Intervention de Jean-Louis Bricout

Séance en hémicycle du lundi 18 juillet 2022 à 16h00
Mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bricout :

Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner, en première lecture, le projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. Je ne reviendrai pas sur l'organisation de notre débat, sur le délai fixé pour le dépôt des amendements et sur les procédures réglementaires qui ont ralenti l'examen du texte, pourtant tant attendu par nos concitoyens : chacun d'entre nous en est comptable devant les Français. Les enjeux de la période actuelle – une période singulière –, les difficultés qu'affrontent les familles, les collectivités, les travailleurs et les entreprises, et une grande démocratie comme la nôtre méritaient mieux. La détresse sociale grandissante que nous constatons chaque jour dans nos territoires nous oblige à agir rapidement, efficacement et surtout avec équité. Elle nous oblige à agir en tant que représentants de la nation responsables.

La crise à laquelle nous faisons face aujourd'hui est d'une tout autre nature que celles que nous avons affrontées lors du précédent mandat d'Emmanuel Macron avec le mouvement des gilets jaunes et l'épidémie de la covid-19, toutes deux amorties par la dette. Dans cette nouvelle crise, l'inflation galope et les taux d'intérêt flambent en même temps que nous faisons face à une impasse budgétaire.

Notre dette est abyssale, ce qui ne peut susciter chez nous que des regrets. Ne vous y trompez pas, monsieur le ministre : je ne regrette pas les dépenses nécessaires pour l'économie, les travailleurs et le pouvoir d'achat ; ce que je regrette, c'est votre gestion de la dette. Au cours du précédent quinquennat, vous auriez pu la contenir en recherchant de nouvelles recettes et en vous appuyant sur nos propositions, mais votre suffisance et votre obstination à régaler le monde de la finance nous ont menés à la situation budgétaire actuelle et à vos mesures au rabais. Vous le répétez d'ailleurs à l'envi : le « quoi qu'il en coûte » est terminé. Il ne pouvait en être autrement puisque vous avez mis la France au bord du gouffre en épargnant tous vos amis.

Nous serons donc nombreux à amender le projet de loi pour assurer plus de justice sociale et pour mieux flécher les mesures vers celles et ceux qui travaillent, entreprennent ou qui ont travaillé toute leur vie, vers les plus précaires et les plus durement touchés par la crise également – je pense notamment aux étudiants.

Nous ne nous faisons malheureusement aucune illusion. Votre argumentaire est maintenant bien huilé et les dépenses se feront désormais à dose homéopathique. Les fruits de la croissance s'amenuisent et les recettes exceptionnelles de l'État ne suffiront pas pour affronter la crise. La redistribution équitable des richesses n'est apparemment pas votre priorité. Vous avez tourné le dos à la promesse d'une vie digne pour tous, ce dont témoigne le texte qui nous est soumis.

Je suis de ceux qui pensent qu'il ne peut y avoir de République sans République sociale. Y renoncer, c'est échouer sur l'essentiel. La prime de partage de la valeur est l'un des symboles de ce renoncement, car elle porte en elle le germe de toutes les disparités. Ces mots de Jaurès dans son éditorial du 30 décembre 1906 de L'Humanité, intitulé « La guerre sociale », en disent long : la société actuelle « crée de la misère, parce [qu'elle] réserve à une minorité privilégiée la direction du travail et une large part du produit créé par l'effort de tous. » Ces mots sont d'une actualité criante : une nouvelle guerre sociale est devant nous.

C'est pourquoi nous continuerons de nous battre, lors de l'examen des projets de loi de finances, pour aller chercher l'argent là où il est, dans le monde de la finance, chez les géants du numérique et les profiteurs de crise. Oui, nous serons au rendez-vous de la lutte contre l'optimisation et la fraude fiscales. Oui, il faudra prélever dans l'économie virtuelle pour redistribuer plus et mieux vers ceux qui travaillent et entreprennent, vers ceux ne devraient pas avoir à choisir entre remplir le frigo et se chauffer au terme d'une dure vie de labeur.

Offrir un meilleur pouvoir d'achat immédiatement est bien entendu indispensable ; pérenniser le pouvoir d'achat demain est une absolue nécessité. C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons les amendements qui formulent des demandes de rapports pour préparer l'avenir à court terme. Innover en inventant des mesures qui concilient le pouvoir d'achat, l'urgence climatique et une économie durable et responsable, voilà l'enjeu. Nos propositions sont disponibles : à vous de les saisir !

Soulignons, pour finir, que vous passez une nouvelle fois à côté des collectivités, dont la situation est préoccupante. Elles jouent pourtant un rôle essentiel d'amortisseur social de proximité pour les ménages les plus fragilisés. Les factures énergétiques et le coût des produits alimentaires des cantines s'envolent. L'impact non anticipé de l'évolution des traitements de leurs agents contrarie également le budget des collectivités, dont les charges augmentent et les investissements diminuent du même coup, soit un coup dur pour l'économie de proximité, notamment pour l'emploi.

Ainsi, avec plusieurs autres députés non inscrits, je soutiendrai, lors de l'examen des prochains textes, les amendements du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires visant à compenser ces charges. Nous appelons également de nos vœux l'établissement d'une nouvelle forme de péréquation, toutes les collectivités n'étant pas logées à la même enseigne face à la crise. Alors que nous venons de fêter, le 14 juillet, le symbole d'une France unie dans un même idéal, nous sommes nombreux à espérer que vous retrouverez le chemin de l'équité.

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