Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 2 novembre 2022 à 14h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission entend M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l'avis du Haut Conseil relatif au deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022

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Nous accueillons M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques, pour la présentation de l'avis du Haut Conseil relatif au deuxième projet de loi de finances rectificative (PLFR) 2022. C'est la sixième fois que le Haut Conseil est conduit, cette année, à émettre un avis public. Même si nous vous avons récemment auditionné au titre du projet de loi de finances (PLF) 2023, les tensions et l'instabilité de la situation géopolitique et économique mondiale sont telles que des paramètres actualisés présentent un intérêt réel pour notre commission. Je relève également que vous déplorez que le calendrier de saisine ait conduit le Haut Conseil des finances publiques à rendre son avis avant la publication, par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), des comptes nationaux du troisième trimestre.

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Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques

Je vous remercie de m'avoir invité pour vous présenter les principales conclusions de notre avis sur le deuxième PLFR 2022. C'est en effet la seconde fois, en cinq semaines, que je me présente devant vous en tant que président du Haut Conseil. Précédemment, j'avais présenté les principales conclusions de notre avis sur le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2023, ainsi que de notre avis sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Depuis lors, votre assemblée a rejeté ce dernier projet de loi. Loin de moi l'idée de remettre en cause vos pouvoirs, auxquels je suis très attaché en tant qu'ancien membre de cette assemblée et de cette commission. Je me permettrai néanmoins, au regard des missions qui nous ont été confiées par le législateur organique, de vous faire part de notre interprétation des conséquences potentielles d'une absence de loi de programmation des finances publiques (LPFP) à compter du prochain exercice.

D'abord, l'absence de LPFP priverait le Haut Conseil de certaines missions. Dans sa nouvelle rédaction issue de la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) prévoit notamment que le Haut Conseil donne son appréciation sur la cohérence des articles liminaires des PLF et PLFSS de l'année, au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel des dépenses des administrations publiques, et qu'à l'occasion du dépôt du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année, il rend un avis identifiant, le cas échéant, les écarts importants entre les résultats d'exécution de l'année écoulée et les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la LPFP. En l'absence d'une telle loi, cette partie de la loi organique ne pourrait s'appliquer. Le Haut Conseil pourrait donc difficilement exercer ces deux missions et devrait nécessairement se raccrocher à d'autres textes, comme le dépôt d'un projet de LPFP et certaines annexes du PLF, ce qui serait juridiquement peu robuste. En tout état de cause, au titre du droit interne ou du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union européenne, il pourrait en résulter d'éventuelles conséquences juridiques.

Par ailleurs, les financements européens au titre de la facilité européenne pour la relance et la résilience sont conditionnés, entre autres, à l'atteinte de certains jalons, et notamment à l'adoption d'une LPFP, comme le prévoit la décision d'approbation du Conseil de l'Union européenne de juillet 2021. Le risque qu'une partie de ces fonds ne soit pas versée – y compris au titre de 2022 – peut paraître modéré, mais il ne peut être juridiquement écarté, ce qui affecterait les recettes publiques à due concurrence.

Enfin, au regard de la situation de ses finances publiques et notamment de son taux d'endettement supérieur à 110 % du produit intérieur brut (PIB), la France a assurément besoin d'une LPFP, cadre de référence qui définit une trajectoire crédible de recettes et de dépenses, sur une période longue, fondée sur des actions documentées, sur laquelle les agents économiques – et nos partenaires européens – peuvent s'appuyer et fixer leurs anticipations.

Je n'ignore pas les commentaires que peuvent susciter les différentes versions du projet, et le Haut Conseil s'est lui-même exprimé sur différents aspects, mais ce n'est pas le débat. J'estime simplement que nous avons besoin d'une LPFP, puisqu'il s'agit d'une boussole utile pour l'ensemble des députés, quelles que soient leurs orientations. Je tenais à répéter ce message, car je sais que la procédure d'examen n'est pas terminée. Pardonnez-moi cette parenthèse, mais je ne la crois pas totalement inutile.

J'en arrive maintenant à nos deux principaux messages relatifs au PLFR. D'abord, le scénario macroéconomique du Gouvernement est plausible, même si les informations parues depuis la finalisation de notre avis peuvent conduire à estimer que sa prévision de croissance à 2,7 % pour 2022, quoique toujours atteignable, est peut-être un peu élevée. Par ailleurs, la prévision d'un solde public à - 4,9 % du PIB est d'autant plus plausible que notre précédent avis jugeait le chiffre de 5 points quelque peu élevé pour l'exercice 2022.

Pour cet exercice, le Gouvernement continue de prévoir une croissance du PIB en volume de 2,7 %, prévision jugée plausible par le Haut Conseil dans son avis sur le PLF et le PLFSS 2023. Les prévisions économiques publiées depuis la présentation du PLF et du PLFSS et les dernières enquêtes de conjoncture de l'INSEE et de la Banque de France témoignent de la résilience de l'activité et demeurent cohérentes avec une poursuite de la croissance d'ici à la fin de l'année, à un rythme cependant modéré. Dans son avis sur le PLFR rendu avant d'avoir connaissance des comptes nationaux du troisième trimestre, le Haut Conseil estime les prévisions gouvernementales plausibles.

Le Haut Conseil regrette néanmoins que le calendrier de saisine l'ait conduit, contrairement à la pratique des années précédentes, à rendre son avis la veille de la publication des comptes nationaux trimestriels, alors que ceux-ci auraient constitué un élément d'information important pour apprécier les prévisions gouvernementales. Nous avons longuement échangé sur ce point avec le directeur général de l'INSEE, par ailleurs membre du Haut Conseil. Nous avons tenu notre dernière séance jeudi soir pour être en mesure de nous présenter devant vous ce jour, et les comptes nationaux trimestriels sont parus le vendredi matin. Bien entendu, il eût été préférable que le Haut Conseil dispose de toute information utile avant de rendre son avis. Sans dévoiler nos débats, nous nous sommes demandé si nous devions différer notre avis – nous l'avons exclu pour tenir le calendrier – ou publier un avis rectificatif – qui eût été très mince et peu compréhensible. Nous avons donc conservé notre avis initial.

Les comptes nationaux du troisième trimestre publiés le 28 octobre affichent une croissance, conforme aux attentes, de 0,2 % et un acquis de 2,5 % pour 2022. En l'absence de révision – toujours possible – des trimestres déjà connus, une croissance de 0,5 % serait nécessaire au quatrième trimestre pour atteindre 2,7 % de croissance sur l'ensemble de l'année. À la lumière de ces dernières données, nous pensons que la prévision de croissance du Gouvernement demeure atteignable, mais qu'elle est désormais un tout petit peu élevée. Le Gouvernement prévoit toujours, pour 2022, une hausse de l'indice des prix à la consommation de 5,3 % en moyenne annuelle. Depuis la présentation du PLF 2023 à la mi-septembre, les tensions sur les prix de l'énergie et les difficultés d'approvisionnement ont légèrement faibli, dans un contexte de tassement de l'économie mondiale, tandis que le cours du Brent s'est stabilisé autour de 90 dollars, contre 110 dollars en moyenne sur les trois premiers trimestres. Les prix du gaz et de l'électricité ont également nettement reflué, tandis que les tensions sur les chaînes d'approvisionnement continuent de s'atténuer. Néanmoins, les difficultés de recrutement se maintiennent à un niveau historiquement élevé, et la transmission des hausses de coûts de production aux prix à la consommation se poursuit, notamment à ceux des produits alimentaires, qui continuent d'augmenter fortement.

Dans ce contexte, la prévision d'inflation du Gouvernement pour 2022 demeure crédible, puisqu'elle est proche des autres prévisions disponibles et cohérente avec l'acquis enregistré du mois d'octobre (5,3 %). Celle-ci reste toutefois dépendante de l'évolution des prix énergétiques, particulièrement volatils depuis le début de la guerre en Ukraine. Le Gouvernement maintient sa prévision d'une progression de la masse salariale des branches marchandes non agricoles de 8,6 % en 2022, qui demeure plausible au regard des données mensuelles – parues depuis la rédaction de l'avis du Haut Conseil sur le PLF et le PLFSS 2023 – de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) pour les mois de juillet et août.

En résumé, le Haut Conseil estime que la prévision de croissance pour 2022 est atteignable, mais qu'elle peut être considérée un peu élevée au vu des informations parues depuis la rédaction de son avis. Les prévisions d'inflation et de masse salariale restent crédibles.

J'en arrive aux prévisions en matière de finances publiques. Le Haut Conseil s'est attaché à apprécier le réalisme des prévisions de recettes, de dépenses et de solde public sur la base des informations à sa disposition.

Selon le Gouvernement, les recettes de prélèvements obligatoires atteindraient 1 195 milliards d'euros en 2022, en hausse de 7,9 % par rapport à 2021, soit une croissance sensiblement supérieure à celle de la valeur du PIB (5,6 %). Le ratio de prélèvements obligatoires augmenterait ainsi de 0,9 %par rapport à 2021, pour atteindre 45,2 %du PIB en 2022. Le montant des prélèvements obligatoires a été légèrement révisé à la hausse dans le deuxième PLFR, à hauteur de 800 millions d'euros supplémentaires par rapport à celui affiché dans le PLF 2023. Par rapport à la prévision inscrite dans le PLF 2023, les informations sur les encaissements et les émissions de rôle conduisent à réviser à la hausse – +1,3 milliard d'euros – les revenus des prélèvements sociaux sur le capital, principalement du fait d'une progression des plus-values mobilières 2021 plus importante qu'escomptée en septembre et des recettes d'impôt sur le revenu (IR) – +600 millions d'euros. La croissance de l'IR atteindrait 11,21 % en 2022, chiffre plausible au vu des données des neuf premiers mois et des dernières informations communiquées par l'administration fiscale.

À l'inverse, les recettes issues de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – dont la croissance excédait jusqu'ici celle estimée des emplois taxables – ont été décevantes en août et septembre. Le Gouvernement a réduit sa prévision de croissance des recettes de TVA à 9 % en 2022, soit une baisse de 1,9 milliard d'euros par rapport au montant affiché dans le PLF 2023. Ces prévisions apparaissent également plausibles, en cohérence avec la croissance attendue des emplois taxables (9,4 %).

Le Gouvernement n'a pas modifié sa prévision de recettes d'impôt sur les sociétés. Comme chaque année, les aléas portant sur cette prévision sont importants, du fait du rendement incertain du cinquième acompte versé en décembre. Rappelons d'ailleurs que l'année 2021 avait donné lieu, en exécution, à un écart de prévision de près de 10 milliards d'euros par rapport à la dernière LFR.

Enfin, d'importantes incertitudes entourent le montant des recettes issues du reclassement en prélèvements obligatoires des charges de service public de l'énergie. Le Gouvernement a maintenu son estimation d'un surcroît de prélèvements obligatoires de 9,6 milliards d'euros dû aux reversements des producteurs d'énergies renouvelables, en raison de prix de marché désormais supérieurs au prix de référence ; leur montant demeure tributaire de l'évolution des prix de l'énergie au cours des prochains mois.

De leur côté, les dépenses publiques augmenteraient de 4,1 % en valeur en 2022, soit une légère révision à la baisse de 0,9 milliard d'euros par rapport à la prévision de 4,2 % du PLF. En volume, elles progresseraient de 1,3 %, corrigées du déflateur du PIB. La dépense publique devrait atteindre 57,6 % du PIB en 2022, soit un niveau très supérieur à celui atteint avant la crise sanitaire – 53,8 % du PIB en 2019. Cela confirme la leçon constatée à chaque crise : le niveau des dépenses publiques augmente très fortement, avant de redescendre, mais avec un effet de cliquet de près de 2 %. Nous pouvons sans doute revenir autour de 56 %, mais peut-être faudrait-il des PLF quelque peu différents de celui-ci pour revenir au niveau de 2019. En excluant les dépenses exceptionnelles de soutien face aux crises sanitaire et énergétique et les dépenses de relance, la dépense publique progresserait de 3,4 % déflatée par les prix du PIB.

L'ajustement de la prévision de dépenses publiques porte sur les dépenses de l'État. En effet, un surcroît de dépenses lié au plan de relance de 2,1 milliards d'euros serait plus que compensé : par la révision à la baisse des crédits des ministères dans le cadre du schéma de fin de gestion à hauteur de 1,8 milliard d'euros ; par de moindres versements à l'Union européenne de 0,7 milliard d'euros ; par le coût plus faible qu'anticipé – également pour 0,7 milliard d'euros – de la constitution du stock de sécurité de gaz. L'économie sur les versements à l'Union européenne pourrait toutefois se révéler moins forte que prévu si de nouvelles aides à l'Ukraine – en cours de discussion – venaient à être décidées et effectuées avant la fin de l'année. Par ailleurs, l'évolution du prix du gaz fait toujours peser des risques – à la hausse comme à la baisse – sur les dépenses.

Au total, le solde public s'établirait à 4,9 %de PIB selon le Gouvernement, en légère amélioration par rapport à la prévision du PLF 2023 (5 %, que le Haut Conseil estimait un peu élevée. Compte tenu des éléments d'appréciation énoncés, tant en recettes qu'en dépenses, la prévision de solde du Gouvernement apparaît plausible, voire solide. Il est cependant important de relever que l'amélioration du solde public entre 2021 (où il s'établissait à - 6,5 %du PIB) et 2022 résulte surtout du dynamisme des recettes et non d'un effort de maîtrise de la dépense publique : l'extinction des mesures d'urgence liées à la crise sanitaire a été plus que compensée par les dépenses nouvelles des ministères et par les dépenses de lutte contre l'inflation et la hausse des prix de l'énergie.

En conclusion, je m'attarderai sur la cohérence entre le solde structurel pour 2022 et les orientations pluriannuelles de la loi de programmation en vigueur, sur laquelle le Haut Conseil doit se prononcer. Selon le Gouvernement, le solde structurel s'établirait à -3,6 %du PIB potentiel en 2022, après -4,5 %en 2021, soit des niveaux très éloignés des cibles fixées par la LPFP 2018-2022 – -1,2 %pour 2021, -0,8 %pour 2022. Il serait encore plus éloigné de l'objectif de moyen terme de 0,4 %PIB que la France s'est fixé dans cette loi.

Comme vous le savez, la trajectoire de référence de la LPFP pour les années 2018 à 2022 est devenue obsolète avec la crise sanitaire. Avec la nouvelle estimation de PIB potentiel proposée par le Gouvernement dans son projet de LPFP pour les années 2023 à 2027, qui est à juste titre moins favorable que celle de la précédente LPFP, le solde structurel s'établirait à -4,2 % du PIB potentiel en 2022 et serait ainsi encore plus éloigné de l'objectif de moyen terme.

L'ajustement structurel – la variation du solde structurel par rapport à 2021 – serait de +0,9 % du PIB, quelle que soit la trajectoire de PIB potentiel retenue. Cette amélioration nette du solde structurel résulte exclusivement de l'impact favorable de l'élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance. L'effort structurel – qui reflète mieux l'action du Gouvernement – est même légèrement négatif, en dépit de l'extinction des mesures d'urgence liées à la crise sanitaire, dont le coût diminue de 62 à 15 milliards d'euros entre 2021 et 2022.

Le ratio de dette publique par rapport au PIB serait quant à lui en baisse de 1,3 % en 2022, à 111,5 %, grâce à la forte croissance économique de 2022 – qui influe sur le dénominateur – et à une diminution de la trésorerie de l'État – qui réduit le besoin d'émission de nouvelles dettes. Il s'agit d'une baisse assurément faible, et la France figure toujours parmi les pays les plus endettés de la zone euro. Le retour à des niveaux de dette garantissant à la France de disposer de marges de manœuvre suffisantes et nécessaires pour faire face à des chocs macroéconomiques et financiers et aux besoins d'investissements publics massifs de notre pays demeure un impératif. C'est un message que je ne cesse de répéter, et que je crains de devoir répéter durant plusieurs années.

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Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir complété votre avis initial avec les dernières données à disposition.

Vous aviez déjà rappelé, lors de votre précédente audition, votre attachement à la LPFP. Au sein de cette commission, nous partageons tous l'importance qui peut être donnée à un tel texte. Encore faut-il, pour le voter, en partager le contenu et le fond. En l'occurrence, le Sénat a adopté le texte, en commission des finances, avec des modifications, et il doit se prononcer aujourd'hui en séance publique. Faisons donc confiance à la navette pour parvenir à un accord.

Ma question porte sur l'insuffisance des recettes de TVA, jugées décevantes en août et septembre. Cette baisse n'est-elle pas de nature à remettre en cause les perspectives bâties pour 2023, sachant que les recettes de TVA sont un indicateur important reflétant la consommation ? Malgré une très forte inflation qui devrait donner une dynamique à la TVA, les recettes demeurent décevantes, avec un impact potentiellement inquiétant. Je souhaiterais donc connaître votre sentiment sur le sujet.

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Je vous remercie, monsieur le président, pour votre avis toujours très éclairant. Comme vous, je m'étonne encore de l'absence de loi de programmation, qui nous priverait de la capacité à suivre et à juger la trajectoire des finances publiques. Espérons que la navette apporte de la sagesse et que nous serons capables de déterminer cette boussole. L'on peut bien entendu désapprouver certains chiffres et la trajectoire, mais il s'agit assurément d'un repère absolument essentiel pour tout le monde.

Les termes « plausible » et « crédible » reviennent fréquemment dans votre exposé, ce qui vient renforcer la continuité de nos précédentes anticipations, avec une croissance confirmée à 2,7 %. Ceci témoigne surtout de la résilience assez forte de notre économie en cette fin d'année, qui j'espère constituera un bon point de départ pour la croissance de l'année prochaine. Mieux vaut en effet terminer l'année correctement pour accroître nos chances d'atteindre notre objectif de croissance – qui reste assez optimiste – en 2023.

Sans tomber dans le triomphalisme, nous pouvons nous réjouir de la modeste réduction de notre déficit à 4,9 % du PIB, projection que vous jugez crédible. Nous avons ainsi eu la sagesse de consacrer une moitié des recettes supplémentaires au soutien aux Français face à l'inflation et l'autre moitié à la réduction du déficit en 2022.

Je vous questionnerai également sur la volatilité des prix de l'énergie, facteur d'incertitude pesant encore sur l'exécution budgétaire. Existe-t-il encore un risque important dans ce domaine en 2022 ?

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Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques

Bien entendu, mon propos sur l'absence de LPFP ne vise aucunement à interférer dans les débats de l'Assemblée ou de la commission, puisque je n'ai pas à me prononcer sur telle ou telle version du texte. Je relève simplement que cette absence emporterait de lourds inconvénients pour la France, considérant nos textes de droit interne – loi organique – ou de droit externe – traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire –, tout en complexifiant notre travail. Sans le moindre narcissisme ou égoïsme, nous sommes l'une des institutions concourant à l'élaboration des PLF, et je ne voudrais pas que la discontinuité du processus donne lieu à des analyses juridiques divergentes. Je souhaite donc que l'on puisse aboutir à un résultat pour faciliter nos travaux internes et nos contacts avec nos interlocuteurs européens, qui peuvent se montrer exigeants sur ces sujets. Même si les règles sont aujourd'hui neutralisées, le traité demeure, et nous pouvons supposer que ces règles – même partiellement modifiées - seront à nouveau opérationnelles dès 2023.

La déception sur les recettes de TVA résulte d'un effet de base négatif. D'autres effets de base pourraient jouer en sens inverse, notamment sur l'impôt sur le revenu et les droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Les incertitudes demeurent nombreuses pour 2023, et le Haut Conseil considérait élevée la prévision de croissance et de recettes inscrite au PLF 2023. J'observe d'ailleurs que le consensus est plutôt décalé vers la baisse que vers la hausse, et que l'écart entre le consensus des prévisions et la prévision de croissance du Gouvernement de 0,1 % est plus important aujourd'hui qu'il y a cinq semaines. Si nous devons nécessairement attendre la fin du match pour conclure, nous devons malgré tout proposer une photographie de la situation. L'incertitude entourant les prix de l'énergie affecte également le coût du bouclier tarifaire, qui dépend de l'écart entre les prix du gaz et les prix au détail, avec un multiplicateur lui-même fonction de la consommation et des températures. Je me garderai donc de me livrer à une prévision quelconque sur l'évolution de la situation, qui demeure entourée d'incertitudes.

Enfin, je rappellerai que ce qui se produit sur le PLFR n'a pas surpris le Haut Conseil, dans la mesure où nous pensions que le déficit 2022 pourrait être inférieur à 5 points. Nous estimons, en revanche, que le déficit 2023 pourrait être légèrement supérieur à 5 points, notamment du fait du décalage sur la croissance, même si nous sommes loin de connaître tous les paramètres. Concernant la réduction de la dette, j'ai souligné le rôle crucial du dynamisme des recettes. L'intérêt collectif du pays commande néanmoins d'aller plus loin sur ce sujet, ne serait-ce que pour retrouver des marges de manœuvre pour l'investissement. Je crois savoir que le Conseil des ministres examinait, ce matin, un projet de loi visant à accélérer la construction de centrales nucléaires, sans doute dans l'optique d'un retour à une certaine indépendance énergétique, qui nécessiterait des investissements considérables. Or, plus l'on s'endette, plus le service de la dette s'accroît, et moins nous disposons de marges pour financer ces investissements, donnant naissance à un cercle vicieux. Ma position sur la dette n'est pas celle d'un ayatollah ou d'un fondamentaliste ; elle se fonde simplement sur la nécessité de dégager des marges de manœuvre.

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Vous avez déjà partiellement répondu à la question que je souhaitais poser concernant le scénario macroéconomique associé au PLF 2023. Votre avis a plutôt tendance à crédibiliser l'hypothèse de croissance de 1 % pour 2023, de même que l'hypothèse de croissance des prix, en lien avec le léger tassement des tensions inflationnistes sur le prix du baril du Brent et les prix du gaz et de l'électricité. Malgré les réserves et les aléas, nous pouvons affirmer que les hypothèses macroéconomiques retenues pour 2023 sont plutôt renforcées par cet avis.

Ma question concerne le relèvement des recettes liées aux plus-values mobilières, qui sont plus importantes que prévu. Un rapport de France Stratégie évoque d'ailleurs l'augmentation des recettes des plus-values mobilières depuis 2018, malgré les réformes sur la fiscalité du capital menées par la précédente majorité. Cela signifie-t-il que l'effet d'assiette est nettement plus important ? D'autres facteurs jouent-ils sur cette évolution ?

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Je souhaiterais vous interpeller sur le bouclier tarifaire, dont le coût est entouré d'incertitudes, comme vous le soulignez dans votre avis. Du côté des recettes, vous affirmez : « Une grande incertitude subsiste sur l'ampleur des recettes au titre du service public de l'énergie, très dépendantes des évolutions, par nature incertaines, des prix de l'énergie d'ici la fin de l'année. » S'agissant des dépenses, vous déclarez : « Des incertitudes continuent d'affecter la prévision des dépenses au titre du bouclier tarifaire sur le gaz. » Dans le cadre de l'examen budgétaire 2023, nous discutons en ce moment même du bouclier tarifaire, dont le coût brut est évalué à 45 milliards d'euros. En mesures nouvelles, ce bouclier tarifaire écrase le budget 2023. Or les parlementaires que nous sommes disposent de peu d'informations financières sur le coût de ce dispositif et son évaluation. Les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances sont très peu prolixes à ce sujet. Comment passe-t-on du coût brut de 45 milliards d'euros au coût net de 16 milliards d'euros ? Ce tour de passe-passe n'est pas précisé. Quelles sont les modalités de calcul de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) – dirigée par l'ancienne ministre Emmanuelle Wargon – pour parvenir à ces 45 milliards d'euros ? Cela n'est pas non plus précisé. Existe-t-il des effets d'aubaine pour certains fournisseurs bénéficiaires de la compensation au titre du bouclier tarifaire ? Nous l'ignorons. Afin d'éclairer les parlementaires chargés de voter et d'amender le budget de l'État, prévoyez-vous, à court terme, une évaluation du bouclier tarifaire ? L'enjeu pour nos finances publiques est considérable. Le coût est imprévisible, et les effets d'aubaine sont possibles pour certains fournisseurs. Combien d'euros ont réellement été dirigés vers la protection des familles et des entreprises ? Combien d'euros ont financé la spéculation ?

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Vous avez évoqué notre rejet de la LPFP à l'Assemblée nationale. Vous vous êtes autorisé une parenthèse, que j'assimilerais plus à un encadré au regard de sa longueur. Nous comprenons les difficultés qui en découleraient pour votre institution, mais la représentation nationale étant souveraine, nous n'avons pas l'intention de nous justifier d'avoir rejeté un texte qui demandait notamment aux collectivités locales de dégager des économies alors qu'elles doivent déjà, faute de moyens, fermer des piscines ou des bibliothèques. Vous évoquiez également nos engagements vis-à-vis de nos partenaires européens. Je leur dirai simplement qu'ils devront se débrouiller, ce qui ne devrait guère être difficile avec l'armée de bureaucrates en poste à Bruxelles. Je rappelle que nous sommes souverains, et je suis certain qu'ils sauront faire avec. De possibles sanctions financières ont même été évoquées, mais je leur souhaite bonne chance, étant donné que nous sommes contributeurs nets.

Concernant le pouvoir d'achat, nous avons noté une différence assez forte d'interprétation entre Bercy – qui annonce +0,9 % l'an prochain – et l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) – qui annonce -0,8 % de pouvoir d'achat par unité de consommation. Nous souhaiterions connaître votre avis sur cette différence de chiffrage entre le Gouvernement et l'OFCE.

S'agissant des prévisions macroéconomiques du PLFR, vous estimez les scénarios budgétaires plus plausibles qu'auparavant. Or dans un avis récent, vous aviez émis quelques réserves en raison de l'effet attendu des réformes. Les avez-vous également comptées dans les effets attendus concernant ce PLFR ?

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Vous soulignez que le niveau actuel de dette ne permettrait pas de faire face aux éventuels chocs à venir. Il s'agit d'une réalité dont nous avons largement conscience.

Concernant le rejet du projet de LPFP, je vous renvoie à l'article 7 sur les plafonds d'emploi dans le périmètre de l'État. Nous constatons une progression non négligeable, voire très importante, de ces plafonds d'emploi. C'est sans doute ce qui explique la nouvelle augmentation du ratio de prélèvements obligatoires (+0,9 %par rapport à 2021), qui dépassera étonnamment le niveau d'avant-Covid. S'agissant des recettes, nous nous réjouissons de l'augmentation des recettes issues de l'IR et de l'impôt sur les sociétés (19 milliards d'euros supplémentaires sur ce dernier), mais nous regrettons que la TVA ne progresse que de 2,3 milliards d'euros par rapport à la loi de finances, dans la mesure où les compensations aux collectivités territoriales et aux particuliers sont financées par la TVA. Si celle-ci devait stagner dans les années à venir, pensez-vous qu'il s'agirait d'un sujet de préoccupation ?

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Le Haut Conseil souligne, dans son avis, que les hypothèses de hausse des recettes sont plausibles, mais que de nombreuses incertitudes demeurent, notamment s'agissant du versement du plan de relance européen en cas de rejet du projet de LPFP. Quelles seraient les conséquences à court, moyen et long terme pour nos finances publiques si nous n'adoptions aucun texte – ce que nous n'espérons pas ?

L'année 2022 est marquée par une baisse du ratio entre dette publique et PIB, grâce à la croissance exceptionnelle que nous sommes parvenus à atteindre, ainsi que grâce à la politique avisée de France Trésor. Le Haut Conseil rappelle que le retour à des niveaux de dette garantissant à la France de disposer de marges de manœuvre suffisantes est nécessaire pour faire face à des chocs macroéconomiques ou au besoin d'investissements publics importants. Nous sommes d'accord avec vous sur l'objectif de maîtrise de la dette publique, mais nous souhaiterions savoir quel serait, selon vous, le niveau de dette publique soutenable qui nous permettrait d'atteindre nos objectifs et de répondre à nos besoins.

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La baisse des recettes de TVA mentionnée dans votre avis est de nature à nous inquiéter. Comment devons-nous l'interpréter ? Est-ce lié à une baisse du pouvoir d'achat ? Devons-nous craindre une potentielle crise de la demande, qui serait nécessairement contrainte, sachant que les ménages les plus modestes peuvent déjà rencontrer – avec l'augmentation des prix alimentaires – des difficultés à se nourrir correctement ?

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Vous estimez que la prévision relative aux prélèvements obligatoires en 2022 est plausible. Comme vous, nous observons une hausse des recettes de l'IR (+0,6 milliard d'euros) et des prélèvements sociaux sur le capital (+1,3 milliard d'euros). Ces constats confirment le dynamisme des revenus du capital et attestent que nous aurions pu mettre en place une véritable contribution de solidarité sur les super profits et les super dividendes, qui avait d'ailleurs été votée sur les dividendes lors de l'examen en séance de la première partie du PLF, sans avoir été retenue par le Gouvernement. En tout état de cause, les chiffres présentés au titre du PLFR attestent de la pertinence de nos propositions. Les recettes que le Gouvernement cherche sont là : il suffit de voter les amendements que nous proposons, en responsabilité.

La révision à la baisse des prévisions de recettes de TVA traduit quant à elle une surestimation du dynamisme de ces recettes. Si cette baisse devait se confirmer, cela interrogerait à nouveau sur la pertinence de la stratégie gouvernementale consistant à supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) pour la compenser par l'octroi d'une fraction de TVA, ainsi que la pertinence du financement de l'audiovisuel par la TVA affectée – que nous avons combattu. Pensez-vous que cela puisse mettre en péril, à terme, les recettes des collectivités locales, qui sont confrontées à de grands enjeux énergétiques et climatiques ?

Enfin, la décision qui aurait été prise sur la question nucléaire semble m'avoir échappée, puisque le Gouvernement a récemment lancé une concertation nationale sur le mix énergétique qui doit s'achever fin janvier 2023. Disposeriez-vous d'informations à ce sujet ?

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Je souhaite partager notre préoccupation quant au niveau d'endettement de notre pays. Si tous les États européens ont connu une augmentation de leur ratio dette/PIB durant la pandémie, la dette publique au sein de la zone euro atteint 94 %, soit une différence de 20 %avec le ratio de la France. Nous devrons nous montrer attentifs au risque d'augmentation de la charge de la dette, étant entendu qu'un point d'intérêt représente un coût supplémentaire de 2,5 milliards d'euros par an. La réduction de cette dette semble d'autant plus difficile que le taux de prélèvements obligatoires augmente par rapport à 2021 et atteint un niveau très élevé.

Par ailleurs, le déficit public révèle un effort structurel visiblement insuffisant. Le déficit de l'État atteint 175 milliards d'euros en 2021, dont seulement un septième relevant des dépenses d'investissement. De même, tous nos voisins prévoient le retour à un déficit inférieur à 3 % du PIB dès 2025, contre 2027 en France. Qu'en pensez-vous ?

En outre, même si des objectifs sont affichés, rien ne garantit que la LPFP sera respectée, puisque cela dépend notamment de la crédibilité des hypothèses macroéconomiques sur lesquelles s'appuie le Gouvernement. À ce titre, je remercie le Haut Conseil pour ses travaux éclairant la prise de décision.

Enfin, j'insiste sur l'importance de la défense de notre modèle social français. Malgré notre souci d'une bonne gestion des finances publiques, nous n'appelons pas à un budget d'austérité. La performance budgétaire ne doit pas s'opérer au détriment des plus fragiles ni aller à l'encontre des droits acquis, notamment en matière de retraite et d'allocations chômage.

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Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques

Je me vois contraint de revenir sur la LPFP, puisque certains propos m'ont quelque peu surpris. J'ai passé l'âge du patriotisme d'institution, et mon sujet n'est pas tant de savoir si le Haut Conseil dispose de toutes les informations que de veiller au respect des engagements de mon pays. La France est un État de droit, qui appartient à l'ordre juridique européen, et qui doit respecter les lois organiques pour l'ordre interne et les traités pour l'ordre externe. Nous sommes un État souverain, mais nous appartenons, jusqu'à nouvel ordre, à l'Union européenne. Bruxelles n'est pas doté d'une armée de bureaucrates : c'est une institution politique agissant en fonction des traités. L'idée que la Commission européenne puisse se débrouiller seule me paraît brutale ou naïve. Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le député Guiraud, je pense que votre formulation n'est pas la bonne. Je ne plaide pas pour telle ou telle version de la loi de programmation, pour laquelle j'ai partagé différentes remarques en tant que président du Haut Conseil. Je souligne simplement que l'absence de LPFP pourrait emporter des conséquences juridiques internes et externes extrêmement préjudiciables pour notre pays, comme le non-versement des fonds européens, dont personne ne pourrait se réjouir. Comme le dit le proverbe, pacta sunt servanda, les traités doivent être respectés, et cette règle s'applique à tous en démocratie. Nous avons donc besoin d'une LPFP, dans l'intérêt du pays.

Sur le fond, je doute que l'on puisse dire que les hypothèses pour 2023 seraient renforcées. À ce stade, notre avis n'exprime aucune remise en cause, même si nous estimions la prévision de croissance quelque peu élevée. Or selon les prévisions des macroéconomistes, l'écart s'est plutôt accru depuis cinq semaines, en raison de toute une batterie de paramètres. Les incertitudes demeurent nombreuses pour 2023, à la hausse comme à la baisse. Les valeurs mobilières dépendent de l'évolution de la bourse, des transactions, avec un risque de baisse sur l'exercice 2022 largement pris en compte dans le PLF 2023.

Contrairement à ce que plusieurs d'entre vous ont souligné, les recettes de TVA ne suivent pas une tendance baissière. Leur croissance est simplement amoindrie, à hauteur de 9 % au lieu de 11 %, en lien avec des remboursements et non en raison d'une révision de la base taxable. Il ne s'agit donc pas d'un signe de faiblesse de la consommation, et nous ne tablons pas sur un amoindrissement de la demande. Le scénario macroéconomique de l'OFCE est certes différent s'agissant du pouvoir d'achat, avec moins de croissance et moins d'emplois, mais de nombreuses incertitudes pèsent encore sur ces deux paramètres. L'avenir nous dira qui a raison.

Le bouclier tarifaire sera naturellement pris en compte par la Cour des comptes, non dans le cadre d'une évaluation, sachant que cet objet est encore variable, mais sans doute dans le cadre de nos rapports. Nul doute que nous aborderons le sujet lorsque je vous présenterai, en juin, le rapport sur la situation et les perspectives sur les finances publiques. Selon les analyses existantes, le coût brut du dispositif serait de près de 40 milliards d'euros en 2022, tandis que le coût net serait amoindri de 10 milliards d'euros grâce aux reversements des entreprises du secteur des énergies renouvelables au titre du service public de l'énergie. Pour rappel, ces entreprises recevaient, en subvention, l'écart entre les prix de marché de l'électricité et les prix de référence, afin d'assurer leur rentabilité. Cette subvention s'est transformée en reversements à l'État, puisque les prix de marché dépassent les prix de référence, et ces reversements sont classés en recettes supplémentaires, réduisant ainsi le déficit à hauteur de 9,6 milliards d'euros en 2022 et 19 milliards d'euros en 2023. Il s'agit d'une analyse économique et comptable, et l'évaluation interviendra certainement un peu plus tard.

Enfin, je ne dispose d'aucune information particulière sur le sujet du nucléaire. Je suis simplement lecteur attentif de la presse, et je crois me souvenir que le président de la République avait annoncé, en fin d'année 2021, le rééquipement de la France en nucléaire, qui s'est donc traduit par un projet de loi présenté ce matin en Conseil des ministres.

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Vous confirmez donc que la concertation est inutile.

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Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques

La concertation n'est pas toujours contradictoire avec la décision. L'on peut prendre une décision et faire porter la concertation sur la mise en œuvre. Je fais simplement état des décisions prises.

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Je reviens sur les risques induits par l'absence de LPFP. Si la France ne percevait pas de fonds européens au titre de l'année 2022, les recettes publiques en seraient affectées à due concurrence. Quelle politique publique serait prioritairement impactée par ce risque ? À votre connaissance, un autre pays de la zone euro a-t-il eu à connaître pareille situation ?

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Ce PLFR prévoit la poursuite et le renforcement des mesures de soutien aux Français face à l'inflation. Or de nombreuses données de la Caisse des dépôts et consignations et de la Banque de France montrent que le taux d'épargne des Français demeure parmi les plus élevés en Europe, avec des dépôts records en juillet et août sur livret A et le livret développement durable, mais également des dépôts importants en septembre, traditionnellement marqué par de moindres flux. Ne pensez-vous pas qu'il existe une contradiction avec la période de forte inflation que nous vivons ? Eu égard à vos alertes sur nos finances publiques, disposons-nous des moyens de poursuivre cette politique de soutien public massif à l'inflation ? L'épargne ne devrait-elle pas davantage absorber le choc d'inflation ?

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Ma première interrogation concerne les prêts garantis par l'État (PGE). Dans votre avis du 27 octobre, vous évoquez l'avis du Gouvernement sur le moindre coût de la sinistralité des PGE, pour 700 000 euros. Or dans une note du 30 octobre, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) souligne que 30 % des très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) auront des difficultés à rembourser leur PGE, tandis que 10 % des chefs d'entreprise considèrent qu'ils devront arrêter leur activité.

Ma deuxième interrogation concerne les financements prévus dans le cadre du plan de relance versés par l'Union européenne. Vous annoncez un risque de moindres recettes en 2022, alors que nous avons perçu 5 milliards d'euros en août 2021, puis 7,4 milliards d'euros en mars 2022, tandis que le prochain versement est prévu pour le printemps 2023. Je ne vois donc pas quel serait le risque, pour le PLFR 2022, de ne pas toucher l'intégralité des financements européens pour cause d'absence de LPFP. Je sais que les dépenses ont été partiellement engagées pour 2022, mais les recettes sont attendues pour le printemps 2023.

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Nous sommes confrontés à deux logiques distinctes : une logique budgétaire, avec des prélèvements obligatoires très élevés, une dépense publique très forte, un déficit, une dette ; une logique économique, avec une croissance économique soutenue, un niveau d'inflation parmi les plus faibles de la zone euro, un fort niveau d'emploi et des échanges extérieurs qui se maintiennent. Faut-il donc poursuivre cette politique de baisse des impôts lancée depuis la précédente législature pour favoriser la logique économique ? Ou faut-il au contraire stabiliser ou renoncer à certaines baisses d'impôts dans une logique budgétaire ?

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Monsieur le haut-commissaire, ne pensez-vous pas que l'absence de LPFP – qui aurait été jugée peu sincère pour notre crédibilité de long terme vis-à-vis de Bruxelles – est préférable à la transmission de trajectoires toujours erronées et battues en brèche dès la première année ? La dégradation des relations franco-allemandes résulte en effet de promesses et de paroles qui n'ont jamais été suivies d'actes.

Par ailleurs, lorsque la ristourne à la pompe prolongée de deux semaines s'arrêtera le 15 novembre, les prix à la pompe augmenteront soudainement de 20 centimes, étant entendu que les prix du pétrole resteront très hauts. Dans la mesure où l'effet inflationniste du carburant devrait continuer à produire des effets en 2023, ne pensez-vous pas que le PLF 2023 – et notamment ses projections raisonnables de recettes – est déjà caduc au vu des perspectives d'inflation et de croissance sur lesquelles il se base ?

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Je reviens sur la question des PGE. De nombreux chefs d'entreprise, notamment de TPE et PME, nous alertent sur la durée de remboursement des PGE, qui se heurte aux dégradations de leurs résultats liées à l'explosion des coûts de l'énergie et des matières premières et aux mesures gouvernementales qui ne couvrent pas la sur-couverture d'énergie. Les solutions de rééchelonnement des prêts au cas par cas avec les partenaires bancaires ne sont pas satisfaisantes, puisqu'elles placent les entreprises dans une cotation qui les dévalorise, qui dégrade leur notation et qui ne leur permet plus de faire face à de nouveaux emprunts. À cela s'ajoute le décret tertiaire, qui alourdit les charges des entreprises en les obligeant à investir pour réduire leur consommation énergétique. En cette période de crise majeure pour les entreprises et d'incertitude concernant l'adaptation des réponses gouvernementales à la période d'inflation, ne serait-il pas possible d'envisager un nouveau rééchelonnement des PGE ?

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Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques

N'étant ni ministre ni haut-commissaire, mais seulement président du Haut Conseil de finances publiques, je ne pourrai répondre aux questions relatives aux PGE, du moins dans le cadre du présent avis, sachant que la Cour des comptes s'est déjà prononcée sur le sujet dans le cadre d'un rapport. Comme pour l'évolution du bouclier tarifaire, le ministre ou la CRE seront plus à même de répondre à vos interrogations.

Les risques que j'ai mentionnés à défaut de LPFP sont réels au plan juridique. Nous ne devons pas les surestimer, mais nous ne pouvons pas les ignorer. Dans la mesure où la Commission européenne n'est pas composée d'une armée de bureaucrates, et dans la mesure où le Conseil constitutionnel affiche une forme de sagesse dans ses jugements, nous devons peser la situation. En l'occurrence, nous serions dans une situation autrement plus confortable si nous disposions d'un projet de LPFP, à la sincérité duquel je suis naturellement très attaché. Bien entendu, plusieurs garde-fous permettent de tempérer le jugement. D'abord, la Commission européenne délivre ses opinions sur la base d'un débat avec les gouvernements. Ensuite, le Haut Conseil des finances publiques plaide également pour la prise en compte de ses avis – qui sont adressés à la Commission européenne. Nous faisons partie d'un réseau d'institutions budgétaires indépendantes, et nous pouvons aussi jouer sur les écarts. En tout état de cause, il est préférable de disposer d'une LPFP, même si je refuse tout catastrophisme. Il s'agit d'ailleurs d'une situation sans point de comparaison, car si certains pays – comme la Pologne ou la Hongrie – sont en difficulté par rapport au versement des fonds européens, ils le sont pour des questions de qualité de l'État de droit, de respect de l'indépendance des médias et de la justice, et non pour défaut de LPFP, qui serait une spécificité très franco-française.

Concernant la compatibilité entre l'inflation et le taux d'épargne, je rappellerai que la forte inflation des années 70 avait poussé à la hausse des taux d'épargne. Il n'existe donc pas de contradiction intrinsèque, même si nous pourrions souhaiter que l'évolution macroéconomique soit de nature quelque peu différente de celle qui se produit aujourd'hui.

S'agissant des versements européens, les recettes de 2021 sont supérieures à ce qui a été versé en 2021 et 2022, témoignant de la solidité de l'existant.

La hausse de la ristourne est déjà incluse dans le PLF 2023, et la stabilité du prix du pétrole va cesser de peser en 2023, alors qu'il a fortement contribué à la hausse de 2022, malgré la ristourne à la pompe.

Enfin, si le Haut Conseil ne s'est pas exprimé sur la question soulevée par M. Labaronne, je peux partager mon point de vue de Premier président de la Cour des comptes. Dans mes précédentes fonctions ministérielles, j'avais souligné l'existence d'un ras-le-bol fiscal, n'étant pas moi-même un maniaque du coup de marteau fiscal. Je pense qu'il existe, dans toutes les catégories de la population, une certaine forme de tolérance, d'acceptation ou de consentement à l'impôt, qui dépend d'un taux de prélèvements obligatoires, et que nous devons éviter d'en rajouter en la matière. S'agissant des baisses d'impôts, vous connaissez tous la situation de nos finances publiques, que vous évaluez dans le cadre du débat budgétaire, et qui est marquée par un niveau toujours élevé du déficit public, qui devrait avoisiner 5 % en 2022 et 2023 ; la persistance d'un très haut niveau de dette publique (111 %), beaucoup plus élevé que la moyenne de la zone euro, et qui pourrait à nouveau augmenter dans les années à venir, avec un décrochage par rapport au reste de la zone euro, dans la mesure où les déficits devraient y passer plus rapidement sous la barre des 3 % qu'en France ; une croissance faible en 2023, qui ne créera pas de recettes aussi importantes qu'aujourd'hui. Dans ce contexte, il est compliqué d'assurer à la fois la réduction des déficits, la maîtrise de la dette, le contrôle de la dépense publique et le maintien d'une politique extrêmement forte de baisse d'impôts. Je maintiens que nous n'en avons pas les moyens, du moins s'agissant de baisses d'impôts nettes, sachant que nous sommes toujours libres d'adopter des baisses d'impôts dans tel ou tel domaine, à condition d'augmenter d'autres impôts à due concurrence ou de maîtriser la dépense afin de compenser. Dans la période actuelle, nous ne pouvons pas nous permettre de réduire globalement les recettes issues des impôts, puisque nous ne disposons pas de telles marges de manœuvre, ce qui n'interdit pas telle ou telle baisse d'impôt compensée par ailleurs.

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Merci, monsieur le président, pour les réponses que vous nous avez apportées.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 2 novembre2022 à 14 heures

Présents. - M. Franck Allisio, Mme Christine Arrighi, Mme Émilie Bonnivard, M. Mickaël Bouloux, M. Frédéric Cabrolier, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Fabien Di Filippo, M. Benjamin Dirx, Mme Stella Dupont, Mme Marina Ferrari, M. Luc Geismar, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Daniel Grenon, M. David Guiraud, M. Victor Habert-Dassault, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Marc Le Fur, Mme Charlotte Leduc, M. Mathieu Lefèvre, Mme Patricia Lemoine, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Louis Margueritte, M. Denis Masséglia, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, M. Benoit Mournet, Mme Christine Pires Beaune, M. Robin Reda, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Alexandre Sabatou, M. Michel Sala, M. Emeric Salmon, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy

Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, Mme Karine Lebon, M. Jean-Paul Mattei, M. Philippe Schreck

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Louis Bricout, M. Pierre Cordier