Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mercredi 14 février 2024 à 11h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à onze heures cinq.

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Mes chers collègues, pour conclure notre cycle Afrique, nous recevons aujourd'hui M. Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint aux opérations de paix des Nations unies, avec lequel nous aborderons le bilan des opérations de maintien de la paix en Afrique. Onze opérations de maintien de la paix (OMP) sont aujourd'hui dirigées par ce département, dont cinq sur le continent africain. Depuis leur création en 1946, soixante-et-onze opérations de maintien de la paix se sont déroulées, dont cinquante-sept depuis 1988. Au total, 121 pays y ont participé et plus de 78 000 soldats et personnels civils contribuent actuellement à ces opérations. Ce déploiement n'est cependant pas sans risque, puisqu'à la fin décembre 2023, 4 347 morts en mission étaient dénombrés. Au nom de la commission de la défense, je souhaite leur rendre l'hommage qu'ils méritent.

Les opérations de maintien de la paix sont habituellement créées pour garantir des conditions de retour à une paix durable. Ces missions concernent d'abord la protection de la population, mais également le nation building, selon le mandat qui leur a été confié. Certaines opérations ont constitué de véritables réussites, notamment en Namibie, en Sierra Leone, quand d'autres n'ont pas rencontré un tel succès. Je pense notamment à la mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda (Minuar) ou, plus récemment la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma).

Compte tenu de la place de la France comme membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, de notre engagement en Afrique, mais aussi de leur coût financier, il me semble important que nous ayons, au niveau politique, un débat sincère et exigeant sur ces OMP. Nous serions ainsi heureux de vous entendre, monsieur le secrétaire général adjoint, sur les conditions de succès et d'efficacité de ces opérations de maintien de la paix, mais également sur les conclusions que vous avez pu tirer des missions qui ont moins bien fonctionné, pour améliorer leur efficacité.

Vous partagerez peut-être également votre analyse sur l'état du monde aujourd'hui, notamment dans les pays africains. Nous entendons parfois des critiques sur l'efficacité de l'ONU et les opérations de maintien de la paix semblent parfois de plus en plus contestées, comme la Minusma ou la mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco). Face au procès en inefficacité parfois fait à l'ONU ou au Conseil de sécurité en raison du pouvoir de veto de ses membres, existe-t-il une forme de rejet durable pour le multilatéralisme ? Enfin, nous serions intéressés de vous entendre sur la durée des OMP. J'ai notamment en tête la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), lancée il y a quarante-cinq ans, en 1978. Je rappelle d'ailleurs que 700 soldats français sont actuellement déployés au sein de cette Finul. Un déplacement de notre commission est prévu le mois prochain au Liban.

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Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint aux opérations de paix des Nations unies

Je vous remercie de m'avoir invité pour ces discussions consacrées aux opérations de maintien de la paix des Nations unies sur le continent africain. J'aurai sans doute l'occasion d'élargir un petit peu le propos. L'année dernière a marqué le soixante-quinzième anniversaire des OMP des Nations unies. La première d'entre elles, l'opération pour la trêve au Moyen-Orient (Onust), basée à Jérusalem, existe toujours.

Au cours de ces décennies, sous des formes et des modalités variées, le maintien de la paix a fait souvent la différence entre la vie et la mort pour des millions de personnes à travers le monde et a permis de stabiliser de nombreux pays, dont la Sierra Leone, le Cambodge, la Namibie, le Liberia, la Côte d'Ivoire, le Timor oriental, l'Angola et le Salvador pour n'en citer que quelques-uns. Le maintien de la paix est certes un outil important, mais il ne suffit jamais en soi ; il ne peut réussir que par la confluence des efforts de tous.

La réussite de ces opérations n'a été rendue possible que lorsque les parties au conflit ont fait preuve d'une volonté politique tangible de s'engager dans un processus de paix et que la communauté internationale s'est montrée unie dans le soutien à ce processus de paix et pour faire pression, de temps en temps, sur les parties. À l'heure actuelle, de tels règlements politiques globaux semblent largement hors de portée. Lorsque nous regardons toutes les crises, qu'elles fassent ou non l'objet d'opérations des Nations unies, les perspectives de règlement sont en général faibles, en tout cas à court terme.

Néanmoins, les collègues sur le terrain continuent de faire la différence. Ils protègent des centaines de milliers de vie, au Soudan du Sud, en République démocratique du Congo (RDC), en République centrafricaine, en dissuadant l'escalade des hostilités, en apportant une protection aux personnes les plus vulnérables, et en empêchant une situation dégradée de devenir une situation catastrophique, non seulement pour ces pays, mais aussi pour la région.

Si les gros titres se concentrent souvent sur les grandes missions, dites multidimensionnelles, en Afrique, il faut aussi mentionner les réalisations moins visibles, mais tout aussi essentielles, de missions plus traditionnelles à Chypre, sur le Golan, au Sahara occidental, au Cachemire, sous des modalités diverses. Les casques bleus préservent dans toute la mesure du possible, des cessez-le-feu fragiles, font la liaison entre des parties qui ne se parlent pas et tentent d'empêcher ou de contenir les risques d'escalade, y compris en ce moment au Liban.

De ce fait, ces missions, qui disposent d'un mandat plus limité d'observation, de supervision, mais essentiellement de respect de cessez-le-feu, remplissent une tâche d'autant plus essentielle que les processus politiques n'avancent plus et que la tentation des parties, en cas d'impasse prolongée sur le plan politique, consiste à agir sur le terrain et de forcer le changement. Il existe un vase communicant entre les progrès des processus politiques et l'évolution des tensions sur le terrain. Il n'est pas difficile d'imaginer, malheureusement, ce qui se passerait si certaines de ces missions étaient retirées. Nous voyons d'ailleurs les conséquences du retrait, dans des conditions différentes d'un processus politique accompli, de certaines missions, notamment en Haïti ou au Darfour, où le chaos et la violence prévalent aujourd'hui, au détriment des populations.

Dans un contexte où peu de progrès sont accomplis sur le volet politique, les opérations contribuent simplement à prévenir une dégradation catastrophique de la situation. Au Sud-Liban, la Finul met tout en œuvre pour favoriser la désescalade entre les parties. Depuis le 7 octobre 2023, elle joue un rôle essentiel en surveillant, en assurant au quotidien la liaison entre Israël et le Liban, pour prévenir des incompréhensions, même si ceci est loin d'être satisfaisant.

Dans ce contexte, comme dans tant d'autres, je tiens à souligner le courage et le dévouement des soldats de la paix qui servent sous le drapeau des Nations unies, et notamment les personnels militaires et policiers français. Je souhaite y ajouter un hommage respectueux aux 115 personnels français qui ont perdu la vie au cours de leur service au sein du maintien de la paix depuis 1948.

Aujourd'hui, nous nous trouvons à un moment critique : l'ensemble du système multilatéral de paix et de sécurité, fondé sur la charte des Nations unies est mis à rude épreuve, induisant un impact considérable non seulement sur le maintien de la paix, mais aussi sur l'ensemble des activités des Nations unies dans le domaine de la paix et de la sécurité. Le Conseil de sécurité est suffisamment uni pour renouveler les mandats des opérations, mais ne l'est pas assez pour fournir un appui solide, constant et dynamique aux efforts de paix. Dans le pire des cas, un groupe de pays soutient une partie, et un autre groupe de pays soutient l'autre partie.

Le secrétaire général des Nations unies, M. António Guterres, a soumis aux États membres un nouvel agenda pour la paix, dans la perspective du sommet pour le futur qui se tiendra en septembre prochain. Ce nouvel agenda pour la paix comporte une partie relative aux opérations de paix, à laquelle mon département a naturellement beaucoup contribué.

Au-delà de l'accroissement des divisions au sein du Conseil de sécurité, la nature des conflits armés et la violence évoluent. Le caractère transnational des facteurs de conflit (changement climatique, criminalité transnationale, exploitation illégale des ressources naturelles, trafics divers et, naturellement, terrorisme et extrémisme violent) constitue en soi un défi pour nos opérations. À l'instar du Sahel ou du Congo, les environnements opérationnels et les conditions politiques dans lesquelles les opérations de maintien de la paix sont déployées se sont considérablement dégradées, y compris par rapport à la situation qui prévalait il y a deux à trois ans. Cela se traduit au quotidien par des dangers, des risques croissants auxquels font face nos personnels, qu'il s'agisse d'attaques délibérées, par exemple au moyen d'engins explosifs improvisés ou de campagnes de désinformation, ou d'autres efforts visant à saper la crédibilité de la mission.

Le retrait soudain de la Minusma l'an dernier illustre de manière éloquente les défis posés par un paysage géopolitique fragmenté. Ces défis mettent à l'épreuve les principes fondamentaux du maintien de la paix et exigent des réponses réfléchies. Dans le cas du Mali, les objectifs politiques de l'État hôte sont devenus incompatibles avec les objectifs politiques fondamentaux qui gouvernaient notre mission, c'est-à-dire le soutien à la mise en œuvre de l'accord de paix concernant le nord du pays. Nous étions en outre confrontés à un défi dépassant le rôle d'une opération de maintien de la paix, c'est-à-dire le défi du terrorisme, dans toute sa dimension régionale.

Dans le nouvel agenda pour la paix, le secrétaire général réaffirme que les opérations de paix resteront un élément indispensable de la boîte à outils diplomatique des Nations unies. Il existe un paradoxe, peut-être seulement apparent : nos opérations connaissent des difficultés politiques et opérationnelles, mais le maintien de la paix en soi est très largement soutenu par la grande majorité des membres de l'ONU.

Quelles sont les conditions permettant au maintien de la paix de prospérer, même s'il doit évoluer ? Il doit d'abord disposer d'un soutien politique réel et cohérent, de la part des États membres du Conseil de sécurité, mais aussi des pays hôtes dans la région et au-delà. Malheureusement, comme nous l'avons vu au Mali, la compétition entre les États membres tend à l'emporter de plus en plus sur l'approche multilatérale.

Ensuite, les mandats des missions de maintien de la paix doivent être clairs. Ils doivent comporter des priorités et être fondés sur le règlement politique des conflits. Toutes les opérations sont politiques, même lorsqu'il s'agit de déployer exclusivement des personnels en uniforme, le long d'une ligne de cessez-le-feu. Le but consiste évidemment à créer ou du moins préserver, dans la mesure du possible, les conditions pour le progrès des efforts politiques. Mais s'il nous est demandé de tout faire, nous devenons de fait placés dans une spirale d'échec. Certains mandats continuent à être trop larges au regard des ressources consacrées à ces opérations.

Troisièmement, la plupart des opérations de maintien de la paix souffrent d'un décalage entre les ressources qui leur sont dévolues et les attentes placées en elles. La disjonction entre les mandats et les ressources financières est assez frappante lorsque l'on considère le rapport coût-bénéfice. Le budget de l'ensemble des OMP pour la période allant du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024 s'établit à 6,7 milliards de dollars, soit moins de 0,3 % des dépenses militaires mondiales. À titre d'exemple, ce montant est légèrement supérieur à celui du budget de la police de New York, le fameux NYPD, bien que nous disposions de presque deux fois plus de personnel en uniforme et d'une zone d'opération sensiblement plus large que les cinq boroughs de New York. Il est clair que les opérations de maintien de la paix de l'ONU présentent dans l'ensemble un coût-avantage assez positif. Cet aspect a d'ailleurs été reconnu par le Government Accountability Office du Sénat des États-Unis dans une analyse menée il y a quelques années.

Par ailleurs, nous appelons, notamment à travers le nouvel agenda pour la paix, les États membres à s'engager à nouveau en faveur de la réforme du maintien de la paix. Cela signifie continuer et intensifier les efforts pour moderniser et adapter l'outil. Nous avons lancé une série d'initiatives qui, depuis, ont été mandatées par les États membres, à travers plusieurs résolutions du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale de l'ONU. Nous avons regroupé ces initiatives sous le slogan « Action pour le maintien de la paix » (Action for peacekeeping, A4P).

Elles comportent plusieurs volets. Parmi ces volets figurent la sécurité des casques bleus ; le renforcement de la lutte contre les engins explosifs improvisés ; l'amélioration de la performance et de l'évaluation de la performance à tous les niveaux ; la lutte contre l'impunité en cas d'inconduite– notamment pour les actes criminels que constituent l'exploitation et les abus sexuels – ; la coopération avec les États hôtes ; l'amélioration de notre communication stratégique, y compris la lutte contre la désinformation ; l'adaptation aux technologies digitales; le renforcement de la présence des femmes et du rôle de la capacitation. Ainsi, nous travaillons à renforcer la présence des femmes dans les opérations de maintien de la paix, gage d'efficacité, mais également leur rôle dans les processus politiques, au sein des pays où nous sont confiés les mandats.

Il faut évidemment mieux traiter les facteurs de conflit dont j'ai parlé précédemment. À ce titre, nous menons par exemple un certain nombre de projets liés notamment à l'impact du changement climatique. Je pense notamment aux conflits entre les éleveurs et les fermiers, causes massives de conflits en Afrique.

Laissez-moi à présent évoquer nos principales opérations en Afrique, à commencer par la République centrafricaine. Malgré les difficultés rencontrées dans ce pays pauvre où les capacités de l'État sont limitées, la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (Minusca) a contribué notablement à préserver, faire progresser la mise en œuvre d'un accord de paix négocié en 2019 et favoriser le règlement de multiples conflits locaux. Ce faisant, elle permet aussi l'accès de l'aide humanitaire à des populations en grand besoin.

En République démocratique du Congo, dans certaines régions de l'est, nous sommes quasiment les seuls à tenir un rôle de protection des civils, dans des camps de déplacés, dont plusieurs rassemblent des dizaines de milliers de personnes. Le dilemme auquel nous sommes confrontés est le suivant : comment faire en sorte que, dans le cadre d'un désengagement graduel, les rôles des missions de protection civile se poursuivent ? Nous faisons face à plusieurs défis. Tout d'abord, nous pouvons citer la situation à l'est du Congo, notamment dans la région du Nord-Kivu, où sévit un conflit régional qui ne dit pas son nom, avec des ingérences de la part des pays voisins, de part et d'autre. Nous remplissons notre mandat, ce qui nous expose d'ailleurs en ce moment à des actes très hostiles de la part du groupe M23, mais la situation est en relative inadéquation avec la nature de ce même mandat.

C'est la raison pour laquelle il faut absolument renforcer la dynamique des efforts politiques régionaux en cours pour traiter ce conflit par des voies politiques au niveau régional, mais aussi, dans la mesure du possible et à la demande du Conseil de sécurité, soutenir des forces d'imposition de la paix telles que celle de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), qui vient de se déployer. En conséquence, a la demande du Conseil de sécurité, nous allons proposer des options pour que certains moyens de notre opération soient mis au service du soutien de cette force.

À ce tableau s'ajoute un climat de désinformation massif, s'appuyant sur des frustrations réelles des populations, mais aussi largement manipulé par tous ceux qui veulent détourner l'attention de leurs responsabilités, dans le cadre d'une exploitation illégale massive des ressources naturelles. De fait, les Nations unies sont souvent le bouc émissaire idéal pour ceux qui ont intérêt à la préservation du chaos.

La mission au Soudan du Sud, pays qui partage certaines des caractéristiques de la République centrafricaine, remplit un rôle de protection des civils, notamment à travers un soutien humanitaire. Le processus politique existe, mais il demeure assez poussif, caractérisé par la perspective éventuelle d'élections cette année. La division croissante qui affecte évidemment la capacité d'agir des Nations unies sur le plan de la paix et de la sécurité s'observe également pour d'autres organisations régionales et sous-régionales. L'Union africaine, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) ou l'Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad) ont ainsi été affaiblies par les crises des dernières années en Afrique. Nous jouons également un rôle dans la région d'Abyei, un territoire disputé entre le Soudan et le Soudan du Sud, en proie à de multiples conflits communautaires.

Enfin, à l'heure de faire le bilan de notre mission au Mali, il convient de relever plusieurs éléments majeurs : la divergence fondamentale des objectifs politiques de la nouvelle équipe au pouvoir avec les objectifs politiques de notre mandat, la compétition entre groupes d'États sur le Mali et au Sahel et le facteur du terrorisme. Le dernier élément est d'ordre catalytique ; il est lié à notre mandat concernant les allégations de violations des droits de l'Homme, particulièrement celles commises par les forces de défense et de sécurité maliennes et leurs partenaires bilatéraux.

L'accord de paix a été déclaré caduc par les autorités maliennes. Réussiront-elles à régler le problème du nord, qui existe depuis l'indépendance, par des moyens militaires et coercitifs ? La mission a joué un rôle essentiel dans la mise en œuvre de cet accord, mais aussi pour stabiliser les centres de population dans le nord et le centre du pays, dans des zones où l'État malien est toujours très faible.

Enfin, nos partenariats avec les organisations régionales et sous-régionales demeurent extrêmement importants. Nous avons beaucoup promu l'idée de mieux soutenir, au cas par cas, des opérations d'imposition de la paix qui ne peuvent pas être conduites par les OMP. Il faut être réaliste, il s'agit là de propositions différentes : le maintien de la paix doit toujours être fondé sur un accord politique, en tout cas un processus. Une résolution de principe du Conseil de sécurité, la résolution 2719, a été récemment adoptée sur le sujet et promeut un soutien accru aux opérations d'imposition de la paix de l'Union Africaine. La communauté internationale doit disposer d'une palette d'outils aussi large que possible pour répondre à des crises dans un contexte qui, je le répète, est très dégradé.

En conclusion, je remercie la France pour son action au soutien des Nations unies en général et des opérations de maintien de la paix en particulier. Ce soutien est plus que jamais important. La fragilisation du système multilatéral est évidente, mais nous constatons également une demande croissante de réponses multilatérales à la plupart des grands défis qui affectent le monde, à l'instar du défi climatique.

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À travers vos propos, nous mesurons bien la difficulté des opérations de maintien de la paix dans un monde en compétition. La résolution des conflits locaux nécessite non seulement la volonté des parties engagées, mais aussi une unicité de la communauté internationale.

Vous avez indiqué le budget des opérations de maintien de la paix était équivalent à celui de la police de New York. Ces 6,3 milliards de dollars correspondent finalement également à un dollar par habitant de la planète. Pourriez-vous nous préciser la part de la contribution française dans ce montant, ainsi que les modalités de calcul du financement des pays contributeurs et de la participation de leurs troupes ? On entend parfois dire que certains pays sont intéressés à la fourniture de troupes pour pouvoir financer eux-mêmes leur propre armée. Financez-vous de la même manière les troupes du Bangladesh que celles en provenance de pays de l'Union européenne (UE) ?

De notre côté, nous sommes lucides sur le fait que si ces opérations n'atteignent pas toujours leur objectif, il serait peut-être encore bien pire de ne pas les avoir. Par ailleurs, nous observons parfois des situations paradoxales où les autorités nationales qui sont aidées demandent elles-mêmes le départ des opérations de maintien de la paix. Je pense notamment au cas de la RDC.

Au-delà du levier populiste, qui peut parfois conduire à la recherche de coupables faciles, il faut également prendre en compte le regard des populations concernées. Malgré les moyens consacrés pendant plusieurs années aux opérations de maintien de la paix, la situation ne s'améliore pas nécessairement et les populations peuvent donc éprouver une forme de ressentiment vis-à-vis des casques bleus et des différents intervenants.

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Je vous remercie au nom du groupe Renaissance pour votre présentation exhaustive et très instructive. Je saisis également cette occasion pour rappeler le soutien de notre groupe envers les efforts constants déployés par l'ONU, qui œuvre pour une résolution pacifique des conflits et une meilleure stabilité dans le monde.

Ces opérations de maintien de la paix en Afrique ont été des instruments essentiels dans la préservation de la sécurité des régions déchirées par les conflits, offrant un espoir tangible de réconciliation et de reconstruction pour les populations locales. Ces missions ont été le théâtre de sacrifices, d'engagements et de dévouements de la part de nombreux soldats assurant la protection des civils, la promotion des droits de l'homme et contribuant à rétablir l'État de droit.

Ces opérations incarnent aussi les valeurs universelles de coopération, de solidarité et de respect de la dignité humaine et leur importance dans la construction d'un monde plus sûr et plus juste. En outre, alors que la Monusco entame son processus de désengagement dans la province du Sud-Kivu, nous sommes confrontés au défi majeur de garantir une transition en douceur vers une responsabilité nationale en matière de sécurité, tout en assurant la protection des populations locales. Depuis sa création, la Monusco a contribué à stabiliser des régions en proie à des conflits terribles et à protéger des milliers de civils. Cependant, alors que l'ONU s'approche de la fin de son mandat, il est essentiel d'éviter tout vide sécuritaire et de préserver les progrès réalisés.

Comment envisagez-vous de soutenir les autorités congolaises dans ce processus de transition ? Pourriez-vous nous indiquer les principales actions qui seront mises en œuvre afin de s'assurer que le retrait des forces internationales se déroule de manière coordonnée avec le gouvernement de la République démocratique du Congo ?

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Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint aux opérations de paix des Nations unies

La France contribue à hauteur de 5,29 % du budget des opérations de maintien de la paix des Nations unies (environ 350 millions de dollars). Au-delà de la France, en pourcentage, les principaux contributeurs sont les États-Unis (27,89 %), mais ils ont unilatéralement plafonné leur contribution à 25 %, la Chine (15,2 %), le Japon (8,56 %), l'Allemagne (6,09 %) et le Royaume-Uni (5,79 %).

S'agissant du financement des pays contributeurs de troupes, nous remboursons sur la base de critères liés aux besoins définis conjointement avec le pays. Nous remboursons la mise à disposition des matériels et nous versons une contribution correspondant à la rémunération des personnels de ces pays, en salaires « Nations unies ». Ce mécanisme rapporte de l'argent à certains pays, mais ça n'est pas automatique. Nous sommes de plus en plus vigilants sur la nécessité d'évaluer exactement que ce que nous recevons et ce que nous demandons. Ensuite, cela dépend également du niveau de développement économique de chaque pays, mesurable par exemple en PNB par habitant. Par exemple, lorsque la possibilité de déployer des troupes brésiliennes dans l'une de nos opérations a été explorée, les autorités brésiliennes ont indiqué que cela leur coûterait à peu près 50 % de plus que la somme que nous leur remboursons. Il n'en va pas de même d'autres pays, en fonction de leur niveau de développement économique.

De notre côté, nous avons intérêt à garder la plus grande diversité géographique possible de pays contributeurs de troupes, mais nous éprouvons parfois quelques difficultés à y parvenir. Ensuite, le départ de la Monusco a effectivement été demandé par les autorités congolaises pour deux raisons conjointes : l'offensive du M23 et le contexte électoral. Le plan de désengagement négocié avec le gouvernement congolais l'année dernière prévoit une première phase au Sud-Kivu, un peu moins affecté par la violence que le Nord-Kivu. Une évaluation conjointe de la situation et des étapes suivantes débutera en mars prochain et sera ensuite renouvelée tous les trois mois. Nous verrons comment évoluent à la fois la situation, mais aussi la position du gouvernement congolais.

Nous sommes soumis à un dilemme, compte tenu de l'impératif de protection des civils. Au regard de l'étendue du territoire congolais, la présence des forces de sécurité congolaises est limitée dans certaines zones. Nous menons des opérations conjointes dans la région de Goma et, du côté congolais, les intervenants sont très nombreux : les forces armées congolaises (FARDC), les milices non étatiques, les groupes armés supplétifs, les wazalendo. Il faut également mentionner les forces de la SADC, les forces burundaises, et enfin, la Monusco. Nous avons été confrontés récemment à des incidents avec les milices employées par les forces armées congolaises, voire avec les FARDC, le tout dans un contexte de conflit régional.

Après les élections, nous essayerons de plaider en faveur d'une relance des efforts politiques. Nous serons d'ailleurs le week-end prochain à Addis-Abeba en compagnie du secrétaire général, pour participer à une réunion du Conseil paix et sécurité de l'Union africaine consacrée à la RDC.

Ensuite, nous avons beaucoup plaidé auprès des autorités congolaises pour qu'elles renforcent la présence des corps en uniforme et de l'État au Sud-Kivu. Dans ce cadre, les États qui comme la France maintient des bonnes relations avec l'ensemble des protagonistes, ont un rôle important à jouer dans ce plaidoyer, pour marquer la responsabilité des autorités congolaises. L'accord de négociation prévoit un réengagement de la part des autorités congolaises parallèlement à notre désengagement.

Ce plan de désengagement ne prévoit pas de date de départ définitif. Les étapes intermédiaires que j'ai mentionnées nous permettront aussi de souligner auprès des autorités congolaises les défis qui doivent être traités en priorité.

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Monsieur le secrétaire général adjoint, au nom de mon groupe, je tiens à saluer votre présence au sein de cette commission. Nous sommes tous très attachés au rôle de l'ONU sur la scène mondiale dans sa noble mission de maintien de la paix. Nous connaissons par ailleurs votre parcours au sein de l'ONU, ce qui rend votre retour d'expérience particulièrement intéressant. Notre groupe considère que les Nations unies sont légitimes pour œuvrer de manière optimale en faveur d'une résolution pacifique des conflits à travers le monde et pour s'interposer en cas de conflit, comme le font avec détermination et courage les casques bleus. Dans cette perspective, nous attachons une importance particulière au siège permanent détenu par la France au Conseil de sécurité des Nations unies.

Aujourd'hui, la France est le sixième contributeur au budget des opérations de maintien de la paix en 2023-2024, avec 310 millions de dollars, soit 5,29 % du budget total. Comment évaluez-vous cette contribution de la France ? Quelles sont aujourd'hui les attentes de l'ONU vis-à-vis des pays contributeurs en termes de budget, de troupes et de ressources logistiques ? Par ailleurs, pour mieux appréhender les besoins et les lacunes actuelles au sein de l'ONU, pourriez-vous exposer de manière générale les défis auxquels l'organisation est actuellement confrontée en matière de maintien de la paix, ainsi que les initiatives que la France pourrait envisager pour contribuer à les relever ?

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Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint aux opérations de paix des Nations unies

La France joue effectivement un rôle très important en tant que membre permanent, en tant que ce que « plume », c'est-à-dire pays qui rédige les projets de résolution qui sont ensuite adoptés et qui portent sur les mandats de plusieurs de nos opérations. C'est le cas pour la RDC, le Liban ou la République centrafricaine. Par ailleurs, la France joue un rôle important de contributeur, de pays influent. Il existe d'ailleurs une assez grande synergie entre les orientations générales politiques du secrétariat des Nations unies et celles de la France sur les principales crises et les sujets globaux.

Nous sommes conscients des contraintes que rencontrent nombre de nos États membres en matière de finances publiques. Par ailleurs, nous sommes soumis à une grande rigidité qui nous est imposée par les règles mises en place par l'Assemblée générale dans l'allocation des ressources, notamment en ce qui concerne l'allocation des postes. Ainsi, une grande opération de maintien de la paix comprend des centaines, voire des milliers de postes. Des personnes sont ainsi attribuées à chacun de ses postes, mais les besoins évoluent au fil des ans, en lien avec les autres secteurs, impliquant parfois de procéder à des réallocations. De telles opérations sont particulièrement difficiles, car elles impliquent de recalibrer les postes, en fonction des décisions de l'Assemblée générale. C'est la raison pour laquelle je plaide en faveur d'une plus grande souplesse dans l'allocation et la réallocation des postes, qui nous permettrait de régler un certain nombre de problèmes.

Vous avez également évoqué les attentes de l'ONU vis-à-vis des pays contributeurs. À ce titre, il me semble important de poursuivre les efforts visant à établir des priorités très claires pour chaque mandat. La France a d'ailleurs fait des efforts dans ce domaine, mais il faut aller plus loin et sensibiliser les autres pays. L'essentiel porte ainsi sur le soutien aux efforts politiques lorsque nos mandats comprennent cette dimension, comme pour les missions multidimensionnelles en Afrique. La protection des populations est incontournable, mais elle ne doit pas être dépolitisée. Il importe également de soutenir les capacités ou le renforcement des capacités des États, dans la mesure du possible. La dimension des droits de l'Homme est importante, parce qu'il est difficile d'opérer dans des contextes où l'État hôte se livre à des exactions, des violations massives des droits de l'Homme. Nous devons également nous attacher aux priorités qui nous sont assignées, ce qui nécessite une meilleure coordination avec l'UE, les organisations régionales, les agences, les fonds et les programmes.

Vous avez également mentionné les lacunes et les défis auxquels nous sommes confrontés. Les mandats qui nous sont attribués sont aussi contraints par les ressources dont nous disposons. Ensuite, certaines lacunes sont liées au fait que la nature des conflits évolue très rapidement. Nous devons nous adapter, notamment à l'usage de technologies digitales, y compris dans le domaine de la communication. Il convient également de mieux travailler sur les nouvelles formes de mobilité. Nous essayons de plus en plus d'opérer une transition vers davantage de souplesse, ce qui n'est pas sans poser de problèmes. Cette souplesse implique ainsi d'utiliser davantage d'hélicoptères, à un moment où les moyens aériens sont difficiles à obtenir.

Par ailleurs, comme je l'ai déjà indiqué, nous devons être plus exigeants en matière de comportement et de discipline. À ce titre, nous avons récemment pris des décisions assez draconiennes d'expulsion de contingents entiers, parfois de pays contributeurs dans leur totalité. Mais il faut faire davantage d'efforts dans ce domaine et faire en sorte que nos outils d'évaluation de la performance soient mieux utilisés pour le suivi.

Le deuxième défi est d'un ordre différent. Dans certaines zones, comme au Sahel, nous sommes confrontés à des facteurs de conflits locaux, nationaux, mais également régionaux, comme le terrorisme, les trafics ou les activités illégales en tout genre. Or, en tant que système multilatéral, nous ne sommes pas très bien équipés pour traiter autant qu'il le faudrait ces facteurs de conflit. Il faut travailler collectivement sur ces limites, avec nos États membres.

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Au nom de mon groupe, j'ai plaisir à vous accueillir et à vous dire à quel point nous sommes heureux, au sein de cette commission, d'entendre également des diplomates, en particulier ceux des Nations unies, organisation chargée de garantir le respect du droit international, même si celui-ci est bien souvent mis à mal.

Je souhaite évoquer en premier lieu les témoignages qui pointent les difficultés rencontrées par la Minusma et l'opération Barkhane, notamment la difficulté pour chacune des deux forces de se distinguer auprès de la population. Partagez-vous cette impression qu'une des raisons de l'échec relatif de leurs actions tient au fait que la population n'a pas identifié la spécificité de chacune des forces et de leur mandat respectif ?

Ma deuxième question porte sur l'organisation et la coordination des forces au sein même de la Minusma. J'ai recueilli par exemple un témoignage indiquant que si les Allemands avaient déployé des moyens de renseignement, ces renseignements n'étaient pas transmis prioritairement au commandement de la Minusma, mais à ses partenaires, notamment américains.

Comme vous l'avez indiqué, la définition du mandat est un enjeu crucial et vous avez signalé l'existence de nombreuses raisons à la conflictualité locale. Les expériences récentes indiquent par exemple que la question de la justice est un point extrêmement central pour rétablir la paix et la stabilité dans la plupart des pays déstabilisés. Pensez-vous que l'un des rôles d'une mission de maintien de la paix pourrait être de rendre la justice ? À ma connaissance, cela n'a jamais été le cas et cela supposerait évidemment une négociation avec les États concernés. Cependant, nous constatons a contrario que cette faculté à rendre la justice a aussi fait le succès de groupes armés, ainsi que leur normalisation sur le terrain.

Enfin, face à des situations extrêmement complexes, comment l'ONU peut-elle disposer d'une expertise de bon niveau par pays ? Il est toujours délicat de voir imposer une expertise de l'extérieur, mais simultanément, une telle expertise « neutre », objective, est nécessaire dans les conflits locaux.

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Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint aux opérations de paix des Nations unies

La question des perceptions de la population est assez difficile à appréhender en profondeur. Au Mali, lorsque nous allions là où la Minusma a été déployée, je n'ai jamais entendu de représentants de la population nous dire qu'ils ne voulaient plus de nous. Cela ne signifie pas que les critiques ou les frustrations n'existent pas. Le régime a pris une orientation différente concernant les accords de paix et n'a pas cherché à décourager les manifestations contre les missions.

Je ne dis pas pour autant que tout était parfait et que tout le monde considérait que l'action des Nations unies était formidable. Dans le sud du pays, qui n'est déjà plus le Sahel, le sentiment que l'accord avec les populations du nord avait été imposé par la communauté internationale a toujours existé. Cependant, je souhaite approfondir la question des perceptions, que nous mesurons à travers des perception surveys, notamment au Sud-Soudan. Nous souhaitons répliquer cette pratique ailleurs.

Ensuite, j'ai le sentiment que, dans une certaine mesure, une distinction était opérée localement entre la Minusma et Barkhane, qui était sans doute moins en contact avec la population. Mais il est toujours difficile de se mettre à la place de cette population, frappée à la fois par la violence et la pauvreté. De leur côté, certains collègues humanitaires indiquaient qu'ils étaient identifiés aux soldats de la Minusma. De ce point de vue, il faut veiller à préserver un espace tout en assurant la protection de l'action humanitaire, qui constitue aussi une partie de notre mandat.

Finalement, j'ai le sentiment que le véritable sujet concernait la persistance des violences terroristes et les défis rencontrés par l'État dans certaines zones : l'État malien ne s'était pas complètement rétabli là où nous étions présents. À ce sujet, nos efforts de renforcement des capacités de l'État comportent des actions, assez soutenues et répandues dans l'ensemble de nos missions en Afrique, de soutien aux tribunaux et magistrats locaux, notamment à travers des formations. En revanche, je ne crois pas que nous irons jusqu'à rendre la justice, pour deux raisons. D'abord, des organes des Nations unies disposent déjà d'une compétence judiciaire, comme la Cour internationale de justice ou la Cour pénale internationale. Ensuite, se substituer aux autorités locales dans un domaine aussi fondamental de souveraineté va à l'encontre de nos objectifs, qui cherchent à soutenir la montée en puissance de ces mêmes autorités. Par ailleurs, nous coopérons aussi avec la Cour pénale internationale dans les pays qui sont parties au statut de Rome. Nous l'avons fait, par exemple, en République centrafricaine, dans le cadre de la mise en œuvre de mandats d'arrêt.

S'agissant de la coordination entre les différentes forces au sein de la Minusma, il m'est difficile de parler de ce qui a été réalisé avec les moyens de renseignement de tel ou contingent. S'il est important de disposer d'une diversité géographique dans les forces, celle-ci a engendré parfois au Mali des problèmes de coordination, en raison du décalage de moyens entre les contingents de pays développés et ceux de contingents moins bien dotés, mais qui disposent par ailleurs d'une meilleure connaissance du terrain. Par exemple, un défi consistait à faire en sorte que des ordres émis par un état-major travaillant essentiellement en anglais soient transmis à l'autre bout du pays à un contingent non anglophone et dont les modalités de fonctionnement et d'organisation sont complètement différentes.

Enfin, l'expertise est bien là. D'une part, sur le terrain, nous disposons de nombreuses personnes recrutées localement, soit environ deux tiers des personnels, sans lesquelles nous ne pourrions pas travailler, compte tenu de leur connaissance du terrain. De plus, nous travaillons non seulement avec les autorités, mais aussi avec la société civile, les organisations de jeunes ou de femmes.

Enfin, au siège des Nations unies, nous collaborons avec des collègues qui non seulement connaissent vraiment très bien les régions, mais qui bénéficient également de réseaux très étendus. En réalité, je pense que l'enjeu porte plus sur l'évolution de nos pratiques et de nos mandats par rapport à l'évolution de la situation sur le terrain.

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Au nom du groupe Démocrate, je tiens tout d'abord à vous remercier pour vos propos liminaires. Je souhaite également saluer l'engagement des casques bleus, gardiens d'une paix fragile dans les zones de conflit. Je vous remercie pour votre présence aujourd'hui et pour l'engagement continu des Nations unies dans les efforts de maintien de la paix à travers le monde, notamment au Liban, par l'intermédiaire de la Finul. En tant que député du département du Puy-de-Dôme, je tiens particulièrement à souligner la contribution significative de nos forces armées dans cette mission, avec la participation de près de 700 militaires français, parmi lesquels une cinquantaine de militaires du vingt-huitième régiment de transmission d'Issoire.

Ces hommes et ces femmes dévouées représentent non seulement notre nation sur le terrain international, mais incarnent également notre engagement envers la paix et la sécurité internationale. Leur participation à la Finul constitue une source de grande fierté pour nos concitoyens, mais elle suscite également des inquiétudes, non seulement en ce qui concerne leur sécurité, mais aussi sur l'efficacité de leurs missions et l'impact de leur engagement sur la désescalade de la situation dans cette zone du Liban sud.

Dans ce contexte, je souhaitais vous interroger sur le bilan des opérations de maintien de la paix au Liban menées par la Finul. Vous avez rappelé dans vos propos introductifs qu'une opération de maintien de la paix se situe à la croisée de plusieurs facteurs, notamment la volonté politique tangible des pays de s'engager dans un processus de paix, ainsi que l'unité de la communauté internationale autour des termes de ce processus de paix. Force est de constater qu'au Liban, ces conditions ne sont pas réunies.

Dans ce contexte compliqué, comment évaluez-vous l'impact de la Finul sur le maintien d'une paix fragile à la frontière sud du Liban ? Compte tenu de l'évolution de la situation, quelles sont les perspectives pour la mission de la Finul ? Comment envisagez-vous l'adaptation de son mandat ? Enfin, dans le cas d'un embrasement à grande échelle dans cette zone, quelle serait la marge de manœuvre des casques bleus des Nations unies ?

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Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint aux opérations de paix des Nations unies

Je dis souvent que la Finul ne met pas en œuvre la résolution 1701 ; elle soutient sa mise en œuvre par les parties. In fine, il revient aux parties libanaise et israélienne de mettre en œuvre cette résolution et de faire preuve de volonté politique en ce sens. Malheureusement, cela n'a pas été le cas jusqu'à présent, qu'il s'agisse de la présence des armes du Hezbollah au Sud-Liban ou des violations aériennes par Israël.

Cependant, malgré ce défaut de mise en œuvre par les parties de leurs obligations au titre de la résolution 1701, la Finul a joué avant le 7 octobre 2023 et continue de jouer un rôle fondamental en matière de prévention d'une escalade incontrôlée, que les deux parties veulent éviter. Aujourd'hui, nous sommes néanmoins dans une phase différente, pour les raisons que vous connaissez. Des échanges de tirs interviennent, dans le respect de certains paramètres, notamment le ciblage exclusif des objectifs militaires. Malgré tout, des victimes civiles sont parfois à déplorer et le risque d'embrasement demeure. De fait, nous constatons une intensification des moyens employés, des frappes de plus longue portée et des éliminations ciblées.

Avant le 7 octobre, il existait un mécanisme, dit mécanisme tripartite, permettant à un officier des Forces armées libanaises (FAL) et un des forces de défense israéliennes (IDF) de se réunir avec la FINUL pour parler de questions opérationnelles. Aujourd'hui, ce mécanisme ne fonctionne pas depuis le 7 octobre, mais des échanges se poursuivent via la FINUL entre l'armée libanaise et Israël. Cette liaison est constante. Elle permet de mieux assurer la sécurité de nos collègues et de clarifier certaines intentions lorsque des civils sont malheureusement atteints. Il en va de même dans le Golan syrien. En outre, la Finul patrouille toujours dans la zone du Sud-Liban et contribue tout de même à limiter les risques. La Finul est par ailleurs chargée d'organiser la déconfliction en cas de manifestations pacifiques, d'organiser le rapatriement ou le transfert des dépouilles, en clarifiant bien ses interventions pour éviter d'être suspectée d'appui à telle ou telle autre partie.

S'agissant des perspectives, des efforts sont menés par la France, les États-Unis et d'autres pays, afin de proposer des idées pour mettre fin aux hostilités au Sud-Liban et dans le nord d'Israël. Aucune négociation substantielle ne s'engagera tant que l'intensité des combats à Gaza ne diminuera pas de manière très sensible. Malheureusement, nous prenons le chemin inverse en ce moment, avec la perspective d'une offensive terrestre. Du côté du Hezbollah, la volonté d'escalade semble clairement absente. De leur côté, les Israéliens font part de leur préoccupation majeure de faire rentrer à leur domicile les 80 000 citoyens israéliens qui habitent dans le nord. Or ils ne souhaitent pas le faire tant que demeure selon eux un risque d'incursion similaire à ce qui s'est passé à partir de Gaza.

Par conséquent, une partie de la solution résidera dans l'éloignement de la ligne bleue d'éléments du Hezbollah, et notamment de ses brigades Radwan, qui sont en quelque sorte ses forces spéciales. Encore une fois, de nombreuses idées convergentes entre Américains et Français sont sur la table. Nous soutenons activement ces efforts diplomatiques et nous nous préparons au cas où des arrangements seraient conclus en faveur de la cessation des hostilités.

Dans ce cas, nous n'aurons pas la responsabilité de mettre en œuvre ces arrangements, puisque cela relève des parties, mais nous soutiendrons cette mise en œuvre et nous mesurerons le respect des engagements. Ensuite, il faudra adapter la présence de la Finul, notamment en termes d'empreinte, avec une possible évolution de nos moyens, notamment en matière de surveillance, en fonction du degré de coopération des deux parties. Enfin, nous travaillons pour identifier les critères nous permettant de déterminer si les parties respectent leurs engagements sur le terrain.

En cas d'embrasement, la marge de manœuvre de la Finul sera très limitée. Nous nous préparons néanmoins à cette éventualité, discrètement, de manière responsable.

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Je vous remercie pour vos éclairages. Vous avez cité l'aide des organisations régionales africaines dans les solutions des conflits. Une résolution des Nations unies a récemment prévu la possibilité de financer leurs interventions. Qu'entendez-vous par cela ? Dans quelles circonstances pensez-vous qu'une telle opération est préférable à une mission des Nations unies ?

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Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint aux opérations de paix des Nations unies

Une opération de maintien de la paix des Nations unies impliquant des contingents en uniforme est soumise à des limites. Par définition, une OMP n'est pas une opération d'imposition de la paix, laquelle porte un autre nom – la guerre. D'abord, nous n'aurons jamais de mandat de la part du Conseil de sécurité pour conduire ce genre de mission. Ensuite, le nombre de pays candidats pour y contribuer avec des troupes serait bien plus faible, même si nous attendons de nos contingents qu'ils soient robustes dans le cadre du maintien de la paix. Enfin, ce type d'intervention va à l'encontre du fondement même d'une opération de maintien de la paix, qui repose justement sur l'existence d'un processus politique.

Il faut donc trouver une autre manière d'organiser l'imposition de la paix. Dans la mesure où nombre de ces crises ont lieu en Afrique et que les États africains demandent que leurs opérations d'imposition de la paix soient mieux soutenues, nous avons appuyé cette demande, au même titre qu'un grand nombre de pays, dont la France. Cette résolution 2719 exprime une disponibilité du Conseil de sécurité à évaluer au cas par cas l'opportunité de soutenir ces opérations, y compris par des contributions financières obligatoires.

La résolution indique également que ces opérations devront être mandatées par le Conseil de sécurité au cas par cas et respecter toutes les normes internationales, notamment en matière de droit humanitaire international et de droits de l'Homme. Elle évoque différents modèles, dont celui appelé « paquet de soutien », qui existe déjà d'ailleurs, puisque l'opération de l'Union Africaine en Somalie est largement soutenue par un paquet de soutien logistique financé par des contributions obligatoires des Nations unies à hauteur d'environ 500 millions de dollars, soit à peu près l'équivalent du budget de la Finul.

Dans quelles circonstances est-ce préférable ? Il s'agit des cas où une menace serait reconnue comme nécessitant une action d'imposition de la paix et où des États africains s'accorderaient pour mettre en place une telle opération. Cette opération serait ensuite mandatée par le Conseil Paix et Sécurité de l'Union Africaine et par le Conseil de sécurité de l'ONU. Cette action ne peut intervenir sans un complément d'effort politique.

Les perspectives immédiates de mise en œuvre d'une telle résolution sont peu nombreuses. Parmi elles figurerait peut-être une évolution de l'opération actuelle de l'Union africaine en Somalie. La force de la SADC, qui est en train de se déployer dans la région des Grands Lacs, pourrait éventuellement bénéficier de ce traitement. Cependant, cette force est déployée à la demande des autorités congolaises pour lutter contre le mouvement M23 qui est très activement soutenu par des pays voisins. Il faudra donc que les pays de l'Union africaine s'accordent pour endosser une telle opération. En effet, la mise en place de forces régionales nécessite au préalable la définition d'objectifs politiques communs entre les participants potentiels.

Une telle communauté d'objectifs politiques partagés n'existe pas au Sahel, alors même que la région pourrait pourtant constituer un terrain d'expérimentation pour la mise en œuvre de cette résolution 2719. Le G5 Sahel constituait d'ailleurs une sorte de préfiguration de ce genre d'opération d'imposition de la paix. Cependant, la région est divisée et, à ce jour, les fondements politiques nécessaires à une opération militaire conjointe sont absents. La situation est certes susceptible d'évoluer, mais, pour l'instant, je ne pense pas que les conditions soient réunies.

Quoi qu'il en soit, cette démarche consiste à faire en sorte que la communauté internationale soit mieux équipée pour répondre à une plus grande diversité de scénarios. Il ne s'agit pas de substituer ce modèle aux OMP, mais de disposer d'un plus grand nombre d'options. La question des capacités se pose néanmoins, puisque toutes les forces armées africaines ne sont pas en mesure de mener ce genre d'opération, d'autant plus que nombre d'entre elles sont confrontées à des défis de sécurité immédiats à l'intérieur de leurs propres frontières.

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Si j'ai bien compris, ces opérations africaines de paix, portées par des pays du continent, pourraient être soutenues à 75 % par l'ONU, les pays africains se tournant vers nous pour savoir comment financer les 25 % restants. Pouvez-vous évoquer un potentiel renouvellement de l'opération Artémis qui avait été conduite en Ituri en 2003 ? En effet, cette première opération militaire dirigée par l'Union européenne semble avoir réussi, en alliant à la fois réactivité et robustesse. N'y a-t-il pas là un sujet à construire avec nos alliés européens ? Y a-t-il un avenir pour l'envoi d'une force européenne sous mandat de l'ONU, qui en assurerait éventuellement une partie du financement, pour intervenir de manière ponctuelle sur une situation conflictuelle dans le monde ?

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Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint aux opérations de paix des Nations unies

La première question porte sur l'espace politique disponible pour ce genre d'intervention européenne. L'opération Artémis avait été mandatée à l'époque par le Conseil de sécurité de l'ONU, qui faisait alors preuve d'une plus grande unité qu'aujourd'hui. Actuellement, il me semble que les réticences seraient plus nombreuses de la part de membres du Conseil de sécurité qui ne sont pas nécessairement favorables à une plus grande présence européenne, en Afrique ou ailleurs.

Ensuite, les pays africains insistent de plus en plus pour résoudre leurs problèmes de sécurité par eux-mêmes, lorsqu'il s'agit d'opérations d'imposition de la paix, même s'il ne faut pas sous-estimer les difficultés politiques et pratiques dans la mise en place de ce type d'opération. Dès lors, le déploiement d'une force européenne conçue sur le modèle d'Artémis susciterait nombre de résistances.

Cependant, il est nécessaire de mener une réflexion pour réévaluer le rôle de la France et de l'UE en soutien aux capacités de sécurité africaines, compte tenu à la fois des demandes, mais également des déconvenues passées. Je ne dispose pas de réponse précise, mais il s'agit bien de redéfinir le type d'appui qui répondra à la fois aux attentes politiques et capacitaires des Africains, mais également aux besoins sécuritaires de l'Europe.

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Pour ma part, il me semble que des interventions plus courtes, qui pourraient être soumises à une conditionnalité politique plus forte, pourraient constituer une des clés de résolution.

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Lors du sixième forum mondial Normandie pour la paix en septembre dernier, vous avez affirmé que le maintien de la paix est beaucoup plus difficile qu'avant, notamment en Afrique, en raison de la multiplication des groupes armés. Alors que la France est contrainte de se replier dans plusieurs pays du Sahel sous la pression de coups d'État militaires et que les forces des Nations unies déployées au Mali depuis une dizaine d'années sont également en train de quitter le pays, des évolutions nous conduisent à nous interroger et à remettre en question notre présence et nos actions avec nos partenaires africains. Aussi, au nom du groupe Horizons et apparentés, je sollicite votre avis. Quelles doivent être nos priorités, afin d'éviter une dégradation de la situation et rétablir une confiance réciproque avec les pays d'Afrique ?

Enfin, je souhaite revenir sur votre récent déplacement, début février, dans l'est de la République démocratique du Congo. Vous avez appelé le M23 à cesser immédiatement son offensive et à respecter la feuille de route de Luanda. Vous avez également longuement échangé sur place sur le désengagement progressif du responsable de la Monusco. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la mise en œuvre de ce désengagement, de manière concrète ? Enfin, dans la résolution 2717, le Conseil de sécurité a mandaté la Monusco pour examiner les moyens par lesquels elle pourrait fournir un soutien logistique et opérationnel limité à la force de la SADC. Avez-vous une idée de ces moyens ?

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Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint aux opérations de paix des Nations unies

Nous travaillons activement sur ce dernier sujet. J'ai rencontré le chef d'état-major de la force de la SADC, un officier sud-africain, ancien de la Monusco. Je ne peux vous faire part de détails à ce stade, mais nous pensons que ce soutien, s'il était accordé par le Conseil de sécurité, constituerait une mise en œuvre finalement assez cohérente du principe posé par la résolution portant sur les opérations africaines de paix, même si les moyens associés seraient légèrement différents, puisque ce soutien s'effectuerait à travers des moyens de la Monusco.

Ensuite, nous avons entamé le désengagement au Sud-Kivu, la date de finalisation du départ étant fixée au 30 juin. Nous devons relever un certain nombre de défis logistiques assez compliqués, dans la mesure où un grand nombre des implantations sont lointaines et peu accessibles. Par ailleurs, les capacités congolaises, notamment les forces en uniforme, se déploient lentement. Le vice-Premier ministre, ministre de la Défense, prévoit le déploiement de 2 000 soldats congolais au Sud-Kivu. Nous avons insisté sur cet élément, tant il est nécessaire d'éviter les conséquences négatives de notre désengagement en matière de protection des civils. Il est tout autant nécessaire d'avoir un engagement politique continu pour traiter les différents sujets de tension qui continuent d'exister au Sud-Kivu entre les différentes communautés.

S'agissant de la question plus générale du désengagement, notamment au Sahel, il existe aujourd'hui dans cette zone un problème de divergences d'objectifs politiques, des divisions au sein de la région. Il faut être réaliste, la marge d'action est fortement limitée. Néanmoins, nous allons malgré tout poursuivre au maximum notre engagement politique avec l'ensemble des pays de la région. De fait, la vocation des Nations unies consiste bien à ne jamais se désengager complètement et à continuer de travailler, sous d'autres formes, avec les Etats.

Cependant, à ce stade, l'appétit pour des actions et des initiatives communes au niveau de la région du Sahel est restreint. Le Burkina Faso, le Niger et le Mali se sont retirés de la Cedeao. Il faut essayer, dans toute la mesure du possible, de reconstituer l'unité politique des pays de la région. L'évolution de la situation sur le terrain dans ces trois pays et au-delà déterminera à mon avis l'évolution de l'appétit des pays de la région à retravailler ensemble ou non. Tel est le premier objectif que nous devons poursuivre, même s'il est lointain et difficile.

Entre-temps, d'autres situations méritent également d'être surveillées. Je pense notamment à celle, préoccupante, du Sénégal ; mais également à d'autres pays qui connaissent cette année des processus électoraux. En outre, il faut naturellement continuer de travailler avec les États qui veulent poursuivre la coopération en matière politique et sécuritaire. Encore une fois, il existe une demande évidente de capacitation de la part des États africains, c'est-à-dire un soutien leur permettant de mieux répondre à leurs défis de sécurité. Les problèmes de gouvernance sont évidents et ne doivent pas être éludés, même si l'évocation de ces sujets est souvent assimilée à une forme d'ingérence, nécessairement mal perçue.

Je le redis : nous devons mener un travail pour traiter les facteurs de conflit que j'ai précédemment évoqués, comme la criminalité transnationale organisée et l'exploitation illégale des ressources naturelles. Je ne soulignerai jamais assez l'importance de ces facteurs et la nécessité d'intensifier les réponses à y apporter, au-delà de ce qui est réalisé aujourd'hui. Nous disposons certes d'une organisation à Genève qui s'occupe de la drogue et du crime organisé, nous menons d'autres actions à travers certaines de nos missions, d'autres agences des Nations unies. Cependant, la dimension du problème et son rôle en matière de déstabilisation sont absolument majeurs. Comment mieux y répondre aux niveaux local, régional et global ? Malheureusement, nous n'avons pas assez de moyens, ni une organisation suffisante.

Enfin, au-delà de la nécessité pour nous de conduire peut-être des études de perception un peu plus détaillées, il convient sans doute de ne pas susciter d'attentes trop fortes concernant nos missions. Il me semble d'ailleurs que l'opération Barkhane a été confrontée aux mêmes problèmes.

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D'une certaine manière, la satisfaction du client concerne toujours la différence entre la qualité attendue et la qualité réalisée. Soyons modestes quant à ce que nous sommes capables de réaliser pour aider les uns et les autres.

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Ma question concerne votre récente visite en République démocratique du Congo. Avez-vous pu aborder avec le président réélu Tshisekedi les questions humanitaires, mais aussi celles en lien avec la guérilla qui sévit dans l'est du pays, ainsi que le rôle de la Monusco ?

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L'Arménie est aujourd'hui engagée dans un processus de paix bien fragile avec l'Azerbaïdjan. Vous parliez tout à l'heure d'un critère d'unité de la communauté internationale. Malheureusement, elle a plutôt fait preuve d'un silence assourdissant depuis le renouvellement des attaques azéries en septembre 2022. L'Azerbaïdjan est engagée dans ce processus de paix, mais elle réclame encore de façon officielle des morceaux de territoire en Arménie, notamment dans la région du Zanguezour. De quelle manière les Nations unies peuvent-elles jouer leur rôle pour que ce processus de paix soit enfin durable ?

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Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint aux opérations de paix des Nations unies

Il convient d'abord de signaler que l'ampleur des défis humanitaires en République démocratique du Congo est vraiment très significative et en augmentation.

Notre rôle dans la protection des civils est important, mais malheureusement, dans la région de Goma, notamment là où le M23 intensifie ses offensives, nos ressources sont insuffisantes, sans parler des conditions de sécurité. D'une manière générale, ce problème concerne d'ailleurs toutes les activités humanitaires des Nations Unies, puisqu'avec la multiplication des crises, on observe un décalage croissant entre les besoins et les ressources disponibles.

Comme je l'ai indiqué précédemment, notre premier défi consiste à faire en sorte que, là où nous jouons un rôle quasi exclusif, en tout cas prépondérant, de protection des populations, nous puissions organiser la transition pour minimiser le plus possible l'impact sur les civils. Cela ne sera pas aisé. D'une part, il faut souligner le rôle des opérations conjointes que nous allons mener à titre régulier avec les autorités congolaises. D'autre part, il est nécessaire que tous les pays qui entretiennent une bonne relation avec la République démocratique du Congo, notamment la France, s'attachent à renforcer les capacités là où existent des défis de protection des civils.

La République démocratique du Congo travaille actuellement de différentes manières au renforcement de ses forces, y compris avec des sociétés privées. Cependant, le cadre d'ensemble de réorganisation des forces armées congolaises n'est pas encore abouti. Ce problème est d'ailleurs assez récurrent, nous l'avions rencontré au Mali.

Dans la réponse à la crise actuelle, la responsabilité de toutes les parties prenantes et de ceux qui les soutiennent – les pays de la région – est évidente : elles doivent respecter le droit humanitaire international et les droits de l'Homme. Cela peut paraître « aspirationnel », mais, encore une fois, les Nations unies doivent transmettre ce message, au même titre que la France. En effet, le fait, par exemple, que l'armée congolaise mène des opérations avec certains groupes armés entraîne des conséquences significatives en matière de respect de ses obligations, qui peuvent exacerber les tensions au lieu d'aider à les résorber.

La crise entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan a été quelque peu occultée par la multiplication des autres crises. Ici aussi, la communauté internationale et le Conseil de sécurité ne parlent pas d'une voix unie, ce qui limite d'ailleurs le recours éventuel à des options telles que des opérations de maintien de la paix. Les Nations unies ont mené de nombreux efforts pour travailler au désenclavement de l'aide humanitaire, parallèlement aux messages que nous pouvons porter en appui des efforts politiques en cours, y compris ceux de la France.

La séance est levée à treize heures

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Xavier Batut, M. Mounir Belhamiti, M. Denis Bernaert, M. Frédéric Boccaletti, M. Vincent Bru, Mme Caroline Colombier, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Christelle D'Intorni, M. Jean-Marie Fiévet, M. Thomas Gassilloud, M. Frank Giletti, M. Christian Girard, M. José Gonzalez, M. Loïc Kervran, Mme Delphine Lingemann, Mme Alexandra Martin (Alpes-Maritimes), M. Christophe Naegelen, M. François Piquemal, Mme Natalia Pouzyreff, M. Julien Rancoule, M. Aurélien Saintoul, Mme Isabelle Santiago, Mme Nathalie Serre, M. Bruno Studer

Excusés. - M. Christophe Bex, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, Mme Martine Etienne, M. Emmanuel Fernandes, Mme Anne Genetet, M. Jean-Michel Jacques, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Jacqueline Maquet, M. Olivier Marleix, Mme Pascale Martin, Mme Lysiane Métayer, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. Fabien Roussel, M. Lionel Royer-Perreaut, M. Mikaele Seo, M. Michaël Taverne, M. Jean-Louis Thiériot