Intervention de Jean-Pierre Lacroix

Réunion du mercredi 14 février 2024 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint aux opérations de paix des Nations unies :

Une opération de maintien de la paix des Nations unies impliquant des contingents en uniforme est soumise à des limites. Par définition, une OMP n'est pas une opération d'imposition de la paix, laquelle porte un autre nom – la guerre. D'abord, nous n'aurons jamais de mandat de la part du Conseil de sécurité pour conduire ce genre de mission. Ensuite, le nombre de pays candidats pour y contribuer avec des troupes serait bien plus faible, même si nous attendons de nos contingents qu'ils soient robustes dans le cadre du maintien de la paix. Enfin, ce type d'intervention va à l'encontre du fondement même d'une opération de maintien de la paix, qui repose justement sur l'existence d'un processus politique.

Il faut donc trouver une autre manière d'organiser l'imposition de la paix. Dans la mesure où nombre de ces crises ont lieu en Afrique et que les États africains demandent que leurs opérations d'imposition de la paix soient mieux soutenues, nous avons appuyé cette demande, au même titre qu'un grand nombre de pays, dont la France. Cette résolution 2719 exprime une disponibilité du Conseil de sécurité à évaluer au cas par cas l'opportunité de soutenir ces opérations, y compris par des contributions financières obligatoires.

La résolution indique également que ces opérations devront être mandatées par le Conseil de sécurité au cas par cas et respecter toutes les normes internationales, notamment en matière de droit humanitaire international et de droits de l'Homme. Elle évoque différents modèles, dont celui appelé « paquet de soutien », qui existe déjà d'ailleurs, puisque l'opération de l'Union Africaine en Somalie est largement soutenue par un paquet de soutien logistique financé par des contributions obligatoires des Nations unies à hauteur d'environ 500 millions de dollars, soit à peu près l'équivalent du budget de la Finul.

Dans quelles circonstances est-ce préférable ? Il s'agit des cas où une menace serait reconnue comme nécessitant une action d'imposition de la paix et où des États africains s'accorderaient pour mettre en place une telle opération. Cette opération serait ensuite mandatée par le Conseil Paix et Sécurité de l'Union Africaine et par le Conseil de sécurité de l'ONU. Cette action ne peut intervenir sans un complément d'effort politique.

Les perspectives immédiates de mise en œuvre d'une telle résolution sont peu nombreuses. Parmi elles figurerait peut-être une évolution de l'opération actuelle de l'Union africaine en Somalie. La force de la SADC, qui est en train de se déployer dans la région des Grands Lacs, pourrait éventuellement bénéficier de ce traitement. Cependant, cette force est déployée à la demande des autorités congolaises pour lutter contre le mouvement M23 qui est très activement soutenu par des pays voisins. Il faudra donc que les pays de l'Union africaine s'accordent pour endosser une telle opération. En effet, la mise en place de forces régionales nécessite au préalable la définition d'objectifs politiques communs entre les participants potentiels.

Une telle communauté d'objectifs politiques partagés n'existe pas au Sahel, alors même que la région pourrait pourtant constituer un terrain d'expérimentation pour la mise en œuvre de cette résolution 2719. Le G5 Sahel constituait d'ailleurs une sorte de préfiguration de ce genre d'opération d'imposition de la paix. Cependant, la région est divisée et, à ce jour, les fondements politiques nécessaires à une opération militaire conjointe sont absents. La situation est certes susceptible d'évoluer, mais, pour l'instant, je ne pense pas que les conditions soient réunies.

Quoi qu'il en soit, cette démarche consiste à faire en sorte que la communauté internationale soit mieux équipée pour répondre à une plus grande diversité de scénarios. Il ne s'agit pas de substituer ce modèle aux OMP, mais de disposer d'un plus grand nombre d'options. La question des capacités se pose néanmoins, puisque toutes les forces armées africaines ne sont pas en mesure de mener ce genre d'opération, d'autant plus que nombre d'entre elles sont confrontées à des défis de sécurité immédiats à l'intérieur de leurs propres frontières.

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