Intervention de Valérie Bazin-Malgras

Réunion du mercredi 19 octobre 2022 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis (Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation) :

Le budget qui nous est soumis pour examen est respectueux du monde combattant, même si des améliorations pourraient être envisagées. Il préserve et consolide l'existant, tout en introduisant des mesures nouvelles. Après l'évolution de la maquette budgétaire, la mission se divise en deux programmes distincts. Le programme 169, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la nation, relevant du ministère des armées, s'adresse au monde combattant, à la jeunesse et à l'ensemble de la société française. Il offre une vision globale des politiques concourant au lien entre l'armée et la nation. Le programme 158, indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale, relève de la Première ministre. Dotés de près d'1,9 milliard d'euros en crédits de paiement (CP), les montants alloués aux deux programmes diminuent de 7,38 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Cette baisse n'est toutefois que le reflet de la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires de la dette viagère.

Lors des auditions que j'ai réalisées, le monde combattant a exprimé des inquiétudes et des revendications concernant la valeur du point d'indice de la pension militaire d'invalidité (PMI). Dans un contexte d'inflation généralisée, cette question a pris une place plus particulière encore. La revalorisation de 3,5 % du point de PMI, promise par la secrétaire d'État aux anciens combattants et à la mémoire lors de son audition par notre commission le 4 octobre, et qui devrait intervenir par décret le 1er janvier 2023 afin de tenir compte de la hausse du point d'indice de la fonction publique intervenue en juillet 2022, permettra de répondre en partie aux attentes des associations.

Par ailleurs, le PLF 2023 contient un certain nombre de mesures nouvelles, et notamment l'extension du droit à pension aux victimes d'actes de terrorisme pour les attentats commis avant le 1er janvier 1982, pour un coût prévisionnel d'1 million d'euros. Je me réjouis que soit mis fin à l'injustice d'une différence de traitement entre les victimes d'attentats ne reposant sur aucun critère objectif.

Autre mesure attendue : la pérennisation des maisons Athos, pour un montant de 2,9 millions. Pour prendre en compte cette évolution, l'office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) voit sa subvention pour charge de services publics portée à 60 millions d'euros, soit une hausse de 6,8 %. En matière de solidarité figurant à l'action 3 du programme, la subvention accordée à l'ONACVG pour financer son action sociale a été sanctuarisée à hauteur de 25 millions d'euros, conformément aux demandes des associations d'anciens combattants.

L'effort de solidarité en faveur des harkis et rapatriés se poursuit et s'intensifie avec près de 101 millions d'euros inscrits à l'action 7 de la mission. Le montant de l'allocation viagère et de l'allocation de reconnaissance, porté à 8 390 euros par an, a doublé à compter du 1er janvier 2022, signe de l'attention prêtée à la situation des harkis et des rapatriés. Ces deux dispositifs font l'objet de revalorisations mécaniques chaque année, en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation. Par ailleurs, le budget 2023 prévoit un financement important de 60 millions d'euros – en augmentation de 14 millions – au titre du droit à réparation créé par la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie, anciennement de statut civil de droit local, et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leur famille. Le budget 2023 tiendra cette promesse.

Je salue la rapidité avec laquelle la Commission Bockel s'est mise au travail. Néanmoins, entre 40 000 et 50 000 des 90 000 harkis et membres de leur famille arrivés en France ne peuvent prétendre à indemnisation, car ils ont séjourné en dehors des camps et hameaux de forestage, en milieu ouvert. Je suis donc favorable à une extension de la liste des structures donnant droit à réparation et je demeurerai attentive aux propositions que pourra formuler la commission dans son premier rapport.

Concernant le projet de budget pour la politique de mémoire, je souligne l'effort de 3,7 millions d'euros portant les crédits de l'action 9 à 20,9 millions d'euros, dont 13,6 millions consacrés à la restauration et à la mise en valeur du patrimoine mémoriel.

Le budget 2023 de la politique en faveur de la jeunesse s'établit à 24,6 millions d'euros, en hausse de 4 %. L'augmentation des crédits consacrés à l'organisation de la journée défense et citoyenneté (JDC) s'explique pour l'essentiel par la hausse attendue du nombre de jeunes et par la prise en compte de l'inflation des coûts de transport et d'alimentation. 3,3 millions d'euros sont consacrés au service militaire volontaire (SMV).

Enfin, s'agissant de la demi-part fiscale accordée au conjoint survivant, et le plus souvent aux veuves d'anciens combattants, la secrétaire d'État a fait part de son engagement, en annonçant une évaluation du nombre de personnes concernées.

J'ai souhaité consacrer la partie thématique de mon rapport au SMV, qui, encore méconnu, constitue pourtant une vraie réussite qu'il convient de valoriser davantage. Outil militaire d'inclusion sociale et territoriale expérimenté à partir de 2015, puis pérennisé dans la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, le SMV s'adresse aux jeunes adultes de la République en situation de rupture, mais en quête de structuration personnelle, professionnelle et citoyenne. Depuis sa création, plus de 7 000 jeunes ont rejoint ses rangs. En 2022, le SMV devrait accueillir et former 1 300 volontaires sous le double statut de militaires et de stagiaires de la formation professionnelle. Le SMV a conduit à un taux d'insertion professionnelle de 82 % en 2021, dont 55 % dans un emploi durable, ainsi qu'à un taux de réussite au brevet militaire de conduite de 70 %.

Toutefois, plusieurs améliorations pourraient être proposées, notamment dans le recrutement des jeunes et l'harmonisation des contributions régionales complémentaires visant à assurer une solde minimum aux volontaires. En effet, c'est parce que la rémunération est très, voire trop faible – 313 € net par mois – et très variable d'une région à l'autre qu'en 2022 l'objectif ambitieux de 1 500 jeunes a été réduit à 1 300. À cela s'ajoute la concurrence d'autres dispositifs d'insertion comme les établissements pour l'insertion dans l'emploi (Epide).

En outre, à moyens constants, il n'apparaît pas possible d'accroître le nombre de centres. Dans son format actuel, le SMV atteint ses limites de soutenabilité. Une réflexion doit être menée quant à l'ambition initiale d'étendre le dispositif à tout le territoire, d'autant que les militaires n'ont pas vocation à régler le problème de l'insertion professionnelle des jeunes défavorisés.

Enfin, une attention particulière doit être portée à la coordination des dispositifs du ministère des armées en faveur de la jeunesse, au risque d'une perte de cohérence globale. Le plan « ambition armées – jeunesse » a pour ambition d'instaurer un parcours cohérent par tranche d'âge entre les jeunes et les armées, en coordonnant les dispositifs existants en un seul et même parcours.

J'insiste encore une fois sur l'importance de l'existence d'une volonté du pouvoir politique afin de faire en sorte que ce dispositif rencontre le succès qu'il mérite en raison de sa portée et de son caractère de militarité que saluent tant le personnel militaire que les jeunes volontaires que nous avons rencontrés.

J'exprime un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants mémoire et liens avec la Nation » pour 2023.

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