Intervention de Amiral Pierre Vandier

Réunion du jeudi 13 octobre 2022 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Amiral Pierre Vandier, chef d'état-major de la marine :

Madame Santiago, vous avez cité cette phrase du Président de la République : « Le XXIe siècle sera maritime. » Il a souhaité que se tienne à Brest le One Ocean Summit, qui sera probablement suivi l'année prochaine d'un One Island Summit au cours duquel seront traités de nombreux sujets touchant aux outre-mer.

Je note aussi la fréquence à laquelle est cité l'Indo-Pacifique, dans les interventions du Président de la République et du ministre des Armées, tant pour ses vertus économiques que pour son rôle stratégique. C'est effectivement l'endroit où la France pourra le mieux exprimer le concept de puissance d'équilibre. Les capacités présentes dans l'Indo-Pacifique font évidemment l'objet de toutes les attentions de la Marine. J'ai déjà évoqué le renouvellement des patrouilleurs outre-mer : six nouveaux patrouilleurs – deux à La Réunion, deux à Nouméa et deux en Polynésie française – seront mis en service d'ici à 2025.

Nous avons commencé à étudier, avec nos partenaires européens, le remplacement après 2030 de nos frégates de surveillance par des European Patrol Corvettes (EPC). Je forme l'espoir que les Européens s'accordent sur le même standard de corvettes.

Le changement climatique est un sujet pour la Marine, dans la mesure où il entraîne une augmentation de la fréquence des événements climatiques extrêmes. Nous sommes donc très vigilants quant au maintien de nos capacités de réponse en matière de Humanitarian Assistance and Disaster Relief (HADR). Nous devons pouvoir porter assistance aux populations de territoires potentiellement dévastés par des événements climatiques majeurs tels que des tsunamis ou des ouragans. C'est ce que nous avons fait cette année aux Tonga frappées par un épisode volcanique, comme nous l'avions déjà fait en 2017 aux Antilles après le passage d'un ouragan, grâce à nos PHA et à nos BSAOM.

Le réchauffement climatique provoque également des déplacements de ressources halieutiques. Certains pêcheurs ne bénéficient plus de remontées d'eaux froides, n'attrapent plus rien et sont obligés d'aller chez leurs voisins, ce qui suscite des conflits d'usage et donc une sorte de militarisation du contrôle des pêches, particulièrement en Asie.

Enfin, du fait de la fonte des glaces, la voie nord, qui permet de basculer des forces de l'océan Pacifique à l'océan Atlantique, est susceptible de devenir une voie permanente. On entend souvent dire que la présence de nos armées, en particulier de la marine, dans les outre-mer coûte très cher. Permettez-moi de vous donner un exemple qui vous prouvera le contraire. Durant plusieurs années, la Marine et l'administration des TAAF se sont battues contre la pêche illégale au large de La Réunion ; or, en 2017, le chiffre d'affaires de la légine, qui est devenue la première source de revenus de l'île, devant la canne à sucre, a atteint 129 millions d'euros, quand le coût de fonctionnement annuel d'une frégate de surveillance est de 13 millions d'euros (en 2022). Vous voyez là les effets de levier permis par la présence de la Marine. Dans ces zones très riches en ressources, notre investissement permet à la population d'en prendre le contrôle et de la traiter de manière écoresponsable, ce qui contribue au développement économique des territoires.

Monsieur Larsonneur, j'attends trois choses des drones.

Je veux en premier lieu qu'ils constituent un levier en matière de ressources humaines (RH). À l'horizon de la LPM, nous attendons quelque 1 500 marins supplémentaires, notamment pour constituer le noyau du successeur du Charles de Gaulle et assurer la manœuvre entre retrait du service actif (RSA) et admission en service actif (ASA). À iso-RH, les drones vont nous permettre de faire plus : ce sont des boosters de capacité. Les drones automatiques, notamment les drones de surface et les drones sous-marins, permettent de réaliser des missions sans beaucoup d'interventions humaines. Il y a évidemment un questionnement éthique à traiter. Aussi l'intervention de l'homme dans la boucle restera- pour nous un point très important.

Le deuxième levier apporté par les drones est financier. À service égal, les capacités dronisées doivent coûter moins cher. La boule optronique et la charge utile du drone hélicoptère doivent permettre d'économiser 50 % ou 60 % du coût de l'heure de vol d'un NH90 ou d'un H160.

Le troisième levier concerne le risque. Un drone permet d'opérer dans un environnement contesté, par exemple en zone littorale ou dans une bulle de déni d'accès dite A2/AD. On peut accepter de prendre un coup avec un drone, plus facilement qu'avec un aéronef habité.

Les drones évoluent dans tous les milieux.

Les drones sous-marins sont mobilisés dans le cadre du plan d'action des fonds marins. De même, l'ensemble de la chaîne de la lutte anti-mines du futur sera dronisée, du bateau de surface qui remorque le sonar à l'engin qui navigue sous la surface de l'eau.

S'agissant de l'axe des drones de surface, nous n'en sommes qu'au début. Nous discutons et échangeons sur les retours d'expérience de nos camarades étrangers, notamment américains, dont le programme de dronisation de surface très avancé a été joué pendant l'exercice Rim of the Pacific (Rimpac). Notre objectif actuel est d'affiner ce concept pour déterminer l'investissement nécessaire.

Ce travail, qui rejoint un souhait très important du ministre des armées, a été lancé par la direction générale de l'armement (DGA) dans le cadre de sa démarche « faire autrement ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion