Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du mercredi 5 octobre 2022 à 11h00
Commission des affaires sociales

Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes :

C'est avec grand plaisir que je retrouve votre commission, pour la première fois sous cette nouvelle législature, pour cet exercice annuel important. Le changement de calendrier que vous avez rappelé ne simplifie pas la tâche de la sixième chambre, qui a terminé un RALFSS tout en commençant déjà à préparer le suivant. Mais cela ne durera qu'un an, c'est une phase de transition un peu chargée.

C'est aussi un début un peu chargé pour sa nouvelle présidente, Véronique Hamayon, qui est à mes côtés ce matin – comme vous le savez, elle connaît très bien l'Assemblée nationale. Elle est accompagnée du conseiller maître Stéphane Seiller, rapporteur général de ce rapport, et de Thibault Perrin, rapporteur général adjoint. Je voudrais mentionner devant vous le rôle majeur joué par Denis Morin, ancien président de la sixième chambre, dans la conception et les arbitrages de ce rapport si important pour nous. Je salue chaleureusement ceux qui m'entourent pour leur implication, ainsi que la vingtaine d'autres rapporteurs qui ont contribué à ce travail lourd, volumineux, approfondi et, je le crois, utile pour la représentation nationale.

Le rapport que je vais vous présenter est établi, comme chaque année, dans le cadre de la mission constitutionnelle d'assistance de la Cour au Parlement et au Gouvernement. Il accompagne le PLFSS 2023.

Comme j'ai l'habitude de le faire, j'ai présenté hier à la presse ce rapport également très attendu par nos concitoyens. J'irai le présenter tout à l'heure devant la commission des affaires sociales du Sénat. Éclairer les parlementaires avant le vote d'un texte financier majeur pour notre pays est une des vocations de la Cour. Cela participe aussi à l'information des citoyens. J'y tiens énormément, non seulement parce que je conserve dans mon cerveau reptilien une sensibilité d'ancien parlementaire, mais aussi parce que c'est ainsi que je conçois mon rôle et mon devoir de premier président de la Cour.

Ce rapport intervient dans un contexte nouveau, que vous connaissez aussi bien que moi. Les tensions économiques – notamment inflationnistes – résultant de la guerre en Ukraine sont pour nous un sujet de préoccupation majeur. Leurs conséquences sur la croissance sont encore difficiles à prévoir, mais nous savons déjà qu'elles seront importantes. La nécessité d'adapter notre société tout entière aux conséquences du dérèglement climatique est au centre du débat public. La lutte contre la pandémie de covid-19, qui a continué à peser sur les dépenses de l'assurance maladie en 2021 et 2022, laisse une empreinte durable sur la dette et les déficits publics.

Les transferts sociaux jouent dans notre pays un rôle essentiel – vous le savez mieux que quiconque. Ils viennent de le prouver en amortissant efficacement les conséquences de la crise sanitaire. La protection sociale est un pilier de la République. Pour être efficace demain comme elle l'a été hier, elle doit être solide, et ne peut s'installer durablement dans l'accumulation non maîtrisée de déficits. Une branche maladie ou une branche retraite déséquilibrée implique que des dépenses de soins ou des pensions actuelles seront financées par nos enfants et nos petits-enfants. Ces derniers auront à assumer, demain et après-demain, les nouvelles dettes que nous contractons aujourd'hui. C'est une lourde responsabilité, une traite sur le futur, que nous ne devons pas prendre de façon inconséquente.

Le rapport qui vous est présenté démontre clairement qu'il n'est pas possible de différer plus longtemps l'engagement des réformes dont la sécurité sociale a besoin. C'est un travail de longue haleine, qui devra être conduit avec courage et constance dans les années qui viennent, en suivant une trajectoire de redressement explicite et solide. J'évoquerai dans quelques instants les éléments de prévision figurant en annexe au PLFSS 2023.

La Cour est tout à fait consciente des difficultés que présente le redressement des comptes de la sécurité sociale. Ses travaux ont pour but de vous aider à identifier des marges d'efficience, en particulier dans les domaines de l'assurance maladie ou de la retraite. Le rapport qu'elle consacre à l'application des lois de financement de la sécurité sociale présente un ensemble d'évolutions nécessaires à nos yeux. Je note avec intérêt que le PLFSS comporte cette année de nombreuses propositions issues de nos avis.

Conformément à sa démarche d'évaluation, la Cour dresse dans ce rapport le bilan de l'application de quelques réformes récentes. Nous avons identifié des insuffisances, mais aussi des réformes réussies dont peuvent être tirés des enseignements pour l'avenir.

La Cour souligne aussi la nécessité d'améliorer la qualité de l'action publique et des services rendus aux assurés sociaux, tout en contribuant à l'effort de maîtrise des dépenses. Quelques exemples issus de précédents rapports illustrent l'intérêt d'engager des chantiers ciblés de réformes, dans un souci de cohérence d'ensemble.

Je souhaite tout d'abord rappeler la situation financière actuelle de la sécurité sociale, ainsi que ses perspectives dans les prochaines années, au vu des dernières données disponibles communiquées par la commission des comptes de la sécurité sociale et de la trajectoire financière quadriennale présentée par le Gouvernement en annexe au PLFSS 2023.

Le déficit de la sécurité sociale s'établissait, en 2021, à 24,3 milliards d'euros, ce qui est très élevé. De surcroît, estimant que 5 milliards d'euros de recettes liées à des prélèvements sociaux ont été indûment rattachés à l'exercice 2021, la Cour a opposé un net refus – qui n'a pas été suffisamment pris en compte – à l'approbation des comptes de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) et des Urssaf pour l'année 2021. Si ces recettes avaient été rattachées à l'exercice 2020, comme cela aurait dû être le cas et comme la Cour le demandait, le déficit aurait même été, en 2021, de 29,3 milliards d'euros.

Je note par ailleurs la persistance, en 2022, d'un déficit structurel – hors dépenses liées à la crise sanitaire – équivalent à celui de 2021, aux alentours de 6 milliards d'euros. Ce déficit est préoccupant.

À nouveau, la Cour souligne la nécessité d'un programme pluriannuel de réformes dans les domaines de l'assurance maladie et des retraites, qui permette à la sécurité sociale de revenir à un équilibre financier pérenne.

Or, une telle orientation, aussi souhaitable soit-elle, n'apparaît pas de façon suffisamment nette dans le PLFSS 2023. Il est vrai que le PLFSS prévoit une réduction du déficit de la sécurité sociale, de 18 milliards d'euros en 2022 à moins de 7 milliards d'euros en 2023. Grande nouvelle ! Mais cette réduction du déficit repose sur une hypothèse optimiste, celle de la division par dix des dépenses exceptionnelles d'assurance maladie dues à la crise sanitaire.

Dans son avis sur le PLFSS 2023, le Haut Conseil des finances publiques – que je préside également et dont j'ai présenté les travaux la semaine dernière devant la commission des finances – a considéré que cette estimation, supposant la division par vingt des dépenses de tests par rapport à 2021, risquait de se révéler très insuffisante. Nous souhaitons tous que soit réalisée une telle évolution, qui signifierait de facto la résolution de la crise du covid. Cependant, la mise en place d'une provision dépend non pas d'espoirs, mais de l'évaluation de risques. En l'espèce, les espoirs sont formulés au détriment d'une prise en compte suffisante des risques.

La croissance des dépenses d'assurance maladie hors crise sanitaire serait, dans le PLFSS, inférieure à la hausse des prix, ce qui suppose des effets d'ajustement importants des professionnels et des établissements de santé. C'est un objectif volontariste ; les exercices passés ont montré qu'il était très difficile à atteindre. Les dépenses structurelles pourraient donc, le cas échéant, être sous-estimées. Le déficit pourrait également s'inscrire à un niveau plus élevé que celui prévu, indépendamment même des incertitudes qui entourent l'environnement macroéconomique.

À cet égard, le Haut Conseil a estimé optimistes les prévisions de croissance sur lesquelles étaient fondés les documents financiers qui vous sont soumis cette année. La prévision de croissance pour 2023 est à quelque 1 %, la prévision de croissance mondiale à 3,1 %, très loin des projections des instituts de prévision, qui estiment la croissance mondiale à moins de 2 %, et la croissance française à 0,6 %, plutôt orientée vers la baisse que vers la hausse.

De plus, le montant de 123 milliards d'euros de déficits sociaux que la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) a été autorisée à reprendre sera atteint en 2033. Pour continuer d'absorber des déficits sociaux, à structure de recettes inchangée, il faudra donc prolonger sa durée de vie au-delà du terme prévu de 2033. Nous ne devons pas nous voiler la face : il existe un risque réel de croissance continue de l'endettement social, au détriment des générations futures. Ce déficit sera de 160 milliards fin 2022.

Pour 2024 et 2025, les annexes au PLFSS prévoient un déficit de la sécurité sociale qui repartirait à la hausse, avant de se tasser quelque peu par la suite. En 2026, il s'élèverait à près de 12 milliards d'euros. Malgré des transferts en sa faveur au détriment de la branche famille, la branche maladie serait en déficit de près de 3 milliards d'euros. Encore faut-il souligner que ce niveau de déficit supposerait une stabilisation en termes réels des dépenses de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam). Les efforts d'économies correspondants restent à définir et à mettre en œuvre. Le déficit de la branche vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) atteindrait quant à lui près de 14 milliards d'euros, contre moins de 2 milliards d'euros en 2021, en raison de la dégradation de la situation financière des régimes de retraite de base des salariés du secteur privé et des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.

La dégradation du déficit prévisionnel de la sécurité sociale est d'autant plus préoccupante qu'elle repose – je le répète – sur des prévisions de croissance économique considérées comme vraiment optimistes par le Haut Conseil des finances publiques, dans son avis sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, que la commission des finances n'a pas adopté, ce que je regrette – je le dis en tant que premier président de la Cour des comptes ; je n'ai pas à me prononcer sur le débat politique –, car ce n'est pas une formalité juridique : c'est un point d'appui nécessaire pour les opinions que peut délivrer la Commission européenne, comme pour les avis que doit rendre le Haut Conseil.

En l'absence d'objectifs de moyen terme étayés et consignés dans un texte, l'ensemble devient un peu acrobatique. J'ai parlé devant la commission des finances de « trapèze sans filet » ; j'ai effectivement le sentiment que nous n'avons plus de filet. La situation est assez problématique. Néanmoins, le texte a été soumis à l'examen de la commission des finances, il fera l'objet d'un vote dans l'hémicycle et, quoi qu'il en soit, il existe et constitue une référence, malgré des prévisions trop optimistes selon la Cour.

Cela me conduit à dire que la trajectoire prévue de retour à l'équilibre puis de désendettement nous semble peu crédible. Il est prioritaire de la revoir et de documenter précisément les mesures de redressement nécessaires.

Le rapport souligne aussi combien la multiplicité et les fréquentes modifications des sources de financement et des flux financiers affectent la compréhension des soldes des branches et du FSV. La Cour propose que les sources de financement des différentes branches soient clarifiées, simplifiées et stabilisées. Ce n'est pas un sujet théorique : les modalités pratiques du redressement de la sécurité sociale dans la durée en dépendent. Si les exigences de clarté, de rigueur et de stabilité ne sont pas prises en compte, le respect des trajectoires prévues pour les différentes branches ne pourra être garanti.

Enfin, de 2010 à 2021, les dépenses de soins de ville ont augmenté trois fois plus vite que l'inflation – c'est un chiffre spectaculaire. La Cour considère que les professionnels libéraux de santé doivent contribuer davantage aux priorités nationales de santé, tout en respectant les objectifs de dépenses liés à la trajectoire pluriannuelle du risque maladie. Cette orientation devrait être au centre des prochaines négociations entre l'assurance maladie et les syndicats des professions libérales de santé.

Voilà pour le diagnostic financier. Mon deuxième point sera consacré à l'examen de trois réformes récentes sur lesquelles la Cour s'est penchée pour évaluer si leurs objectifs avaient été atteints.

La première réforme est celle de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje). Nous nous sommes intéressés aux deux principaux dispositifs versés sous conditions de ressources : la prestation partagée d'éducation de l'enfant (Prepare), créée en 2014, qui indemnise les périodes de cessation d'activité durant les trois premières années de la vie de l'enfant, et le complément de libre choix du mode de garde (CMG), créé dix ans plus tôt, qui aide les familles à financer la garde par des tiers des enfants de moins de 6 ans. Tous deux ont été réaménagés au milieu de la dernière décennie.

Ces aides sous conditions de ressources n'ont pas atteint leurs objectifs. La Prepare gagnerait à être recentrée sur les arrêts d'activité des parents durant la seule première année de l'enfant et accompagnée d'une indemnisation plus élevée. Les barèmes du CMG sont quant à eux défavorables aux familles les moins aisées, qui ne sont pas réellement libres du choix du mode de garde de leurs enfants. Les barèmes devraient donc être réaménagés pour permettre aux familles les plus modestes de recourir davantage à l'ensemble des modes de garde possibles.

Le PLFSS prévoit une mesure qui modifie le CMG selon nos recommandations – ce dont je me réjouis –, sans toutefois toucher à la Prepare. Il serait opportun de faire évoluer les deux dispositifs de manière cohérente et concomitante, pour en garantir l'efficacité simultanée, tout en évitant un coût supplémentaire pour la branche famille. Autrement dit, c'est un pas dans la bonne direction, mais il ne faut pas oublier que nous marchons sur deux pieds.

La deuxième réforme examinée est celle de l'automatisation du calcul des aides personnalisées au logement. Calculer automatiquement les prestations à partir des données les plus récentes – dites contemporaines – relatives aux revenus perçus par les bénéficiaires est une bonne idée, mais l'expérience a montré les effets délétères des erreurs informatiques lorsqu'elles touchent les revenus des plus précaires. Nous invitons l'administration à anticiper ces risques techniques dans le cadre des expérimentations prévues du principe de « solidarité à la source » souhaité par le Président de la République. La priorité, pour le versement des prestations financées par la solidarité nationale, reste le paiement exact, à qui de droit, en temps et en heure. En outre, l'automatisation du versement oblige à conduire le chantier de simplification des bases de calcul des prestations sociales.

Le dernier exemple porte sur le transfert au régime général de la gestion de la sécurité sociale des travailleurs indépendants, du fait de la suppression du Régime social des indépendants (RSI). Dans l'ensemble, l'opération est une réussite. L'administration doit maintenant pousser les réformes au-delà des sujets d'organisation de la gestion, pour traiter les problèmes de fond qui subsistent en matière de protection sociale de ces catégories professionnelles importantes pour l'économie de notre pays. Il s'agit notamment de l'équité du prélèvement social à la charge des travailleurs indépendants par rapport à celui des salariés, de l'équité de ce prélèvement entre les différentes catégories d'indépendants et de la complétude de leur protection sociale.

Le troisième et dernier point concerne ce qui constitue une préoccupation constante de l'institution que je préside : l'amélioration de la qualité et de la maîtrise de la dépense dans le champ de la protection sociale. Cela nécessite une approche méthodique, ferme, engagée, domaine par domaine, secteur par secteur, si l'on veut que chaque euro d'impôt ou de cotisation soit utilement dépensé dans l'intérêt de nos concitoyens. Je n'ai jamais été un ayatollah de l'austérité, je ne traque pas chaque euro de dépense, mais je considère que la qualité de la dépense publique doit nous préoccuper au même titre que sa quantité. L'objectif doit être au cœur des réformes qui sont menées.

Quatre domaines font apparaître de très nettes marges d'amélioration. Les deux premiers concernent le champ de la santé et de l'assurance maladie, qui doit constituer un terrain de réforme prioritaire.

Nous savons tous combien la réforme de l'hôpital public appelle d'efforts particuliers. Les personnels attendent des mesures, notamment d'organisation, de gestion et de répartition plus juste des moyens. De meilleures conditions de travail sont nécessaires pour que leur engagement, dont nous avons mesuré à quel point il était exceptionnel, puisse s'exprimer librement. L'hôpital a besoin d'investissements. Certes, des sources d'économies y existent aussi, notamment grâce à la numérisation, mais ce n'est pas là que nous recommandons de porter l'effort en priorité – sinon l'effort d'investissement.

Une autre clef se trouve du côté de la médecine libérale, dont les activités interagissent avec le secteur hospitalier. Nous avons choisi pour cela de sonder deux activités distinctes, la radiologie et la radiothérapie.

Dans les deux cas, les enjeux sont similaires : une répartition territoriale insatisfaisante ; des procédures d'évaluation et de prise en charge de l'innovation limitées ; des actions insuffisantes d'amélioration de la pertinence des actes ; une connaissance sommaire des activités réalisées et de leur coût, et une inadéquation de la tarification des activités, dont l'impact sur la rémunération des professionnels constitue une perte d'attractivité préoccupante pour l'hôpital. Des réponses doivent être apportées rapidement à ces difficultés.

Un autre exemple concerne un aspect majeur pour la qualité de la prise en charge et de l'accompagnement de nos concitoyens âgés ou en situation de handicap, à savoir les conditions de travail des personnels du secteur médico-social. Nous les avons analysées à travers le prisme des accidents du travail et des maladies professionnelles, ce qui constituait une démarche inédite.

La fréquence des accidents ou des maladies auxquels sont exposés les salariés de certaines catégories d'établissements, notamment ceux des Ehpad, est trois fois supérieure à celle constatée dans l'ensemble des secteurs de l'économie. Nous avons montré que l'amélioration progressive du taux d'encadrement – c'est-à-dire du nombre des salariés disponibles pour prendre en charge et accompagner les personnes – permettrait non seulement d'améliorer la qualité des services rendus à ces personnes, mais aussi de réduire fortement le nombre des accidents du travail et des maladies professionnelles. En d'autres termes, nous avons détecté une sorte de cercle vicieux de l'économie aveugle, qui enclenche des dépenses supplémentaires.

Il faut dépenser plus pour les Ehpad ; la Cour l'a dit dans un rapport demandé par la commission des affaires sociales du Sénat. L'année dernière, nous avons chiffré les dépenses supplémentaires entre 1,3 et 1,9 milliard d'euros – je l'ai dit devant les assises des Ehpad. Mais mieux vaut dépenser au bon endroit pour renforcer le taux d'encadrement, limiter les absences, et minimiser le coût considérable des accidents du travail et des maladies professionnelles.

La Cour des comptes est au service du Parlement, en particulier de votre commission, pour renforcer la transparence et la régulation financière des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. La force de la Cour réside dans l'indépendance de ses travaux. Lors de la présentation de l'enquête de la Cour sur la médicalisation des Ehpad réalisée à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat, j'ai pris publiquement position pour regretter les limites actuelles de la compétence des juridictions financières en la matière. L'amélioration du contrôle passe aussi par l'extension des compétences des autorités constitutionnelles de contrôle.

L'utilisation des recettes d'hébergement échappe au contrôle de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC). Je forme devant vous le vœu que le législateur fasse évoluer le champ de compétences de la Cour et des CRTC dès le PLFSS 2023 – comme cela était initialement prévu, dans des conditions qui pouvaient être améliorées ; je ne serais pas malheureux que vous décidiez de réintroduire ces dispositions, car il y va de l'information du citoyen, de notre possibilité de contrôler, au sein de l'établissement et du groupe, de manière inopinée parfois, les produits d'hébergement et les postes de charge qu'ils financent, notamment l'immobilier et les achats. Mes équipes et moi-même sommes à votre disposition pour discuter d'un projet d'amendement, si vous y consentez. Je pense que c'est hautement souhaité. Les scandales que nous avons connus démontrent que ce secteur a besoin d'être mieux contrôlé. La Cour, par sa connaissance du secteur social, me semble la mieux placée pour le faire, au service du Parlement et du citoyen.

Le dernier exemple d'amélioration de la qualité et de l'efficience concerne un aspect mal connu de notre système de retraite. Je vous le dis d'emblée – comme à la presse hier : ce rapport ne contient pas de grands développements concernant la retraite, en dépit de l'actualité du sujet. Mais nous avons traité un thème particulier : celui des droits familiaux attribués aux parents au titre de leurs enfants. Ces droits représentent près de 20 milliards de dépenses annuelles. Ils ont été institués il y a cinquante ans ou plus, à une époque où les familles étaient plus nombreuses qu'aujourd'hui et les mères travaillaient considérablement moins. Ces dispositifs complexes accordent des trimestres mais sans compenser suffisamment les pertes de salaires subies par les mères. Nous recommandons une remise à plat pour corriger cette injustice, sans dépenses nouvelles bien entendu.

Je voudrais, en conclusion, revenir sur le message principal du rapport.

Il est impératif à nos yeux de mettre fin à l'accroissement continu de la dette sociale, en remettant rapidement la sécurité sociale sur un chemin effectif d'équilibre financier. Pour cela, ne nous en tenons pas à des perspectives de croissance de l'activité économique aléatoires et incertaines, bien que les recettes sociales en dépendent. Il faut entreprendre rapidement les réformes nécessaires de notre protection sociale, qu'il s'agisse des retraites, mais aussi de l'organisation de notre système de santé, en rendant leurs dépenses plus efficientes. Dans ce domaine comme dans d'autres, nous préconisons de privilégier la qualité de la dépense : non pas l'austérité aveugle, mais la dépense bien calibrée.

Ces réformes sont d'abord nécessaires pour garantir la pérennité de notre système de retraite et l'accès de tous à des soins de qualité, sans réduire les niveaux de prise en charge par l'assurance maladie. C'est ce qu'attendent nos concitoyens.

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