrement élevé, afin d'y limiter les projets. Une telle disposition ne risque-t-elle pas de s'avérer injuste ? Un tel niveau n'est bien souvent pas le fruit du hasard, mais s'obtient dans certains territoires vertueux, par l'engagement fort des familles et des collectivités territoriales : attention à ne pas les pénaliser en manquant votre cible.

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Comme beaucoup d'entre vous j'ai mené, ces dernières semaines, des consultations pour préparer la discussion du projet de loi. J'ai rencontré des élus de la mission locale, de Pôle emploi, des associations intermédiaires de mon département : il existe une quasi-unanimité pour une meilleure coordination des différents acteurs, pour rendre plus efficaces les politiques d'insertion et de retour à l'emploi, notamment envers ceux qui sont le plus éloignés du marché du travail. Il n'est pas acceptable de laisser passer parfois plusieurs mois, entre le moment où un allocataire s'inscrit au RSA et son premier entretien, lors duquel il pourra enfin évoquer sa situation.

Au cours de ces échanges, un sujet est souvent revenu, vous l'avez évoqué dans votre propos liminaire : quel est l'échelon le plus pertinent pour être associé à la gouvernance locale de France Travail ? Il faut à mon avis privilégier les bassins de vie : les EPCI – déjà compétents en matière de développement économique, d'action sociale, de logement, de transports et de mobilités – constituent sans doute l'échelon le plus pertinent pour le pilotage local de ces politiques. La plupart sont déjà engagés dans des actions en faveur de l'emploi, et, pour 40 % d'entre eux, en matière de petite enfance. J'ai bien noté la souplesse dans le choix de l'échelon, ainsi que le fait que chaque collectivité conserverait ses compétences, en matière de formation, d'insertion ou d'action sociale de proximité. Pouvez-vous préciser à nouveau à quel moment sera défini cet échelon, et surtout qui arbitrera en cas de désaccord ?

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Ce projet de loi est attendu. La France a effectivement besoin de faire mieux en matière de recherche et de mise en activité des uns et des autres. Je déplore que beaucoup de mes amendements aient été déclarés irrecevables : sur un sujet comme celui-ci, il eût pourtant été utile de pouvoir être force de proposition et d'élargir le spectre du projet de loi, dont j'ai le sentiment qu'il repose encore sur un modèle économique un peu obsolète. Au-delà du plein emploi, il faut envisager l'activité professionnelle sous toutes ses formes. Je pense en particulier au travail indépendant des femmes et des hommes non salariés, qui proposent néanmoins des biens et des services et qui sont actuellement confrontés à une insécurité juridique, en raison d'un statut hybride : ils sont confrontés à des blocages et ce texte gagnerait à faire progresser notre droit en la matière.

Je pense également à l'emploi des seniors : il eût été opportun de marquer une volonté politique et des dispositions très concrètes sur ce sujet, qui nous préoccupe. Je l'ai dit lors de différentes auditions la semaine dernière : je m'étonne de l'absence des mots « insertion », « inclusion » ou « insertion professionnelle » dans un projet de loi qui porte sur le plein emploi. En effet, même si le marché du travail est optimisé et organisé dans le but de plus d'efficacité, le public concerné ne pourra pas s'en sortir s'il n'y a pas de parcours : le plein emploi ne sera pas atteint.

J'ai donc le sentiment que ce texte présente des lacunes, même s'il coche un certain nombre de cases. Il faut refonder le RSA, comme le préconisent la Cour des comptes et des opérateurs de terrain : il est insupportable et inadmissible de laisser des allocataires sans accompagnement, sauf à cautionner l'exclusion. J'attends des débats qu'ils éclairent mes interrogations.

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Notre politique en faveur de l'emploi et de l'insertion porte ses fruits et ce texte y contribue, avec clarté. Aujourd'hui, nombre d'entreprises se sont engagées pour une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle : c'est fondamental – je pense notamment aux proches aidants. L'expérimentation du relayage à domicile ou baluchonnage – dispositif figurant dans la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance – va dans ce sens, en permettant des prestations de suppléance de l'aidant au domicile de la personne accompagnée, grâce à des dérogations au droit du travail.

Le relayage à domicile, avec un intervenant unique, est essentiel pour l'accompagnement des personnes aidées. C'est également une solution de répit de longue durée, utile pour les aidants, qui offre de nouvelles possibilités d'organisation de travail pour les professionnels volontaires. L'expérimentation se termine le 31 décembre et, à ce stade, rien n'est prévu pour pérenniser ce dispositif. J'ai bien compris, monsieur le ministre, que ce sujet ne pourra pas être débattu pendant l'examen du texte : dès lors, comment répondre à la demande des professionnels, des proches aidants et des aidés, pour pérenniser ce baluchonnage à la française, si apprécié ?

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Nous reprenons nos travaux parlementaires par l'examen de ce projet de loi pour le plein emploi. Alors que les Français sont pris à la gorge, que l'inflation ne cesse leur pourrir la vie, que nos services publics sont sens dessus dessous, quelle est la priorité du Gouvernement pour cette rentrée ? Attaquer les plus pauvres de nos concitoyens, les stigmatiser et les infantiliser. Monsieur le ministre, vous qui avez un temps été socialiste, comment pouvez-vous porter un projet de loi qui sape à ce point l'héritage de François Mitterrand et de Michel Rocard ? Dois-je vous rappeler les propos de François Mitterrand lors de la création du RMI, en 1988 : « l'important est qu'un moyen de vivre ou plutôt de survivre soit garanti à ceux qui n'ont rien » ? Le RMI, puis le RSA, n'ont jamais été conçus comme un salaire, mais comme un revenu minimum vital pour survivre. Je dis bien « survivre », pas « vivre ».

Ce texte vise à transformer le RSA en un salaire inférieur au Smic : cela est dangereux. En effet, imposer une activité minimum de 15 à 20 heures par semaine, sans réel accompagnement, ce n'est pas redonner de la dignité aux bénéficiaires du RSA, ni leur permettre de retrouver un travail digne ; c'est créer des travailleurs rémunérés en dessous du Smic, sans l'assumer ouvertement. Vous allez faire exploser le nombre de personnes en grande précarité. Vous l'avez déjà largement augmenté avec vos différentes réformes, comme en témoigne l'afflux massif de nouveaux bénéficiaires des Restos du cœur, en métropole comme en outre-mer. Cela peut sembler bizarre, mais ce sont des constats que vous ne faites jamais. Punir les pauvres d'être pauvres est une aberration, aussi bien éthique qu'économique. Le prix Nobel Esther Duflo l'a démontré à travers l'exemple britannique : ne suivons pas le même chemin funeste.

Il est vraisemblable que l'austérité budgétaire nous attend, aussi ma question simple : à hauteur de quelle somme le Gouvernement compte-t-il financer le fait de conditionner le RSA, en embauchant massivement des conseillers à Pôle emploi et en finançant des formations et des stages pour les allocataires ?

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Vous venez de dire, monsieur le ministre, que certains des allocataires du RSA sont violemment abîmés par la vie et confrontés à des problématiques de santé mentale. Vous estimez nécessaire de s'interroger sur le maintien d'un dispositif qui renvoie à l'insertion professionnelle. Une expérimentation avait justement été mise en place, pour évaluer les conséquences – éventuellement néfastes – de vos propositions, pour ces personnes brisées par la vie et dont la question de la réadaptation se pose. Or, dans la mesure où ces expérimentations ne sont pas terminées et où la réforme va s'appliquer, n'êtes-vous pas en train d'admettre, à demi-mot, qu'elle aura pour conséquence de supprimer le revenu de ces personnes brisées par la vie et ayant souvent des problèmes de santé mentale, qui termineront à la rue ? Telle est la raison pour laquelle nous critiquons le dispositif : vous venez d'admettre, à demi-mot, votre volonté de mener une expérimentation grandeur nature sur les publics les plus fragiles de notre pays, que vous priverez tout simplement de revenus, en voyant plus tard comment les réinsérer. Pouvez-vous préciser votre pensée d'apprenti sorcier sur la vie des gens, qui est pour le moins choquante en ce début de discussion ?

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En novembre dernier, dans une question au Gouvernement, je vous ai qualifié d'anti-Ambroise Croizat, alors que vous portiez déjà un projet de loi foncièrement antisocial – en l'occurrence, une attaque historique contre l'assurance chômage. Depuis, vous avez repoussé l'âge de la retraite à 64 ans, contre la volonté de l'immense majorité du pays. Aujourd'hui vous poursuivez votre œuvre de destruction de la solidarité et de la dignité, si chère à votre illustre prédécesseur. Dans notre pays, plus de 8 millions de personnes ont recours à l'aide alimentaire, un chiffre en constante augmentation, au point que les associations caritatives n'arrivent plus à suivre – une baisse de 17 % de la consommation alimentaire dans le pays, inédite depuis plus de quarante ans, un tiers du pays ne mangeant plus à sa faim.

Oui, une part importante du pays est contrainte de se serrer la ceinture. Parallèlement la fortune cumulée des cinq cents personnes les plus riches équivaut à 45 % du PIB, soit presque la moitié de la richesse produite annuellement. Cette fortune cumulée a plus que doublé depuis l'accession à la présidence de la République d'Emmanuel Macron. Le Gouvernement pourrait envisager de régler ce grave problème de répartition des richesses, considérant qu'on ne peut pas accepter qu'un tiers du pays se serre la ceinture, et que les cinq cents plus riches se gavent. Nous sommes ici, en commission des affaires sociales, et nous pourrions y travailler, mais non : vous choisissez de vous attaquer une nouvelle fois aux plus précaires, aux plus vulnérables, à celles et à ceux – surtout celles – qui ont le moins. Vous stigmatisez, vous humiliez, vous entretenez l'idée crasse que celles et ceux qui bénéficient des minima sociaux sont des fainéants qui profitent du système, alors qu'elles et ils sont en mode survie.

Ma question est donc simple : n'avez-vous pas honte – singulièrement vous, monsieur le ministre, qui, en 2017, votiez contre les budgets d'Emmanuel Macron, pour, quelques jours plus tard, rejoindre le Gouvernement pour les mettre en œuvre ?

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Il me semble que votre projet – France Travail – a été mis en œuvre dès le mois de juillet, lorsque toutes les salariées et les salariés du pays ont eu la surprise de voir apparaître sur leur bulletin de paye une nouvelle ligne, intitulée « montant net social » – j'invite d'ailleurs tout le monde à observer son propre bulletin de paye. Cette nouvelle ligne regroupe ce qu'il faut déclarer pour pouvoir bénéficier du RSA ou de la prime d'activité. Ainsi, le montant net social comprend le salaire net – que l'on connaît très bien, puisqu'il est écrit en gros sur la fiche de paye –, mais également les tickets-restaurants, la prévoyance, la participation patronale à la garde d'enfants, autant d'éléments qui n'étaient autrefois pas nécessaires pour solliciter le RSA ou la prime d'activité.

Ainsi, depuis le mois de juillet, pour un même salaire, le montant net fiscal est supérieur, si bien que le revenu découlant du RSA ou de la prime d'activité baisse. Les syndicats en ont donné beaucoup d'exemples ; j'en évoquerai un mentionné par la CFDT dans le dernier numéro du journal Libération. Une salariée – Martine –, dont le net à payer est de 1 599 euros par mois et le net social de 1 765 euros, en raison des avantages en nature dont elle bénéficie, a vu sa prime d'activité divisée par deux : elle perd 65 euros.

Ma question est donc simple : combien de personnes ont d'ores et déjà, depuis deux mois, perdu de l'argent s'agissant de leur RSA ou de leur prime d'activité ? Parmi elles, parmi eux, combien ont tout perdu, combien ne sont plus éligibles ni au RSA, ni à la prime d'activité ? Quelle est la perte en moyenne ? Bref, quand et comment comptez-vous leur rendre leur argent ?

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Le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui est profondément antisocial. Dans la droite ligne de la réforme des retraites, ce texte comporte des objectifs irréalisables. Il s'attaque aux personnes privées d'emploi plutôt qu'à la rareté de l'emploi. Monsieur le ministre, après avoir radié les chômeurs, vous vous en prenez désormais aux allocataires du RSA.

Ma question porte sur la programmation budgétaire de ce projet de loi. Le rapport de concertation prévoit seulement la mobilisation de 2,3 à 2,7 milliards d'euros de financements cumulés sur la période 2024-2026. Pourtant, selon les acteurs de l'insertion, il faudrait 4 milliards d'euros par an pour tenir les objectifs d'accompagnement. Quant aux expérimentations, elles ont été financées à hauteur de 22 millions d'euros, soit 550 euros par allocataire, alors que le rapport de France Travail projette un investissement de 10 000 euros par an et par allocataire. La réalité, monsieur le ministre, c'est qu'à ce jour nous n'avons absolument aucune garantie sur le budget qui sera réellement alloué à la formation et au recrutement des agents. Nous pouvons d'ores et déjà présager que les allocataires du RSA risquent de subir des contrôles bien plus renforcés et que les sanctions seront plus dures dans le service public de l'emploi, qui n'aura de public que son nom, avec des objectifs irréalistes et surtout démagogiques, sans répondre aux besoins réels des citoyennes et des citoyens de ce pays. Y a-t-il une programmation budgétaire sérieuse et viable pour accompagner ce projet de loi ?

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« Projet de loi pour le plein emploi » : quel beau titre ! Mais comment comptez-vous atteindre le plein emploi ? Allez-vous réduire à 32 heures le temps de travail hebdomadaire, comme le réclament les salariés et les syndicats ? Non. Allez-vous ramener à 60 ans l'âge de départ à la retraite, en abandonnant la honteuse réforme que vous avez conduite ? Non. Allez-vous augmenter les salaires pour sauver le pouvoir d'achat ? Toujours non. Que proposez-vous donc ? Vous proposez de mener la guerre sociale, aux pauvres, aux plus précaires, aux allocataires du RSA, à ceux qui galèrent et souffrent déjà au quotidien. Vous instaurez le travail gratuit, au risque de déstabiliser les emplois et d'aggraver le dumping social, de tirer vers le bas le monde du travail – l'ensemble de la société. Vous allez contraindre les gens à travailler dans n'importe quelles conditions, pour un salaire de misère.

Selon vous, monsieur le ministre, le plein emploi est-il atteint quand tous les demandeurs sont radiés de Pôle emploi ou, comme le veut le bon sens, quand tout le monde a un emploi ?

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Voici un nouveau texte sur l'emploi, avec de nouvelles promesses, de nouveaux espoirs – de nouvelles désillusions. Il est vrai, monsieur le ministre, que nous commençons à avoir l'habitude de vos projets de loi incomplets, brouillons, déconnectés de la réalité des Français. Comment expliquerez-vous à ceux qui ont cotisé chaque mois pour l'assurance chômage que leurs droits dépendront désormais d'un contrat d'engagement de 15 heures d'activité hebdomadaire ? Comment expliquerez-vous aux mères qui élèvent seules leurs enfants, aux aidants qui s'occupent de leurs proches, qu'on pourra leur retirer leur seul revenu, le maigre soutien qui les maintient hors de la pauvreté, parce qu'ils n'auront pas le temps de satisfaire aux exigences du contrat ? Comment pouvez-vous infliger cette mesure à ceux que vous avez déjà floués avec votre réforme du système de retraite, à ceux qui subissent de plein fouet la constante diminution de leur pouvoir d'achat à cause de l'inflation, à ceux qui endurent en première ligne la montée de l'insécurité et l'ensauvagement de la société ? Comment défendrez-vous auprès des conseillers de Pôle emploi l'augmentation considérable de la charge de travail que représentera le suivi intensif de tous les demandeurs d'emploi ?

Pourquoi avez-vous choisi ce titre ? Certes, vous mentionnez, timidement, les travailleurs handicapés et les professionnels de la petite enfance, mais où sont passés les jeunes, les seniors ? Les avez-vous relégués aux oubliettes de la société ? Sont-ils à vos yeux des acteurs sans valeur sur le marché du travail ? Après la tempête que fut la réforme des retraites, on s'attendait à voir émerger des solutions pour permettre à ceux que vous poussez à travailler davantage d'y parvenir. Omettre de vous y employer relève soit de l'incompétence, soit d'une flagrante indifférence.

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Abaisser le taux de chômage sous la barre de 5 % avant la fin du quinquennat constitue évidemment un objectif louable, mais de nombreux économistes le jugent inatteignable. La transformation de Pôle emploi en France Travail, réseau promu institution phare de votre politique, est un des nombreux points de friction identifiés. Il proposerait à toutes les personnes en recherche d'emploi une procédure commune, à quelque porte qu'elles aient frappé – Pôle emploi, Cap emploi, mission locale. Croyez-vous ainsi améliorer les chiffres ? Ces révolutions lexicales ont une portée dérisoire, mais elles sont sources de confusion pour une population déjà fragile. La réalité de nombreux territoires, c'est un chômage endémique, conséquence d'une désindustrialisation et de délocalisations désastreuses imposées par votre idéologie mondialiste. Mon département compte 9,2 % de chômeurs ! Quelles actions concrètes prévoyez-vous pour enfin changer la situation de cette France qui souffre ?

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L'emploi, facteur d'insertion et d'inclusion, constitue la première des protections sociales. Ne nous y trompons pas : les Français préfèrent vivre du fruit de leur travail plutôt que d'allocations, quelles qu'elles soient. Il faut maintenir une différence entre les revenus des allocations sociales et ceux du travail, afin de récompenser le mérite de ceux qui se lèvent tôt. Il est étonnant de constater que 40 % des allocataires du RSA ne sont pas inscrits à Pôle emploi, donc ne sont pas en recherche d'emploi. Ainsi, le contrat d'engagement doit rappeller les droits et les devoirs des allocataires, en prévoyant 15 heures d'activité, qu'ils peuvent accomplir en suivant une formation, ou en œuvrant au sein d'une association ou d'une collectivité locale : c'est un aspect essentiel du texte. Beaucoup de départements ont déjà adopté semblables mesures de réciprocité ; c'est le cas de l'Isère depuis 2016, à la satisfaction de tous, représentants syndicaux comme acteurs du secteur social.

Attention toutefois, monsieur le ministre, de ne pas recentraliser tous les dispositifs. En tant qu'élu régional, j'ai connaissance des revendications de Régions de France en la matière. Les régions demeurent des autorités organisatrices en matière de formation et d'orientation ; or elles sont toujours sans nouvelles précises des PIC, qui arrivent à échéance en décembre 2023. Cette tendance n'est pas cohérente avec la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « 3DS ».

Il faut également faire attention au coût de la réforme : supérieur à 3 milliards d'euros, il sera en partie financé au moyen des cotisations des travailleurs et des entreprises, c'est-à-dire en faisant les poches de l'Unedic. Conserver le nom « Pôle emploi », qui est bien identifié, permettrait d'économiser 500 millions d'euros.

Vous l'avez compris, le groupe Les Républicains reste à l'écoute. Nous avons deux lignes rouges : le maintien des 15 heures d'activité et l'absence de recentralisation.

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Merci, monsieur le ministre, pour la précision de vos réponses.

Les personnes les plus éloignées de l'emploi connaissent de nombreux obstacles à leur insertion sur le marché du travail : manque d'expérience professionnelle, compétences obsolètes, problèmes de santé, difficultés de garde d'enfants ou de mobilité. Or habiter loin d'une activité économique complique l'accès à la formation comme l'accès au travail. Le texte prévoit d'améliorer l'accompagnement personnalisé. Comment envisagez-vous de faire évoluer la formation, en particulier à distance ?

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Monsieur le ministre, à propos des mères isolées et des personnes porteuses de handicap, particulièrement éloignées de l'emploi, vous avez évoqué de possibles adaptations, voire des dérogations. Les freins au retour à l'emploi, comme les problèmes de garde d'enfants ou de mobilité, sont connus. À l'heure de construire une société toujours plus inclusive, il est essentiel de ne pas stigmatiser ces catégories de personnes, de ne pas les écarter du dispositif, mais de les y intégrer pleinement en leur proposant un accompagnement plus intensif, à même de lever les freins. Il faut accentuer la coopération entre les acteurs afin d'atteindre le premier objectif : leur permettre d'acquérir une expérience dans le monde du travail ou dans une association.

Cette réforme doit constituer une véritable chance pour ceux qui sont très éloignés de l'emploi, comme pour les entreprises. L'obligation d'employer au moins 6 % de travailleurs handicapés ne s'applique qu'aux entreprises qui emploient vingt personnes ou davantage ; de plus, nous connaissons les réticences de certains employeurs.

Le texte n'évoque pas les limites du cumul du RSA et d'autres prestations sociales : potentiellement désincitatif, il peut freiner le plein emploi. Pourquoi ne pas le plafonner à 75 % du Smic ?

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Nous contestons votre conception de la valeur du travail ; d'ailleurs vous parlez d'« emploi », nous parlons de « travail ». Pour vous, le travail n'est plus une source d'épanouissement et un facteur d'émancipation, mais un besoin économique à satisfaire. Jamais vous ne vous interrogez sur la nature des emplois. Vous avez expliqué que l'augmentation du nombre de CDI montrait que la situation s'était améliorée en matière d'emploi. Dois-je vous rappeler qu'il existe des CDI à temps partiel contraint ?

Une étude vient de révéler que 44 % des salariés sont en état de détresse psychologique. Pourtant, selon vous, les privés d'emploi sont des fainéants qu'il faudrait contraindre à exercer une activité – dans le texte, la contrainte s'exerce sous la forme d'une sanction. Avez-vous déjà accompagné des gens privés d'emploi ? L'accompagnement ne peut passer par la coercition. Je regrette que l'expérimentation des 15 heures d'activité dans les départements n'ait fait l'objet d'aucune évaluation. Vous définissez des objectifs en matière de chiffres, pas d'accompagnement. Vous ignorez d'ailleurs les aspirations apparues depuis le covid, notamment celles des jeunes, qui ont une autre conception du travail.

Vous avancez que certains employeurs ne parviennent pas à recruter. Nous en recevons dans nos permanences, mais nous recevons aussi des demandeurs d'emploi : on compte 367 000 emplois disponibles, contre 3 millions de chômeurs. Comment pouvez-vous imaginer enrayer le chômage sans mener une véritable politique de création d'emplois ?

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Forcer les allocataires du RSA à travailler constituerait un recul social impressionnant. Nous vous connaissons, monsieur le ministre, et nous connaissons le gouvernement auquel vous appartenez : vous avez montré ce dont vous étiez capables avec la réforme du système de retraite.

Votre postulat est erroné : selon vous, le chômage n'est pas un manque d'emplois satisfaisants, il est la faute des fainéants qui ne veulent pas travailler. Telle est en effet la logique qui sous-tend ce projet de loi. En réalité, il y a six fois moins d'emplois disponibles que de chômeurs. Il ne s'agit donc pas de forcer les chômeurs à travailler mais de créer des emplois de qualité et de partager le temps de travail. Personne ne nie que certains chefs d'entreprise ont du mal à recruter. La première cause est l'insuffisance de la rémunération au regard de la pénibilité. Ensuite, de plus en plus de personnes s'interrogent sur le sens du travail. Enfin, certaines personnes deviennent vulnérables ; elles connaissent des difficultés sociales en chaîne ; les répercussions psychologiques rendent l'insertion très difficile : elles se retrouvent fracassées par des conditions sociales brutales et par le fait de ne pas exercer d'emploi dans la durée. Une société républicaine ne peut que consentir l'effort de solidarité nécessaire pour leur donner un minimum pour vivre. Une personne seule perçoit 607 euros de RSA ; or le seuil de pauvreté s'élève à 1 102 euros : les personnes concernées vivent en dessous du seuil de pauvreté. La Constitution prévoit que le travail est un droit, non un devoir.

Le salaire minimum est de 11,52 euros par heure ; la durée minimale du travail à temps partiel est de 24 heures par semaine. Conditionner le versement du RSA à 15 heures d'activité revient à payer les allocataires 7 euros de l'heure : c'est contraire aux normes en vigueur.

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Olivier Dussopt, ministre

Monsieur Bazin, monsieur Neuder, vous avez évoqué le retour à l'emploi ; je partage pleinement l'importance de le valoriser. Il ne l'est pas toujours suffisamment parce que le versement des aides aux salariés modestes intervient moins vite que la perte des minima sociaux. Pour travailler sur cette transition, nous disposons du logiciel Estime. Il montre que la reprise d'activité est de type gagnant-gagnant, mais parfois après un délai : nous devons compenser ce décalage.

Les communes et les EPCI participeront au comité et disposeront d'une voix délibérative, au niveau local mais aussi départemental, régional et national, ce qui n'est pas le cas actuellement. Nous souhaitons que les élus puissent accéder aux informations de la plateforme dite horizontale, en respectant le règlement général sur la protection des données et les recommandations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés – d'où les renvois aux décrets.

S'agissant de l'article 10, Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles, viendra en débattre avec vous.

Il est plus pertinent que la coprésidence du comité revienne à la région au niveau régional et au département au niveau départemental. Néanmoins, il appartient aux élus de désigner le meilleur coprésident. Ainsi, la logique territoriale peut amener à choisir un représentant de l'intercommunalité lorsque celle-ci correspond au bassin d'emploi. Ne préemptons pas les débats. En revanche, je souhaite que nous discutions des modalités de désignation. Dans chaque département, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité pourrait organiser la désignation des maires et des présidents d'EPCI qui siégeront dans les comités départementaux et infradépartementaux, comme elles le font déjà, par exemple pour la commission d'élus de la dotation d'équipement des territoires ruraux.

Monsieur Viry, je ne me prononcerai évidemment pas sur les irrecevabilités. Les débats que nous aurons lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale répondront sans doute aux questions concernant le travail indépendant. Nous avons choisi de confier aux partenaires sociaux la discussion d'un accord national interprofessionnel relatif à l'emploi des seniors. Nous n'avons donc pas inscrit dans le texte de dispositions en la matière, mais nous nous sommes engagés à transposer fidèlement un éventuel accord, comme nous l'avons fait pour le partage de la valeur.

Je n'ai pas vos craintes : le mot « insertion » apparaît à de nombreuses reprises. J'ajoute que, contrairement à aujourd'hui, les structures d'insertion par l'activité économique seront membres des comités et pourront donc participer à l'élaboration des feuilles de route.

Madame Vidal, vous m'avez interrogé sur le baluchonnage. L'examen de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France sera l'occasion de débattre des dispositions concernées, avec Mmes Aurore Bergé et Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées.

MM. Aviragnet, Boyard, Fernandes et Clouet m'ont interrogé sur la philosophie du dispositif. Le RMI a été créé en 1988. Il comportait un contrat d'engagement réciproque et une possibilité de sanction. Il s'agissait d'assurer un minimum de subsistance, selon le terme retenu, mais aussi de prévoir la sortie du dispositif. La loi prescrivait de consacrer à l'insertion 20 % des crédits affectés au RMI. En 1999, le gouvernement de Lionel Jospin a ramené cette part à 17 %. Lorsque la gestion du RSA a été décentralisée et confiée aux départements, les objectifs chiffrés ont disparu. Aujourd'hui, seuls 8 à 9 % des crédits sont consacrés à l'insertion. Nous voulons investir pour offrir aux allocataires un accompagnement à même de leur faire retrouver une activité : nous consacrerons l'an prochain 170 millions d'euros à la contractualisation et renforcerons de 300 millions les crédits de Pôle emploi.

Monsieur Boyard, aucune des dix-huit expérimentations n'a prononcé de sanction ou de suspension. En effet, la loi ne prévoit pas de sanctions ; or les expérimentations se déroulent à droit constant. Il est hors de question – au contraire – de priver de l'allocation les plus fragiles, qui peut-être devraient percevoir une aide différente, qui ne relèverait pas du retour à l'emploi. Le texte prévoit que ces personnes puissent être accompagnées socialement, sans perspective immédiate d'insertion professionnelle ; avec l'article 6, nous reconnaissons le rôle des associations, qui vont chercher les plus fragiles, ceux qu'on appelle parfois le « invisibles ». En écho à M. Dharréville, je vous propose une réflexion à beaucoup plus long terme : un jour, je l'espère, nous atteindrons le plein emploi et nous devrons regarder la réalité en face, trouver comment accompagner différemment les hommes et les femmes qui ne sont pas capables de retourner sur le marché de l'emploi, contrairement à ce que nous prétendons hypocritement faire avec le RSA. Je souhaite évidemment qu'ils soient le moins nombreux possible.

Monsieur Catteau, nous prenons en considération les cas des aidants et des familles monoparentales. Grâce à l'examen du texte au Sénat, ils bénéficieront d'un suivi particulier adapté – nous nous félicitons de cette avancée.

Je le répète, monsieur Neuder, nous ne prévoyons absolument pas de recentraliser. Les collectivités siègeront au comité d'orientation et disposeront d'une voix délibérative : elles participeront désormais à décider des orientations du service public de l'emploi. Vous avez souligné les inquiétudes de Régions de France. Elles concernent d'abord la création de France Travail. Sept des treize régions de la métropole ont déjà signé un protocole de préfiguration avec le Gouvernement et Pôle emploi : la situation avance bien avec les présidents de régions, quelle que soit leur orientation politique.

Je dois rencontrer cette semaine François Bonneau, afin d'étudier la trajectoire budgétaire du PIC. Nous donnerons aux régions de la souplesse, notamment en révisant, pour certaines, le principe du socle, très rigide, et en permettant à chaque région d'adapter la répartition des actions entre l'axe 1, consacré aux formations qualifiantes, et l'axe 2, réservé à la préparation à l'emploi.

Madame Rist, Pôle emploi a déployé une offre de formations qualifiantes entièrement dispensées à distance, à l'intention de demandeurs d'emploi qui connaissent d'importants problèmes de mobilité. Cela relève plutôt de la compétence des régions, mais très peu le font. Deux dispositions du texte du Gouvernement tendaient à sécuriser la possibilité pour Pôle emploi d'appliquer ce programme de formation ouverte à distance. Le Sénat les a supprimées ; je vous proposerai de les rétablir, dans le cadre d'une convention de réciprocité permettant aux régions qui souhaitent mener de telles actions de le faire, en complément de Pôle emploi. En effet, les modules proposés sont efficaces ; ils offrent une solution à des demandeurs d'emploi qui sont parents isolés ou qui connaissent des problèmes de mobilité.

Comme je le disais, madame Corneloup, le Sénat a complété le texte pour prendre en considération la situation réelle des familles monoparentales. Vous dites que certaines connaissent de telles difficultés qu'il faut intensifier encore leur accompagnement. Selon moi, il faut à la fois dispenser les personnes qui ne peuvent effectuer les 15 ou 20 heures d'activité à cause de difficultés insurmontables de garde d'enfants ou de mobilité, et accorder plus de moyens encore à l'insertion professionnelle des personnes susceptibles de sortir de la précarité. La personnalisation des parcours satisfait parfaitement à cette exigence. Je partage vos remarques relatives au handicap ; l'unique disposition sur laquelle nous vous proposerons de revenir minore la participation des entreprises car cette mesure crée un effet d'aubaine inattendu pour les moins vertueuses, qui pourraient bénéficier une fois de l'aide et une fois de la minoration.

Monsieur Monnet, vous avez évoqué la capacité de l'économie à produire de l'emploi. Le chiffre de 2 millions d'emplois créés est assez éloquent. Le temps partiel subi fait l'objet d'un débat, il sera abordé dans le cadre de la conférence sociale que j'ai évoquée.

Vous avez raison, madame Autain, le RSA alloué à une personne seule s'élève à 607 euros : verser cette somme ne nous tient pas quitte de notre devoir de solidarité. Il s'agit d'un minimum de subsistance et il faut tout mettre en œuvre pour que les allocataires aient un emploi mieux rémunéré, de la meilleure qualité possible.

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Merci, monsieur le ministre, d'avoir consacré du temps aux échanges avec les députés, particulièrement mobilisés sur ce texte.

La réunion, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.

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Nous en venons à la discussion des articles. Sur ce texte, 1 502 amendements ont été déposés : 89 ont été retirés, 11 ont été déposés en double et 9 présentaient des irrecevabilités de forme. Le président de la commission des finances a estimé que 93 amendements étaient contraires aux dispositions de l'article 40 de la Constitution, de la loi organique relative aux lois de finances ou de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

Mme Josiane Corneloup a considéré que 177 amendements étaient dépourvus de lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi et étaient donc contraires aux dispositions de l'article 45 de la Constitution ; je partage pleinement son appréciation et je la remercie d'avoir assumé les fonctions de présidente pour assurer le contrôle de recevabilité.

Il s'agit par exemple d'amendements relatifs aux territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), aux structures d'insertion par l'activité économique, à l'apprentissage, au portage salarial, aux travailleurs indépendants, au revenu universel d'existence, prévoyant une loi de programmation pluriannuelle pour déterminer la trajectoire des finances publiques relatives à la politique de l'emploi, fixant comme objectif la création d'un congé menstruel pour les agents publics, instaurant un principe selon lequel les effets sonores causés par les enfants ne sont pas nocifs pour l'environnement, autorisant l'administration de médicaments antipyrétiques en cas de fièvre chez les enfants accueillis en établissement, obligeant le règlement intérieur de l'entreprise à mentionner l'égalité entre les sexes, ceux prévoyant la représentation de l'AMF et des présidents d'intercommunalité au conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales ou plafonnant le cumul du RSA avec d'autres prestations sociales.

Nous avons donc 1 123 amendements à examiner.

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Le texte est relatif au plein emploi : nous nous étonnons de ne pas pouvoir débattre des TZCLD, qui visent précisément à accompagner vers l'emploi les personnes qui en sont les plus éloignées : personne n'est inemployable, et il est très grave que le ministre affirme l'inverse. Ainsi, nous aurions aimé aborder certains sujets, par exemple les revenus nets, ou l'évaluation de précédentes réformes, comme celle de l'assurance chômage, qui ont des effets sur le plein emploi. J'espère que vous nous apporterez un éclairage plus circonstancié sur ces irrecevabilités.

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Les fourches des articles 40 et 45 sont souvent douloureuses, malheureusement il en va ainsi.

La commission procède ensuite à l'examen du projet de loi.

Avant l'article 1er

Amendement AS161 de M. Arthur Delaporte

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Ici, la décision n'est pas seulement douloureuse, elle est incompréhensible.

L'amendement vise à conforter le caractère réciproque de l'engagement. Le mot n'apparaît pas dans le titre alors que la réciprocité est au fondement du RSA. Le revenu minimum serait ainsi garanti par un contrat qui n'engagerait qu'une partie, alors que ce contrat a été pensé pour que l'État soit le principal responsable de son exécution. Dans sa note sur le projet de loi, Nicolas Duvoux, président du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale explique que « l'obligation d'insertion était d'abord pensée non comme un contrat au sens juridique [...] mais comme un engagement des collectivités vis-à-vis d'elles-mêmes. La réciprocité des droits et devoirs est inscrite dans la loi de 2008 généralisant le RSA et réformant les politiques d'insertion » – et non dans la loi sur le RMI. Nous sommes loin d'offrir à tous un accompagnement effectif. Pour y remédier, reconnaissons la réciprocité, donc l'engagement de l'État.

J'ajoute qu'un contrat doit être librement consenti. C'est pourquoi la Défenseure des droits demande que le contrat soit « conjointement élaboré » ou « librement débattu » par l'usager et son référent.

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Le contrat ne peut être que librement consenti par les deux parties ; dans l'esprit du texte, il engage les uns et les autres. Aussi entendons-nous consacrer les moyens nécessaires à l'accompagnement. Tel est notre ambition.

Pour ces raisons, et pour encourager les débats à se dérouler dans un bon esprit, j'émets un avis favorable.

La commission adopte l'amendement.

Article 1er A (nouveau) : Réaffirmer les principes fondamentaux du service public de l'emploi et le droit à l'information des demandeurs d'emploi

Amendements AS974 et AS1002 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)

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L'amendement AS974 vise à réaffirmer les principes fondamentaux du service public de l'emploi. L'Organisation internationale du travail a rendu obligatoire sa création en 1919, grâce aux luttes sociales, qui en avaient imposé l'idée. Dans le contexte que nous connaissons – pénurie d'embauches, croissance exponentielle de la productivité –, il faut le renforcer, en particulier s'agissant de développer les qualifications grâce à la formation et à l'aide à la reconversion. Le service public de l'emploi doit garantir un revenu de remplacement en cas d'accident de la vie et proposer, tout au long de la vie professionnelle, un accompagnement individualisé qui ne soit pas confié à des algorithmes.

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L'amendement AS1002 est inspiré des services publics de l'emploi de pays voisins qui n'imposent pas de conditions aussi sévères que le nôtre. Il ne s'agit pas d'indemniser mais uniquement de garantir un accompagnement vers l'emploi – raison pour laquelle l'examen de la recevabilité au titre de l'article 40 a épargné cet amendement.

L'adoption du projet de loi conduirait à obliger les allocataires à s'inscrire en recherche d'emploi, donc à augmenter le nombre d'inscrits. Nous proposons de préciser que le service public de l'emploi doit prendre en charge toute personne en recherche d'emploi qui en fait la demande. En Allemagne par exemple, on peut s'inscrire alors qu'on exerce encore un emploi, notamment lorsqu'on sait qu'une rupture conventionnelle ou un licenciement va intervenir. L'objectif est de sécuriser le parcours des personnes en universalisant l'accompagnement.

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Votre amendement, madame Simonnet, vise à préciser que toute personne « en recherche d'un emploi [...] a le droit d'être accueillie, informée, orientée et accompagnée par le service public de l'emploi ». C'est précisément notre ambition : comme vous, nous voulons renforcer l'accompagnement individualisé et intensif de toutes les personnes en recherche d'emploi. Toutefois, le Préambule de la Constitution de 1946 garantit déjà les principes essentiels, puisqu'il prévoit que chacun a « le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ».

J'émets donc un avis défavorable.

Vous soutenez, monsieur Clouet, que votre amendement s'inscrit dans une logique rigoureusement opposée à celle qui sous-tend le texte. Ma lecture diffère : son dispositif est en parfaite adéquation avec l'article 1er, qui prévoit que les demandeurs d'emploi, inscrits sur une liste unique, pourront bénéficier des services généraux de France Travail et des services plus spécifiques des missions locales ou de Cap emploi, selon leur situation. Il est donc superflu d'affirmer l'existence d'un droit opposable, dans un article sans réelle portée normative.

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Le texte énumère des situations qui emportent l'inscription sur la liste des demandeurs d'emploi ; je propose d'inverser la logique et de créer un droit pour les personnes qui ne sont pas couvertes. Si vous savez que dans quelques semaines, vous n'aurez plus d'emploi, vous ne pouvez pas vous inscrire sur la liste.

Vous citez la Constitution de 1946 mais l'Agence nationale pour l'emploi n'a été créée qu'en 1967 : vous ne pouvez faire dériver du Préambule des droits qui n'existaient pas à l'époque de sa proclamation, faute d'institution adéquate.

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Je soutiens ces deux amendements. Le second, en particulier, propose un droit opposable à l'accompagnement, tel que la Défenseure des droits l'a appelé de ses vœux dans son avis sur le projet de loi.

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Ces deux amendements nous semblent intéressants. Vous nous dites, monsieur le rapporteur, qu'il s'agit de proclamations de principe. Mais l'actuelle majorité a, au cours des dernières années, plusieurs fois choisi d'inscrire dans ses textes de loi des articles qui en définissent les objectifs et l'esprit.

L'article 1er traite bien d'orientation et d'accompagnement, mais pas d'accueil ni d'information. Inscrire ces principes dès le début du texte me semble pertinent.

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Je soutiens la création d'un droit opposable à l'accueil, à l'information, à l'orientation et à l'accompagnement par le service public de l'emploi. Cela permettrait d'aider celles et ceux qui sont privés d'emploi et qui souhaitent être accompagnés. Les missions locales comme les services de Pôle emploi ou les différents Cap emploi font, j'en suis convaincu, de leur mieux, mais il me semble justifié d'affirmer ces principes.

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Le contrat d'engagement sera obligatoire, ce qui implique un accueil préalable, une information et une discussion. Ces amendements me paraissent donc satisfaits.

La commission adopte l'amendement AS974.

En conséquence, l'amendement AS1002 tombe.

Amendement AS994 de M. Hadrien Clouet

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Cet amendement vise à faciliter la vie administrative des personnes en imposant au service public de l'emploi de notifier ses décisions en temps et en heure, ce qui est en général le cas, et surtout de les motiver par écrit, afin qu'elles soient claires. Les personnes concernées doivent savoir sur quelle base juridique sont prises les décisions, et à qui s'adresser pour exercer un éventuel recours.

Cet amendement n'est pas seulement de principe ; il revêt une portée très pratique pour ceux qui reçoivent beaucoup de papiers administratifs compliqués.

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Nous nous rejoignons pour souhaiter cette information, mais cela relève du règlement. Je vous renvoie plus précisément à l'article 4 de l'annexe I de la convention Unedic, qui précise que « Pôle emploi s'engage à notifier toutes les décisions résultant de l'instruction et du suivi d'un dossier à l'intéressé, dans un délai de deux jours ouvrés, sauf cas particuliers ».

L'amendement est satisfait. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

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Cette explication est claire, mais les conventions bougent plus vite que la loi : cette disposition gagnerait à être pérennisée grâce à cet amendement.

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Vous parlez de Pôle emploi, monsieur le rapporteur, mais il est question ici du « service public de l'emploi », notion bien plus large. Cet amendement crée un droit à l'information. Comme les amendements précédents, il fixe les grands principes du service public de l'emploi.

En pratique, ce que demande cet amendement est souvent fait, mais ce n'est pas systématique. Les décisions ne sont pas toujours motivées, et de nombreux demandeurs d'emploi se trouvent sanctionnés sans même comprendre pourquoi.

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Les conventions sont en train d'être renégociées ; le ministre nous a par exemple annoncé tout à l'heure que des décisions seraient prises par le président ou la présidente du conseil départemental. Cette précision me semble de bon aloi ; chacun doit être bien informé de sa situation administrative.

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Les personnes sont parfois perdues dans le dédale des décisions administratives, nous le savons tous, et le silence de l'administration est parfois difficile à interpréter. Cet amendement apporte de la clarté. Nous y sommes favorables – le rapporteur lui-même, d'ailleurs, ne s'y est pas vraiment opposé.

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L'amendement prévoit que les personnes sont informées « sans délai ». Du point de vue légistique, cette formulation pose problème.

Nous pourrons en rediscuter en séance.

La commission adopte l'amendement.

Avant l'article 1er

Amendement AS995 de M. Hadrien Clouet

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Il s'agit de créer un cadre légal de réparation des préjudices causés par les organismes participant au service public de l'emploi.

Les institutions peuvent se tromper, et cela arrive d'autant plus souvent que les conditions de travail se dégradent et que les agents, qui font de leur mieux, ne sont pas assez nombreux. On voit des versements insuffisants, des pertes de documents, des retards, des exigences irrationnelles. De nombreuses raisons sont alors invoquées : pannes, erreurs humaines, dispositifs défaillants... Mais ces situations font des victimes.

Nous proposons que celles-ci soient non seulement réintroduites dans leurs droits, comme c'est le cas aujourd'hui, mais aussi indemnisées.

Nous connaissons votre obsession de la dépense publique, donc cet amendement ne vous plaira sans doute pas. Mais si l'on part des besoins, il devrait trouver votre assentiment.

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Rassurez-vous, je ne suis pas obsédé par la dépense publique ! Mais votre amendement est satisfait : la responsabilité de Pôle emploi peut déjà être engagée, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, et les plaignants peuvent, bien entendu, percevoir des dommages et intérêts.

Avis défavorable.

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Il s'agit à nouveau non seulement de Pôle emploi mais plus généralement du service public de l'emploi. Les demandeurs d'emploi comme les allocataires du RSA doivent pouvoir obtenir réparation d'une faute de l'État, et il me paraît intéressant de le reconnaître dans la loi, au-delà de la jurisprudence.

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Dans la quasi-totalité des cas, lorsqu'un préjudice est constaté, la personne est rétablie dans ses droits – si on lui reprochait à tort d'avoir perçu 600 euros de trop, on lui rend les 600 euros. Ici, il s'agit de reconnaître qu'il y a eu une privation : pendant plusieurs mois, cette personne n'a pas pu emmener ses gosses au cinéma, ou, plus grave, payer son loyer. Ces difficultés sont nées d'une erreur, que personne n'a souhaitée évidemment, et elles doivent être compensées.

L'amendement précise en outre un montant forfaitaire, assez faible, mais qui garantit qu'il y a une règle pour tout le monde. Il faut éviter que le rapport annuel du médiateur de Pôle emploi ou des médiations de la CAF ne nous disent qu'il y a autant de situations différentes qu'il y a d'accidents administratifs.

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Nous ne soutiendrons pas cet amendement. Le juge, administratif ou judiciaire, est souverain pour fixer le montant de la réparation d'un préjudice ; l'idée d'un montant forfaitaire nous paraît incongrue.

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En effet. Nous serions, en outre, dans le champ réglementaire.

La commission rejette l'amendement.

Amendement AS980 de M. Hadrien Clouet

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Cet amendement est celui qui me semble susceptible de recueillir le plus large assentiment au sein de la commission. Il s'agit de reconnaître une coutume, celle de venir accompagné à son rendez-vous par un proche ou par quelqu'un qui donne un coup de main pour comprendre les documents. Nous proposons donc de formaliser une coutume acceptée dans les trois quarts des lieux d'accueil.

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Cet amendement est satisfait : un demandeur d'emploi ou un allocataire du RSA peut être accompagné. Cet ajout me paraît inutile.

Avis défavorable.

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Ce n'est pas toujours le cas ! Or ces demandes sont parfois complexes. Au cours de la législature précédente, nous avons voté des amendements en faveur de l'utilisation de la méthode Falc (« facile à lire et à comprendre ») dans les documents administratifs. Pôle emploi ne propose toujours rien de tel.

Cet amendement est de bon sens : pour avoir accès à ses droits, une aide physique est parfois nécessaire.

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De prime abord, cet amendement m'a semblé de bon aloi. J'ai posé la question aux assistantes des travailleurs sociaux de mon département, qui m'ont confirmé que c'est la pratique courante, mais qu'il arrive que l'accompagnateur ait un comportement toxique, voire agressif. Les administrations doivent alors pouvoir le refuser. Or l'amendement prévoit un accompagnement du demandeur par « la personne de [son] choix ».

On peut donc recommander cette pratique, mais imposer cette règle serait contreproductif.

La commission rejette l'amendement.

Article 1er : Mieux orienter et accompagner les demandeurs d'emploi

Amendements de suppression AS54 de M. Arthur Delaporte, AS464 de Mme Marie-Charlotte Garin, AS546 de M. Jean-Hugues Ratenon, AS809 de M. Pierre Dharréville, AS992 de M. Benjamin Saint-Huile et AS1117 de Mme Sophie Taillé-Polian

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L'inscription automatique des demandeurs du RSA et des jeunes accompagnés par une mission locale sur la liste des demandeurs d'emploi prévue par cet article est absurde. Cela revient à nier la diversité des situations. Je ne prendrai qu'un seul exemple : les jeunes de 18 à 25 ans qui poussent la porte d'une mission locale rencontrent des difficultés, mais ne cherchent pas forcément un emploi.

L'article prévoit également l'inscription automatique des conjoints des bénéficiaires du RSA. Ceux-ci n'ont pas à subir une telle obligation.

On peut se demander si Pôle emploi sera à même d'accompagner toutes ces personnes.

On peut enfin s'étonner des effets de cette disposition sur les chiffres du chômage. On va mélanger des publics très différents, et ainsi perdre un baromètre précieux.

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Nous refusons également le principe d'inscription obligatoire. Il n'est pas toujours pertinent d'être inscrit à Pôle emploi. Lors des auditions que nous avons réalisées, on nous a souvent expliqué que le choix était une garantie de la dignité des personnes. Les acteurs de terrain préféreraient une automaticité de la formation des accompagnants !

Cette disposition ne résoudra pas l'inadéquation de l'offre et de la demande. C'est une question à laquelle le ministre n'a pas répondu.

Nous demandons donc la suppression de cet article qui nous semble rétrograde et un peu à côté de la plaque.

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Cet article contrevient aux principes fondamentaux de notre modèle de protection sociale. Il vise à ajouter à la liste des demandeurs d'emploi des personnes qui relèvent non pas de l'assurance chômage mais de la branche famille de la sécurité sociale ainsi que leurs conjoints, les personnes atteintes d'invalidité ou en situation de handicap, et tout jeune suivi par une mission locale. Cette extension de la catégorie des demandeurs d'emploi tend à renforcer le contrôle social de l'ensemble des privés d'emploi.

Au contraire, le statut de demandeur d'emploi suppose une démarche volontaire, des conditions précises de disponibilité, et la capacité à occuper un emploi. Avec cet article, le Gouvernement réduit l'insertion au seul enjeu du placement dans l'emploi. Nous rappelons que le bloc de constitutionnalité consacre l'emploi comme un droit et non un devoir.

Les moyens actuels et missions du service public de l'emploi ont tellement été dégradés qu'ils ne permettront pas une gestion efficace de l'afflux de 2 millions d'allocataires du RSA et de leurs conjoints.

Au lieu de s'attaquer aux causes structurelles de la grande pauvreté et du chômage, ce Gouvernement s'attaque encore une fois directement aux bénéficiaires de l'assurance chômage ou des minima sociaux. Il sème ainsi la pauvreté dans notre pays.

Cet article a reçu un avis défavorable des syndicats CGT, CFDT et FO, du conseil d'administration de Pôle emploi, des régions et du Conseil national d'évaluation des normes.

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Selon Pôle emploi, 5 390 000 personnes sont au chômage ; c'est un chiffre considérable. Selon le Bureau international du travail, c'est seulement 2 200 000 ; la différence est notable. D'autre part, selon la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), il y avait au deuxième trimestre 2023 367 500 emplois vacants. Ces chiffres montrent combien cette proposition est inadaptée pour affronter les enjeux de l'emploi et du travail.

Vous voulez un contrat d'engagement. Mais le premier acte d'engagement devrait précisément être de s'inscrire, de se déclarer demandeur d'emploi. Le Conseil d'État relève que « le projet de loi transforme [...] la nature de la liste des demandeurs d'emploi, qui devient un outil de suivi de l'accompagnement de l'ensemble des personnes sans emploi, et non plus seulement de celles qui recherchent un emploi ». C'est une évolution importante, qui efface les droits attachés à la qualité de demandeur d'emploi. L'inscription comme demandeur d'emploi devient une démarche obligée, tacite, quels que soient les parcours professionnels et de vie des uns et des autres. Nous nous opposons à cette logique.

Il n'est pas non plus nécessaire d'inscrire d'office, de cette façon, les bénéficiaires du RSA. Leur situation de précarité n'en fait pas, même privées d'emploi, des personnes immédiatement disposées à demander un emploi. Mme Garin a raison d'indiquer que le choix est une question de dignité.

Cet article crée enfin une confusion entre l'allocation chômage et le RSA, c'est-à-dire entre ce qui relève de la protection sociale et ce qui relève de la solidarité nationale. Nous croyons au contraire qu'il faut conserver cette distinction.

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Pourquoi rendre automatique l'inscription sur la liste des demandeurs d'emploi ? Si nous pouvions obtenir des réponses simples à nos questions simples, ce serait bien. S'agit-il de traiter la question du non-recours ? Ce n'est pas le bon outil. S'agit-il de faire croire aux gens qu'ils seront accompagnés un jour ? On sait bien que ce n'est pas la réalité.

Nous nous retrouverons, je crois, sur la question des jeunes qui poussent la porte d'une mission locale, où ils viennent chercher un suivi global mais qui ne cherchent pas d'emploi.

Alors qu'est-ce que c'est que ce Big Data qui ne sert pas à grand-chose ?

Vous laissez penser que vous suivez les gens dans leur évolution de vie ! Si je change de concubin, dois-je changer de déclaration ? En quoi cette disposition aide-t-elle au retour à l'emploi ?

Le code du travail le dit, le demandeur d'emploi fait la démarche, volontaire, de rechercher un emploi. Vous changez les règles du jeu. Et il ne s'agit pas d'un débat entre droite et gauche ! Vous cherchez à établir un fichier pour faire un suivi social. Ce n'est pas sérieux, et ce n'est même pas le cœur du texte. Je ne comprends pas en quoi cette disposition pourrait améliorer la situation.

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Pour quoi faire, en effet ? Pourquoi ce gigantesque fichier de demandeurs d'emploi qui, pour bon nombre d'entre eux, ne recherchent pas d'emploi ? Un jeune qui entre dans une mission locale avec un problème de santé ou de logement, ou parce qu'il a abandonné une formation, n'est pas un demandeur d'emploi. Ce que vous créez, c'est un outil de gestion du flux de la force de travail de ce pays, pour essayer de mettre au pas les gens et de les pousser à accepter le premier travail venu.

Le projet de loi de finances pour 2024 ne prévoit aucune augmentation du plafond d'emplois de Pôle emploi. On ne suivra donc pas mieux les demandeurs d'emploi grâce à des conseillers formés. On établit un fichier pour pallier le manque de travailleurs dans les métiers en tension. Mais la solution à ce problème, c'est l'amélioration des conditions de travail et l'augmentation des salaires, pas la mise sous pression des gens !

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Avis défavorable.

L'inscription obligatoire permettra aux opérateurs de mieux orienter les personnes et d'assurer un meilleur suivi tout au long de leur parcours, qu'elles cherchent un emploi ou qu'elles rencontrent des difficultés sociales et professionnelles d'insertion.

Cela ne signifie pas que ceux qui seront inscrits auront pour seul choix de travailler ou d'être radiés ! C'est là un procès d'intention qui m'inquiète. Les situations seront examinées au cas par cas afin de déterminer s'il faut mettre en place un accompagnement professionnel ou social.

Cette liste donnera une meilleure visibilité aux acteurs du service public de l'emploi et permettra une prise en charge plus exhaustive qu'aujourd'hui.

S'agissant des jeunes suivis par les missions locales, un amendement viendra restreindre l'inscription obligatoire aux jeunes en recherche d'emploi qui auront signé un contrat avec les missions locales.

En ce qui concerne les conjoints, je vous invite à vérifier la situation actuelle. Le RSA est une allocation familialisée.

Je vous invite enfin à vous rendre sur les sites d'expérimentation. Nous étions la semaine dernière à Tourcoing, et les allocataires du RSA concernés par le suivi renforcé n'ont eu qu'un seul mot : l'écoute. Il s'agit d'accueillir, d'écouter, pour apprécier la capacité à retrouver un emploi ou proposer un accompagnement et un soutien vis-à-vis des difficultés sociales du quotidien.

Dans vos propos, j'entends un procès d'intention fait aux travailleurs sociaux. Cela me gêne, car ils sont très mobilisés. Il ne s'agit pas seulement d'orienter les demandeurs d'emploi vers les métiers en tension ! Je vous invite à regarder les applications qui permettent de déterminer les métiers auxquels les demandeurs d'emploi pourraient accéder si on leur propose la formation nécessaire.

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Aujourd'hui, 40 % des bénéficiaires du RSA ne font l'objet d'aucun suivi. Cette allocation leur évite de sombrer dans la grande précarité, mais hormis cela, notre système admet de les laisser pour compte. Il faut au contraire leur parler, les connaître, les considérer. Il faut un moyen de les remettre dans le « pot commun » ; sinon, nous admettons une société d'exclusion.

Le système proposé est peut-être discutable, mais il envoie surtout un message : 100 % d'accompagnement individualisé pour les bénéficiaires du RSA. Il faut essayer de les remettre sur le chemin qui mène à l'emploi. Il y a peut-être là une différence entre la gauche et la droite.

Il faut faire confiance à Pôle emploi pour intervenir. Il ne s'agit pas de proposer immédiatement des emplois à tous, mais d'orienter les gens vers ce qui sera utile et bon pour eux – et parfois ce seront des démarches humaines, sociales, médicales même.

Ces amendements me paraissent révélateurs d'une philosophie qui pourrait renforcer l'exclusion institutionnelle dans notre pays.

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Tous les bénéficiaires du RSA ne sont pas accompagnés comme ils en auraient le droit. C'est une réalité à laquelle il faut s'attaquer. C'est le métier des travailleurs sociaux ; et ce n'est pas un fichier qui leur serait utile, car ils connaissent ces femmes et ces hommes, ils frappent à leur porte. Les départements disposent d'un fichier des allocataires du RSA, évidemment. Ici, il s'agit d'un fichier de demandeurs d'emploi. Ce n'est pas la même chose et rien ne nous garantit qu'il y aura un accompagnement. Ce que disait Mme Taillé-Polian doit nous faire réfléchir.

Monsieur le rapporteur, merci de nous parler de l'expérimentation : nous n'en savons rien d'autre que ce que vous venez de dire.

Je ne doute pas de la volonté d'écoute des agents du service public de l'emploi. C'est ce qui donne du sens à leur métier. Mais le texte parle d'un pilotage par les résultats, et je peux vous dire que les personnels concernés s'en inquiètent : quelles cases va-t-on leur demander de remplir ? Ils ont peur d'une protocolisation à outrance de l'accompagnement, peur d'être jugés sur le nombre d'heures de travail distribuées à des bénéficiaires du RSA.

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Nous sommes opposés, pour des raisons philosophiques, à l'inscription automatique ; elle devrait relever du libre choix. Vous reconnaissiez, monsieur le rapporteur, être sensible à l'idée de liberté du contrat.

En pratique, pour un suivi de chacun, il faut des moyens. Où sont-ils ? Tout ceci est bien flou.

Dans un rapport de 2022 consacré au RSA, la Cour des comptes écrivait que « Pôle emploi constate qu'une part significative des personnes orientées vers ses agences n'est en réalité pas préparée à l'emploi et justifierait plutôt d'un accompagnement social ». C'est Pôle emploi qui le dit ! Comment pouvez-vous dire qu'orienter tous les allocataires du RSA vers Pôle emploi sans augmenter les moyens de l'opérateur est une bonne idée ?

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Évitons les caricatures. Cet article 1er peut, à mon sens, contribuer pour partie au plein emploi. Il est incontestable que certains allocataires du RSA sont très éloignés de l'emploi, mais ils ne le sont pas tous. Il faut aider ceux qui le peuvent à s'en sortir.

Vous réfutez parfois l'idée même de devoirs, et vous parlez beaucoup de droits. Mais dans notre système de protection sociale, les deux vont de pair. Selon vous, certains bénéficiaires du RSA pourraient choisir de ne pas être accompagnés ; je ne suis pas sûr que cela leur rendrait service. L'inscription obligatoire n'est pas là pour stigmatiser, mais pour suivre ceux qui ont besoin de l'être. Certains ne pourront peut-être jamais accéder à un emploi, c'est vrai, il faut en être conscient.

Je ne soutiens pas ces amendements de suppression.

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L'article 1er a un côté un peu absurde, kafkaïen : le Gouvernement veut tellement le plein emploi qu'il propose d'inscrire dans le fichier des demandeurs d'emploi des gens qui n'en sont pas.

J'entends dire que l'inscription automatique dans un fichier garantira un suivi. C'est un leurre. Ce qui garantit l'accompagnement, c'est la présence de travailleurs sociaux ou de conseillers à l'emploi : ainsi, toutes les personnes figurant dans les fichiers des missions locales sont accompagnées. L'inscription dans ces fichiers de personnes qui ne s'y trouvent pas encore ne leur garantira pas un meilleur accompagnement si les moyens ne suivent pas. Dès lors, pourquoi introduire dans une seule base de données – celle de France Travail – un si grand nombre d'informations ? Cette question, qui intéresse beaucoup nos concitoyens, reste à ce jour sans réponse.

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Selon M. Saint-Huile, la logique de Pôle emploi serait d'accompagner les individus poursuivant une démarche volontaire de recherche de l'emploi. Or on ne peut pas dire que les allocataires du RSA suivent une démarche volontaire de non-recherche de l'emploi ; on constate plutôt un non-accompagnement caractérisé ! Quelque 40 % des allocataires du RSA ne bénéficient pas ou très peu d'un suivi. Il faut donc les accompagner plutôt que de qualifier de volontaire ou d'involontaire leur démarche en matière de recherche d'emploi.

Cet été, je suis allé à la rencontre des acteurs de l'emploi de mon département. L'un des faits majeurs que j'en ai retenus est l'appréhension et le stress vécus par les plus fragiles de nos concitoyens, notamment par les bénéficiaires du RSA qui, à chaque fois qu'ils rencontrent des travailleurs sociaux, doivent décliner leur identité, déclarer leurs ressources et présenter un certain nombre d'éléments pas toujours très clairs. Ces données devraient être partagées par l'ensemble des acteurs de l'emploi – non seulement Pôle emploi, les missions locales et Cap emploi, mais également, en fonction des endroits, les écoles de la deuxième chance ou les associations Emmaüs –, ce qui permettrait à l'opérateur pertinent de se concentrer sur l'accompagnement, qui est sa valeur ajoutée, plutôt que sur les divers éléments d'identification administrative. Les personnes fragiles peuvent pousser en même temps la porte d'une mission locale et celle d'un acteur social du département. Il me paraît donc tout à fait pertinent de croiser les informations recueillies et de coordonner les réponses apportées par les différents acteurs de l'emploi, au sens très large, à l'échelle d'un territoire : cela permettra de gagner du temps et d'optimiser les actions.

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Monsieur Turquois, je ne faisais que citer l'article L. 5411-1 du code du travail : « A la qualité de demandeur d'emploi toute personne qui recherche un emploi et demande son inscription sur la liste des demandeurs d'emploi auprès de Pôle emploi. » Il y a donc bien une démarche volontaire d'inscription.

Monsieur le rapporteur, vous avez dit que l'inscription d'une personne sur la liste des demandeurs d'emploi lui garantirait d'être accueillie. Je ne suis pas sûr que Pôle emploi aura cette capacité. En outre, être inscrit ne garantit en rien d'être accompagné.

Monsieur Viry, vous avez évoqué l'objectif de 100 % d'accompagnement à travers le contrat d'engagement. Nous en serons malheureusement très loin puisque plus de la moitié des bénéficiaires actuels du RSA n'ont pas conclu de contrat. Nous pourrons demander au ministre quel objectif il s'est fixé – M. le rapporteur nous dira sans doute qu'il est de 50 % des allocataires. Ne perdons pas de vue le fait que figurer sur cette liste n'apportera aucune garantie aux allocataires du RSA ni aux demandeurs d'emploi au sens où vous l'entendez.

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S'inscrire à Pôle emploi ne sert pas simplement à figurer dans un fichier, mais surtout à bénéficier d'un entretien et d'un suivi. Il y aura même demain un double entretien mené par un conseiller de Pôle emploi et par un travailleur social, ce qui permettra une double lecture de la situation.

J'invite ceux qui pensent que tout va bien à relire le rapport publié par la Cour des comptes en 2022, qui est vraiment le socle sur lequel nous devons nous appuyer. Il témoigne d'un échec collectif depuis vingt à quarante ans. Ainsi, 42 % des bénéficiaires du RSA le sont toujours au bout de sept ans. C'est dramatique ! De même, seuls 40 % des allocataires du RSA sont inscrits à Pôle emploi, et 20 % ne connaissent que l'allocation, ne bénéficiant d'aucun accompagnement ou suivi personnel et social. Il faut changer les choses !

Nous n'avons pas dû assister à la même audition tout à l'heure. Le ministre a été très clair : des moyens nouveaux seront alloués à Pôle emploi pour la mise en œuvre de France Travail. D'un montant de 300 millions d'euros en 2024, 500 millions en 2025, 750 millions en 2026 puis 1 milliard en 2027, ces crédits proviendront pour partie de la subvention versée par l'État, pour partie d'une contribution financée par l'excédent de l'Unedic. Par ailleurs, 300 équivalents temps plein supplémentaires seront alloués à l'opérateur dès 2024.

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Les propos que nous entendons ne nous surprennent pas outre mesure. Malheureusement, les orateurs de certains groupes considèrent le travail comme une punition, une exploitation, quelque chose dont il faut protéger les gens.

Chacun peut constater que les allocataires du RSA sont mal suivis. Ces personnes restent au chômage alors qu'elles pourraient sans doute trouver un emploi si elles étaient accompagnées comme il faut. Lorsque le RMI est devenu RSA, nous sommes passés de l'insertion à l'assistance, à l'accompagnement social. Cet accompagnement est nécessaire mais pas suffisant pour arriver à l'emploi. Comment voulez-vous aider et accompagner des personnes si vous ne les connaissez pas ?

Il y a quelques années, dans le cadre d'un rapport d'information sur Pôle emploi, j'ai demandé à tous les niveaux de l'opérateur combien de temps était nécessaire à un chômeur pour trouver un emploi. Tous mes interlocuteurs m'ont répondu qu'il fallait au moins un an. Nous n'en sommes plus là aujourd'hui. Donnons à Pôle emploi la possibilité de suivre des personnes que les conseils départementaux n'arrivent pas à accompagner dans le cadre du RSA.

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Je veux poser une question de fond, philosophique. Lors de la création du RSA, Martin Hirsch avait expliqué que l'expérience d'Emmaüs – la sienne – montrait que même des personnes au parcours social très chaotique pouvaient s'en sortir par le travail à condition que l'environnement s'y prête. Le principe d'Emmaüs était précisément d'accorder une aide en contrepartie d'un travail, qu'il soit petit, moyen ou grand. Pour notre part, nous considérons le travail comme un socle de revenus, une perspective de réinsertion et le fondement philosophique de l'organisation de notre société.

S'il est très difficile de trouver un emploi quand on est à Pôle emploi, il est encore plus difficile d'en trouver un quand on n'y est pas ! Évidemment, l'inscription sur une liste ne garantit rien, mais elle stimule la démarche de réinsertion de la personne concernée, l'emploi étant la condition d'une meilleure intégration dans la société. Voilà pourquoi l'inscription automatique des allocataires du RSA sur les listes de Pôle emploi nous semble absolument indispensable à la réussite de ce projet de loi.

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Cette question peut être abordée de deux manières.

On peut d'abord se demander s'il est souhaitable d'inscrire sur la liste des demandeurs d'emploi toutes les personnes mentionnées à l'article 1er. Lorsque les exploitants agricoles, éligibles au RSA, subiront une mauvaise récolte, devront-ils être automatiquement inscrits à Pôle emploi ? Cela n'aurait pas beaucoup de sens. De même, faudra-t-il procéder à l'inscription automatique d'un parent isolé qui traverserait un trou d'air pendant un mois et demi ? Ce serait une perte de temps.

D'un autre côté, M. Le Gac nous explique que 300 équivalents temps plein (ETP) seront dégagés pour inclure 2 millions d'usagers dans le service public de l'emploi. Cela fait à peu près 7 000 usagers par ETP nouveau. J'entends bien que la productivité peut toujours être augmentée, mais si un agent reçoit deux demandeurs d'emploi par heure, il ne pourra rencontrer chaque usager qu'une fois tous les vingt-cinq mois. Ce niveau d'accompagnement ne me paraît pas terrible.

D'une part, votre prétention d'inclure tout le monde dans la liste des demandeurs d'emploi me semble contreproductive ; d'autre part, les moyens disponibles si vous arrivez à vos fins seront insuffisants. Voilà deux bonnes raisons de raccourcir le débat et de gagner du temps en supprimant dès à présent l'article 1er.

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L'idée est bien d'orienter les demandeurs d'emploi et de les accompagner le mieux possible afin de faciliter leur insertion professionnelle ou de lever les difficultés sociales qu'ils rencontrent. Comme nous l'avons précisé tout à l'heure en adoptant un amendement de M. Delaporte, nous parlons d'engagements réciproques. Aussi ces engagements obligent-ils celui qui aura pour mission d'accompagner – vous avez même voulu prévoir un certain nombre de peines encourues en cas de non-respect de ces obligations.

On a parfois l'impression que le RSA s'adresse aux personnes réfractaires à l'emploi. Je m'inscris en faux contre cette idée : une grande partie des allocataires du RSA souhaitent accéder à l'emploi et demandent donc des moyens supplémentaires. C'est bien ce que nous voulons faire avec ce texte – M. le ministre a détaillé tout à l'heure les moyens qui y seront consacrés.

Pierre Dharréville m'a demandé tout à l'heure quelles actions pourraient être mises en œuvre avec des moyens supplémentaires. J'ai déjà évoqué une expérimentation en cours à Tourcoing, où l'on trouve sur le même plateau un travailleur social, un coach pour l'emploi, un conseiller Pôle emploi, des partenaires de l'accompagnement, une psychologue, une assistante maternelle du service petite enfance de la ville, une puéricultrice, un chargé de relations avec les entreprises et des partenaires économiques venus aider les allocataires du RSA à rédiger un CV, les entraîner à passer des entretiens et parfois même leur proposer des offres en direct.

L'objectif est donc d'identifier, d'orienter et d'accompagner les demandeurs d'emploi. Il s'agit de lever un maximum de freins afin de permettre le retour à l'emploi des uns et des autres. Cela nécessite des moyens, et cela tombe bien car c'est aussi l'ambition de ce projet de loi.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS547 de Mme Farida Amrani et AS810 de M. Yannick Monnet

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Je m'associe aux revendications des organisations syndicales – la CGT, la CFDT et FO –, du conseil d'administration de Pôle emploi et des régions, qui se sont tous prononcés contre cet article 1er.

L'inscription automatique des bénéficiaires du RSA contrevient aux principes de notre système de protection sociale et de la solidarité nationale. Elle va à l'encontre de l'efficacité des politiques d'insertion, qui dépend de l'adhésion volontaire des individus. En instaurant un véritable chantage à l'emploi, vous allez faire exploser le non-recours et la précarité. De plus, cette inscription automatique va engendrer un afflux supplémentaire d'usagers dans des agences qui manquent déjà de moyens humains et financiers. Sans moyens supplémentaires et sans véritable accompagnement, nous ne disposons d'aucune garantie. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'inscription automatique des personnes privées d'emploi sur la liste des demandeurs d'emploi.

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Monsieur le rapporteur, cela fait deux fois que vous parlez d'expérimentations menées dans différents territoires. J'y suis moi-même favorable, mais donnez-nous les moyens de les évaluer ! Si elles ne donnent lieu à aucun retour, elles relèvent de l'anecdote. Il serait plus prudent de formaliser ces expérimentations avant d'inscrire les dispositifs dans la loi.

Par ailleurs, j'ai été un peu chagriné d'entendre des élus reprocher aux départements de mal accompagner les bénéficiaires du RSA. Dois-je vous rappeler comment les conseils départementaux voient leurs budgets malmenés et quels moyens leur sont accordés ? (Protestations.) Pour les départements de droite comme de gauche, c'est très compliqué – mais puisque vous n'en gérez pas, vous ne comprenez pas !

Nos amendements visant à supprimer cette liste ne traduisent pas une position dogmatique. Quand on accompagne des personnes en difficulté, on doit suivre deux règles : pour bien accompagner, il faut bien identifier ; le meilleur accompagnement est celui qui est consenti. En inscrivant tout le monde sur une seule et même liste, quelle que soit la situation des personnes, vous allez complexifier leur identification. Si votre projet est d'instaurer un guichet unique, géré par France Travail, dites-le clairement et donnez-lui les moyens nécessaires ! Vous pourrez alors décharger un certain nombre d'organismes de leur tâche de recensement des personnes privées d'emploi. Ne vous y trompez pas : ces personnes sont connues. Elles ne demandent pas une liste unique, mais des moyens.

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Nous venons d'avoir le débat. Je suis un peu gêné par l'expression « chantage à l'emploi », qui est vraiment très éloignée des dispositions de ce texte.

Le réseau France Travail, qui réunira tous les opérateurs, mettra lui-même en place de nombreux dispositifs d'évaluation. L'idée est bien d'avoir une porte d'entrée permettant l'orientation des demandeurs d'emploi la plus efficace qui soit.

Étant moi-même conseiller départemental, je serais mal placé pour faire un procès aux départements ! Je rappelle en outre que ce texte prévoit des moyens que M. le ministre a précisés tout à l'heure afin d'accompagner la montée en charge de France Travail.

J'ai rencontré lundi dernier un allocataire du RSA qui sortait de prison. Il était reclus chez lui, parce qu'il ne se sentait pas apte à se reconnecter à la société. Ayant bénéficié d'un accompagnement grâce à l'inscription automatique, il a commencé un travail mardi, et je pense qu'il nous en remercie.

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Pourquoi ne pas avoir présenté un projet de loi-cadre, qui aurait prévu les moyens nécessaires aux agents du service public que vous voulez créer ? La mise en place de ce service public, qui est pour l'instant une usine à gaz, suppose en effet un changement assez substantiel du travail des agents de Pôle emploi, qui sont déjà à bout ! Mais vous ne tenez pas compte de leurs difficultés et ne prenez pas en charge leur souffrance.

S'agissant des départements, je suis complètement ahurie. Élue de Seine-Saint-Denis, je porte peut-être un regard un peu particulier sur cette question, mais j'ai vu les conseils départementaux subir l'explosion des dépenses liées au RSA alors que l'État n'a pas tenu sa promesse de compenser le transfert de compétence en tenant compte de cette montée en puissance au lieu de le faire en fonction des dépenses constatées précédemment. La parole de l'État a été complètement malmenée. C'est un scandale dont vous êtes en partie responsables.

J'entends ce que vous dites à propos des expérimentations, mais les départements ont un savoir-faire dans ce domaine. Ils connaissent les problèmes. Il aurait fallu s'appuyer sur eux pour imaginer un nouveau dispositif.

Au-delà de Pôle emploi, vous méprisez tous les fonctionnaires, tous les agents des services publics de notre pays. La valeur du point d'indice est gelée depuis 2010 et le petit dégel récent ne compense même pas l'inflation. Entre 2009 et 2019, les salaires ont augmenté de 13,1 % dans le secteur privé alors qu'ils ont stagné dans le public. Je déplore votre mépris et votre absence de reconnaissance envers ces agents. Je m'exprime peut-être un peu vivement, mais la Macronie comme les droites ont lancé une véritable offensive contre les services publics – et je ne parle même pas de votre souhait de faire travailler les allocataires. Nous ne vous faisons aucunement confiance et refusons de vous signer un chèque en blanc pour créer ce nouveau service public, qui aurait dû faire l'objet d'une loi-cadre.

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M. Le Gac a sous-entendu que certains d'entre nous pensaient que tout allait bien. En réalité, je pense que cela va très mal et que la majorité porte une lourde responsabilité dans la situation actuelle. Nous ne sommes pas d'accord avec vos propositions, qui ne répondent pas aux enjeux et posent un certain nombre de problèmes. Il faudrait s'y prendre autrement. Du reste, certaines mesures prises par le Gouvernement et la majorité ont fabriqué de nouveaux bénéficiaires du RSA – je pense aux deux réformes de l'assurance chômage adoptées ces derniers mois.

Concrètement, monsieur le rapporteur, quelle sera la portée des décisions annoncées visant à augmenter les moyens humains dédiés à l'accompagnement ? Le ministre a cité certains chiffres, mais Sophie Taillé-Polian a relevé que le projet de loi de finances ne prévoyait aucune augmentation du plafond d'emplois de Pôle emploi. Il faudrait donc clarifier les choses.

Enfin, les organisations syndicales redoutent que le surcroît d'activité soit en partie absorbé par un recours à des services privés. Qu'en sera-t-il précisément ?

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Pendant dix ans, j'ai présidé une association d'insertion. Avec les bénévoles et les travailleurs sociaux, nous avons accompagné un certain nombre de personnes vers le retour à l'emploi. Nous avons connu des échecs et des succès, mais une chose est sûre : jamais les personnes très éloignées de l'emploi ne retrouvent un travail sans accompagnement. Cela rejoint la philosophie d'Emmaüs, qu'a évoquée M. Juvin, et de l'abbé Pierre : « tu participes, on va t'aider ». Certes, tout le monde n'est pas capable de travailler tout de suite. Je connais même des personnes incapables d'aller voir une assistante sociale qui les aiderait à trouver un logement. Il faut donc aller chercher ces personnes très éloignées du système et les accompagner. Leur inscription automatique sur la liste des demandeurs d'emploi faciliterait les choses. Je ne comprends pas que votre philosophie humaniste de gauche ne vous incite pas à aller chercher tout le monde. Telle est pourtant notre volonté.

Vous avez dit au rapporteur que vous aimeriez voir le résultat des expérimentations menées. Au-delà des expérimentations récentes conduites avec les départements, je salue les associations, les membres du réseau Coorace et toutes les structures qui, depuis des années, font de l'accompagnement. Nous savons que cela fonctionne.

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Je me réjouis de vous entendre reconnaître le travail réalisé par l'ensemble des associations qui œuvrent en faveur de l'insertion, mais vous feriez bien aussi de les écouter. Puisque nous menons des auditions depuis trois semaines, je peux vous dire qu'elles s'inquiètent beaucoup du projet de loi dont nous débattons aujourd'hui.

Vous vous félicitez des moyens annoncés par le ministre il y a seulement une demi-heure. Vous nous dites que 1 milliard d'euros supplémentaires seront affectés à France Travail à l'horizon 2027. Très bien ! Mais ce n'est que le dixième de ce qui serait nécessaire dès l'année prochaine pour assurer un accompagnement de qualité. Par ailleurs, ces moyens ne sont mentionnés ni dans les documents budgétaires ni dans les débats au Sénat. Comment voulez-vous discuter sérieusement ?

Certains allocataires du RSA me disent qu'ils sont totalement perdus, qu'ils ont été radiés ici ou là et qu'ils ne comprennent rien. Vous voulez les inscrire automatiquement à Pôle emploi. Réfléchissons aux conséquences : en tant que demandeurs d'emploi, ils devront se conformer à des obligations, sous peine d'être radiés et de se voir couper le RSA. Allez voir ce qui se passe dans les commissions pluridisciplinaires : quand Pôle emploi notifie au département qu'une personne n'a pas respecté son contrat d'engagement réciproque, l'allocataire perd le bénéfice du RSA. Aussi l'inscription automatique générera-t-elle également de la radiation quasi automatique.

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Apparemment, pour se faire entendre, il faut utiliser des arguments d'autorité. Pour ma part, je n'ai pas présidé pendant dix ans une association d'insertion, mais j'ai été éducateur de rue. J'ai donc accompagné de nombreuses personnes dans toutes les structures dont nous parlons. À aucun moment Pôle emploi ou les services du département n'ont préconisé l'inscription de ces personnes sur une seule et même liste. Ils expliquent au contraire qu'il est difficile d'accompagner les personnes lorsqu'elles ne sont pas correctement identifiées – ce qui advient lorsqu'elles sont toutes rassemblées sur une seule liste.

Ce que demandent les salariés de Pôle emploi que nous recevons dans nos permanences et que nous accompagnons parfois, ce sont des moyens supplémentaires. Combien de fois n'avez-vous pas écrit à Pôle emploi pour demander une meilleure prise en compte de la situation des demandeurs d'emploi ? Les moyens annoncés ne sont pas tout à fait à la hauteur. Un rapport de préfiguration a estimé les besoins entre 2,3 et 2,7 milliards d'euros pour la période 2024-2026. Le ministre n'a peut-être pas donné tous les chiffres mais, a priori, le compte n'y est pas !

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Toutes les mesures contenues dans ce projet de loi visent à répondre à des attentes. Nous ne pouvons nous satisfaire d'une situation où les gens sont mal accompagnés ou ne le sont que huit mois après le versement de la première prestation – ils ont alors le temps d'être complètement désocialisés et de tomber dans l'oubli ! Plus ils attendent, plus ils auront du mal à retrouver le chemin de l'emploi. Je ne critique pas les agents chargés d'assurer cet accompagnement, je dresse simplement un constat sur lequel nous pouvons tous nous retrouver.

Nous n'avons pas tout essayé. Les dispositions proposées dans ce texte n'ont pas été sorties du chapeau. Des expérimentations ont été menées dans le cadre du service public de l'insertion et de l'emploi ; elles ont fait l'objet d'une évaluation que je vous invite à lire. Je vous renvoie aussi au rapport de préfiguration rédigé à l'issue d'une concertation de plusieurs mois avec tous les acteurs du secteur.

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Être de gauche, ce n'est pas simplement aller chercher tout le monde : c'est aussi promouvoir la liberté de choix et la dignité.

Vous présentez l'inscription automatique comme une baguette magique ou une incantation qui va tout résoudre. Ce n'est pas le cas ! Ce dont nous avons besoin, nous le savons, c'est de plus de moyens. Vous annoncez des moyens financiers, ce qui est très bien, mais vous n'attirerez personne sans une vraie revalorisation de la profession des travailleurs sociaux. Les bénéficiaires du RSA ont besoin de trouver face à eux des êtres humains ; ils veulent un accompagnement humain et bienveillant. Sans cela, toutes vos annonces retomberont comme un soufflé. Vous avez de bonnes intentions, mais pas les moyens ni la méthode pour les mettre en œuvre. Les expérimentations sont parfois concluantes – je le souligne volontiers –, mais nombre d'entre elles s'achèveront fin 2023 : nous ne disposerons donc pas d'une réelle évaluation avant 2024. Les territoires eux-mêmes, comme la métropole de Lyon, sont consternés de voir que vous mettez la charrue avant les bœufs, que vous avancez sans suivre une bonne méthode ni disposer des résultats des expérimentations. Comme pour les réformes de l'assurance chômage et des retraites, vous avez un problème de méthode dans votre rapport au travail. C'est aussi cela que nous voulons dénoncer.

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Nous convenons tous qu'il est nécessaire que chacun soit accompagné. Cependant, vous proposez d'accompagner en tant que demandeurs d'emploi des personnes qui ne le sont pas forcément.

Pôle emploi n'est même pas en mesure d'accueillir le volume actuel de ses usagers. La Dares estime ainsi qu'entre 300 000 et 400 000 emplois sont aujourd'hui vacants ; or les demandeurs d'emploi sont bien plus nombreux. Lorsque j'ai visité une agence Pôle emploi, tous les salariés m'ont accueilli avec un petit pin's et m'ont donné des chiffres censés prouver que tout allait bien ; ce n'est qu'en échangeant avec les syndicats que nous avons appris que chaque conseiller gérait un portefeuille de 300, 700 ou 1 000 personnes. Il y a un décalage entre vous et nous : alors que nous avons parlé aux salariés, vous vous êtes contentés d'écouter la communication de Pôle emploi.

Si vous voulez vraiment que les personnes soient accompagnées correctement, il faut y consacrer les moyens nécessaires. Or le plafond de dépenses prévu pour la mission Travail et emploi dans le projet de loi de finances pour 2024 est en baisse : il correspond à la situation actuelle. Comprenez donc notre inquiétude ! Le dispositif que vous souhaitez mettre en place va davantage radier des bénéficiaires du RSA que les accompagner véritablement, du fait d'un manque de personnel et parce que vous donnerez la qualité de demandeur d'emploi à des individus qui n'en sont pas réellement.

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L'article L. 262-28 du code de l'action sociale et des familles dispose déjà que le bénéficiaire du RSA est tenu de rechercher un emploi. Nous n'inventons rien, nous n'ajoutons rien !

Le fait d'avoir une seule liste permettra évidemment une meilleure identification des demandeurs d'emploi. L'objectif est aussi de travailler en réseau : nous pourrons mettre autour de la table tous les acteurs potentiels des champs de l'insertion, de l'accompagnement vers l'emploi et de la formation.

S'agissant enfin du budget, un rapport de préfiguration a effectivement évalué les besoins entre 2,3 et 2,7 milliards d'euros à l'horizon 2027. Vous pourrez relire les propos tenus par le ministre au Sénat à ce sujet. Je reprendrai pour ma part les chiffres qu'il a cités tout à l'heure : si l'on ajoute 300 millions en 2024, 500 millions en 2025, 750 millions en 2026 et 1 milliard en 2027, on obtient bien un montant compris entre 2,3 et 2,7 milliards.

La commission rejette les amendements.

La séance est levée à vingt heures cinq.

Présences en réunion

Présents. – Mme Farida Amrani, Mme Clémentine Autain, M. Joël Aviragnet, M. Erwan Balanant, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Fanta Berete, Mme Anne Bergantz, M. Louis Boyard, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, M. Hadrien Clouet, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, Mme Christine Decodts, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Emmanuel Fernandes, M. Marc Ferracci, Mme Caroline Fiat, M. Thierry Frappé, M. Philippe Frei, Mme Marie-Charlotte Garin, Mme Maud Gatel, Mme Anne Genetet, M. François Gernigon, M. Jean-Carles Grelier, Mme Claire Guichard, Mme Monique Iborra, Mme Sandrine Josso, M. Philippe Juvin, Mme Rachel Keke, M. Mohamed Laqhila, Mme Laure Lavalette, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Katiana Levavasseur, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Laurent Marcangeli, M. Matthieu Marchio, M. Didier Martin, Mme Joëlle Mélin, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Maud Petit, Mme Michèle Peyron, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-François Rousset, M. Benjamin Saint-Huile, M. Freddy Sertin, Mme Danielle Simonnet, Mme Isabelle Valentin, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Stéphane Viry

Excusé. – M. Elie Califer

Assistaient également à la réunion. – M. Jocelyn Dessigny, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Nicolas Turquois