Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du mercredi 20 décembre 2023 à 8h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Agnès Pannier-Runacher, ministre :

En 2035, nous devrons produire au moins 177 térawattheures supplémentaires d'électricité à partir d'énergies renouvelables par rapport à 2022 pour répondre aux besoins d'électrification et assurer notre sécurité d'approvisionnement. Nous devrons également baisser notre consommation de 30 %.

Troisième succès, le texte mentionne, pour la première fois, la contribution de l'énergie nucléaire. C'est une victoire diplomatique de la France, puisque nous avons porté cette avancée avec les membres de l'Alliance du nucléaire que j'ai créée en début d'année. Les 196 pays de la COP ont montré qu'ils n'avaient pas le nucléaire honteux. Le nucléaire est une énergie d'avenir, stable, compétitive et décarbonée, sur laquelle la France continuera de miser, grâce à la prolongation des centrales existantes et au programme Nouveau nucléaire lancé par le Président de la République lors du discours de Belfort.

Je présenterai l'année prochaine un projet de loi relatif à la souveraineté énergétique de la France qui permettra de remettre notre pays sur la bonne trajectoire énergétique, en s'appuyant sur un mix énergétique décarboné avec deux piliers : les énergies renouvelables et les énergies nucléaires.

Quatrième succès, l'accord final s'appuie sur la science. Il reprend les messages les plus importants des scientifiques du Giec pour tenir la trajectoire de 1,5 degré. L'accord de Paris fait mention d'un objectif « well below 2°C » et d'efforts à poursuivre pour se limiter à 1,5°C . Le nouvel accord fait plus de dix références à la cible de 1,5 degré. Les États, y compris ceux qui sont perçus comme peu ambitieux, à l'instar des États du Golfe, ont donc affirmé leur souhait de tenir cette trajectoire. Au-delà de son aspect symbolique, il s'agit d'un engagement assez fort des États, et ceux dont les émissions sont significatives y joueront un rôle important.

Le pic de nos émissions devra être atteint d'ici 2025, une formulation qui ne figurait pas dans les accords précédents. Ensuite il faudra baisser nos émissions de 43 % d'ici 2030 et de 60 % d'ici 2035, ce qui n'avait pas été précisé non plus. La France et l'Union européenne ont fait le choix de relever encore cet engagement en inscrivant une baisse de 55 % de nos émissions d'ici à 2030 dans le paquet Fit for 55.

Cinquième succès, cet accord reprend le travail du pacte de Paris pour les peuples et la planète initié par le Président de la République, notamment sur les financements innovants. Le sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial qui s'est tenu en juin a joué un rôle essentiel pour recréer la confiance avec les pays du Sud et sortir d'un face à face assez peu constructif.

Il ne s'agit pas de dire que les pays du Nord doivent financer ceux du Sud mais de revoir en profondeur le logiciel du développement et de la finance climatique. Il faut aller chercher d'autres sources de financement, en réformant la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et les banques multilatérales de développement, en instaurant des taxations internationales, en trouvant de nouvelles modalités de régulation des dettes internationales lorsque des pays font des investissements dans la nature – cette proposition du Président de la République a été reprise dans un certain nombre d'agendas, notamment celui de Nairobi, et dans l'initiative de Bridgetown.

La France continuera à travailler pour faire de cet agenda une réalité sur le terrain et pour augmenter les moyens de la lutte contre le dérèglement climatique dans les pays vulnérables. Sur tous ces points, l'accord signé par les représentants de 196 pays reprend la stratégie française et européenne. Il y a, certes, des marges de progrès : nous aurions souhaité des engagements plus forts sur le charbon, plutôt que de s'en tenir à reprendre le pacte de Glasgow, en particulier sur la construction de nouvelles centrales à charbon. Le texte aurait également pu fixer une cible pour les émissions de méthane, dès 2030. Nous continuerons à défendre ces positions dans de prochaines négociations internationales. Nous avons d'ailleurs obtenu des résultats au niveau européen, puisque la France est à l'origine de la modification du règlement européen sur le méthane. La partie sur l'adaptation peut aussi apparaître comme insuffisante, eu égard aux besoins des pays en développement.

Ces résultats ambitieux sont le fruit d'un travail de conviction et de construction de la confiance avec les pays du Sud.

D'abord, un très gros effort diplomatique a été fait pour trouver un accord sur le fonds des pertes et préjudices, qui vise à mieux accompagner les pays les plus vulnérables, qui sont victimes de catastrophes naturelles alors qu'ils ne sont pas les responsables du réchauffement climatique. Chacun l'a reconnu, la France a joué un rôle clé dans le compromis historique qui a permis d'adopter ce fonds – un point essentiel de l'accord – dès le premier jour de la COP 28, ce qui est sans précédent. Le fonds sera doté de près de 700 millions de dollars de promesses de dons : la France y participera jusqu'à 100 millions d'euros, conformément au souhait du Président. Nous garderons la main sur la manière dont ce fonds fonctionnera. Cette adoption rapide nous a permis de concentrer ensuite tous nos efforts sur la question de la sortie des énergies fossiles.

Deuxième brique de la confiance avec les pays du Sud : la réitération de l'engagement d'un montant de 100 milliards de dollars pour faire face au dérèglement climatique. Ce seuil a été atteint en 2022 et en 2023, la France y contribuant à hauteur de 7,6 milliards d'euros en 2022.

La troisième brique est constituée des contacts étroits que j'ai noués avec le groupe des pays les moins avancés, présidé par le Bangladesh et comprenant le Kenya, les pays latino-américains progressistes que sont la Colombie ou le Chili, ou encore le Brésil – un pays émergent qui a manifesté un fort leadership diplomatique, ce qui est relativement nouveau. J'ai aussi dialogué avec mes homologues chinois, indiens ou saoudiens pour les convaincre de se rallier à un accord qui n'était pas évident pour eux, mais qui fixe un cadre collectif de responsabilités permettant de sortir de manière organisée des énergies fossiles en tenant compte du point de départ de chacun.

Nous avons ainsi construit une coalition de plus de 130 pays, permettant de sortir des habituels face-à-face habituels entre Sud et Nord : elle a largement pesé dans les résultats obtenus sur la sortie des énergies fossiles. Nous avons travaillé très dur pour obtenir ce résultat et je félicite toutes les équipes de négociation pour leur excellent travail, notamment l'ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique M. Stéphane Crouzat et les négociateurs de l'accord sur le fonds des pertes et préjudices.

Même avec cet accord, la crise climatique ne va pas s'effacer du jour au lendemain. Il faudra travailler très dur à Bakou l'année prochaine, pour la COP 29, et surtout à Belém, au Brésil, pour la COP 30. Il est nécessaire d'aller plus loin, notamment sur la solidarité avec les pays du Sud, sur l'adaptation et sur la justice climatique. La France et l'Union européenne ont réussi à construire des fondations de partenariat solides. Notre diplomatie climatique, qui prendra des formes très claires à partir du début d'année, nous permettra d'entretenir et de renforcer ce que nous avons commencé à construire avec le Président de la République.

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