Intervention de Amiral Pierre Vandier

Réunion du jeudi 13 octobre 2022 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Amiral Pierre Vandier, chef d'état-major de la marine :

Je suis venu devant votre commission en juillet dernier pour une audition à caractère général. Je suis très heureux d'être à nouveau parmi vous aujourd'hui, cette fois dans le cadre de vos travaux sur le PLF en ce qui concerne la Marine nationale.

Avant de répondre à vos questions, je voudrais revenir en quelques mots sur l'actualité de la Marine.

La France dispose d'une Marine d'emploi, ce qui signifie qu'elle est structurée autour de contrats opérationnels déterminés par le chef d'état-major des armées (CEMA). Il y a une adhérence complète entre missions et capacités.

Lors de la conférence aux ambassadeurs en septembre dernier, le Président de la République a rappelé que jamais les problèmes que nous avions à régler n'ont été aussi essentiellement mondiaux. Notre sécurité est mondiale.

Le cœur de la mission de la Marine, c'est la dissuasion nucléaire. Depuis 1972, la Marine assure la permanence à la mer de la composante océanique de la dissuasion. Elle a réalisé plus de 500 patrouilles, depuis que cette posture est tenue. Envoyer un sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) en patrouille suppose un dispositif qui implique toute la Marine. Cette mission impose un degré de technicité extrêmement élevé en matière de lutte anti-sous-marine.

La protection au large des intérêts des citoyens et des territoires français constitue le deuxième grand axe de l'activité permanente de la marine. Ainsi, en septembre dernier, le bâtiment de soutien et d'assistance outre-mer (BSAOM) Dumont d'Urville a réalisé aux Antilles une mission d'interception d'un voilier qui transportait 1,3 tonne de cocaïne. Le trafic de drogue reste considérable en 2022 après les saisies observées au premier semestre. La Marine est également intervenue à la suite de la tempête qui a frappé la Corse en août dernier, avec le sauvetage de plaisanciers par hélicoptère. Quant à la mission Bougainville, réalisée outre-mer en partenariat avec Sorbonne Université, elle consiste à équiper nos bâtiments de capteurs pour mesurer la biodiversité de manière continue, afin de mieux connaître son évolution dans notre ZEE.

Les missions permanentes de la Marine comprennent également la protection des flux économiques. C'est à ce titre que ses navires se relaient dans le golfe de Guinée pour aider les marines des pays riverains à mieux assurer leur souveraineté sur leur ZEE. Cette année, le porte-hélicoptères amphibie (PHA) Tonnerre va réaliser une mission de formation pour les officiers des marines des différents pays riverains. Cet effort complète celui mené avec nos partenaires européens. Toujours au titre de la protection des flux économiques et pour répondre à la stratégie ministérielle de maîtrise des fonds marins, la Marine nationale a mené, avec le concours de l'IFREMER, en février dernier, une expérimentation visant à inspecter un câble sous-marin à plus de 2000 mètres de fond.

Enfin, la marine a conduit cette année plusieurs opérations en coalition.

Le groupe aéronaval participait en janvier dernier à l'opération Inherent Resolve, menée par la coalition internationale en Irak et en Syrie. Il est passé en quarante-huit heures à une mission de renforcement du flanc est de l'Otan.

La marine participe aux missions permanentes de l'Otan. Pour cela, nous transférons en tant que de besoin le contrôle opérationnel de nos bâtiments au commandement maritime allié (Marcom), afin de contribuer aux opérations de l'Alliance. Nous continuons de la sorte à développer l'interopérabilité puisque c'est dans ce cadre que sont conçues les tactiques, que sont organisées les procédures et que sont développés certains moyens de communication et de chiffrement.

Pour ce qui concerne l'actualité capacitaire, je voudrais vous présenter quelques exemples parlants.

Le remplacement des patrouilleurs outre-mer est lancé avec la production de six nouveaux patrouilleurs maritimes outre-mer (POM). Le premier d'entre eux, l' Auguste Bénébig, sera déployé en Nouvelle-Calédonie. Le deuxième, qui est encore en construction, le sera en Polynésie française et le troisième à La Réunion. Les trois bâtiments qui suivront reprendront ce schéma de déploiement. En 2025, l'ensemble de la flotte des patrouilleurs destinés à surveiller la ZEE aura été renouvelé.

Deuxième exemple du renouvellement de nos capacités : le premier des quatre bâtiments ravitailleurs de forces (BRF), le Jacques Chevallier, a été mis à l'eau au mois de mars dernier. Ces bateaux sont indispensables pour mener des missions dans la durée. Le Jacques Chevallier a été construit en quelques mois : il a été posé sur cale en octobre 2021 et mis à l'eau en mars 2022. Alors que l'on parle d'industrie de guerre, voilà un bon exemple de la capacité de l'industrie à aller vite.

La première frégate de défense et d'intervention (FDI), l' Amiral Ronarc'h, sera mise à l'eau la semaine prochaine. Le premier des hélicoptères H160 de la flotte intérimaire a effectué un vol d'essai il y a quelques jours. Le sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) Suffren est en opération dans l'Atlantique. Le réacteur nucléaire du Duguay-Trouin, deuxième de la série, a divergé pour la première fois le 30 septembre

À la demande du CEMA, nous travaillons sur les capacités existantes, en améliorant tout ce qui peut l'être, en maîtrisant les coûts. Nous avons ainsi expérimenté le système de mini-drone de la marine (SMDM) sur un aviso. Cela permet à ce type de navire –qui n'a pas de plateforme pour hélicoptère – de disposer d'une capacité de reconnaissance aérienne. Avec l'arrivée prochaine de la première FDI, nous travaillons sur les systèmes numériques avec le Data Hub embarqué, ce qui permettra de constituer en quelque sorte un jumeau numérique du système actif dans le bateau.

L'effort de renouvellement des matériels va permettre de sortir les plus anciennes de nos capacités de l'ordre de bataille. Après trente-deux ans de bons et loyaux services, la frégate Latouche-Tréville n'est plus en service actif depuis le 1er juillet dernier. À la fin de cette année, l'Alouette III se posera pour la dernière fois, soixante-deux ans après le premier vol d'essai. Le SNA Rubis va quant à lui rejoindre Cherbourg pour être désarmé, après avoir servi pendant trente-neuf ans.

Pour finir, un mot sur la « bataille des talents ». Elle est particulièrement importante, car nous recrutons pour l'essentiel des jeunes peu qualifiés – 30 % d'entre eux n'ont pas le bac. Or la marine est une armée par essence technique. En quelques années, ces jeunes accèdent à des fonctions de technicien supérieur – voire d'ingénieur pour certains. L'enjeu vital pour notre système de formation est de façonner ces jeunes afin d'en faire des professionnels de la mer, aptes à remplir des missions exigeantes.

Pour conclure, vous pouvez être assurés de l'engagement total de la marine pour accélérer sa transformation et faire autrement.

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