Intervention de Nicole Le Peih

Réunion du mardi 4 octobre 2022 à 17h20
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Le Peih, rapporteure pour avis :

Monsieur le président, chers collègues, je me réjouis de vous présenter le résultat de mes travaux relatifs aux articles 6 et 7 du projet de loi de finances pour 2023.

L'article 6 proroge le volet fiscal du bouclier tarifaire sur l'électricité ; l'article 7, quant à lui, contient des mesures d'adaptation de notre système fiscal aux exigences de la transition énergétique. Il me semble important, en amont des débats qui auront lieu en commission des finances, puis dans l'hémicycle, que nous échangions sur ces sujets qui ont une importance cruciale dans le contexte actuel. En effet, nos concitoyens s'inquiètent à la fois de l'inflation, qui se traduit par une hausse de leurs factures d'énergie, et du réchauffement climatique, dont nous avons encore observé les effets cet été. Sur ces questions, tout l'enjeu est de maintenir un équilibre entre le court et le long terme.

Dans les délais contraints qui étaient les miens, j'ai procédé à deux auditions : j'ai entendu le directeur de la direction de la législation fiscale (DLF) et celui de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC). Ces échanges ont été d'autant plus utiles que nous n'avons reçu que très tardivement l'évaluation de l'impact des mesures contenues dans la première partie du projet de loi de finances – ce qui est regrettable.

L'article 6, relativement court, prévoit une baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) – désormais appelée « fraction sur l'électricité ». Le montant des recettes de cette taxe s'élevait à 7,35 milliards d'euros en 2020. Elle est recouvrée par la direction générale des finances publiques (DGFIP) depuis le 1er janvier 2022 ; elle l'était auparavant par la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Son produit revient directement au budget général de l'État.

Pour mémoire, il existait également deux taxes locales portant sur la consommation d'électricité : la taxe communale sur la consommation finale d'électricité (TCCFE) et la taxe départementale sur la consommation finale d'électricité (TDCFE). Elles offrent aux collectivités territoriales concernées une recette d'un peu plus de 2 milliards d'euros. Il a été décidé, en loi de finances pour 2021, de supprimer progressivement ces deux taxes, dans le but de rationaliser la fiscalité sur les énergies et de réduire les coûts de gestion. Désormais, ces deux taxes prennent donc la forme d'une majoration de la TICFE, dont les recettes sont ensuite transférées aux collectivités concernées.

Les redevables de la fraction sur l'électricité sont les fournisseurs d'électricité, c'est-à-dire les personnes qui produisent ou achètent de l'électricité en vue de la revendre à un consommateur final, et les personnes qui produisent de l'électricité et l'utilisent pour leurs propres besoins.

L'article 6 maintient l'accise sur l'électricité aux niveaux minimaux permis par le droit européen, soit 1 euro – au lieu de 25,68 euros – par mégawattheure pour les ménages et assimilés, et 50 centimes pour les autres consommations, c'est-à-dire celles qui concernent le secteur des transports, les activités et procédés industriels, et les entreprises industrielles électro-intensives. Ce dispositif serait applicable aux quantités d'électricité fournies entre le 1er février 2023 et le 31 janvier 2024.

La prorogation du bouclier tarifaire sur l'électricité est une bonne chose, compte tenu de la situation actuelle du marché de gros de l'électricité et des tensions qui se maintiennent sur les énergies au niveau mondial. Ce dispositif a permis de contenir significativement la facture d'électricité.

Le blocage des prix de l'électricité par le Gouvernement a également permis de contenir significativement la hausse des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE). Sans cette disposition, les hausses prévues par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) auraient été de 35,4 % TTC pour les tarifs bleus résidentiels et de 35,9 % TTC pour les professionnels.

Je rappelle que les acteurs qui n'ont pas bénéficié de 1'encadrement des TRVE stricto sensu ont tout de même bénéficié d'une protection face à la hausse des coûts de l'électricité. Le bouclier tarifaire comprend en effet un volet tarifaire, avec le blocage des prix, mais aussi un volet fiscal, qui intègre le supplément d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) accordé aux fournisseurs alternatifs d'électricité en 2022 par EDF, à la suite de la décision du Gouvernement de leur octroyer 20 térawattheures (TWh) supplémentaires.

Pour les collectivités ne bénéficiant pas des TRVE et les entreprises non électro-intensives, la hausse moyenne des prix a été limitée à 20 %, alors qu'elle aurait dû être de l'ordre de 35 à 50 % sans ces mesures gouvernementales. Les entreprises électro-intensives ont également vu leurs factures contenues.

En somme, le bouclier tarifaire sur l'électricité a atteint son objectif et la prorogation de son volet fiscal apparaît indispensable. Certes, il a un coût pour les finances publiques, de l'ordre de 8 milliards d'euros en 2022, mais il a un impact positif pour l'ensemble des acteurs économiques. Le bouclier sur le gaz et l'électricité a permis de réduire de 2 points l'inflation en France.

Dans la mesure où les modifications proposées ne porteront pas atteinte aux ressources des collectivités territoriales, je suis favorable à l'adoption de cet article dans sa rédaction actuelle. Je rappelle que ce bouclier permettra de limiter la hausse de la facture d'électricité des ménages à 20 euros en 2023, au lieu de 180 euros.

J'en viens à l'article 7, qui procède à diverses adaptations de notre système fiscal aux exigences de la transition énergétique.

Cet article patchwork renforce six dispositifs fiscaux favorables à la lutte contre le réchauffement climatique : le régime d'étalement de l'imposition des subventions publiques ; l'application d'un taux réduit de TVA pour les travaux de rénovation énergétique et d'installation de bornes de recharge pour les véhicules électriques ; le régime d'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les logements sociaux ; la taxe d'aménagement (TA) ; l'augmentation des tarifs réduits d'accise sur le charbon ; la réduction d'impôt consécutive à l'attribution d'un prêt à taux zéro (PTZ) « mobilités ».

L'article 7 procède, premièrement, à l'extension aux certificats d'économies d'énergie du régime d'étalement de l'imposition des aides et subventions publiques. Il s'agit d'une mesure technique qui vise à faciliter, pour les entreprises, l'amortissement des investissements consentis en leur permettant de reporter le bénéfice de l'aide ou de la subvention accordée sur plusieurs exercices fiscaux. Son extension aux certificats d'économies d'énergie avait été envisagée à plusieurs reprises au cours de la précédente législature, notamment lors de l'examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets. Le Gouvernement avait écarté cette option, par souci de maintenir la cohérence du système et compte tenu de la nature très large du financement des économies d'énergie, qui excède la seule notion de « biens d'équipement ». C'est une mesure de bon sens, qui incitera les entreprises à s'investir pleinement dans une logique d'économies d'énergie.

L'article 7, deuxièmement, étend le champ d'application du taux réduit de TVA à 5,5 % aux travaux de rénovation énergétique des logements ainsi qu'aux travaux de pose, d'installation et d'entretien des infrastructures de recharge des véhicules électriques. Le cadre législatif actuel correspond à celui du crédit d'impôt en faveur de la transition écologique (CITE), qui a été supprimé en 2021, à la suite de la création du dispositif MaPrimeRénov'. Cette rationalisation s'effectuera d'ici le 1er janvier 2024, par un arrêté conjoint des ministres chargés du budget, du logement et de l'énergie.

Cette actualisation est une bonne chose : les opérateurs demandaient une clarification de la loi et de la réglementation. Elle va favoriser la pose, l'installation et l'entretien des infrastructures de recharge pour véhicules électriques. Ce dispositif fiscal connaît un succès encore trop limité, avec seulement 1 200 demandes en 2021. Le soutien financier apporté grâce au taux réduit de TVA est pourtant significatif puisqu'il correspond à une économie d'environ 150 à 200 euros pour l'achat d'une borne de recharge, dont le coût varie entre 1 000 et 1 500 euros TTC.

Troisièmement, l'article 7 actualise les critères de performance énergétique et de qualité environnementale exigés pour le bénéfice de l'allongement de 15 à 20 ans de la durée d'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) au profit des constructions de logements sociaux, en cohérence avec la réglementation en vigueur à compter du 1er janvier 2022 (« RE2020 »). Il proroge également, jusqu'au 31 décembre 2026, l'allongement d'une durée de dix ans de l'exonération de la TFPB au profit des constructions et acquisitions de logements sociaux ayant bénéficié d'une subvention ou d'un prêt aidé. Pour ces logements, l'exonération de TFPB sera ainsi de 25 ans et portée à 30 ans pour les constructions dépassant les exigences de la réglementation environnementale 2020. Les évolutions proposées me semblent aller dans le bon sens, puisqu'elles adaptent notre cadre juridique aux nécessités de la RE2020, tout en réaffirmant la stratégie du Gouvernement en matière de transition écologique.

Quatrièmement, l'article 7 propose de verdir la taxe d'aménagement (TA). Cet impôt local a été institué par la loi de finances pour 2010, dans le cadre d'une réforme globale de la fiscalité locale relative aux opérations d'urbanisme. La taxe d'aménagement a remplacé plusieurs taxes locales et s'applique, depuis 2012, lors de la délivrance de permis de construire ou d'aménager et de déclaration préalable de travaux. Elle est composée d'une part communale, d'une part départementale et d'une part régionale. Les collectivités disposent d'un pouvoir de taux sur leurs parts respectives, dans les limites fixées par la loi.

Les modalités de définition et de gestion de cette taxe ont fait l'objet d'une réforme importante, consécutivement à l'adoption de la loi de finances pour 2021. L'article 7 procède à plusieurs modifications relatives au régime de la taxe d'aménagement, dans le but de renforcer la lutte contre l'artificialisation des sols et l'étalement urbain. Ces dispositions s'inscrivent dans la droite ligne du rapport sénatorial intitulé Les outils financiers pour soutenir l'atteinte de l'objectif de zéro artificialisation nette, qui soulignait l'utilité de cette taxe pour lutter contre l'artificialisation des sols.

D'une part, la possibilité est ouverte aux collectivités locales d'exonérer de taxe d'aménagement les constructions réalisées sur des sites qui ont fait l'objet d'une opération de dépollution, ou d'une renaturation, dans des conditions permettant la réaffectation des sols à un usage conforme aux règles d'urbanisme applicables sur ces terrains. D'autre part, les valeurs forfaitaires applicables aux aires de stationnement et servant au calcul de l'assiette de la taxe, qui n'ont pas évolué depuis 2011, font l'objet d'un rattrapage et, pour l'avenir, d'une indexation annuelle sur le coût de la construction. L'article procède enfin à une réévaluation du plafond de cette taxe dans la limite duquel les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les communes peuvent, par délibération, augmenter les valeurs forfaitaires des aires de stationnement.

Ces modifications me semblent favorables à la fois à la transition écologique et aux finances des collectivités locales. En outre, les évolutions proposées renforceront l'incitation à réhabiliter les friches industrielles, tout en laissant une marge de manœuvre aux collectivités, qui sont décisionnaires.

L'article 7 prévoit, cinquièmement, une augmentation des tarifs réduits concernant certaines installations intensives soumises au système d'échange de quotas d'émission (SEQE) de l'Union européenne. Cette augmentation concerne le charbon. Le projet de loi prévoit ainsi une hausse de ce tarif réduit de 3,20 euros du MWh sur deux ans à partir de 2024. Il s'agit d'encourager à la fois l'électrification des usages et la sobriété énergétique. Il me semble qu'un bon équilibre a été trouvé entre les nécessités de la transition écologique et la réalité de la situation énergétique actuelle.

L'article ajuste, enfin, la réduction d'impôt dont bénéficient les sociétés de financement et les établissements de crédit en contrepartie de l'octroi d'un prêt à taux zéro pour l'achat d'un véhicule léger à faibles émissions (PTZ « mobilités »). L'article actualise et précise les modalités de son octroi en modifiant l'article 107 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

La nouvelle rédaction de l'article 107 de la loi précitée précise ainsi : les modalités du bénéfice de cette réduction d'impôt pour les sociétés de personnes qui ne sont pas soumises à l'impôt sur les sociétés ; les modalités du bénéfice de ladite réduction d'impôt lorsque, pendant la durée du prêt, et tant que celui-ci n'est pas remboursé, les conditions initiales de sa délivrance ne sont plus respectées par la partie bénéficiaire ; les modalités du reversement de cette réduction d'impôt en cas de cession ou de fin de contrat de la location du véhicule concerné avant la date de remboursement total du prêt, ou en cas de remboursement anticipé du prêt ; les modalités de délivrance desdits prêts (convention entre l'État et les sociétés de financement et les établissements de crédit concernés) et de contrôle des réductions d'impôt par l'État.

Ces ajustements me paraissant de nature à renforcer la dynamique des PTZ « mobilités » et le coût de cette dépense fiscale me semble maîtrisé. D'après les éléments qui m'ont été transmis, elle serait de l'ordre de 42 millions d'euros pour 2023, pour une prévision de PTZ accordés estimée à 90 000 dossiers, contre 72 000 en 2022.

En conclusion, je suis favorable à l'adoption des articles 6 et 7 du projet de loi de finances pour 2023, dans leur rédaction actuelle.

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