Intervention de Cécile Untermaier

Réunion du mercredi 26 octobre 2022 à 17h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier, rapporteure pour avis (programme Fonction publique) :

Le programme Fonction publique est l'un des cinq programmes de la mission Transformation et fonction publiques. Les crédits qui lui sont affectés couvrent la formation des fonctionnaires, l'action sociale interministérielle, l'appui et l'innovation en matière de ressources humaines.

Dans un contexte de transformation de notre fonction publique, notamment de notre haute fonction publique, j'ai choisi de consacrer la partie thématique de mon rapport à un sujet qui me tient particulièrement à cœur : la déontologie des agents publics.

Je commencerai toutefois par l'examen des crédits et les enjeux d'actualité qui y sont associés.

Pour l'année 2023, les montants proposés pour le programme 148 s'établissent à 286 millions d'euros en crédits de paiement, en légère baisse du fait de la suppression du fonds d'accompagnement interministériel des ressources humaines. Dans une analyse pluriannuelle, ils se maintiennent néanmoins à un niveau élevé.

Le programme comprend notamment les crédits de formation des fonctionnaires, qui représentent environ 40 % des dépenses, soit 107 millions d'euros. Ils comprennent notamment la subvention de 39 millions pour charge de service public versée à l'Institut national du service public (INSP).

Le remplacement de l'École nationale d'administration (ÉNA) par l'INSP est un élément central de la réforme de la haute fonction publique. Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour faire remarquer, monsieur le ministre, que cette réforme, opérée par voie d'ordonnance, n'a pas fait l'objet d'un véritable examen au Parlement.

Dans l'ensemble, la réforme en cours tend à dynamiser et à ouvrir les parcours de carrière et me paraît aller dans le bon sens, au moins dans ses grands objectifs. La création d'un corps unique des administrateurs de l'État et de la délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État, ainsi que le renforcement des DRH ministérielles, me semblent constituer des initiatives ambitieuses pour rendre plus riches et attractives les carrières des hauts fonctionnaires, en permettant la gestion de viviers élargis.

Plusieurs points méritent cependant d'être relevés.

Tout d'abord, la transformation de l'ÉNA en INSP n'a pas été conduite sans heurts, comme en témoigne la grève de la promotion Germaine Tillion en juin dernier. À mon sens, la création de l'INSP est positive, mais le projet n'est pas totalement abouti. La formule de tronc commun ne me paraît pas assez ambitieuse, et une alternative au classement de sortie doit encore être trouvée.

Par ailleurs, je m'interroge sur les conséquences de la suppression du corps préfectoral et des corps diplomatiques. Sans constituer une garantie absolue, l'existence d'un corps favorise la professionnalisation et la compétence de ses membres, en posant le principe d'une carrière exercée dans les fonctions auxquelles il destine. Elle offre également aux agents la possibilité de se projeter à long terme et constitue une protection face aux alternances politiques.

La mise en extinction des corps des préfets et des sous-préfets a été accompagnée de garanties. Toutefois, il me paraît essentiel de veiller au maintien d'un haut niveau de professionnalisation, afin de préserver le fonctionnement de l'État, et de tout mettre en œuvre pour que la loyauté ne dérive pas vers le loyalisme.

S'agissant de la mise en extinction des corps diplomatiques, j'ai été sensible aux arguments avancés par les représentants des associations de diplomates que j'ai auditionnés. La réforme, qui a été très mal vécue au Quai d'Orsay, affecte le déroulement des carrières des agents et risque de nuire à la qualité et au rayonnement de notre réseau diplomatique. Il me paraît important de la compléter et d'y apporter des garanties. Je formule dans mon rapport plusieurs propositions à ce sujet.

Enfin, une évaluation de ces réformes devra être réalisée rapidement, afin d'apporter, le cas échéant, les modifications nécessaires.

Le programme 148 comprend également la subvention pour charge de service public versées aux Instituts régionaux d'administration (IRA) pour 42 millions d'euros. Les IRA assurent la formation des attachés d'administration de l'État, qui ont vocation à se voir confier des fonctions d'encadrement.

La réforme de la scolarité intervenue en 2019 a permis des avancées, mais nécessite d'être corrigée. Ainsi, le stage préalable au choix d'affectation, qui a été supprimé, était utile et apprécié. Les épreuves de classement sont parfois mal comprises par les élèves. En outre, la gestion de deux promotions par an s'avère délicate. Je propose donc de revoir ces différents aspects de la réforme.

Les effectifs d'encadrement, qui s'élèvent à 20 agents, sont par ailleurs en tension et je défendrai un amendement visant à les renforcer d'un ETP.

J'ai été impressionnée par la qualité de l'encadrement de ces instituts régionaux d'administration, qui ont malheureusement été éclipsés par l'ÉNA et l'INSP. Ils sont pourtant un élément d'attractivité et rejoignent ainsi vos préoccupations, monsieur le ministre. Ils effectuent un travail remarquable sur le terrain, notamment dans les classes préparatoires Talents, pour montrer l'importance d'une fonction publique d'État. Ils mériteraient d'être davantage soutenus.

Le programme 148 retrace également les dépenses d'action sociale interministérielle, qui représentent 50 % du total, soit près de 150 millions d'euros en 2023. Ces crédits sont globalement stables.

L'action sociale est pourtant un levier important pour renforcer l'attractivité de la fonction publique, en améliorant les conditions de vie des agents. En particulier, le dispositif de réservation de places de crèche leur permet de bénéficier prioritairement de places implantées dans les aires géographiques correspondant à leurs besoins. Il devrait bénéficier de 25 millions d'euros en 2023, auxquels s'ajouteront 6 millions de crédits ouverts sur fonds de concours. Le parc était constitué d'environ 4 700 places en 2022, et 135 places supplémentaires devraient être ouvertes en 2023.

Je proposerai, par amendement, d'atteindre les 5 000 places que vous avez évoquées, pour un surcoût que j'évalue à 1,2 million d'euros. Les entreprises privées font de tels efforts ; nous devons les faire pour la fonction publique d'État. Plus de 5 000 agents, dont 95 % de femmes, sont en congé parental. Ce dispositif serait certainement moins utilisé s'ils avaient plus facilement accès à des places de crèche.

Comme je l'évoquais en introduction, J'ai choisi de consacrer la partie thématique de mon rapport à la déontologie des agents publics, dans le contexte de réforme de la haute fonction publique et de débats animés autour de l'intervention de cabinets de conseil.

L'existence d'une fonction publique de carrière, recrutée essentiellement par concours et guidée par les principes déontologiques essentiels que sont la probité, l'impartialité et la responsabilité, a longtemps constitué en France une protection contre les risques de conflits entre l'intérêt public et les intérêts personnels.

La réforme de la fonction publique, notamment celle de la haute fonction publique, conduite depuis 2019, donne à ces questions une actualité nouvelle. L'ouverture du recrutement d'agents contractuels sur les postes de direction, la suppression de nombreux corps de fonctionnaires, la dynamique de fonctionnalisation des emplois ou la recherche de diversification des parcours pour les hauts fonctionnaires dessinent un paysage inédit, que la déontologie doit appréhender et accompagner.

La déontologie ne doit pas être perçue comme une contrainte mais, au contraire, comme une protection supplémentaire offerte aux agents. La déontologie sécurise les parcours, qu'elle contribue à fluidifier. Elle fait émerger des questions qui ne se seraient pas posées autrement.

Les travaux que j'ai conduits m'ont permis de constater une diffusion progressive de la culture déontologique. Cependant, si la nomination des référents déontologues est achevée dans les ministères, elle ne l'est pas dans la fonction publique hospitalière, et la connaissance du dispositif doit être améliorée dans les collectivités territoriales.

Les administrations s'approprient progressivement le dispositif et ses exigences. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) rend de moins en moins d'avis d'irrecevabilité et le nombre d'avis subsidiaires diminue.

Je formulerai six propositions pour améliorer la situation.

Tout d'abord, les moyens consacrés à la déontologie doivent être renforcés, en organisant des formations pour les référents déontologues qui en feraient la demande et en augmentant les effectifs de la HATVP, afin de lui permettre d'effectuer le suivi de ses réserves, ce qu'elle ne fait pas actuellement.

Le champ du contrôle déontologique pourrait en outre être étendu à d'autres agents particulièrement exposés au risque de prise illégale d'intérêts, notamment au sein de l'union des groupements d'achats publics (Ugap) ou de la société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo). Les enjeux financiers de certains marchés peuvent en effet être considérables.

La question des magistrats démissionnaires pourrait également être prise en compte. La démission récente d'un magistrat du parquet national financier parti pour un cabinet d'avocats d'affaires anglo-saxon, dont nous avons parlé en commission des lois sous la précédente législature, a révélé les failles du dispositif.

Par ailleurs, les obligations de contrôle déontologique pèsent uniquement sur l'administration, à l'entrée comme à la sortie de l'agent public. L'association au dispositif de contrôle déontologique des structures privées concernées permettrait de mieux sécuriser les mobilités.

Enfin, et comme la révélé la commission d'enquête du Sénat, le recours aux cabinets de conseil par l'État soulève des questions fondamentales, qui intéressent directement la fonction publique. La tendance croissante à externaliser la réflexion portant sur les politiques publiques interroge la capacité de l'État à disposer des compétences nécessaires. Le recours aux cabinets de conseil doit être mieux encadré et plus transparent. Il me paraît important de prévoir dans la loi qu'ils soient soumis à des obligations déontologiques. Il me semble d'ailleurs que la proposition de loi dont nous aurons l'occasion de débattre l'a intégré.

Quel regard portez-vous sur ces propositions ?

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