Intervention de Sabine Thillaye

Réunion du mercredi 5 octobre 2022 à 13h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Thillaye :

Des interrogations politiques et opérationnelles demeurent toutefois. L'urgence liée à la reconstitution des stocks militaires justifie l'adoption rapide de la proposition de règlement par les colégislateurs de l'Union européenne. Or, le calendrier initial prévoyant l'adoption du texte d'ici la fin de l'année 2022 paraît très optimiste. D'une part, le Parlement européen n'a pas encore nommé de rapporteurs. D'autre part, les États-membres ont des divergences substantielles sur l'instrument d'acquisitions conjointes en dépit d'un accueil globalement favorable. Si la France, l'Espagne ou bien encore les Pays-Bas y sont très favorables, des pays tels que l'Italie et la Suède ont émis des fortes réserves.

Nous saluons l'investissement de la présidence tchèque du Conseil de l'Union pour aboutir à une orientation générale sur ces textes d'ici la fin du mois d'octobre. Plusieurs interrogations devront être levées dans les prochaines semaines, pour que l'instrument soit adopté et mis en œuvre rapidement.

La Commission européenne a précisé que ce premier instrument, doté de 500 millions d'euros, visait à répondre aux besoins de court terme des États membres. Une proposition de règlement créant un programme d'investissement dans le domaine de la défense, dite « EDIP », doit être présentée d'ici la fin de l'année 2022. Le montant et l'architecture de cet instrument de long terme n'ont pas encore été dévoilés. Son ampleur devrait toutefois être nettement plus significative, selon Thierry Breton, commissaire chargé du marché intérieur. Nous serons très attentives aux contours de cet instrument : il devra être à la fois proportionné aux investissements nécessaires pour mettre à niveau les capacités de défense des États membres, et cohérent avec les nombreuses initiatives existantes, telles que la coopération structurée permanente. Leur articulation avec l'instrument d'acquisitions conjointes semble aujourd'hui insuffisante.

Au-delà de leur montant, il convient de veiller à la pertinence des financements. Si l'instrument d'acquisitions conjointes vise les équipements qui permettent de répondre aux besoins les plus urgents et les plus critiques, la liste exacte du matériel répertorié par la commission n'a pas été dévoilée. Le renforcement de la défense aérienne et antimissiles pourrait en faire partie. La task force dédié, lancée en mai 2022 par la Commission et le haut représentant, réalise actuellement un travail indispensable de recensement des besoins et des capacités de production. Les États membres et les industriels de la défense y contribuent. La cellule de coordination de l'état-major de l'Union européenne, instaurée pour coordonner les livraisons vers l'Ukraine, doit être pleinement associée à cet exercice.

Enfin, les discussions en cours sur les critères d'éligibilité des acquisitions conjointes sont déterminantes. La contribution de l'instrument à l'autonomie stratégique européenne en dépend. Le critère consistant à financer les projets impliquant uniquement des entreprises européennes a suscité des inquiétudes. Certains États membres, dont l'Italie, souhaitent préserver leurs partenariats stratégiques hors de l'Union européenne, en particulier dans le cadre de l'OTAN. Or, l'instrument d'acquisitions conjointes ne fait pas obstacle à la passation des marchés hors de l'Union européenne. Il se limite à conditionner les financements européens à des coopérations européennes. De même, l'absence générale de restrictions imposées par des pays tiers de type ITAR fait l'objet de critiques. Cette disposition réduit de facto le champ des contractants éligibles, au détriment de la concurrence sur le marché de la défense. La position de la France au Conseil de l'Union européenne est d'assurer la liberté d'usage et de transferts des équipements acquis.

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