Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du mercredi 2 novembre 2022 à 14h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques :

N'étant ni ministre ni haut-commissaire, mais seulement président du Haut Conseil de finances publiques, je ne pourrai répondre aux questions relatives aux PGE, du moins dans le cadre du présent avis, sachant que la Cour des comptes s'est déjà prononcée sur le sujet dans le cadre d'un rapport. Comme pour l'évolution du bouclier tarifaire, le ministre ou la CRE seront plus à même de répondre à vos interrogations.

Les risques que j'ai mentionnés à défaut de LPFP sont réels au plan juridique. Nous ne devons pas les surestimer, mais nous ne pouvons pas les ignorer. Dans la mesure où la Commission européenne n'est pas composée d'une armée de bureaucrates, et dans la mesure où le Conseil constitutionnel affiche une forme de sagesse dans ses jugements, nous devons peser la situation. En l'occurrence, nous serions dans une situation autrement plus confortable si nous disposions d'un projet de LPFP, à la sincérité duquel je suis naturellement très attaché. Bien entendu, plusieurs garde-fous permettent de tempérer le jugement. D'abord, la Commission européenne délivre ses opinions sur la base d'un débat avec les gouvernements. Ensuite, le Haut Conseil des finances publiques plaide également pour la prise en compte de ses avis – qui sont adressés à la Commission européenne. Nous faisons partie d'un réseau d'institutions budgétaires indépendantes, et nous pouvons aussi jouer sur les écarts. En tout état de cause, il est préférable de disposer d'une LPFP, même si je refuse tout catastrophisme. Il s'agit d'ailleurs d'une situation sans point de comparaison, car si certains pays – comme la Pologne ou la Hongrie – sont en difficulté par rapport au versement des fonds européens, ils le sont pour des questions de qualité de l'État de droit, de respect de l'indépendance des médias et de la justice, et non pour défaut de LPFP, qui serait une spécificité très franco-française.

Concernant la compatibilité entre l'inflation et le taux d'épargne, je rappellerai que la forte inflation des années 70 avait poussé à la hausse des taux d'épargne. Il n'existe donc pas de contradiction intrinsèque, même si nous pourrions souhaiter que l'évolution macroéconomique soit de nature quelque peu différente de celle qui se produit aujourd'hui.

S'agissant des versements européens, les recettes de 2021 sont supérieures à ce qui a été versé en 2021 et 2022, témoignant de la solidité de l'existant.

La hausse de la ristourne est déjà incluse dans le PLF 2023, et la stabilité du prix du pétrole va cesser de peser en 2023, alors qu'il a fortement contribué à la hausse de 2022, malgré la ristourne à la pompe.

Enfin, si le Haut Conseil ne s'est pas exprimé sur la question soulevée par M. Labaronne, je peux partager mon point de vue de Premier président de la Cour des comptes. Dans mes précédentes fonctions ministérielles, j'avais souligné l'existence d'un ras-le-bol fiscal, n'étant pas moi-même un maniaque du coup de marteau fiscal. Je pense qu'il existe, dans toutes les catégories de la population, une certaine forme de tolérance, d'acceptation ou de consentement à l'impôt, qui dépend d'un taux de prélèvements obligatoires, et que nous devons éviter d'en rajouter en la matière. S'agissant des baisses d'impôts, vous connaissez tous la situation de nos finances publiques, que vous évaluez dans le cadre du débat budgétaire, et qui est marquée par un niveau toujours élevé du déficit public, qui devrait avoisiner 5 % en 2022 et 2023 ; la persistance d'un très haut niveau de dette publique (111 %), beaucoup plus élevé que la moyenne de la zone euro, et qui pourrait à nouveau augmenter dans les années à venir, avec un décrochage par rapport au reste de la zone euro, dans la mesure où les déficits devraient y passer plus rapidement sous la barre des 3 % qu'en France ; une croissance faible en 2023, qui ne créera pas de recettes aussi importantes qu'aujourd'hui. Dans ce contexte, il est compliqué d'assurer à la fois la réduction des déficits, la maîtrise de la dette, le contrôle de la dépense publique et le maintien d'une politique extrêmement forte de baisse d'impôts. Je maintiens que nous n'en avons pas les moyens, du moins s'agissant de baisses d'impôts nettes, sachant que nous sommes toujours libres d'adopter des baisses d'impôts dans tel ou tel domaine, à condition d'augmenter d'autres impôts à due concurrence ou de maîtriser la dépense afin de compenser. Dans la période actuelle, nous ne pouvons pas nous permettre de réduire globalement les recettes issues des impôts, puisque nous ne disposons pas de telles marges de manœuvre, ce qui n'interdit pas telle ou telle baisse d'impôt compensée par ailleurs.

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