Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du mercredi 2 novembre 2022 à 14h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques :

Bien entendu, mon propos sur l'absence de LPFP ne vise aucunement à interférer dans les débats de l'Assemblée ou de la commission, puisque je n'ai pas à me prononcer sur telle ou telle version du texte. Je relève simplement que cette absence emporterait de lourds inconvénients pour la France, considérant nos textes de droit interne – loi organique – ou de droit externe – traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire –, tout en complexifiant notre travail. Sans le moindre narcissisme ou égoïsme, nous sommes l'une des institutions concourant à l'élaboration des PLF, et je ne voudrais pas que la discontinuité du processus donne lieu à des analyses juridiques divergentes. Je souhaite donc que l'on puisse aboutir à un résultat pour faciliter nos travaux internes et nos contacts avec nos interlocuteurs européens, qui peuvent se montrer exigeants sur ces sujets. Même si les règles sont aujourd'hui neutralisées, le traité demeure, et nous pouvons supposer que ces règles – même partiellement modifiées - seront à nouveau opérationnelles dès 2023.

La déception sur les recettes de TVA résulte d'un effet de base négatif. D'autres effets de base pourraient jouer en sens inverse, notamment sur l'impôt sur le revenu et les droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Les incertitudes demeurent nombreuses pour 2023, et le Haut Conseil considérait élevée la prévision de croissance et de recettes inscrite au PLF 2023. J'observe d'ailleurs que le consensus est plutôt décalé vers la baisse que vers la hausse, et que l'écart entre le consensus des prévisions et la prévision de croissance du Gouvernement de 0,1 % est plus important aujourd'hui qu'il y a cinq semaines. Si nous devons nécessairement attendre la fin du match pour conclure, nous devons malgré tout proposer une photographie de la situation. L'incertitude entourant les prix de l'énergie affecte également le coût du bouclier tarifaire, qui dépend de l'écart entre les prix du gaz et les prix au détail, avec un multiplicateur lui-même fonction de la consommation et des températures. Je me garderai donc de me livrer à une prévision quelconque sur l'évolution de la situation, qui demeure entourée d'incertitudes.

Enfin, je rappellerai que ce qui se produit sur le PLFR n'a pas surpris le Haut Conseil, dans la mesure où nous pensions que le déficit 2022 pourrait être inférieur à 5 points. Nous estimons, en revanche, que le déficit 2023 pourrait être légèrement supérieur à 5 points, notamment du fait du décalage sur la croissance, même si nous sommes loin de connaître tous les paramètres. Concernant la réduction de la dette, j'ai souligné le rôle crucial du dynamisme des recettes. L'intérêt collectif du pays commande néanmoins d'aller plus loin sur ce sujet, ne serait-ce que pour retrouver des marges de manœuvre pour l'investissement. Je crois savoir que le Conseil des ministres examinait, ce matin, un projet de loi visant à accélérer la construction de centrales nucléaires, sans doute dans l'optique d'un retour à une certaine indépendance énergétique, qui nécessiterait des investissements considérables. Or, plus l'on s'endette, plus le service de la dette s'accroît, et moins nous disposons de marges pour financer ces investissements, donnant naissance à un cercle vicieux. Ma position sur la dette n'est pas celle d'un ayatollah ou d'un fondamentaliste ; elle se fonde simplement sur la nécessité de dégager des marges de manœuvre.

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