Intervention de Jean-François Portarrieu

Réunion du mercredi 19 octobre 2022 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Portarrieu, rapporteur pour avis :

Nous examinons les crédits de la mission Économie qui sont destinés au financement et au soutien au commerce extérieur de la France. Ces crédits, qui sont orientés à la hausse, visent principalement à soutenir les entreprises françaises sur les marchés étrangers, à promouvoir l'attractivité du territoire et à faire de la régulation internationale un atout pour l'économie française.

L'examen du budget constitue pour notre commission l'occasion d'examiner les instruments, les objectifs et les modalités de la diplomatie économique. Cette année, comme vous l'avez dit, monsieur le président, j'ai choisi de consacrer la partie thématique de mon rapport à la filière aéronautique, qui constitue l'un des principaux atouts de la France à l'exportation.

Je reviendrai tout d'abord sur la situation actuelle des échanges internationaux et du commerce extérieur français avant de me pencher sur l'état et les perspectives de la filière aéronautique française, avec l'objectivité mais aussi la passion d'un député toulousain qui parle d'avions.

Le commerce international a été, ces dernières années, confronté à un triple choc : la crise liée à la pandémie mondiale du Covid-19 ; une crise, plus profonde, liée à la recomposition des chaînes d'approvisionnement mondiales et se traduisant par des tensions incontestables pour certains intrants critiques ; enfin une crise liée à la situation géopolitique et aux conséquences de la guerre en Ukraine, qui engendrent notamment une hausse importante du coût de l'énergie.

La superposition de ces crises a eu un impact très significatif sur le commerce international, entraînant une rupture majeure dans la dynamique des échanges mondiaux à partir de 2020. Malgré un rebond important en 2021, on relève aujourd'hui un tassement de la croissance des échanges, notamment suite à l'invasion russe en Ukraine, au mois de février.

S'agissant plus spécifiquement du commerce extérieur français, notre déficit s'est à nouveau dégradé d'environ 21 milliards d'euros en 2021, pour atteindre près de 85 milliards. On peut en grande partie l'imputer à l'alourdissement de notre facture énergétique : cela représenterait, selon mes auditions, entre 18 et 20 % de l'évolution. La situation actuelle s'explique également par une reprise beaucoup plus lente dans l'aéronautique, premier secteur excédentaire pour la France, qui n'a pas encore retrouvé son niveau d'avant-crise alors que l'ensemble des autres secteurs enregistrent de bons, voire de très bons résultats. Ainsi, des filières telles que la chimie, le luxe, l'agroalimentaire, la pharmacie, le textile et certains biens d'équipement ont retrouvé, voire dépassé, leur niveau d'avant la crise.

La méthode d'élaboration des chiffres du commerce extérieur est peut-être un peu trop statique. Elle tient simplement compte des échanges de biens, alors que ceux relatifs aux services ont considérablement augmenté ces dernières années – je consacre de plus amples développements à cette question dans mon rapport. Néanmoins, cela ne veut pas dire que nous ne pourrions pas faire mieux, notamment en comparaison de nos partenaires allemands et italiens.

En matière d'export, la psychologie et la confiance sont primordiales. Il a ainsi été question au cours de mes travaux, à plusieurs reprises, d'un manque d'appétence pour l'export, du côté des entreprises comme des étudiants. Il y a manifestement des insuffisances dans le domaine de la formation – c'était d'ailleurs un des volets du discours de Roubaix, en 2017, sur la stratégie du Gouvernement en matière de commerce extérieur. Il me semble que les crédits mobilisés pour soutenir le commerce extérieur devraient permettre de mieux former, de mieux accompagner les entreprises et de mieux valoriser nos atouts, sans ignorer pour autant nos faiblesses. Nous devons favoriser un environnement à même de permettre à nos jeunes et à nos entreprises de se projeter dans le monde.

Le rehaussement des crédits mobilisés au profit des opérateurs, notamment Business France, correspond en partie à cette ambition. La subvention supplémentaire de 16 millions qui est prévue a, en particulier, vocation à renforcer l'investissement dans la digitalisation. En effet, on a vu au cours de la crise sanitaire que ce sont les entreprises les plus digitalisées qui ont fait preuve de la plus forte résilience. La hausse des crédits a aussi pour objectif de permettre un déploiement plus large des programmes dits boosters, visant à accompagner plus finement et plus fortement les secteurs ou les zones géographiques stratégiques. Il s'agit aussi de mieux valoriser la marque France et de mieux accompagner nos entreprises sur les événements et les salons qui permettent de faire concrètement la différence. Les Allemands et les Italiens sont encore mieux positionnés que nous sur ce terrain mais il faut reconnaître que des progrès ont été réalisés.

J'en viens à la filière aéronautique, qui constitue notre principal atout à l'export. Le dynamisme économique de cette filière a un impact notable sur notre balance commerciale, dont elle est le premier contributeur, à hauteur de 20 milliards d'euros en 2021, devant la chimie, les parfums et la cosmétique, ainsi que l'agroalimentaire, qui représente 8 milliards.

Avant la crise sanitaire, l'excédent de la filière aéronautique était en progression presque constante depuis 2009. Il avait plus que doublé, atteignant en 2019 un record de 31,1 milliards. Aujourd'hui, les exportations aéronautiques connaissent, de loin, la dynamique de rattrapage la plus faible, en raison des difficultés persistantes du transport aérien et de l'absence de visibilité à moyen terme. En 2021, les exportations ont enregistré une hausse de 5 % par rapport à 2020 mais demeurent en baisse de 43 % par rapport à 2019.

La filière aéronautique a été très sévèrement touchée par la crise sanitaire, qui a provoqué un arrêt brutal du trafic aérien et, par extension, un recul des prises de commandes d'appareils. Cette crise historique du transport aérien mondial a lourdement touché l'industrie aéronautique française. D'une part, la chute du trafic a entraîné mécaniquement une très forte réduction des activités de maintenance sur les flottes en service, activités qui constituent une source majeure de revenus pour les motoristes et certains équipementiers. D'autre part, les compagnies aériennes, confrontées à une dégradation très rapide de leur trésorerie et à de fortes incertitudes sur le redémarrage du trafic, ont été contraintes de reporter les prises de livraisons et de suspendre, voire d'annuler leurs commandes d'appareils neufs. Au niveau national, la filière a ainsi connu une chute de plus de 30 % de son activité industrielle en 2020.

Encore marquée par les effets de la crise sanitaire et désormais exposée aux conséquences de la guerre en Ukraine, la filière s'efforce en cette période de forte reprise de l'activité mondiale de garantir la pérennité de ses chaînes logistiques, ainsi que ses approvisionnements stratégiques.

Les difficultés auxquelles le secteur doit faire face incluent des problèmes de financement mais aussi de recrutement, pour répondre aux commandes et développer l'avion décarboné, environ 15 000 postes étant à pourvoir en 2022.

La filière fait également face à des problèmes conjoncturels importants, liés au contexte géopolitique, qui entraîne des tensions inflationnistes et des difficultés assez marquées en matière d'approvisionnement. Une difficulté particulière concerne le titane, notamment utilisé pour les trains d'atterrissage. Ce métal incontournable dans la production des avions modernes provient en grande partie de Russie, qui en est le premier pays producteur mondial. Il est impératif de diversifier au plus vite nos approvisionnements en matières premières critiques et d'apporter un appui aux filières de souveraineté, afin de sécuriser notre industrie. Je souscris donc à la proposition, formulée par Philippe Varin dans le rapport qu'il a remis au Gouvernement au début de l'année 2022, de constituer un fonds d'investissement dans les métaux stratégiques.

La filière aéronautique française a fait preuve d'une très forte capacité de résilience lors de la crise sanitaire. Elle doit à présent faire face à de nouveaux défis. Je suis convaincu qu'elle dispose des capacités pour les relever, avec le soutien résolu des pouvoirs publics. Maintenir notre excellence dans ce secteur nous permettra de continuer à compter sur la scène internationale et de peser sur les normes et les standards de l'aviation, qui évoluent très vite, notamment parce que les Chinois sont très offensifs. De cette manière, nous pourrons œuvrer utilement en vue de l'amélioration des appareils et de la réduction de leur empreinte carbone.

J'émets un avis favorable aux crédits de la mission Économie destinés au financement et au soutien au commerce extérieur de la France.

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