Intervention de Lisa Belluco

Séance en hémicycle du mercredi 15 novembre 2023 à 15h00
Organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLisa Belluco :

Nous aurions pu cesser de promouvoir, notamment par la publicité, les compagnies aériennes et les vols moyen et long-courriers ; mettre fin à cette schizophrénie qui consiste à dire : « Prenez moins l'avion, soyez responsables » et, en même temps : « Prenez l'avion, consommez, voyagez ! » Nous aurions pu choisir de financer les infrastructures de transport en commun et les mobilités douces – nous en avons d'ailleurs discuté un peu plus tôt cet après-midi. Nous aurions pu choisir d'instaurer des tarifications incitatives pour ces transports en commun. Malheureusement, nos amendements au projet de loi de finances ont tous été rejetés.

Toutes ces propositions sont sur la table et, je le répète, auraient pu être débattues ; mais je parle au conditionnel car, à la place, vous avez choisi de discuter de la possibilité de restreindre le droit de grève des contrôleurs aériens. À croire que la priorité absolue est non pas de lutter contre le réchauffement climatique mais de restreindre les droits fondamentaux garantis par la Constitution. À croire que vous préférez ne pas rater votre avion plutôt que de garantir l'habitabilité de la Terre aux générations présentes et futures.

Ce choix est d'autant plus inapproprié que le droit de grève des contrôleurs aériens est déjà très encadré afin d'assurer un fonctionnement minimal des services publics nécessaires à la vie de nos concitoyens et du pays. Des réquisitions des contrôleurs aériens sont déjà autorisées et organisées dans de nombreux cas : pour tout ce qui regarde l'action du Gouvernement, la défense nationale, la préservation des intérêts vitaux du pays et le respect de ses engagements internationaux, le sauvetage des personnes et des biens, la protection des installations et du matériel, le maintien des liaisons avec la Corse et les collectivités ultramarines.

Les besoins essentiels du pays étant déjà assurés, il n'y a aucune raison de vouloir encadrer davantage le droit de grève des contrôleurs aériens, à moins de considérer que les grèves affectent les compagnies aériennes et le transport de voyageurs. Mais c'est ne pas comprendre ce qu'est une grève : toutes les grèves consistent à créer un rapport de force, en arrêtant de travailler et de produire pour obtenir des gains sociaux. Une large partie des droits auxquels nous sommes attachés ont été conquis de la sorte. Seule une logique qui méconnaît notre histoire sociale, une vision purement économiste de la société peut amener à considérer que réduire un droit fondamental vaut mieux que de voir un secteur de l'économie contrarié par un mouvement social.

Si telle est votre vision – je le crains ou, plutôt, je le crois –, je m'inquiète déjà des suites de ce texte. Qu'est-ce qui empêchera qu'après les contrôleurs aériens, d'autres corps de métiers soient concernés ? En effet, si nous avons ce débat, c'est bien parce que les grèves historiques suscitées par la réforme des retraites ont subitement fait revenir ce sujet au Parlement. Or, au moment de la réforme des retraites, toutes les professions étaient en grève, pas seulement les contrôleurs aériens. Si vous réduisez leur droit de grève aujourd'hui, quelles garanties avons-nous que vous ne ferez pas de même demain pour les professeurs, pour les éboueurs et les éboueuses, pour les infirmiers et les infirmières ?

Vous auriez pu proposer un texte plus équilibré. Si mes informations sont exactes, le décret qui encadre le service minimum date des années 1980 et n'a pas été modifié depuis 1987. Une politique de rééquilibrage combinant un encadrement du droit de grève et une réécriture de ce décret obsolète aurait peut-être permis de trouver un compromis plus facilement. Or, à propos du nouveau décret, il n'y a pour l'instant que des promesses qui ne sont assorties d'aucune garantie.

Pour résumer, vous ne vous attaquez pas aux véritables problèmes relatifs au secteur aérien ; vous défendez une proposition de loi inutile, puisque les services essentiels sont déjà assurés, même en période de grève ; vous vous contentez de porter atteinte à un droit constitutionnel. Le groupe Écologiste votera donc contre ce texte.

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