Intervention de Nicolas Sansu

Réunion du mardi 26 septembre 2023 à 18h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Sansu, rapporteur :

Je remercie Jean-Paul Mattei pour la loyauté et la transparence dont il ne s'est jamais départi pendant ces six mois de travail en commun. Nous avons confronté et additionné nos points de vue dans un respect réel et non feint. Je le remercie également pour le choix du thème de la fiscalité du patrimoine, car il nous a permis d'examiner l'ensemble des aspects du patrimoine (mobilier, immobilier, financier) et leur fiscalisation. Je remercie également les administrateurs et nos collaborateurs respectifs, les personnes qui ont accepté d'être auditionnées afin de nourrir le rapport et les membres de la mission.

Le projet de rapport que nous vous présentons vise à objectiver la réalité du patrimoine et sa constitution. Notre première remarque porte sur l'accroissement du patrimoine rapporté au produit intérieur brut (PIB) qui induit une accumulation vers le haut de l'échelle, dans le dernier décile, voire centile, voire les 0,1 %. Il ne s'agit pas de prendre parti mais d'observer les dynamiques. Comme le montrent de nombreuses études répertoriées dans le rapport, au sein de cette dynamique, la part de l'héritage devient prépondérante puisque l'héritage explique aujourd'hui en moyenne 60 % de la constitution des patrimoines contre seulement 35 % il y a cinquante ans. Cette distorsion, qui n'est pas propre à notre pays, peut, si l'on n'y prend pas garde, entraver le pacte social et fiscal. L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui précise que chacun contribue selon ses facultés respectives à la charge commune, est-il respecté dans l'esprit, si ce n'est dans la lettre ? Force est de constater que le débat s'impose, car pour ma part, j'estime que les modifications successives ont entraîné notre architecture fiscale vers un impôt moins progressif et donc moins juste.

La fiscalité sur le patrimoine progresse en valeur parce que les patrimoines ont explosé sous le double effet d'un renchérissement de l'immobilier, bien au-delà de l'inflation, et d'une valorisation des actifs financiers, donc des revenus des capitaux mobiliers. La part de la fiscalité du patrimoine reste pourtant stable si on la rapporte à la valeur du patrimoine. Forts de ce constat posé par type de patrimoine (assurance-vie, immobilier, titres financiers), nous avons cherché à identifier des pistes de réflexion qui assurent le double objectif de favoriser le consentement à l'impôt, en retrouvant plus de justice fiscale, et de garantir un niveau de recettes compatible avec les choix politiques de notre pays en matière de service public, d'assurance-maladie, d'investissements publics au niveau national ou local.

Sur ces bases, nous avons retenu vingt-sept pistes communes. Elles ne représentent évidemment pas autant d'amendements conjoints pour le prochain PLF, mais de simples pistes de réflexion. À titre d'exemple, nous proposons des réflexions sur la contribution des très hauts patrimoines au financement de la transition écologique. Ne pas lancer ce débat serait une faute, même s'il serait souhaitable d'aller plus loin et d'établir des limites. Quoi qu'il en soit, le pire consisterait à ignorer ce qui se passe, notamment avec l'Initiative citoyenne européenne autour de « Tax the rich », à laquelle se sont joints plusieurs multimillionnaires qui se sont dits prêts à payer plus d'impôts.

Nous proposons également de réfléchir non seulement au montant de la flat tax pour la rapprocher des 33 %, mais aussi à son assiette. Nul n'ignore que je plaide pour davantage de barémisation de l'imposition de tous les revenus, mais j'ai suivi le président Mattei conformément à l'adage selon lequel un petit pas vaut mieux que mille programmes.

S'agissant des holdings et de leur défaut de transparence, il importera d'identifier des solutions visant à empêcher l'évitement fiscal manifeste par la remontée de dividendes.

Toutefois, nous manquons de données fiables sur certains dispositifs, notamment le pacte Dutreil. Nous demandons donc à l'administration de se doter des outils et des moyens nécessaires pour objectiver ces dispositifs et mieux les calibrer.

Enfin, nous avons abordé un sujet qui ne fait absolument pas l'objet d'un consensus, à savoir la proposition d'instaurer une imposition du flux successoral qui, à mon sens, constitue un outil pertinent pour lutter contre une société de l'héritage. Je pense que ce sujet ne doit pas être laissé en jachère et je ne doute pas que certains sauront s'y intéresser.

Ce sont, dessinées à grands traits, les lignes de force de ce rapport. Prenons-le pour ce qu'il est, à savoir un rapport et non pas une proposition de loi, bien qu'il puisse s'avérer judicieux d'en tirer quelques propositions de loi. Ce rapport consolide les données chiffrées sur plusieurs dizaines d'années et permet à chacun de l'utiliser pour que la fiscalité sur le patrimoine soit plus juste, plus utile et plus efficace.

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