Intervention de Olivier Serva

Réunion du mercredi 20 mars 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Serva, rapporteur :

Je remercie le groupe Renaissance pour sa bienveillance. Il a notamment coprésenté le texte en conférence des présidents, afin que celui-ci soit inscrit à l'ordre du jour d'une semaine de l'Assemblée nationale, de façon transpartisane. Je remercie en particulier Mme Fanta Berete, dont le témoignage m'a touché.

Je salue Mme Marie-France Lorho, du groupe Rassemblement national, qui a assisté à quasiment toutes les auditions, pour se faire une idée précise du problème. Pour la rassurer davantage, je souligne qu'il ne s'agit pas d'ajouter un nouveau critère de discrimination, mais de préciser l'un des vingt-cinq critères déjà inscrits dans le code pénal, l'apparence physique, en insérant les mots : « notamment la coupe, la couleur, la longueur ou la texture de leurs cheveux ».

Plusieurs d'entre vous ont affirmé que le texte importait des problèmes anglo-saxons qui ne nous concernent pas. Le monde est peuplé d'êtres humains, en France, comme aux États-Unis et au Royaume-Uni. Les études américaines sont très documentées. Elles ont été commandées par Dove, filiale d'Unilever, dont le chiffre d'affaires annuel se monte à 60 milliards d'euros et qui emploie 137 000 personnes. Depuis 2018, le groupe y a consacré 50 millions d'euros. Surtout, ils ont délégué leur réalisation à des cabinets indépendants, chargés notamment d'évaluer la confiance aux États-Unis. Si cela ne vous rassure pas, il existe des études françaises. La Défenseure des droits, la Dilcrah et Jean-François Amadieu ont clairement montré l'existence d'une discrimination capillaire.

Merci, monsieur Di Filippo, pour votre bienveillance. Il n'y a pas d'idée sous-jacente à ce texte. Il vise simplement à identifier la discrimination capillaire. Pour répondre aux préoccupations exprimées par les groupes Socialistes – je remercie Mme Keloua Hachi pour les précisions qu'elle a données – et LFI-NUPES, j'ajoute que cette discrimination est indéniablement associée à l'origine, mais qu'elle peut aussi s'exercer au-delà : elle concerne également les personnes rousses ou blondes, par exemple. Votre intention de révéler un problème est louable, mais l'adoption de l'amendement CL2 qui en découle affaiblirait le dispositif, en excluant les discriminations capillaires liées au sexe ou à d'autres motifs.

Ayant entendu les arguments de M. Balanant, je pense que Mme Brocard n'exposait pas la position du groupe Modem, auquel ils appartiennent tous deux, mais parlait en son nom propre. Il est dommage qu'elle soit partie, je suppose que cela dénote tout l'intérêt qu'elle accorde au texte, d'autant qu'elle n'a assisté à aucune audition. Je n'ai pas aimé le ton désinvolte de son intervention, ponctuée de jeux de mots douteux et ordinaires.

Objectant qu'insérer une précision relative aux cheveux ouvrirait la possibilité de mentionner d'autres critères, elle a, je crois, choisi l'exemple de l'hétérophobie. En regardant la photographie d'identité de quelqu'un, ou son image en visioconférence, on ne peut savoir s'il est ou non hétérosexuel, en surpoids ou en situation de handicap. En revanche, on voit indéniablement ses cheveux. Nous ne pouvons donc ignorer qu'il s'agit d'un critère de discrimination.

Mme Brocard a affirmé que l'application du texte poserait des problèmes d'hygiène et de sécurité. Cela révèle un travail trop léger et une méconnaissance du texte : il ne modifie aucunement l'article 225-3 du code pénal, qui prévoit notamment des dérogations liées aux obligations de respecter des règles d'hygiène et de sécurité : si un travail impose de s'attacher les cheveux, il en sera ainsi fait.

Peut-être n'était-ce pas son intention, mais je regrette que la légèreté de son intervention ait pu donner l'impression qu'elle méprisait les millions de personnes victimes de cette discrimination – six humains sur dix n'ont pas les cheveux lisses.

Mme Poussier-Winsback a souligné, à raison, que le texte ne prévoyait pas d'insérer la précision relative aux cheveux dans la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. L'amendement CL3 vise à y remédier.

Je remercie Mme Sebaihi des exemples qu'elle a cités, cohérents avec les cas dont j'ai eu connaissance. Des millions de personnes sont concernées ; à l'extérieur de cette assemblée, l'attente est considérable.

Merci, monsieur Maillot, d'avoir rappelé que « français » n'est pas une couleur. Y compris en outre-mer, nous sommes des Français. Parfois, en raison de l'ascendance africaine que beaucoup d'entre nous partagent, nous subissons des discriminations capillaires.

Je salue mon propre groupe, LIOT. En effet, je ne le cache pas, mon premier combat fut de le convaincre de l'intérêt du texte. M. Stéphane Lenormand, en particulier, a fait preuve d'attention et de bienveillance, ainsi que de la volonté d'améliorer la situation.

Je remercie Mme Emmanuelle Ménard pour son écoute et son action, même si elle n'est pas encore convaincue de l'opportunité du texte. La Défenseure des droits, la Dilcrah et Jean-François Amadieu, tous français, ont prouvé qu'il existait en France une discrimination capillaire. Il est vrai que la loi définit vingt-cinq critères de discrimination, notamment celui de l'apparence physique, mais la justice n'a pas prononcé une seule condamnation sur ce seul critère. Notre rôle de législateur consiste à préciser le texte pour faciliter les condamnations.

Enfin, je salue les autres députés qui sont intervenus. Vous avez raison, madame Rilhac, la délégation a effectué un très beau travail sur les discriminations dans les outre-mer. Merci, monsieur le président Balanant, d'avoir soutenu une position bien plus équilibrée que celle de la représentante de votre groupe.

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