Intervention de Amiral Pierre Vandier

Réunion du jeudi 13 octobre 2022 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Amiral Pierre Vandier, chef d'état-major de la marine :

Concernant la remontée capacitaire, les documents budgétaires 2023 sont clairs : ils listent les commandes et livraisons prévues, et s'inscrivent dans le mouvement de renouvellement lancé par la LPM 19-25.

Le reste de l'ambition budgétaire passe par la revue nationale stratégique et la préparation d'une future loi de programmation militaire, sous l'égide du ministre, en lien avec le chef d'état-major des armées. La semaine dernière, lors de son audition devant votre commission, le ministre a été clair sur son ambition. C'est cette ambition qui se traduit en format. Avec une particularité pour toutes les Marines du monde : les choix capacitaires sont des choix du temps long.

Quel est notre retour d'expérience de l'utilisation des nouvelles capacités ? Le Suffren a été admis au service actif par le ministre en juin dernier. Il est désormais dans son cycle opérationnel. Nous l'avons étrenné dans le grand bain, l'Atlantique nord, où le niveau d'exigence en termes de discrétion est maximal. Il a donné d'excellents résultats. Nous avons également fait une escale en Grande-Bretagne, à Faslane, pour ouvrir un nouveau point d'appui. C'était l'occasion de valider le soutien technique et logistique des Britanniques sur ce nouveau type de sous-marins.

L'effort porte désormais sur les essais des capacités des forces spéciales puisque ce sous-marin emporte un hangar de pont – ou Dry Deck Shelter – qui peut embarquer le propulseur sous-marin de troisième génération (PSM 3G). Tout se passe bien et nous pouvons être satisfaits de disposer d'un bâtiment dont le niveau technique et le potentiel d'évolution sont exceptionnels. Je salue toutes les équipes qui ont participé à la conception de cet outil magnifique pour les décennies à venir.

Le POM Auguste Bénébig repart vers Brest après quelques semaines passées au chantier SOCARENAM de Saint-Malo et les essais sont tout à fait satisfaisants. Nous vérifions sa capacité à naviguer, ses capacités manœuvrières, la tenue du mouillage, etc. Nous allons poursuivre par la vérification des capacités militaires. Le bateau doit rallier Nouméa début 2023.

Vous avez évoqué la préparation opérationnelle et Polaris, exercice majeur en novembre 2021, qui constitue l'impulsion donnée à la refondation de la préparation opérationnelle dans la Marine. J'ai souhaité que l'on change complètement de dimension et d'état d'esprit : nous avons passé trente ans à qualifier nos forces avec un programme d'entraînement très précis, en vérifiant que tout le monde coche bien les cases. Nous allons continuer à le faire, évidemment, car il s'agit de sécurité, de capacité à manœuvrer et de savoir-faire de base. Mais c'est aujourd'hui insuffisant.

La réforme de la préparation opérationnelle vise à être en mesure de faire face à l'incertitude du combat. Dans le nouveau format d'entraînement, la seule règle, c'est qu'il n'y a pas de règle. Dans les exercices classiques, le parti ennemi attaque à une heure prévue. Ça n'est plus le cas. Les exercices durent longtemps, les moyens détruits fictivement quittent l'exercice. Cela oblige les commandants à réagir différemment, à prendre des risques autrement, mais aussi les états-majors à penser la guerre de manière différente, dans une logique de maîtrise des moyens – on compte ses missiles, ses bateaux et ses coups, l'objectif étant de produire de l'effet avec un risque maîtrisé.

Nous y consacrons des moyens en plastrons navals et aériens, par le biais de marchés à bons de commande, attribués à AvDef et Secapem, l'externalisation étant engagée depuis plusieurs années afin de maîtriser les coûts. Cela représente environ 5 millions d'euros, pour un peu moins de 700 heures de vol et, pour les plateformes navales, en 2020, 5 millions d'euros pour 400 jours de mer.

Je voudrais maintenant répondre à la question de monsieur Saintoul sur les fonds marins. Nous avons pris conscience de notre retard lors des recherches de la Minerve – sous-marin perdu corps et biens en 1968 et retrouvé en 2019 à l'initiative de mon prédécesseur, l'amiral Prazuck. C'est une entreprise civile mettant en œuvre des drones sous-marins qui a retrouvé la Minerve. Nous avons alors constaté le fossé qui s'était creusé entre les technologies civiles et nos capacités militaires. L'état-major a engagé une réflexion, présentée à la ministre, qui a décidé de la rédaction d'une stratégie ministérielle de maîtrise des fonds marins.

Actuellement, nous évaluons les capacités dont nous devons nous doter pour atteindre les objectifs de la stratégie fonds marins. Mon homologue norvégien m'expliquait récemment que l'industrie norvégienne du pétrole et du gaz disposait de plusieurs centaines de ROV. Il faut chercher la complémentarité avec ces moyens. En revanche, nous militaires avons des éléments de renseignement, une connaissance de nos approches. Il nous faut développer des cas d'usage en expérimentant les différentes solutions pour définir ce dont nous avons besoin. Notre capacité à maîtriser les fonds marins est par ailleurs liée à l'interconnexion entre d'un côté les opérateurs de câbles, les opérateurs pétroliers et gaziers, et d'autre part les armées.

S'agissant du MCO, la Marine a décidé d'ouvrir les marchés à la concurrence. C'est une politique de long terme. Actuellement, 66 % des marchés de MCO naval sont ouverts à la concurrence. Naval Group, qui dispose de spécialités absolument remarquables, continue à gérer de gré à gré son cœur de métier, les MCO du porte-avions et des sous-marins par exemple. Les prochains bateaux mis en service le seront aussi. Nous sommes donc soucieux de la pérennité des savoir-faire et de l'expérience de l'entreprise, mais constatons que la mise en concurrence a un effet de maîtrise des coûts. Il ne s'agit bien évidemment pas de faire disparaître des opérateurs – et certainement pas Naval Group – mais de maîtriser la dépense publique. Actuellement, Naval Group travaille d'arrache-pied pour que la Perle puisse retourner en mer en fin d'année, les essais étant prévus en début d'année prochaine afin qu'elle soit opérationnelle à l'été.

Monsieur Thiériot, vous m'interrogez sur l'Afrique de l'Ouest. La semaine prochaine, j'invite les chefs d'Etat-major de dix-neuf marines des pays riverains du Golfe de Guinée L'an dernier, le symposium a été organisé à Pointe-Noire au Congo. Avec certains pays européens, c'est l'occasion de soutenir la souveraineté des pays riverains sur leurs eaux. Un logiciel a par exemple été mis en place pour diffuser l'information maritime et permettre la coordination de l'action des Etats en mer Nous avons aussi mis en place des formations par le biais d'exercices de lutte contre la piraterie ou de contrôle des pêches, la pêche illicite vidant littéralement le golfe de Guinée de son poisson – on estime que 40 % des prises sont illégales dans cette zone.

Madame Poueyto, le dimensionnement de notre parc de Rafale est intimement lié au calendrier de déploiement du système de combat aérien du futur (Scaf), qui comporte une dimension aéronavale. En fonction du biseau – c'est-à-dire de la date à laquelle les premiers Scaf sont livrés aux forces armées –, la question du vieillissement du parc de Rafale va se poser, avec une particularité pour la marine : elle a été la première à être, rapidement, dotée, et sera donc la première à être « dé-dotée » selon un rythme tout aussi rapide. Ce sujet est instruit à l'état-major des armées (EMA). La verticalisation des contrats de MCO, entreprise par la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) sur instruction de la ministre, madame Parly, a porté ses fruits puisque la disponibilité technique du Rafale avoisine les 75 %, et dépasse 97,7 % à bord du porte-avions pour la période de janvier à septembre 2022. C'est un véritable succès.

Enfin, monsieur Berteloot, vous évoquez la PMM. C'est un des principaux axes du renforcement du lien armée-nation. Elles accueillent environ 3 000 jeunes chaque année et montrent leur efficacité pour faire souffler l'air du large dans les territoires.

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