Intervention de Michel Lauzzana

Réunion du mercredi 18 octobre 2023 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Lauzzana, rapporteur pour avis :

J'ai le plaisir de vous présenter, pour la troisième année consécutive, les grandes lignes du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour l'année à venir. Ce budget porte la marque de la cohérence et de l'ambition : d'une part, vous le savez, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a estimé « plausibles » et « vraisemblables » les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles repose le texte – la Banque de France s'est d'ailleurs ralliée à ces prévisions ; d'autre part, ses dispositions visent à ouvrir de nouveaux droits aux assurés et à rendre le système plus juste.

D'après l'article liminaire, l'ensemble des administrations de sécurité sociale (ASSO) afficheraient un excédent de 0,7 point de produit intérieur brut (PIB) en 2023, puis 0,6 point en 2024. Nous nous concentrerons toutefois sur l'examen de l'équilibre général et des recettes, puis des dépenses, sur le périmètre plus restreint des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS) et du fonds de solidarité vieillesse (FSV). Mon propos sera bref puisque nous aurons l'occasion d'approfondir certaines questions grâce aux amendements, deux fois plus nombreux que l'an dernier.

Pour ce qui est de l'équilibre général et des recettes, le déficit s'établirait à 8,8 milliards d'euros en 2023, après 19,7 milliards d'euros en 2022. L'amélioration tient aux recettes, qui ont progressé une fois et demie plus vite que les dépenses. La principale explication est la forte hausse du salaire moyen et de la masse salariale, ce dont chacun peut se réjouir. Pour 2024, le PLFSS envisage un solde négatif de 11,9 milliards d'euros, ramené à 11,2 milliards d'euros avec l'excédent du FSV. Les branches accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), famille et autonomie seraient excédentaires tandis que les branches maladie et vieillesse afficheraient un déficit, à hauteur respectivement de 9,3 milliards d'euros et 5,9 milliards d'euros.

Au total, les recettes atteindraient 630,7 milliards d'euros et les dépenses, 641,8 milliards d'euros. Parmi celles-là, les cotisations sont en hausse, de 4,7 %, représentant encore 48 % du financement ; la contribution sociale généralisée (CSG) augmente de 6,4 % et les autres impositions affectées, de 4,8 %. Les allègements sociaux sont compensés à plus de 96 % par l'État, par le biais d'affectations, comme celle d'une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou par des crédits.

Pour ce qui concerne les passifs, dans un an, 258,6 milliards d'euros auront été apurés et 137,9 milliards d'euros, soit un tiers, resteront à amortir par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). Ce circuit dégage des marges de manœuvre pour les grands défis qui nous attendent, au lieu de rester dans les mains de créanciers pour moitié extra-européens. Les taux d'intérêt de la caisse étaient de 1,9 % en juillet : ses émissions, très performantes, attirent un nombre d'investisseurs record.

J'en viens aux mesures du PLFSS qui poursuivent notre effort de soutien au pouvoir d'achat, de modernisation de la gestion des régimes, de simplification des charges déclaratives pour les entreprises et de lutte contre la fraude aux cotisations ou aux prestations. Parmi celles-ci figurent la sécurisation de l'avance de trésorerie accordée par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) sur le crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, car des montages irréguliers apparaissent assez fréquemment, le renforcement du contrôle des prélèvements dus par les utilisateurs de plateformes numériques et la suppression de la prise en charge par l'assurance maladie des cotisations de certains professionnels de santé sanctionnés par une caisse, leur ordre ou le juge. Sont également prévus la rationalisation des compensations apportées aux régimes spéciaux déficitaires ou à l'assurance chômage et un calcul plus efficient de la clause de sauvegarde sur les médicaments et les dispositifs médicaux.

S'agissant des dépenses, nous sortons de plusieurs années au cours desquelles la sécurité sociale a été fortement sollicitée pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire. En 2023, les dépenses des ROBSS ont progressé à un rythme plus modéré que les années précédentes, ralenti par la normalisation progressive de la situation sanitaire. Au total, les dépenses relevant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) progresseraient de seulement 0,2 %. En retranchant les effets des mesures du PLFSS pour 2024, les dépenses retrouveraient une trajectoire de croissance prononcée, progressant de 5,2 % sous l'effet des revalorisations salariales en année pleine et des mécanismes d'indexation des prestations sur l'inflation.

Le PLFSS pour 2024 fixe l'ONDAM à 254,9 milliards d'euros, soit une hausse de 3,2 % par rapport à 2023. Il prévoit une dépense totale de 640 milliards d'euros dont 252 milliards d'euros pour l'assurance maladie.

Parmi les nouvelles mesures de ce texte, certaines visent à moderniser notre système de santé. Je pense notamment au rééquilibrage du financement des établissements de santé, en augmentant la part de leurs ressources qui reposent sur des objectifs de santé publique et des indicateurs de qualité c'est-à-dire en complétant le financement par la tarification à l'activité (T2A), ainsi qu'aux actions visant à garantir l'accès à des prises en charge et des médicaments innovants.

Si l'ONDAM connaît une hausse de 3,2 %, le PLFSS prévoit un total de 3,5 milliards d'euros d'économies. Elles devraient passer par la limitation du nombre d'arrêts de travail injustifiés et par le renforcement de la pertinence des soins, notamment dans la délivrance de certains médicaments.

En tant que médecin, je tiens à souligner les mesures ambitieuses que contient le texte pour renforcer la prévention en matière de santé publique. Voter contre le PLFSS revient à refuser d'assurer la gratuité des préservatifs et des protections hygiéniques pour les moins de 26 ans ou de lancer une campagne de vaccination contre les infections à papillomavirus humains, alors que cette vaccination permet d'éradiquer de nombreux cancers. Ce serait aussi refuser les bilans médicaux aux différents âges clefs de la vie, qui permettent pourtant d'informer les personnes les plus éloignées du dépistage.

Pour poursuivre la transformation de notre modèle de protection sociale et pour les mesures nouvelles qu'il contient, je vous invite à adopter le PLFSS pour 2024.

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