Intervention de Ludovic Mendes

Réunion du mercredi 13 mars 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLudovic Mendes, rapporteur :

Nous examinons donc le deuxième « Ddadue » de la législature, autrement dit le deuxième projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne. Depuis quinze ans, le Parlement est saisi d'un Ddadue par an en moyenne.

Son objet est de transposer en droit interne des règlements et des directives de l'Union européenne. Celui-ci porte sur des matières composites : économie, finances, transition écologique, droit pénal, droit social et agricole.

Le projet de loi initial comportait trente-quatre articles. Le Sénat l'a adopté en première lecture le 21 décembre, après avoir confié son examen à une commission spéciale. Notre assemblée, elle, a choisi de le renvoyer à la commission des lois. Toutefois, des délégations de fond ont été accordées aux commissions des affaires économiques, des finances, ainsi que du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Notre commission est ainsi chargée de l'examen des articles 4, 5, 21 à 30 et 32. Je remercie l'ensemble des personnes auditionnées – les administrations centrales, le Conseil national des barreaux, et les acteurs représentant les entreprises – pour leur précieux concours à mes travaux.

Les articles 4 et 5 portent sur le droit des sociétés. L'article 4 ratifie la transposition par ordonnance de la directive 2019/2121 qui réforme les opérations transfrontalières – fusions, scissions, apports partiels d'actifs. De nature technique, il apporte des coordinations supplémentaires dans le code de commerce afin de renforcer le libre établissement des entreprises dans l'espace économique européen. Je vous proposerai d'adopter cet article et plusieurs amendements rédactionnels.

L'article 5 habilite le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive 2022/2381 sur la représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les conseils d'administration des grandes sociétés commerciales. Le Sénat a souhaité encadrer l'habilitation afin de s'assurer que la transposition n'entraîne aucun recul en droit interne pour la représentation des femmes. En effet, la France est en avance sur ses voisins européens : elle a institué un quota de 40 % dans les conseils d'administration dès 2011, par le biais de la loi Copé-Zimmermann, et des sanctions dissuasives. La loi visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle de 2021, dite loi Rixain, a ensuite défini des règles pour les organes de direction. Je vous proposerai donc des ajustements essentiellement rédactionnels.

Les articles 21 à 26 concernent les échanges d'informations en matière répressive. Ils transposent la directive 2023/977 du 10 mai 2023 visant à instaurer des règles précises et harmonisées de nature à garantir aux services répressifs de tout État membre un accès équivalent aux informations disponibles dans les autres États membres. Cette directive comporte plusieurs dispositions, relatives entre autres au point de contact unique pour l'échange d'informations, ou au principe de la transmission d'une copie des envois et réponses aux points de contact uniques des États émetteurs et destinataires lorsqu'ils ne sont pas à l'origine de ces demandes ou réponses. Le Sénat a profondément réécrit ces articles, dans un sens qui n'apparaît ni respectueux de la directive, ni opérationnel pour les services. C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter les amendements du Gouvernement qui rétablissent la rédaction initiale.

L'article 27 adapte le code de procédure pénale au règlement européen 2023/2131 qui fluidifie les échanges d'information numériques en matière de terrorisme. Après audition de la Chancellerie, je vous proposerai de supprimer un ajout inopportun du Sénat concernant l'autorité chargée de correspondre avec l'agence européenne Eurojust.

L'article 28 met en conformité le code de procédure pénale avec la directive 2013/48 sur la garde à vue. Nous y reviendrons en détail tout à l'heure car il fait l'objet d'amendements. La Commission européenne a estimé, dans un avis motivé, que la présence de l'avocat n'était pas suffisamment garantie durant la garde à vue dans le droit français, notamment du fait de l'existence d'un délai de carence de deux heures qui court à compter de l'avis adressé à l'avocat choisi : à son terme, une audition sans avocat est possible si celui-ci ne s'est pas présenté. Le Sénat a réintroduit une procédure d'audition immédiate, mais elle n'est pas complètement conforme à la directive. Il faudra donc l'amender, sous peine d'exposer la France à un recours en manquement.

L'article 29 met en conformité le code de procédure pénale avec la décision-cadre 2002/584, qui porte sur la procédure de mandat d'arrêt européen. Il n'y a pas de marge de manœuvre ici pour se conformer au droit européen. Le Sénat a adopté cet article sans modification et je vous proposerai de faire de même.

L'article 30 prévoit certaines modalités d'application outre-mer. Le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement pour reporter de trois mois l'entrée en vigueur de l'article 28 sur la garde à vue, de manière à permettre aux services judiciaires de se préparer, ce qui me semble opportun. Je vous proposerai de l'adopter sans modification.

Enfin, l'article 32 porte sur le droit de la fonction publique. Il a pour objet de transposer l'article 10 de la directive 2019/1158 du 20 juin 2019 concernant l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants. Il prévoit un maintien des droits acquis – droit à la formation, aux évaluations annuelles, etc. – avant le début de certains congés, notamment le congé de paternité et d'accueil de l'enfant, le congé parental ainsi que le congé de proche aidant. Le Sénat a opportunément allongé la liste des congés concernés. Je vous proposerai d'adopter l'article 32 dans cette nouvelle rédaction.

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