Intervention de Arthur Delaporte

Réunion du mercredi 7 février 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArthur Delaporte :

Le sujet dont nous parlons aujourd'hui est d'intérêt national. Le rapport 2023 de la Miviludes est édifiant, et fait état d'un certain nombre de tendances nouvelles. Il nous faut donc envisager une régulation, dans la continuité des textes déjà votés par notre assemblée, en particulier la loi visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, dont le but était notamment d'empêcher la promotion et l'incitation à l'abstention thérapeutique. Le présent projet de loi permet aussi d'appréhender les mutations liées au numérique.

« Là où la médecine dit “inguérissable”, ne vous le tenez jamais pour dit : il n'y a pas de maladies inguérissables… Il suffit de prier et le miracle se fait… Les métastases s'envoleront sous vos doigts. Vous n'avez pas à vous soucier comment. Ce que je veux vous dire, c'est qu'elles disparaîtront… » Ces propos sont ceux d'Yvonne Trubert, qui a fondé en 1984 Invitation à la vie intense, une association qui se revendiquait d'inspiration chrétienne et qui a longtemps fait croire à de nombreuses personnes qu'elles pouvaient guérir de cancers, de la maladie de Parkinson ou d'une sclérose en plaques. Le Sénat rapportait d'ailleurs en 2013 que plusieurs personnes étaient mortes en arrêtant leur traitement habituel à la suite d'un contact avec ces gourous – avant l'ère numérique donc.

Ces débats ne sont pas ceux d'un passé révolu. Dans une vidéo qui a fait polémique, Dylan Thiry, suivi par 1,5 million d'abonnés sur Instagram, a déclaré en 2022 : « Je vais vous dire un truc qui est une dinguerie, je vous promets que c'est la vérité, c'est hallucinant. C'est quelque chose qui guérit les cellules cancérigeuses. C'est-à-dire que si tu as des cellules cancérigeuses dans ton corps, ce produit-là les tue. » De tels propos ne sont pas isolés sur les réseaux sociaux : le gourou Thierry Casasnovas a heureusement été mis hors d'état de nuire, après avoir provoqué des décès. Oui, chers collègues, il y a des gens qui meurent, du fait notamment de l'insuffisance de notre droit. Les exemples que je viens de mentionner, qui illustrent les évolutions permises par le numérique, ne sont pas exhaustifs.

Dans la même veine que M. Clouet, je ferai remarquer que la régulation proposée par ce texte n'est que parcellaire et qu'elle ne permet pas d'appréhender la complexité ni l'ampleur du phénomène des dérives sectaires.

Lors des auditions, nous avons mis le doigt sur certains vides juridiques permettant le financement, par l'État, d'associations sectaires, lesquelles peuvent notamment bénéficier de déductions fiscales lorsqu'elles favorisent l'accès à la scolarité. Il faudra peut-être que le Parlement se saisisse du problème afin de faire cesser le financement public de ces pratiques dangereuses.

Nous nous satisfaisons cependant que la version initiale du projet de loi permette de cadrer un certain nombre de choses. Nous sommes plutôt favorables à un retour au texte du Gouvernement, bien que certaines avancées votées par le Sénat méritent d'être conservées, notamment en matière de prescription.

Nous veillerons en outre à ce que soit préservé l'équilibre entre le respect de la liberté d'expression et la nécessaire protection des individus, y compris parfois contre eux-mêmes, notamment lorsqu'ils sont dans un état de vulnérabilité extrême.

Je salue enfin la qualité des travaux menés par la Miviludes, dans un contexte compliqué : aujourd'hui, en dehors du ministre de l'intérieur, dont les attributions sont très larges, aucun membre du Gouvernement n'est chargé du suivi de ce texte – une situation qui a complexifié les échanges entre le législateur et l'exécutif. J'espère qu'il y aura rapidement une tête au-dessus de la Miviludes afin que l'administration ne soit pas livrée à elle-même.

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