Intervention de Elsa Faucillon

Réunion du mercredi 27 mars 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElsa Faucillon :

« Période stable », « équilibre subtil entre l'exécutif et le Parlement », j'ai l'impression que nous ne vivons pas tout à fait dans le même régime démocratique.

La Ve République a largement atteint l'âge de partir à la retraite ; elle a même dépassé celui que vous avez relevé à coup de 49.3. La présente proposition ne vise pas le basculement vers un nouvel âge démocratique, mais elle ferait tout de même beaucoup de bien à notre démocratie. En principe, le Gouvernement est responsable devant l'Assemblée, qui peut le révoquer à tout moment ; en pratique, la responsabilité du Gouvernement est particulièrement difficile à mettre en cause. L'article 49 définit pour ce faire trois procédures, qui peuvent aboutir, conformément à l'article 50, à la démission du Gouvernement, remise par le Premier ministre au Président de la République. Or, selon le non-usage ou l'usage qui est fait de ces mécanismes de responsabilité politique du Gouvernement, le 49.1 et le 49.3 participent non seulement à la dévaluation institutionnelle du Parlement, mais aussi à celle de la démocratie. La réforme des retraites a bien montré un piétinement de la volonté du peuple et la démocratie sociale.

L'article 49, alinéa 1 pose la façon la plus simple et la plus claire pour le Gouvernement d'engager sa responsabilité : « Le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage devant l'Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale. » Ces lignes sont très éloignées de ce que nous vivons ces derniers temps.

L'engagement de la responsabilité n'est pas obligatoire lors de l'entrée en fonction d'un Gouvernement et certains n'y ont jamais eu recours. Cet article est surtout utilisé pour rassembler la majorité parlementaire. Comme le soulignent les auteurs de la proposition de loi, cela a, en quelque sorte, retiré la puissance politique à l'Assemblée nationale d'accorder sa confiance au Gouvernement. De fait, ni Élisabeth Borne, ni Gabriel Attal n'ont engagé la responsabilité de leurs gouvernements devant la représentation nationale.

Afin de remédier à cette contradiction de l'esprit de l'article 49, alinéa 1, de la Constitution, l'article 1er de cette proposition vise à rendre explicitement obligatoire l'engagement de la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement – je ne vois pas ce qui vous effraie là-dedans.

En application de l'article 49, alinéa 3, le Premier ministre peut engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un texte. Cet article est un moyen efficace pour le Gouvernement de faire voter rapidement des textes auxquels il est attaché, en accélérant la procédure législative et en clôturant les débats. On a vu, lors de la réforme des retraites, qu'un Président de la République, à lui seul, peut imposer une loi contre l'avis d'une grande majorité du peuple, contre des syndicats particulièrement unis et contre une majorité parlementaire. Depuis le 16 mars 2023, date historique de bascule où les citoyens et les corps intermédiaires ont été dépossédés de leur forme de pouvoir et à ce point piétinés et écrasés, on ne peut plus considérer que nous vivons pleinement en démocratie. Voilà qui nous invite à voter la proposition de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion