Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mercredi 6 mars 2024 à 10h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges, président :

Notre ordre du jour appelle la tenue d'une table ronde sur les élections américaines du 5 novembre 2024. Nous bénéficierons des analyses, des informations et des réponses que nos trois invités apporteront à nos interrogations sur cette immense affaire, qui ne dépend pas de nous mais qui aura un fort impact chez nous. Je les remercie d'ailleurs d'avoir accepté de nous éclairer sur cet enjeu majeur.

Je salue d'abord Mme Nicole Bacharan, historienne, politologue, spécialiste de la société américaine et des relations transatlantiques. Vous avez vécu de longues années aux États-Unis et mené, de 2009 à 2014, des recherches à la Hoover Institution, think tank de l'université de Stanford. Vous avez écrit de nombreux ouvrages en rapport avec le sujet qui nous réunit ce matin, dont Le Petit Livre des élections américaines (2008) et Le Guide des élections américaines (2012), ainsi que Le Monde selon Trump (2019). Vous portez un regard lucide, critique, très libre sur le système américain, et nous serons très heureux d'entendre votre point de vue sur le rendez-vous qui s'annonce à l'automne prochain.

Je salue également M. Jean Éric Branaa, maître de conférence à l'université Paris-Assas, rattaché au centre Thucydide – je tiens d'ailleurs à vous dire que nous sommes très thucydidiens dans cette commission, puisque nous le citons de temps à autre et toujours avec beaucoup de respect – et spécialiste dans l'analyse et la recherche en relations internationales. Vous êtes un spécialiste reconnu du monde « anglo-saxon » – comme on aime à le dire en France –, que vous connaissez parfaitement. En incidente, je souligne que cette expression « anglo-saxon » est toujours curieuse, puisqu'elle ne désigne que les Britanniques, l'Angleterre s'étant constituée à partir d'Angles et de Saxons avant la conquête normande. Nous avons toutefois pris l'habitude d'utiliser cette expression pour l'ensemble constitué du Royaume-Uni et de l'Amérique du Nord. Vous avez publié de nombreux ouvrages, parmi lesquels Qui veut la peau du parti républicain ? ; L'Incroyable Donald Trump ; Joe Biden : le 3e mandat de Barack Obama (2019) ; La Constitution américaine et les institutions (2020) ; une biographie du président Biden (2020). Vos analyses et éclairages seront, à n'en pas douter, très utiles pour nourrir notre réflexion aujourd'hui.

Enfin, je salue M. François Vergniolle de Chantal, professeur des universités et membre du laboratoire de recherche sur les cultures anglophones (LARCA). Spécialiste des institutions politiques américaines, vous avez été chercheur associé au programme États-Unis de l'Institut français des relations internationales (IFRI) de 2011 à 2016. Le fonctionnement des institutions fédérales américaines et les élections sont votre domaine de prédilection, puisque vous avez notamment travaillé sur le fédéralisme, la présidence, le Congrès et les partis politiques américains. Votre appréciation sur la question qui nous réunit ce matin sera, elle aussi, très précieuse.

Sur le plan contextuel, le processus des primaires bat son plein, puisque nous sommes au lendemain du « Super Tuesday ». J'aimerais à cet égard entendre des analyses plus complètes que celles aujourd'hui données par les grands titres de presse, qui laissent entendre que le match serait plié avec deux candidats. Cela est certainement vrai mais n'éclaire pas suffisamment à mon sens les arrière-plans et les conséquences ultimes de ces primaires de part et d'autre.

Ce que beaucoup imaginaient ces derniers mois tend à se confirmer. Lorsque j'avais accompagné le président de la République à Washington à la fin de l'année 2022, j'avais questionné le président de la majorité démocrate au Sénat, le sénateur de New York Chuck Schumer, pour savoir si le règne de Donald Trump – qui subissait alors un certain nombre de contrariétés – sur le parti républicain était ou non terminé. Beaucoup pensaient que c'était le cas. En homme politique très avisé, Chuck Schumer m'avait répondu : « Dissipez-vous cette illusion. Nous autres démocrates, notre seul adversaire est et sera Donald Trump. ». Il était absolument sans équivoque. J'étais ainsi reparti avec cette science qui m'a valu, pendant quelques semaines, une certaine notoriété, puisque je l'affirmais d'un air assuré, alors que tout le monde pensait le contraire ; une fois les faits confirmés, l'originalité de mon propos disparut.

Au-delà de l'analyse des primaires et de chacun des partis, nous attendons également une analyse profonde des perturbations de l'ordre géopolitique. Je pense ici au conflit au Moyen-Orient, aux évolutions de la guerre en Ukraine, ainsi qu'à la question de l'immigration. Auparavant, l'immigration n'était absolument pas un sujet sensible pour les Américains, comme j'avais pu m'en rendre compte lors d'un séjour dans le Sud des États-Unis. Aujourd'hui, ce thème est devenu absolument massif.

Je serais enfin curieux de savoir comment vous percevez, en tant que spécialistes des questions institutionnelles, la vie du Congrès jusqu'à l'élection, et notamment les manœuvres assez complexes actuellement en cours pour tenter de faire passer, par une sorte de cavalier budgétaire absolu – que notre Conseil constitutionnel ne manquerait pas de sanctionner si cela se passait en France –, un nouveau paquet d'aides à l'Ukraine. Rien n'est en effet plus complexe que le droit parlementaire américain : les États-Unis ont un Parlement puissant avec un droit compliqué ; notre droit parlementaire français est simple mais nous ne sommes pas aussi puissants que le Parlement américain – c'est le moins que l'on puisse dire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion