Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Réunion du jeudi 11 mai 2023 à 10h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Jeudi 11 mai 2023

La séance est ouverte à dix heures quinze.

(Présidence de M. Johnny Hajjar, rapporteur de la commission)

La commission auditionne, en table ronde, les compagnies aériennes desservant les outre-mer.

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En l'absence du président, actuellement en déplacement hors de l'hexagone et qui vous prie de l'excuser, j'exercerai aujourd'hui les fonctions de rapporteur et de rapporteur.

Nous poursuivons les auditions en entendant les compagnies aériennes sous forme de table ronde, sujet très important pour les peuples de nos territoires.

Je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations et vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, madame, messieurs, à lever la main droite et à dire « je le jure ».

(M. Pascal de Izaguirre, Mme Martine Haas, M. Joseph Bréma, M. Henri de Peyrelongue, M. Benjamin Lechaud, M. Aurélien Gomez, M. Jean-Marc Hastings, M. Charles-Henri Strauss et M. Éric Michel prêtent serment.)

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Henri de Peyrelongue, directeur général adjoint commercial ventes d'Air France-KLM

Le groupe Air France – KLM est un vecteur essentiel de connectivité des outre-mer dans l'ensemble des régions métropolitaines et de l'Europe, à travers une offre complète à destination d'Orly et par la mise en place de vols par le biais du hub de l'aéroport Charles-de-Gaulle (CDG). La compagnie est présente à La Réunion, aux Antilles et en Guyane depuis plus de 75 ans. Air France (AF) assure également une desserte régionale entre la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, ainsi que des vols depuis Pointe-à-Pitre vers Miami et Montréal visant à favoriser les échanges touristiques et économiques. Depuis le 5 mai, un vol hebdomadaire est également opéré entre Cayenne et Belém au Brésil. Pour Air France, l'outre-mer représente environ 15 % de son offre long-courrier. Cette proximité ne s'est pas démentie pendant la crise de la Covid-19 pendant laquelle Air France a assuré la continuité territoriale avec les départements d'outre-mer. Au plus fort du confinement, au printemps 2020, Air France a maintenu une activité entre un et deux vols hebdomadaires vers Pointe-à-Pitre, Fort-de-France, Cayenne et Saint-Denis de la Réunion, permettant ainsi l'acheminement de matériel médical pour faire face à la crise sanitaire, ainsi que du fret vital pour l'économie locale. La France a également préservé sa desserte de l'aéroport de Tokyo-Narita pour permettre les correspondances avec la Nouvelle-Calédonie tandis que la desserte de la Polynésie était assurée par Air Tahiti Nui.

Air France emploie directement plus de 600 personnes en outre-mer et selon une étude de l'école de commerce EM Strasbourg réalisée en 2013 et dirigée par Herbert Castéran, l'activité de la compagnie représente plus de 10 000 emplois directs, indirects et induits dans ces territoires et une contribution importante à l'économie locale. Nous sommes également présents pour soutenir le développement de l'économie locale en consacrant plus de 200 000 euros pour la création ou le maintien d'emplois dans le secteur de l'économie sociale et solidaire (ESS) à travers une convention de revitalisation avec les préfectures de plusieurs départements d'outre-mer.

Enfin, la fondation Air France a soutenu depuis 2018 plus de 50 projets dans les outre-mer, ce qui représente un investissement de près de 700 000 euros, notamment pour permettre l'accès à la culture pour les jeunes de quartiers défavorisés, pour lutter contre l'exclusion, les personnes en situation de handicap, ou encore en vue de conduire des actions de sensibilisation aux enjeux de l'océan et au développement durable. Nous sommes donc pleinement conscients de notre rôle de facteur de cohésion et de lien dans les territoires d'outre-mer au-delà de notre activité de desserte aérienne.

Je tiens à souligner la situation économique des compagnies qui s'est fortement dégradée ces derniers temps. La crise de la Covid-19 a eu un impact extrêmement lourd sur l'ensemble des acteurs de l'aérien. Les conséquences pour Air France-KLM sur le plan économique ont été significatives et durables avec une perte nette de 3,9 milliards d'euros en 2021, après des pertes de 7 milliards d'euros en 2020. Au premier trimestre 2023, AF perdait encore de l'argent avec un résultat net négatif de -228 millions d'euros.

Malgré la reprise du trafic, la situation d'Air France reste marquée par des fonds propres négatifs et une dette toujours significative de près de 10 milliards d'euros. Les compagnies restent dans un contexte fragile de sortie de crise et doivent faire face à des perspectives économiques globales très incertaines. Dans ce contexte économique très dégradé à la suite de la crise de la Covid-19, l'approche commerciale d'Air France sur les territoires d'outre-mer s'est adaptée aux évolutions dans un contexte opérationnel particulier de la crise de la Covid-19. Dans les départements d'outre-mer (DOM), Air France a modifié pendant la crise plusieurs fois ses capacités afin de répondre à la redistribution de la demande liée aux fermetures des frontières. Notre offre de l'hiver 2022 était plus importante qu'à l'hiver 2019 sur chacune des destinations, mais certes en recul par rapport à l'été 2022, notamment en raison de la réouverture des frontières et du réseau et le redéploiement de notre offre vers les marchés à forte demande.

Air France maintient une desserte depuis Orly et Charles-de-Gaulle vers Fort-de-France, Pointe-à-Pitre et La Réunion pour offrir un choix large à ses passagers et permettre une connectivité optimale vers la province française, tant Marseille, Nice et Toulouse par le biais de la navette à Orly que vers les autres aéroports français grâce à CDG comme Biarritz, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes et bien sûr Cayenne.

La crise a de fait fortement impacté les compagnies. Nous maintenons somme toute notre desserte à travers Orly et CDG. Compte tenu des évolutions de capacités observées pendant cette période, il nous a semblé plus pertinent de comparer les niveaux tarifaires que nous avons aujourd'hui par rapport à la période pré-Covid-19, la période 2019.

Je soulignerai par ailleurs la spécificité de l'axe entre les territoires d'outre-mer et la France. Cette desserte entre l'Hexagone et les territoires d'outre-mer reste extrêmement concurrentielle. J'invoquerai le rapport de la délégation aux Outre-mer du Sénat sur la continuité territoriale outre-mer qui a été déposé le 30 mars par M. Guillaume Chevrollier et Mme Catherine Conconne, qui conclut à une très forte concurrence sur ce marché.

Je tiens d'autre part à insister sur le caractère extrêmement saisonnier de ce marché. Finalement, les marges que nous réalisons en outre-mer sont très en dessous de ce que nous constatons sur le reste de notre réseau long-courrier. Celles que nous dégageons dans les moins forts viennent compenser celles que nous avons dans les marges négatives que nous avons dans les moins faibles.

Au reste, il est vrai que depuis quelques mois, nous faisons face à une pression sur les tarifs. Un certain nombre de coûts augmentent au départ des DOM, dont le prix du kérosène qui a augmenté depuis 2022, une forte inflation sur les autres postes de dépenses, comme les coûts salariaux et les coûts d'assistance en escale ou des redevances portuaires et dans le cas d'Air France, le poids de la dette liée à la hausse des taux d'intérêt. Nos coûts ont significativement augmenté sur le réseau des Caraïbes et océan Indien.

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Joseph Brema, président du directoire d'Air Austral

La société Air Austral est une compagnie aérienne qui est basée à La Réunion pour le transport des passagers et de fret. Elle a été créée en 1990. Lors de sa création par la Société anonyme d'économie mixte locale Sematra, qui regroupe les collectivités locales de La Réunion, Air Austral desservait principalement les pays du sud-ouest de l'océan Indien, permettant ainsi de relier les pays membres de la commission de l'océan Indien et les autres pays, et également de développer les échanges avec les pays de la côte du sud-est africain, l'Afrique du Sud, le Kenya, la Tanzanie et le Zimbabwe. À cette époque, Air Austral exploitait une flotte de trois avions moyen-courriers. Le berceau de la compagnie est la ligne Réunion – Mayotte.

Celle-ci a connu une évolution importante de son activité en 2003 à la suite de la faillite de la compagnie Air Liberté. Sous l'instigation des présidents du comité local, la compagnie s'est lancée dans le secteur long-courrier de la métropole et vers la métropole au départ de la Réunion. Dans cette optique, nous desservons également depuis 2003 La Réunion vers la métropole, tout d'abord Paris, et avons ensuite élargi vers d'autres points en province : Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes, Toulouse. En 2009, le réseau s'est élargi vers l'Asie et l'Océanie devenant la seule compagnie française reliant le territoire métropolitain à Nouméa.

La société a rencontré des difficultés économiques en 2010 et 2011 liées à l'évolution des facteurs conjoncturels, prix du dollar et prix du carburant, ce qui a nécessité la mise en place d'un plan de restructuration, avec une reconfiguration du réseau en conservant son périmètre régional, mais en recentrant son réseau long-courrier uniquement sur Paris. Nous avons bien évidemment continué de desservir l'Asie, Bangkok et Chennai.

Avant la crise de la Covid-19, Air Austral était une compagnie qui transportait 1,2 million de passagers. Nous avions une flotte de huit avions composée d'avions long-courriers, de gros porteurs, des 777-200ER, des Boeing 787 entrés dans la flotte 2016 et qui nous ont permis de desservir la ligne directe Mayotte – Paris, ainsi que des avions moyen-courriers, les A220 aujourd'hui, les 737 à l'époque, ainsi que des avions de transport régional (ATR). Nous avons un trafic de marchandises très important au départ de La Réunion, vers l'Hexagone ou vers les pays de l'océan Indien, qui peuvent atteindre 15 000 tonnes de fret, étant précisé que la compagnie n'a pas d'avion tout cargo, elle transporte ses marchandises dans les soutes de ses avions passagers. Comme toutes les compagnies, avec la pandémie, le secteur aérien a traversé la crise la plus aiguë de son histoire. Air Austral, compagnie française basée dans l'océan Indien, a également été impactée par cette crise. Nous avons eu l'occasion de nous recentrer sur les dessertes entre la France métropolitaine et La Réunion, ou entre La Réunion et Mayotte, puisque les frontières des autres pays étaient fermées.

Air Austral est aujourd'hui un acteur majeur de l'économie réunionnaise. Elle compte près de 900 collaborateurs en emplois directs, auxquels s'ajoutent 3 000 emplois indirects. La société fait partie des dix premiers employeurs à La Réunion. Air Austral est la seule compagnie aérienne basée à La Réunion et à ce titre, le premier transporteur sur la plateforme aéroportuaire Roland-Garros, avec 45 % du trafic transporté, toutes destinations confondues. Elle est aussi une actrice importante du trafic de la France métropolitaine et vers la France métropolitaine au départ de La Réunion, mais aussi au départ de Mayotte. La liaison directe Mayotte – Paris a été ouverte en 2016 avec un avion que nous avions uniquement acheté pour cette partie qui représente aujourd'hui une part importante de notre activité.

La compagnie est le premier transporteur sur les liaisons régionales des pays de l'océan Indien et de l'Afrique du Sud et vers les pays de l'océan Indien et l'Afrique du Sud, avec 63 % de parts de marché devant les compagnies Air Mauritius et Air Madagascar. Plusieurs compagnies sont présentes autour de la table s'agissant de la partie long-courrier. Nous sommes en concurrence directe avec la compagnie Air France, la compagnie Corsair, la compagnie French Bee sur l'axe vers la France métropolitaine.

Air Austral permet d'assurer la continuité territoriale de La Réunion ainsi que les îles voisines de l'océan Indien, notamment à Mayotte avec la France métropolitaine. Air Austral est également le premier transporteur de fret sur la plateforme avec 36 % de parts de marché.

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Charles-Henri Strauss, directeur des affaires juridiques de French Bee

Nous sommes la compagnie la plus jeune dans cette salle, créée en 2016. Nous avons une offre qui représente 50 % de notre activité qui sont les outre-mer avec la Réunion et Papeete. Les 50 % restants sont les États-Unis. Notre positionnement est qualifié de « prix intelligents », smart cost : ce sont des avions de dernière génération, hautement densifiés, avec pour but premier de tirer les prix vers le bas avec un tarif plancher sur lequel nous ajoutons des options. Ainsi que ce point a pu être souligné par Air France, nous nous trouvons effectivement dans un contexte un peu compliqué de sortie de crise. Nous opérons sur des marchés hautement concurrentiels et faisons de fait face à cette concurrence. Dans ce marché concurrentiel, les coûts sont en train d'exploser. Le contexte n'est pas toujours très simple pour les compagnies aériennes.

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Éric Michel, directeur général Antilles d'Air Caraïbes

Nous sommes une compagnie privée intégrée à une holding familiale, le groupe éponyme Dubreuil, qui réalise environ 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Au sein de la holding, le groupe Dubreuil aéronautique regroupe trois compagnies : Air Caraïbes, Air Caraïbes Atlantique, French Bee et Hi Line, l'entité Cargo. Le tout représente environ 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires.

L'activité d'Air Caraïbes comprend des vols régionaux intra-Antilles, mais également des vols internationaux à destination de l'arc antillais, de la Caraïbe et de la Guyane. Nos vols long-courriers sont effectués par Air Caraïbes Atlantique qui est une filiale à 100 % d'Air Caraïbes ayant une société d'affrètement sous statut Aircraft, Crew, Maintenance and Insurance (ACMI). Le siège d'Air Caraïbes est situé aux Abymes en Guadeloupe. Nous employons 340 employés, tous en contrat à durée indéterminée (CDI) et 52 personnels navigants sur le réseau régional. Nous avons trois bases pour les personnels navigants situées à Point-à-Pitre, Fort-de-France et Cayenne. Vous comprendrez ainsi que notre présence sur le territoire antillais est très forte.

La flotte d'Air Caraïbes est constituée pour le long-courrier d'Airbus 350. Nous avons six modèles de ce type, notamment l'avion de dernière génération, le plus moderne. Nous sommes pour l'instant le seul opérateur français à opérer avec ce type d'appareils. Nous détenons également deux Airbus A330-300 et un Airbus 330-200. L'activité court-courrier est effectuée par une flotte d'ATR ; nous avons trois ATR de dernière génération 72-600 pour effectuer les cabotages inter départements.

Notre réseau long-courrier comprend des directions de Pointe-à-Pitre, Fort-de-France, Cayenne pour les Antilles françaises, Punta Cana, Port-au-Prince, Cancún et Columbus Island pour les Caraïbes. Deux destinations sont suspendues pour le moment, Saint-Martin et La Havane, que nous espérons reprendre lorsque l'activité économique de Cuba notamment s'améliorera.

Je précise que nous allons célébrer cette année nos 20 ans de desserte de Point-à-Pitre et de Fort-de-France. Nous sommes une très jeune compagnie et avons un peu plus de 20 ans d'existence, et 15 ans pour la ligne Orly – Cayenne.

Pour le réseau court-courrier, nous desservons Fort-de-France, Pointe-à-Pitre, Saint-Martin Grand-Case et Santo Domingo. Pour les Antilles, nous opérons jusqu'à 12 vols par semaine entre Orly et Pointe-à-Pitre, dix vols entre Orly et Fort-de-France et quatre vols par semaine entre Orly et Cayenne. Nous transportons environ 1,3 million passagers à l'année, dont un peu plus de 1 million sur l'axe antillais. Sur le réseau régional, nous opérons entre Fort-de-France et Point-à-Pitre à hauteur de 42 vols par semaine et entre Pointe-à-Pitre et Grand-Case, jusqu'à 28 vols par semaine, pour environ 293 000 passagers transportés.

Notre cœur d'activité est situé aux Antilles et nous sommes un acteur majeur pour des entreprises antillaises. Air Caraïbes comprend votre démarche visant à analyser les modalités des prix pratiqués. Nous espérons vous les expliquer à l'occasion de cette commission. De surcroît, nous comprenons tout à fait votre démarche de vouloir proposer des prêts abordables au départ des Antilles ; nous y contribuons dans la mesure de nos possibilités. Ainsi que mes confrères d'Air France, de French Bee et d'Air Austral ont pu le souligner, 2022 fut une année très particulière, notamment avec l'envolée du prix du carburant qui a pratiquement doublé en l'espace d'une année. Aux Antilles, nous avons vécu la particularité d'une augmentation de 14 % du carburant en complément de l'augmentation globale des prix, Le prix du change euro dollar a été défavorable à l'euro. Je précise que 80 % de nos achats et dépenses sont libellés en dollars dans notre périmètre aérien. Soulignons par ailleurs les augmentations des prix des matières premières, le commissariat, les sous-traitants et les taux de crédit Libor (London Interbank Offered Rate) qui ont explosé. Ces éléments ont considérablement renchéri nos coûts. Nous n'avons effectivement pas eu d'autres choix que de répercuter une partie des coûts, pas la totalité cependant.

Nous avons tous des solutions et comprenons tout à fait que les prix du transport aérien ont pris de l'importance, notamment sur ces axes majeurs et pour la continuité territoriale. Avec nos équipes, nous recherchons au quotidien des solutions pour que nos concitoyens antillais puissent voyager à des coûts un peu plus raisonnables que ceux aujourd'hui proposés.

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Jean-Marc Hastings, directeur France et Europe d'Air Tahiti Nui

Je représente M. Michel Monvoisin, le président-directeur général d'Air Tahiti Nui, et M. Mathieu Bechonnet, directeur général, qui sont retenus à Tahiti pour des raisons d'agenda et de décalage horaire. Le siège social d'Air Tahiti Nui est basé à Tahiti. Nous exploitons une flotte de quatre avions long-courriers, des Boeing 787-9 de 294 sièges. Notre réseau consiste à desservir depuis Tahiti les États-Unis, les villes de Los Angeles et de Seattle, Paris, via ces points des États-Unis, la ville d'Auckland en Nouvelle-Zélande et le Japon au travers de l'aéroport de Narita. Air Tahiti Nui est un lien stratégique avec les principales régions et matrices de trafic touristique vers la Polynésie et, pour les Polynésiens, un lien vers le monde, et ce, depuis 25 ans. Air Tahiti Nui est la première entreprise en Polynésie en matière de chiffre d'affaires et le deuxième employeur local transportant 52 % des touristes vers la Polynésie, secteur économique essentiel pour l'économie du territoire.

Notre stratégie repose sur des engagements de responsabilité sociétale forte : une exploitation responsable en respect total de la sécurité, de la réglementation et de relations durables avec nos partenaires, une réduction d'empreinte carbone améliorée, notamment par une flotte rénovée, l'impact de nos activités sol et la contribution à la préservation de la biodiversité locale, l'accompagnement au développement économique de la Polynésie étant un de nos piliers. Comme tout le secteur, Air Tahiti Nui a également été très impactée pendant ces trois dernières années de crise sanitaire. Les vols avec la métropole ont constitué un lien essentiel pendant la crise, notamment pour des raisons sanitaires. La compagnie a été soutenue par le pays, qui est son principal actionnaire, au travers d'une subvention d'équilibre et de dispositifs exceptionnels de sauvegarde de l'emploi, dont le dispositif exceptionnel de soutien à l'emploi (DiESE), sur la réduction du temps de travail visant à pallier l'absence de chômage partiel en Polynésie. Ces mesures ont été décidées par le gouvernement local. Air Tahiti Nui a également été aidée par l'État au travers d'un prêt garanti et du dispositif d'aide aux coûts fixes.

2022 a été une année de forte reprise dans un contexte concurrentiel et économique très difficile. En 2022, la compagnie a réalisé un chiffre d'affaires de 256 millions d'euros, soit 96 % du chiffre d'affaires de 2019, malgré une concurrence très agressive, notamment par une augmentation très importante d'offres en sièges entre les États-Unis et la Polynésie qui est le premier marché aérien vers Tahiti. Il est à noter une reprise tardive des vols vers la Nouvelle-Zélande, uniquement dans le courant du deuxième trimestre, la fermeture des vols sur le Japon, que nous ne reprendrons qu'au mois d'octobre de cette année, et des restrictions de voyage. Le début de l'année 2022 a effectivement été impacté par la crise sanitaire.

La ligne Paris – Tahiti est évidemment une ligne essentielle dans l'économie de la compagnie. Elle a été soutenue par une bonne reprise. La forte activité cargo ainsi qu'un dollar également fort ont contribué à cette reprise de taille. Néanmoins, dans ce contexte, nous avons connu une surcapacité entre Tahiti et les États-Unis amenant une forte concurrence tarifaire, concurrence couplée à un réceptif notamment en matière d'hébergement, ayant limité la reprise que nous espérions.

2022 a également été un contexte de maîtrise des charges dans un contexte d'inflation record porté en particulier par le carburant : +40 % par rapport à 2019, sans possibilité d'inflation tarifaire du fait de cet environnement concurrentiel.

2023 se présente comme une année avec une demande soutenue dans un contexte de très forte volatilité des cours carburants et d'inflation des différents maillons des prestataires qui nous aident et qui contribuent à exploiter nos avions.

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Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair, président de la fédération nationale de l'aviation et de ses métiers, président de la Chambre syndicale du transport aérien

Corsair est présent depuis plus de 35 ans sur les liaisons ultramarines, essentiellement les Antilles, La Réunion et Mayotte. Je tiens à souligner une spécificité puisque la très grande majorité des actionnaires de la compagnie Corsair sont des actionnaires ultramarins basés dans les Antilles, mais pas uniquement, avec une autre spécificité. Nous comptons en effet les deux collectivités territoriales de Guadeloupe et de Martinique dans notre actionnariat qui connaissent parfaitement nos comptes. Nous sommes bien évidemment totalement transparents vis-à-vis de ces actionnaires qui font pression pour la compétitivité de nos tarifs au profit des populations ultramarines.

Les lignes ultramarines représentent deux tiers à 70 % de notre chiffre d'affaires. C'est un aspect absolument vital pour nous qui ne pouvons que travailler en osmose avec notre écosystème ultramarin.

Nous avons ouvert des lignes au départ de la province vers les Antilles et vers la Réunion. Nous sommes le seul transporteur à procéder de la sorte malgré une situation financière à présenter. D'importants investissements en matière de modernisation de la flotte ont été réalisés puisque nous avons acquis cinq appareils Neo de dernière génération. Quatre autres ont été commandés et seront livrés au cours de l'année 2024. Notre flotte sera ainsi entièrement renouvelée, ce qui est majeur pour l'aspect du développement durable. Nous nous investissons dans le soutien économique et social aux populations locales. Nous avons créé des bases de personnel navigant et commerciaux aux Antilles et à la Réunion. À ce titre, nous avons embauché en CDI des jeunes ultramarins qui étaient précédemment inscrits à Pôle emploi.

Nous investissons dans la formation. Je souligne à cette occasion le projet très ambitieux que nous avons aux Antilles avec Mme Marie-Claude Valide. Nous nous voulons être un acteur engagé aux côtés des populations ultramarines. En outre, nous sommes parfaitement conscients que le transport aérien pour les Ultramarins n'est pas un luxe, mais un besoin vital, un produit de première nécessité. Une grande sensibilité aux prix est de fait tout à fait normale.

Au reste, certains pourraient penser que les compagnies aériennes font des bénéfices considérables sur la base de tarifs sur lesquels nous pourrons revenir. La réalité n'est pas là ; tous mes collègues l'ont souligné, nous avons été très secoués par la crise de la Covid-19. Si les compagnies aériennes faisaient de gros bénéfices, je pense que cela se saurait. Pour ce qui concerne Corsair, nous avons subi de très grosses pertes durant les années de pandémie. Je suis en train d'essayer de renégocier la dette et de restructurer la dette avec l'État ; la situation financière est par conséquent très tendue.

Je souhaite ainsi balayer un premier élément selon lequel Corsair ferait des marges considérables dues à des tarifs prohibitifs – et je pense qu'il en est de même pour mes collègues. Par ailleurs, on entend souvent parler de comparaisons par rapport à l'année 2021 et 2022, qui n'est pas une année pertinente puisque c'est une année anormale durant laquelle nous avions très peu de capacités. Nous observions de plus une concurrence très forte parce que les compagnies avaient majoritairement réorienté leurs capacités sur les liaisons ultramarines, de nombreuses liaisons internationales étaient alors fermées. Cette comparaison n'est pas pertinente. Mieux vaut se baser plus en arrière. Le baromètre de la direction générale de l'aviation civile, par exemple, prend le point de référence 2017. Nous nous apercevons alors que la hausse est bien plus modérée.

Je tiens à préciser que nous continuons à faire les promotions. Corsair présente actuellement un tarif promotionnel très largement offert, qui n'est pas réservé à des classes de réservation spécifiques, à 489 euros toutes taxes comprises. Je constate qu'en 2015-2016, nos tarifs promotionnels étaient plus élevés que ceux que nous faisons aujourd'hui. Tout dépend donc du point de référence. Les années 2021 et 2022 ne sont pas pertinentes cependant.

Enfin, j'estime que nous avons besoin de votre soutien pour baisser les prix. Le prix de l'aérien est la résultante de diverses composantes. Il ne s'agit pas de s'en prendre uniquement aux transports aériens. La hausse de nos coûts de production doit en effet être intégrée, de même qu'une inflation générale, car tout augmente considérablement.

Abordons somme toute la situation spécifique des collectivités ultramarines avec des monopoles comme celui de la société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA) aux Antilles, par exemple, qui me paraît un abus clair et manifeste de position dominante – et je ne suis pas le seul à le penser. Je pourrai vous communiquer des évolutions de chiffres mettant en avant un différentiel de prix entre le prix payé par Corsair à Orly et le prix payé aux Antilles qui n'est absolument pas justifié. Cette augmentation est survenue en avril-mai que toutes les compagnies aériennes l'ont attaquée. Nous soulignons par ailleurs l'imposition à La Réunion au 1er octobre 2022 d'une taxe prétendument justifiée par l'augmentation du transport du fret maritime. Il est effectivement possible de focaliser sur les compagnies aériennes, la composante du prix résulte toutefois d'une agrégation de nos coûts d'exploitation. Il serait pertinent de nous interroger sur la manière de réduire le niveau de nos coûts sur les territoires ultramarins, de réduire le niveau des redevances des navigations aériennes ainsi que le niveau des redevances aéroportuaires. Je précise qu'à chaque fois, nous avons affaire à des monopoles ; nous savons bien que le monopole n'est pas l'élément le plus positif pour l'aspect de la compétitivité des prix ou les avitailleurs en carburant. C'est là où nous avons besoin de votre aide.

Enfin, je suis prêt à m'engager à restituer au consommateur toute baisse des coûts de production dont nous bénéficierions, par exemple parce que le pétrole serait moins cher aux Antilles où les aéroports également feraient des efforts pour diminuer le niveau de la redevance aéroportuaire.

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Ce sujet est crucial, vous l'avez soulevé. Vous défendez les entreprises dont vous avez la gestion, ce qui est normal. Au demeurant, une focalisation est faite sur l'usager. Ceux qui subissent en effet toutes les inflations, qu'elles soient pour le transport aérien, pour les produits de nécessité ou pour la vie de tous les jours sont les usagers, donc les peuples de nos territoires. Nous observons une accumulation, d'autant plus sur des territoires enclavés et insulaires géographiquement. Les questions de desserte aérienne, du transport de passagers et de marchandises font partie du panier des ménages. Il est nécessaire de se déplacer, encore faut-il avoir les moyens de le faire.

Pouvez-vous indiquer très clairement la manière avec laquelle les prix des billets d'avion sont déterminés ? Nous aurons ainsi une idée claire du sujet. Pouvez-vous préciser par ailleurs la part du transport de passagers dans votre modèle par rapport à la part du transport de marchandises ? Je suppose que c'est une vision globale. Quels sont vos taux de marge ?

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Henri de Peyrelongue, directeur général adjoint commercial ventes d'Air France-KLM

Deux éléments contribuent à la fabrication et à la définition des prix. Le premier concerne les éléments de coût évoqués par M. Pascal de Izaguirre. Le deuxième élément est l'équilibre entre l'offre et la demande. Concernant l'élément de coût, nous, compagnies aériennes, constatons une augmentation générale des coûts (inflation, coûts salariaux, coûts d'assistance en escale). Nous relevons de plus des éléments spécifiques aux territoires d'outre-mer, notamment aux Antilles avec le kérosène et les coûts additionnels que la SARA nous octroie pour le kérosène. Les compagnies aériennes ont une obligation d'équilibrer leurs comptes, ce qui les amène à avoir une politique plus stricte en matière de prix, soit avec des promotions moins fréquentes ou moins agressives, soit avec des hausses structurelles de tarifs. Telle est la première composante de construction des prix.

L'autre composante est l'équilibre entre l'offre et la demande. Lorsque les prix sont mis en place, une disponibilité est offerte entre les prix les plus bas et les prix les plus hauts qui dépend de la demande et de l'offre qui existent. La spécificité du transport aérien sur les territoires d'outre-mer se retrouve dans une très forte concurrence au bénéfice du client qui amène justement à contenir pour partie les hausses liées à l'augmentation des coûts. Je soulignerai une spécificité du transporteur Air France par rapport aux autres compagnies. Les Antilles et les territoires d'outre-mer représentent 15 % de notre activité. Nous avons de ce fait une base d'expérience ; des comparaisons sont possibles avec d'autres territoires d'Amérique latine, d'Amérique du Nord, d'Afrique et d'Asie. Nous constatons que la résultante de cette offre, de cette demande et de cette concurrence fait qu'en valeur absolue, pour des distances comparables, les prix sur les territoires d'outre-mer sont les plus bas du réseau long-courrier d'Air France. Considérons des destinations telles que Cancún ou La Havane ; les Antilles sont en dessous de ces destinations. Nous sommes vraiment dans un marché ouvert et concurrentiel qui amène à baisser les coûts. Un aspect coût d'une part et un aspect équilibre offre/demande d'autre part sont donc à considérer qui, dans le cas des Antilles, sont plutôt vertueux et conduisent à contenir la hausse des prix liée à l'augmentation des coûts que nous pourrions constater.

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Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair, président de la fédération nationale de l'aviation et de ses métiers, président de la Chambre syndicale du transport aérien

Je ne reviendrai pas sur les propos de M. Henri de Peyrelongue qui sont tout à fait vrais. Je souhaiterais évoquer la constitution de nos coûts de production. En premier lieu, mettons en avant une inflation générale très élevée. Tout augmente, et nous n'évoquerons pas les augmentations salariales que nous avons dû opérer, les coûts d'entretien et de maintenance des avions qui ont considérablement augmenté. À Corsair, les avions sont motorisés par Rolls-Royce. Sur les Neo, je n'ai pas le choix, nous avons un Trent 7000. Nous sommes complètement « arnaqués » par Rolls-Royce, si vous me permettez cette expression, qui est dans une situation monopolistique. Nous sommes totalement pieds et poings liés. Je pourrais vous donner l'exemple des redevances de navigation aérienne ; vous aviez la DGAC auparavant, + 25 %. Je pourrais vous donner l'exemple du catering aux Antilles, + 24 %, ou à La Réunion, + 21 %. On parle d'inflation alimentaire en France qui est somme toute bien pire dans les territoires ultramarins.

Certains éléments sont cependant endogènes et propres aux territoires ultramarins. Que font les aéroports pour modérer l'évolution de leur redevance qui représente un élément constitutif de coûts ?

Pour ce qui concerne le pétrole, nous avons attaqué une décision prise fin avril, en début 2022, puisque nous avons été invités à la préfecture à une réunion en présence de la SARA pour nous expliquer que les tarifs seraient augmentés d'un différentiel tout à fait substantiel, avec une opacité incomplète sur les raisons réelles. Nous avions alors compris que l'aérien était en réalité taxé pour modérer l'évolution des tarifs routiers de l'essence. Nous avons envoyé à la préfecture de Martinique un recours gracieux pour que ce différentiel soit supprimé, puisque nous considérons que celui-ci a été ajouté de façon illégale. Nous n'avons pas obtenu de réponse. En conséquence, toutes les compagnies desservant les Antilles ont décidé d'introduire un recours devant le tribunal administratif de Fort-de-France pour voir la préfecture de la Martinique condamnée. Un débat existe pour savoir si la préfecture a imposé ce différentiel à la SARA. Nous avons cependant pu consulter un extrait de la conférence de presse du Sénat et l'intervention de madame la sénatrice Conconne qui a rapporté une conversation avec le directeur financier de la Sara confirmant que l'augmentation était une demande de la préfecture. L'audience se tiendra le 25 mai.

Ainsi, en janvier 2023, le prix payé par Corsair à Orly et le prix payé à Pointe-à-Pitre ou à Fort-de-France étaient supérieurs aux Antilles de 13,6 %, ce que nous pouvons éventuellement comprendre. En février, cet écart est passé à 37 %, en mars à 29 %, en avril à 29 %, et en mai, à 25 %. Expliquez-moi les raisons d'une telle différence de prix. Nous n'avons eu aucune réponse de la part de la SARA.

Le prix du carburant représente 35 % du total des dépenses d'une compagnie. Nous payons ce prix en dollar qui est revalorisé par rapport à l'euro. Par conséquent, sur les lignes Antilles, le poste fioul représente encore plus. Nous nous étions vus imposer un différentiel de la SARA, auquel je faisais allusion et qui est celui que nous attaquons. Pour quelles raisons, entre avril et mai 2023, ce différentiel de la SARA a-t-il augmenté de 25 % sans aucune raison ? Alors que le prix du pétrole baisse, ce qui est incontestable, et que nous pourrions en faire bénéficier les consommateurs, en particulier ultramarins, nous en sommes empêchés par des tarifs prohibitifs. Je mesure la baisse des prix du carburant à Orly. Aux Antilles, la baisse est évidemment bien plus faible, notamment avec une augmentation du différentiel. Ce phénomène est moins vrai à La Réunion. Nous avons somme toute eu une taxe imposée le 1er octobre 2022. On nous a expliqué que le prix du transport maritime du fret pour acheminer le pétrole à La Réunion avait beaucoup augmenté. Pourtant, il ne me semble pas que les bénéfices générés par les transporteurs maritimes soient dans le même état que les résultats financiers des compagnies aériennes, par exemple.

Il nous a été indiqué que le fret était passé de 14,33 euros le mètre cube à 44,12 euros. Le transporteur a pris une marge supplémentaire de 2,16 euros à 17,45 euros. Nous sommes par conséquent passés d'environ 11 euros à 65 euros le mètre cube, ce qui se traduit par une taxe et donc par un renchérissement du prix du pétrole depuis le 1er octobre 2022. Certes, l'équilibre de l'offre et la demande est à pointer. Nous avons cependant un très modeste réseau international par rapport à celui d'Air France. Toutefois, je ne peux que confirmer ce que mon collègue du groupe Air France-KLM a déclaré : les prix sont plus avantageux sur les liaisons ultramarines que sur les liaisons internationales. Nous desservons quelques liaisons en Afrique ; les prix y sont bien plus élevés. C'est d'ailleurs ce que souligne la DGAC : les prix au kilomètre sur les liaisons ultramarines sont plus faibles que sur les liaisons internationales.

Je tenais à insister sur cette spécificité pour laquelle je redemande votre appui, car nous avons l'impression de nous battre seuls, sans soutien de l'écosystème politique local ultramarin qui devrait avoir à cœur de voir une baisse des coûts de production endogènes.

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Joseph Brema, président du directoire d'Air Austral

Concernant la détermination des prix des billets, la dimension de coût doit forcément être considérée, celle-ci étant fonction de l'environnement économique. Monsieur le président de Corsair a rappelé que le carburant représentait entre 23 % et 35 % du prix du billet d'avion. Lorsque vous avez une évolution importante du prix du carburant liée aux frais d'acheminement, liée à l'évolution économique, le prix du billet d'avion sera forcément impacté. L'environnement économique impacte donc le prix des billets d'avion sur les aspects carburant, sur les aspects maintenance, puisque nous nous payons la maintenance en dollars, de même que sur le coût des avions. Il est vrai qu'une disposition permettant aux compagnies de pouvoir bénéficier d'économies fiscales sur le coût de possession des avions a été mise en place. Pour Air Austral, le coût des avions représente 17 % de ce prix des billets sur la liaison vers la France métropolitaine.

Un autre élément est l'environnement de marché. La concurrence engendre la possibilité pour les clients de bénéficier de prix très attractifs en période creuse. La concurrence limite néanmoins les efforts que les compagnies peuvent faire en période de pointe puisque la saisonnalité est très importante. En période creuse, avec la concurrence, nous offrons des tarifs promotionnels. En période de pointe, nous sommes plutôt sur un rapport offre/demande, les prix évoluent alors en fonction de ce rapport.

Il est vrai que les compagnies aériennes ne réalisent pas de marges importantes ; nous sommes plutôt vers l'équilibre. Une compagnie qui réaliserait des marges observerait un pourcentage de l'ordre de 1 % à 2 %. Ces chiffres ne sont pas extraordinaires lorsqu'on sait que dans d'autres secteurs, les taux de marge sont au-dessus de 10 %, pour ne pas dire à deux chiffres.

Air Austral est une compagnie particulière. Les recettes passagers représentent pour ce qui nous concerne 72 % des recettes globales de la compagnie, et la partie fret, 90 % des recettes fret globales de la compagnie. Les prix des billets sont par conséquent fonction de l'environnement économique, de l'environnement de marché. Les taux de marge sont faibles lorsque l'on réalise des marges. Les structures de coûts sont de surcroît assez importantes et impactent le prix des billets d'avion, le carburant, la maintenance ainsi que le coût de possession des avions.

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Éric Michel, directeur général Antilles d'Air Caraïbes

Je souscris tout à fait aux propos de mes confrères d'Air France et de Corsair. Je précise qu'en zone Caraïbes, nous avons le privilège d'avoir les prix carburants les plus élevés de toute la zone : au cours spot, la tonne se négocie à Fort-de-France, Pointe-à-Pitre à 1 187 dollars la tonne, à Cayenne à 1 313 dollars la tonne, alors que lorsque vous êtes à Paris, vous êtes à environ un peu plus de 890 dollars la tonne. La distorsion au niveau du prix est incroyable, M. Pascal de Izaguirre l'a très bien expliquée. Comme vous le savez, nous sommes en procès contre la SARA. Je tiens également à souligner pour ma part l'explosion des coûts liés à l'inflation et la maintenance. Je ne renégocie aucun contrat de maintenance, la MRO, entre plus 15 % ou 20 %. Ces éléments renchérissent malheureusement le prix du billet aérien.

Dans nos régions, nos élus sont très conscients du coût du prix du transport aérien pour un ménage. Au niveau des redevances aéroportuaires, les compagnies aériennes sont les seules à défendre le consommateur. Lors de la dernière conférence, la demande d'augmentation des redevances aéroportuaires et des taxes passagers s'élevait à 6 %. Grâce aux combats des compagnies aériennes, nous avons terminé à 4 % d'augmentation. Il est essentiel que tous les acteurs jouent le jeu, nous, compagnies aériennes, mais également tous les acteurs économiques, afin de faire en sorte que le prix de nos billets d'avion in fine pour le consommateur soit plus accessible.

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Je souhaiterais poser des questions et formuler de courtes remarques. Tout d'abord, qu'est-ce qui a véritablement changé entre 2019 et 2023 dans la composition des coûts des billets d'avion pour la destination vers l'Hexagone ou celle de l'hexagone vers nos territoires ultramarins ? J'aspire à obtenir des éléments un peu plus précis.

Vous affirmez que la concurrence permet quelque part de maintenir les prix ou de stabiliser la hausse. S'agissant de la destination Paris – Réunion et Réunion – Paris, je note cependant que le prix du billet d'avion, a augmenté d'un peu plus de 20 % sur une année en moyenne, ce qui du reste est valable pour toutes les compagnies. Un mystère demeure de surcroît pour nous. Vous nous donnerez une explication économique : plus l'offre est importante, plus c'est intéressant. Je pointe ce grand écart entre la période creuse et la période de pointe. Ne serait-il pas envisageable de lisser les prix des billets d'avion ? Nos compatriotes ultramarins ne comprennent pas ce grand écart, cet effet d'accordéon.

Il est possible de fournir toutes les explications économiques et j'ai bien compris que dans votre activité, le modèle économique n'était pas simple à trouver en matière d'équilibre. Je pense toutefois qu'un effort pourrait être fait. M. de Izaguirre affirme que la concurrence permet de limiter la hausse des prix des billets d'avion. Or, nous avons subi une augmentation de 22 %. Qu'est-ce qui a changé entre 2019 et 2023 ?

Par ailleurs, excepté si j'ai mal lu ou si je l'ai mal écouté, j'ai entendu M. Pascal de Izaguirre parler d'un projet de super compagnie qui pourrait réunir Air Austral, Corsair, Air Caraïbes, à l'image d'Air France. Qu'est-ce qui ferait qu'une super compagnie aurait comme conséquence des billets d'avion moins chers pour nos compatriotes ultramarins alors que dans le même temps, on défend la concurrence ?

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Je souhaiterais poser très directement une question à Air France et à Air Austral.

Monsieur le directeur d'Air France, vous avez déclaré qu'Air France était présente partout dans les départements d'outre-mer depuis 75 ans ; Mayotte est un département d'outre-mer et à ma connaissance, vous n'y êtes pas. Il avait cependant été envisagé un temps que vous puissiez venir. Cependant, pour des raisons que j'ignore, et que vous allez certainement exprimer, on vous a interdit d'aller à Mayotte. Vous y avez renoncé alors que vous nous aviez demandé de nous mobiliser pour favoriser cette intervention qui est attendue à Mayotte depuis 40 ans. Dans le même temps, vous expliquiez que vous participiez à la lutte contre les exclusions et les handicaps, ce que je considère comme une bonne action, et que vous étiez un facteur de lien et de cohésion. Je pense notamment au profil des plus faibles, ce que je salue naturellement. À Mayotte, si l'on veut parler des régions où la cohésion au service des plus faibles est plus qu'intéressante, nous sommes dans le sujet.

Air Austral dessert Mayotte, vous l'avez dit à plusieurs reprises ce dont nous nous réjouissons. Or, je constate qu'il est plus coûteux d'aller de Dzaoudzi à Paris par l'ouest que d'aller de Saint-Denis de La Réunion à Paris. Vous avez indiqué que le facteur carburant constituait à lui seul environ 35 % du coût du billet. Néanmoins, quand vous allez à Paris, vous ne prenez pas le carburant à Dzaoudzi, vous le prenez à Nairobi à plus de 90 % du temps, ou bien vous le prenez à La Réunion. Pour quelles raisons est-il plus coûteux de partir de La Réunion, jusqu'à 30 % plus cher au-dessus du tarif pratiqué, quelles que soient les saisons, que ce soit la haute saison ou la basse saison ?

Est-ce dû essentiellement au fait que vous êtes le seul opérateur ou le quasi seul opérateur puisque votre lot de compagnies Corsair dessert sans doute Mayotte, mais opère dans les mêmes conditions que vous, en aller d'abord à l'est pour ensuite aller à l'ouest, comme si on ne tenait pas compte de la situation de la géographie ? Il n'existe pas de vol direct au départ de Mayotte pour Paris. Il est nécessaire d'aller tout d'abord à La Réunion avant d'aller à Paris.

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Joseph Brema, président du directoire d'Air Austral

Air Austral a investi dans deux avions afin d'offrir la liaison directe Mayotte – Paris, des Boeing 787 de 262 sièges. Vous connaissez l'infrastructure à Mayotte qui nous oblige à passer par Nairobi en fonction de la météorologie qui ne permet pas d'offrir de vol direct. Il existe un certain nombre de coûts au départ de Mayotte qui, malgré les conditions géographiques, ne nous permettent pas d'offrir le même prix qu'au départ de La Réunion. Le carburant est un élément, même si sur 60 % des vols, nous passons par Nairobi ; il est nécessaire de prendre ce carburant. Mon collègue d'Air Caraïbes soulignait que lorsque le prix du carburant à Paris était à 700 dollars la tonne environ, aux Antilles, il était à 1 100 dollars. À Mayotte, la tonne métrique du carburant est à 1 800 dollars. Il nous faut effectivement retenir des éléments de coût. Lorsqu'il est impossible d'atterrir comme nous le souhaitons parce que la piste est courte, lorsque la partie aides navigations n'est pas au vert, des coûts sont engendrés pour la compagnie qui doivent être répercutés dans le prix du billet. Nous n'avons malheureusement pas d'autres choix, monsieur Kamardine, que de répercuter ces coûts dans le prix du billet. Vous avez raison, le carburant n'est pas le seul facteur. D'autres éléments de coûts sont impactants et nous obligent à le répercuter dans le prix de nos billets d'avion.

J'ai connaissance de projets d'agrandissement de la piste de l'aéroport à Mayotte qui permettrait l'arrivée de concurrents. Eu égard à vos propos notamment concernant Air France, vous souhaitez une évolution de la concurrence. L'évolution de la concurrence, comme cela s'est fait à La Réunion, pourrait effectivement permettre, avec une évolution des infrastructures, une baisse des prix du billet d'avion au départ de Mayotte pour Paris comme au départ de Mayotte pour La Réunion.

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Henri de Peyrelongue, directeur général adjoint commercial ventes d'Air France-KLM

En ce qui concerne Mayotte, lorsque nous avons évoqué les difficultés postcovid, nous avons soulevé la situation financière qui a impacté toutes les compagnies, notamment celles qui sont autour de cette table. Cependant, la chaîne d'approvisionnement (supply chain) s'est également retrouvée impactée, entraînant une impossibilité pour la plupart des compagnies de reprendre toute leur activité. Aujourd'hui, Air France n'opère pas l'activité qu'elle avait en 2019. C'est pourquoi nous ne pouvons ni ouvrir ni nous déployer sur toutes les opportunités que nous pouvons identifier. Mayotte fait partie des destinations que nous regardons régulièrement, mais aujourd'hui, nous ne sommes pas en mesure d'opérer compte tenu des contraintes opérationnelles et des contraintes de flotte que nous avons. Par rapport à la logique de positionnement sur les outre-mer que j'ai évoquée précédemment, Mayotte fait partie des destinations que nous regardons régulièrement. Nous ne pouvons pas déployer de capacité sur cette destination pour le moment cependant.

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Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair, président de la fédération nationale de l'aviation et de ses métiers, président de la Chambre syndicale du transport aérien

Nous volons via la Réunion pour des raisons opérationnelles : l'appareil que nous exploitons, l'Airbus A330 Neo est incapable de décoller à pleine charge de Mayotte vers Paris. Nous sommes malheureusement confrontés à des limitations opérationnelles. Nous avons beaucoup échangé avec Airbus, mais ce n'est pas possible malheureusement : la piste est trop courte. Si nous en avions la capacité, nous préférerions bien évidemment desservir Mayotte en direct, l'actuelle façon de procéder est coûteuse – je ne dis pas que c'est un saut de puce, ce n'est pas tout à fait le cas.

S'agissant de la remarque formulée sur la super compagnie, je reviendrai sur un article du journal Le Monde qui ne me semble pas refléter la réalité de la situation. D'un point de vue purement industriel, la consolidation est inéluctable dans le domaine du transport aérien, ce qui vaut pour toutes les parties de la planète, pour les petites compagnies comme pour les grandes. Le groupe Air France se veut un acteur actif dans le domaine de la consolidation. Il est vrai que les petites compagnies sont plus ou moins fragiles et sont vulnérables face à des crises telles que la Covid-19, une crise sociale aux Antilles, des éléments sanitaires, la météorologie. Ce projet est toutefois mort-né. La Réunion a fait un choix différent, et c'est tout à fait respectable ; elle a voulu préserver l'autonomie et l'indépendance de sa compagnie. Ce projet n'existe pas par conséquent.

En outre, je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur le député, si ce projet se concrétisait un jour, nous n'aurions aucune garantie quant à des tarifs plus compétitifs. Je souhaiterais par ailleurs introduire deux autres éléments. Une réflexion pourrait être engagée sur le dispositif de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom) qui fonctionne de façon relativement peu satisfaisante. Un rapport d'information sur la continuité territoriale a été établi au nom de la délégation du Sénat aux Outre-mer par M. Guillaume Chevrollier, sénateur de la Mayenne, et par Mme Catherine Conconne, sénatrice de la Martinique. Je souscris pour ma part à plusieurs de ces conclusions.

Nous avons les éléments de coûts. Or, les tarifs actuels ne résultent pas de la volonté des compagnies de faire des marges. Elles ne font que refléter l'état de la hausse de nos divers coûts de production. Nous n'avons pas intérêt à fixer des tarifs trop élevés quoi qu'il en soit. Nous savons qu'un impact déflationniste surgira à un moment sur la demande. Nous avons intérêt à jouer la croissance qui est un élément bénéfique pour les compagnies aériennes.

À l'origine, le dispositif de Ladom est censé pouvoir corriger un certain nombre d'inégalités sociales. Reconnaissons que les dotations sont peut-être très insuffisantes ou que ce dispositif fonctionne mal. Je crois que le rapport du sénateur et de la sénatrice est assez édifiant à cet égard.

Nous évoquons les tarifs actuels. Gardez à l'esprit que les tarifs risquent de continuer d'augmenter dans le futur. La transition énergétique et la décarbonation du transport aérien représenteront des investissements de plusieurs milliards d'euros. Le principal levier pour la décarbonation est constitué par les carburants durables. Nous avons des quotas d'incorporation croissants : en 2022, c'était 1 %, en 2025, ce sera 2 % et en 2030, 6 %. D'ailleurs, certains acteurs comme Air France veulent s'engager et s'engagent pour des taux d'incorporation supérieurs. Je suis également prêt à le faire. Encore faudrait-il que nous puissions trouver la production et l'approvisionnement qui n'existent pas ainsi que la distribution. Ces carburants durables sont de 4 à 8 fois plus chers que le combustible fossile que nous utilisons actuellement. Un réel problème se pose de fait.

J'ai eu l'occasion d'indiquer aux politiques locaux que j'étais un grand partisan de la création d'une filière de carburant durable spécifique à l'outre-mer : les sargasses, beaucoup de productions par la biomasse avec la bagasse. Un enjeu d'indépendance énergétique ressort en effet pour les territoires ultramarins ainsi qu'un enjeu de compétitivité. Nous nous sommes vus imposer une taxe carburant durable. Le carburant durable nous sera imposé.

J'attire votre attention sur une autre menace : la volonté du gouvernement actuel de nous imposer des taxes, alors que nous sommes déjà surtaxés. Notre spécificité en effet est de crouler sous les taxes et les redevances de toutes sortes. Le gouvernement veut imposer davantage le transport aérien, notamment pour nous faire financer les infrastructures ferroviaires. Cette conduite a été annoncée. On nous menace par conséquent d'augmenter la taxe de solidarité sur les billets d'avion. Ma réflexion est la suivante : fera-t-on payer aux populations ultramarines le fait de travailler le train qui ne profite qu'à la population métropolitaine ? Outre-mer, nous n'avons pas d'autres alternatives en matière de transport en effet que le transport aérien. Je vous mets en garde sur une éventuelle augmentation des tarifs actuels du fait de la transition énergétique et de l'accumulation de taxes dont le gouvernement nous menace.

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Ma question s'adressera à la compagnie Air France et concerne le coût du billet pour les animaux. Vous venez d'augmenter vos tarifs outre-mer. Pour la destination Réunion – Paris, nous passons de 75 euros à 200 euros pour un voyage en soute, et de 55 euros à 125 euros en cabine. Lorsque les associations et les clients interrogent à ce sujet, la réponse est la suivante : « Chez les autres compagnies internationales, c'est plus cher. Nous appliquons aux outre-mer les mêmes tarifs que pour les vols vers l'Afrique du Nord et l'Europe ».

Ne sommes-nous pas Français ? Pour quelles raisons ce tarif différencié vient-il d'augmenter sans commune mesure ?

Par ailleurs, je souhaiterais également m'assurer qu'Air Austral et Corsair n'aspirent pas à suivre la même dynamique car nous rencontrons un véritable problème d'errance animale sur l'île. Des associations tentent de survivre en essayant d'envoyer des animaux vers l'Hexagone. Nous rencontrons de plus un phénomène d'abandon lors des départs en vacances qui continuera de se décupler avec cette augmentation des tarifs que je trouve absolument honteuse.

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Henri de Peyrelongue, directeur général adjoint commercial ventes d'Air France-KLM

C'est l'occasion pour Air France d'expliquer sa politique en la matière. Tout d'abord, nous sommes une des compagnies qui transportons le plus d'animaux sur nos lignes : 90 000 chiens et chats voyagent sur nos lignes chaque année, majoritairement sur des lignes domestiques. Les animaux de moins de huit kilos et les chiens d'assistance peuvent voyager avec leurs maîtres. Dès que les animaux dépassent ce poids, ils vont en soute, dans des espaces et des compartiments ventilés, éclairés et tempérés tout au long du vol.

Nous mesurons par ailleurs l'importance pour nos clients de transporter leurs animaux de compagnie et nous faisons le maximum pour ce faire. Néanmoins, d'un point de vue tarifaire, nos tarifs n'avaient pas évolué depuis 2017. De la même façon que le coût du fret, il nous faut prendre en compte les coûts du transport des passagers, et notamment les coûts d'assistance puisque nous sommes obligés de faire appel à des compagnies d'assistance pour prendre en charge les animaux, notamment à destination. Ces coûts ont fortement augmenté, ce qui nous a amenés à réajuster nos tarifs. Il convient du reste de comparer le prix payé pour le transport des animaux par rapport à d'autres lignes de long-courrier. Malgré la hausse que nous venons de faire, qui représente un rattrapage par rapport à des prix qui étaient restés fixes depuis 2017, nous restons deux fois moins chers par rapport aux lignes internationales, puisque le coût s'élève à 200 euros alors que sur des lignes long-courriers internationales, celui-ci s'élève à 400 euros. Vous remarquerez de fait que nous sommes engagés pour favoriser le transport d'animaux dans des conditions économiques viables.

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J'ai entendu qu'une très forte concurrence existait, notamment de la part d'Air France. Je vais parler pour la Martinique et les Antilles. Il y a quelques années, on dénombrait davantage de compagnies aériennes, au moins deux de plus. Les prix étaient alors moins chers. J'ai du mal à comprendre qu'il y ait plus de concurrence avec moins de compagnies et que les prix sont beaucoup plus cher aujourd'hui. Je parle pour les Antilles, je ne m'avancerai pas pour les autres. Il me semble par conséquent incohérent de parler de très forte concurrence.

D'autre part, la DGAC emploie un indicateur qui me paraît totalement déconnecté des réalités : le coût par kilomètre par rapport à la distance parcourue, qui est un indicateur de comparaison, certes, mais qui n'a aucun sens économique parce qu'il ne prend pas en compte les zones de chalandise, donc les zones desservies. Le coût est différent pour un territoire à 10 000 kilomètres qui compte 200 000 habitants et pour un territoire à 10 000 kilomètres qui compte 3 millions d'habitants. Les recettes qui viennent en face sont nécessairement plus importantes en possibilités de circulation et de desserte.

Pourquoi restez-vous enfermés sur des indicateurs ? Je ne parle pas des différents coûts qui augmentent. Au demeurant, vous avez notamment pointé la partie relative au carburant pour ce qui concerne les compagnies aériennes, en particulier au niveau des Antilles. J'ai entendu parler de taxes. Des potentialités existent toutefois. Dans les outre-mer, il existait une compagnie aérienne low cost, dans le Pacifique également. Le niveau de concurrence est alors différent puisque les types de clientèle varient également. Les potentialités existent cependant.

Avec la pandémie, la situation économique a été pointée, c'est peut-être le troisième niveau, et en France, nous retrouvons la question de la dette. Je suppose que vous êtes tous à un niveau de dettes qui n'est pas négligeable. Vous savez comme moi que dans des modèles économiques, il est tout à fait possible de lisser cette dette afin qu'elle soit la plus supportable possible. De toutes les façons, les différents territoires sur lesquels nous travaillons sont des territoires enclavés. Le président de Corsair l'a souligné : il n'existe pas d'autres moyens que celui du maritime ou du terrestre. Dans le cas contraire, nous sommes complètement emprisonnés.

Enfin, quels sont celles et ceux de vos compagnies qui perçoivent de l'argent public de l'État, soit en capitaux puisqu'Air France contient des capitaux publics, soit en subventions s'il y en a, soit en exonération de charges si vous en avez ?

Si vous n'êtes pas en mesure de communiquer ces informations dès à présent, je vous remercie de nous transmettre les éléments. Cet argent est aussi de l'argent public qui provient du contribuable, et donc qui provient de la même personne qui veut voyager, qui subit de l'inflation à tous les niveaux (consommation, logement, transport, énergie), et qui de surcroît paie des impôts mais qui pour autant, voit le prix de son billet augmenter.

Je souhaiterais obtenir quelques précisions par ailleurs : le dernier indice des prix du transport aérien de passagers (IPTAP) publié par le ministère de la transition écologique en 2023, indique des évolutions au départ de l'ensemble des départements d'outre-mer. L'augmentation des prix d'avion a atteint 36,2 % au mois de mars. Cette tendance est contrastée selon les départements. Pour la Martinique et la Guadeloupe, nous atteignons 57 % et 56 %, tandis que les départements de La Réunion de la Guyane sont à 24 % et à 18 %. Enfin, l'évolution la plus faible est celle de Mayotte avec 5,8 %. J'aurais souhaité que les compagnies qui desservent ce secteur expliquent ce différentiel d'augmentation brusque des prix des billets d'avion. En outre, échangez-vous avec l'État à propos de solutions ? Il conviendrait en effet d'évoquer des solutions. Deux types de solutions apparaissent : des compensations financières ou en tout cas des solutions avec de l'argent public pour réguler. Le modèle économique doit cependant être lissé sur un certain nombre d'années, avec des potentialités pour le low cost, et ce principe a déjà existé.

Envisagez-vous de revoir votre modèle pour faire peser moins ? Le fait d'être captif pour la population est en effet une contrainte. Souvent, les habitants n'ont pas les moyens de se déplacer, ce qui implique une forme de discrimination.

Je vous ai également entendu parler de Ladom qui ne va que dans un sens. Je soulèverai également la question de la continuité territoriale, notamment des territoires qui sont dans l'identité législative, mais aussi de ceux qui régis par l'article 74 de la Constitution. Comparés à certains territoires des régions ultrapériphériques de l'Union européenne tels que les Açores, Madère, les Canaries, on constate que les niveaux de continuité territoriale ne sont pas les mêmes.

Quelles sont les solutions à envisager pour diminuer le coût des billets d'avion à court terme ? Je m'excuse, monsieur le président de Corsair, la transition écologique ne se fera pas dans un an ou deux ans, et même s'il faut rester réaliste, il devient anxiogène de parler encore d'augmentation. Le seuil de supportabilité est déjà dépassé. Les peuples de nos territoires n'en peuvent plus. Il n'est pas supportable pour une personne seule qui percevrait 1 500 euros d'acheter un billet sans bagages à 1 400 euros.

J'aurais souhaité obtenir quelques réponses orales, et surtout des réponses écrites plus complètes par la suite à partir d'autres questions qui vous ont été posées.

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Henri de Peyrelongue

S'agissait de la concurrence, notez que le rapport de la délégation sénatoriale sur la continuité du territoire remis fin mars de cette année a conclu que le marché des outre-mer était un marché très ouvert et très compétitif, et nous ne sommes pas les seuls à l'affirmer. Du côté de la compagnie Air France, nous, qui avons une vision globale, le confirmons : par rapport au reste de notre réseau, ce réseau des territoires d'outre-mer est extrêmement compétitif en regard de ce qu'il se passe ailleurs. Cet élément est extrêmement positif sur les prix et permet de contenir les hausses de prix qui pourraient résulter de la hausse des coûts évoquée précédemment.

Dans un marché ouvert, les compagnies ajustent leurs prix, de même que par rapport à la demande. Il n'empêche toutefois qu'elles ont un impératif de pérennité économique. Même si le marché est ouvert, l'équilibre économique doit finalement être assuré.

Vous faites référence à des compagnies qui ont opéré dans le passé comme Level Airways et qui n'avaient pas de stratégie ni de politique tarifaire suffisamment viables pour leur permettre de continuer à opérer sur ces axes. Ce marché est donc ouvert, concurrentiel, et en même temps avec des acteurs responsables économiques qui ont l'obligation d'équilibrer leurs comptes. C'est bien sur ce chemin que nous évoluons. Mes propos ont été confirmés par les rapporteurs dans le rapport sénatorial sur la continuité territoriale.

Par ailleurs, une question portait sur les aides d'État. Je vous informe qu'au mois d'avril de cette année, Air France-KLM a remboursé l'intégralité des aides d'État que nous avions reçues pendant la crise de la Covid-19.

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Benjamin Lechaud, directeur revenue management intercontinental d'Air France-KLM

Vous avez cité les indices de prix de la DGAC, mais vous avez pris les chiffres avec la référence 2022 de plus de 50 % sur la Guadeloupe et la Martinique. Dans le même rapport, sur le mois de mars, il est possible de retrouver les index par rapport à 2017. Nous retrouvons finalement des évolutions très comparables sur l'axe métropole – outre-mer, comparé à l'axe métropole international long-courrier autour d'un index 120. Nous avons pour notre part effectué l'exercice avec notre propre donnée. Cet indicateur de la DGAC est finalement un modèle mathématique, ce n'est pas la réalité. En utilisant 2019, nous constatons que la hausse des prix vers les départements et régions d'outre-mer, que ce soit Cayenne, La Réunion, Point-à-Pitre et Fort-de-France, est soit égale, soit inférieure à la hausse des prix observée sur le reste du réseau long-courrier. Ce phénomène est à compléter avec ce que nous avons déjà indiqué : le fait que notre prix moyen en valeur absolue est parmi le plus bas de tout notre réseau. Nous ne l'avons pas mentionné, mais si nous considérons 12 mois, puisqu'il convient de regarder les prix moyens sur l'ensemble de l'année, le prix moyen pour Pointe-à-Pitre – Fort-de-France est celui de Paris – New York. Paris – New York est à la fois plus court en distance et encore plus concurrentiel. C'est la seule ligne où nous retrouvons plus de concurrents directs comparés à Pointe-à-Pitre et Fort-de-France.

Nous n'avons pas encore répondu à une question posée par M. Naillet sur la saisonnalité. La saisonnalité de nos prix est liée à la demande. C'est une fois de plus cet équilibre entre l'offre et la demande. L'offre peut fluctuer un peu ; nous essayons de mettre le maximum de capacités sur la pointe été, mais ce degré de fluctuation est vraiment moindre comparé au niveau de fluctuation que nous avons en demandes passagers. Nous avons mentionné nos marges qui sont bien plus faibles que le reste de notre réseau. Il est crucial de faire des marges pendant cette période pour assurer la pérennité de nos opérations sur l'ensemble de l'année. Baisser nos marges sur cette période reviendrait à avoir un impact considérable sur notre économie.

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Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair, président de la fédération nationale de l'aviation et de ses métiers, président de la Chambre syndicale du transport aérien

Si les marges des compagnies aériennes étaient importantes, cette information se saurait. Nous devons viser une marge de 3 %, ce qui démontre que nous ne faisons pas de bénéfices éhontés. Je considère que le problème des tarifs sur les liaisons ultramarines est un problème de politique publique. Il n'est pas envisageable de faire payer aux compagnies privées que nous sommes le fait d'ajuster nos tarifs eu égard à un problème de continuité territoriale. Je considère qu'il revient à l'État de reconnaître pleinement cette dimension et de faire un effort. Sur le territoire français, d'autres dispositifs de continuité territoriale que vous connaissez existent, ainsi que vous avez pu le souligner, et que nous n'avons pas cités jusqu'ici, pour une île qui est beaucoup plus proche de la métropole. En comparant avec ce que font d'autres États européens pour des régions ultrapériphériques, nous nous apercevons que les dispositifs de continuité territoriale sont plus richement dotés. À mon sens, c'est également un problème de politique publique.

Nous sommes parfaitement d'accord et nous en échangeons avec les deux collectivités territoriales actionnaires au capital de Corsair, ainsi que j'ai pu le souligner, qui connaissent parfaitement notre situation économique, et qui sont autant sensibilisées que vous à la nécessité d'avoir des tarifs très compétitifs, mais qui voient la réalité de l'équation économique et de nos coûts. Il me semble que le dispositif de Ladom est le mécanisme qui doit précisément être supporté par l'État ou les collectivités territoriales en vue de corriger ces inégalités dont pâtissent les populations ultramarines.

D'autre part, il est essentiel de nous attaquer à la situation des coûts endogènes sur les territoires ultramarins. Je n'entends jamais parler de l'importance de faire baisser le coût du transport maritime à destination de l'outre-mer, par exemple. Des commissions d'enquête sur l'aérien ont lieu ; je n'entends jamais parler du transport maritime. Considérant les bénéfices des transporteurs maritimes, je pense qu'un léger problème ressort peut-être.

Je pourrais également évoquer les bénéfices des énergéticiens. Vous parlez à une assemblée de pauvres avec des marges ridicules ; regardez nos résultats.

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Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair, président de la fédération nationale de l'aviation et de ses métiers, président de la Chambre syndicale du transport aérien

Je parle dans le secteur économique par rapport à d'autres secteurs économiques. Je rappelle que nous sommes actuellement en déficit. J'examine pour ma part les résultats des énergéticiens. Gardez à l'esprit que nous pâtissons de situations monopolistiques. Il serait pertinent de déterminer une conduite permettant d'arriver à des baisses de coûts dans les territoires ultramarins que nous nous engagerions à répercuter ipso facto au bénéfice des populations ultramarines.

La SARA a des tarifs nettement plus élevés qui ont oscillé entre 25 % et 37 % depuis février, et supérieurs à Orly. Pourriez-vous en expliquer la justification économique ? Je peux vous assurer que toutes les compagnies aériennes font d'importants efforts. Nous avons diminué nos effectifs, nous faisons des efforts en permanence pour améliorer notre compétitivité et nous n'avons qu'une envie : les répercuter au bénéfice des clients. Il faut arrêter de diffuser cette image selon laquelle les compagnies aériennes veulent constituer des bénéfices sur le dos de leurs clients ou des populations ultramarines. Nous sommes tous en univers extrêmement concurrentiel. Des spécificités aux liaisons aériennes ultramarines apparaissent qui plus est.

Je pense que cette situation pourra être corrigée par des mécanismes correcteurs d'action publique et de politique publique, ainsi que localement.

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Cette commission d'enquête porte sur le coût de la vie dans les territoires régis par l'article 73 – départements et régions d'outre-mer – et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution. Il s'agit donc précisément d'un champ global dans lequel nous retrouvons le transport aérien comme le transport maritime. Cette accumulation est précisément insupportable de toutes parts pour un ménage dont le revenu n'augmente pas, parce qu'au fond, une inflation structurelle s'ajoute à une inflation conjoncturelle. Certes, vous avez un regard de votre entreprise. La commission de ce jour porte sur le volet transport aérien. Ne vous inquiétez pas, le volet du transport maritime arrive également, tout comme les autres types de sujets tels que l'habitat qui a déjà été traité, de même que la question énergétique ou que celle de la grande distribution, le quotidien des ménages. Néanmoins, il nous faut avoir une vision la plus réaliste possible sur tous les secteurs concernés, d'autant plus lorsque l'on est insulaire, éloigné et donc enclavé.

Pouvez-vous nous communiquer le montant précis remboursé à l'État ? Je ne parle pas de ce que vous avez remboursé, parce que si vous l'avez remboursé, c'est un prêt. Je parle de l'argent public que vous avez reçu. Quels sont les actionnaires publics, quel est le montant des capitaux publics dans les compagnies que vous représentez ici ? Avez-vous eu des subventions ou des dotations en dehors des prêts qui vous ont été accordés ? Quels sont les montants que vous devez rembourser ?

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Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair, président de la fédération nationale de l'aviation et de ses métiers, président de la Chambre syndicale du transport aérien

Nous n'avons aucune aide d'État ni aucune subvention. Nous avons pour notre part bénéficié de prêts d'État que Corsair a commencé à rembourser depuis le 1er janvier 2023, et que nous remboursons comptant. Nous n'avons aucune subvention.

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Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair, président de la fédération nationale de l'aviation et de ses métiers, président de la Chambre syndicale du transport aérien

Le prêt d'État s'élève à 80 millions d'euros.

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Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair, président de la fédération nationale de l'aviation et de ses métiers, président de la Chambre syndicale du transport aérien

Sur cinq ans. Il s'agit précisément de ce que je cherche à restructurer actuellement en vue d'un étalement, ce qui a été entrepris par d'autres compagnies. Nous n'avons donc aucune aide d'État ni aucune subvention.

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Henri de Peyrelongue, directeur général adjoint commercial ventes d'Air France-KLM

Nous avons remboursé quant à nous toutes les aides d'État, soit les prêts directement garantis par l'État, soit indirectement.

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Henri de Peyrelongue, directeur général adjoint commercial ventes d'Air France-KLM

Nous vous communiquerons les sommes.

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Henri de Peyrelongue, directeur général adjoint commercial ventes d'Air France-KLM

Je n'ai pas le montant, je préfère vous le communiquer par écrit ultérieurement. La part de l'État dans le capital d'Air France est légèrement inférieure à 30 %. Par ailleurs, le transport aérien est plus contributeur pour la collectivité que consommateur de subventions. Nous apportons de la valeur et de la richesse à la collectivité. Nous vous transmettrons le montant exact de ce que nous avons remboursé à l'État.

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Joseph Brema, président du directoire d'Air Austral

La compagnie ne reçoit pas de subvention. Nous avons perçu des aides dans le cadre de la crise de la Covid-19. Nous avons reçu des prêts garantis par l'Etat (PGE) garantis par l'État pour 90 millions d'euros ; 80 % ont été restructurés avec une clause de retour à meilleure fortune. Dans cette optique, si dans les années futures, la compagnie réalisait des bénéfices, elle devrait rembourser la partie abandonnée. Nous avons reçu 30 millions d'euros de la part de l'État. Sur ces 30 millions d'euros, 80 % ont été abandonnés avec clause de retour à meilleure fortune. Notre actionnaire la Sematra a injecté 60 millions d'euros dans l'entreprise pour faire face aux difficultés rencontrées lors de la crise de la Covid-19. D'un point de vue normal, la compagnie Air Austral ne perçoit pas de subventions de la part de l'État ou des collectivités locales pour assurer son activité.

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Éric Michel, directeur général Antilles d'Air Caraïbes

Comme nos collègues, Air Caraïbes a bénéficié d'un PGE pendant les années de la Covid-19 qui a été remboursé. Je rappelle que nous sommes la seule compagnie privée avec un seul actionnaire. Nous avons obtenu un moratoire de 18 mois pour rembourser les redevances aéroportuaires. Ce moratoire prendra fin au mois de décembre 2023 ; tout sera alors remboursé. Air Caraïbes ne perçoit aucune aide de l'État. Nous n'avons jamais sollicité l'État pour obtenir des aides particulières et nous ne demandons aucune aide à quelques collectivités que ce soit. Seul notre actionnaire, M. Jean-Paul Dubreuil, permet à notre groupe de continuer son parcours.

Vous avez précédemment posé une question à laquelle M. Pascal de Izaguirre a très bien répondu concernant les taux de marge. Autour de la table, vous retrouvez en effet des compagnies qui perdent de l'argent. Nous espérons en regagner dans les années à venir. Si nous continuons à en perdre, il n'y aura plus de compagnies aériennes. Vous évoquiez par ailleurs la concurrence sur les Antilles, en particulier pour Fort-de-France. Je précise que Norwegian Airways est venue pendant cinq mois et a subi par la suite une faillite. Nous pourrions également citer XL Airways ou Level. Notre secteur d'activité demande de nombreux capitaux avec des marges très faibles. En cas de mauvaise année, la situation peut rapidement devenir dramatique pour notre industrie.

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Quel est le montant de votre prêt garanti par l'État ?

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Éric Michel, directeur général Antilles d'Air Caraïbes

Je vous le communiquerai après cette commission. Je ne l'ai pas devant les yeux.

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Corsair a des collectivités territoriales au niveau de l'actionnariat. Pouvez-vous nous transmettre la part des capitaux ainsi que les montants ?

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Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair, président de la fédération nationale de l'aviation et de ses métiers, président de la Chambre syndicale du transport aérien

Notez que 20 % du capital sont détenus par les deux collectivités, soit un capital de 30 millions. Les deux collectivités représentent ainsi 6 millions d'euros ; 80 % sont des entrepreneurs très majoritairement ultramarins.

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Un sujet a fait l'actualité : trois entreprises de trois compagnies aériennes ont été pointées du doigt pour une problématique d'entente. Qui parmi vous est concerné ? Je vous rappelle que vous êtes sous serment.

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Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair, président de la fédération nationale de l'aviation et de ses métiers, président de la Chambre syndicale du transport aérien

Je peux répondre que Corsair n'est pas du tout concernée.

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Henri de Peyrelongue, directeur général adjoint commercial ventes d'Air France-KLM

Air France n'est pas concernée.

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Éric Michel, directeur général Antilles d'Air Caraïbes

Je vous confirme qu'Air Caraïbes est concernée. Cette affaire date de 2012. L'affaire étant en cours d'instruction, je ne pourrai pas répondre plus amplement à vos questions.

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Joseph Brema, président du directoire d'Air Austral

Air Austral n'est pas concernée.

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Charles-Henri Strauss, directeur des affaires juridiques de French Bee

French Bee n'est pas concernée.

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Henri de Peyrelongue, directeur général adjoint commercial ventes d'Air France-KLM

Je tiens à apporter des compléments d'information par rapport à la question précédente. Air France a reçu 4 milliards d'euros de PGE pendant la crise de la Covid-19 ainsi qu'un prêt direct de l'État de 3 milliards d'euros, soit 7 milliards d'euros au total qui ont été remboursés.

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De combien de temps disposiez-vous pour le rembourser ? Vous avez remboursé avant terme ; vous avez remboursé 7 milliards d'euros en prenant d'autres dettes. Quel est l'intérêt de rembourser aussitôt l'État pour avoir d'autres dettes ?

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Aurélien Gomez, directeur des affaires parlementaires et territoriales d'Air France

Les échéances ont été anticipées avec des émissions d'obligations et en utilisant une partie de notre trésorerie disponible. Ces éléments permettent au groupe de retrouver ses marges de manœuvre et d'être libéré des contraintes associées par la Commission européenne aux aides d'État.

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De quoi parlez-vous lorsque vous évoquez les aides d'État ? S'agit-il de subventions ?

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Aurélien Gomez, directeur des affaires parlementaires et territoriales d'Air France

Il s'agit de prêts.

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Vous remboursez des prêts plus tôt en prenant d'autres dettes pour pouvoir bénéficier de nouveaux prêts.

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Aurélien Gomez, directeur des affaires parlementaires et territoriales d'Air France

Nous ne bénéficions pas de nouveaux prêts.

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Vous avez affirmé qu'à la suite de la réglementation européenne, il s'agissait de l'autorisation permettant de bénéficier d'autres prêts.

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Aurélien Gomez, directeur des affaires parlementaires et territoriales d'Air France

Je me suis mal exprimé : les prêts d'actionnaires de l'État que nous avons reçus ont été assortis de conditions édictées par la Commission européenne. Ces conditions se sont levées dès lors que nous avons remboursé ces prêts de l'État. Aussi, pour nous libérer de ces obligations, nous avons remboursé les prêts garantis par l'État en utilisant une partie de notre trésorerie et en émettant des obligations et d'autres outils financiers dans des prêts pour être libérés des obligations liées au prêt de l'État.

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Quel est l'intérêt d'être libérés plus tôt de ces obligations alors que vous aviez un délai pour le faire, et donc sans faire peser une charge trop lourde sur l'entreprise ? Pourquoi vous libérer plus tôt que prévu ? Quel est l'intérêt ?

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Aurélien Gomez, directeur des affaires parlementaires et territoriales d'Air France

Les prêts garantis par l'État sont à un taux qu'il faut rembourser. L'idée est de pouvoir renégocier à des taux plus compétitifs d'une part. Le poids de la dette est important en effet dans notre économie, M. Henri de Peyrelongue l'a évoqué dans son propos introductif. Par ailleurs, les contraintes qui pèsent sur nous n'existent plus dès lors que nous remboursons ces prêts. Cela nous permet à la fois de ne plus avoir les contraintes exigées par l'Union européenne et d'essayer de renégocier une dette pour qu'elle soit plus supportable parce qu'elle est massive, afin de la rendre plus supportable par rapport à notre économie.

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Les autres compagnies peuvent-elles nous communiquer leur niveau de dette ? Air France nous a fourni son niveau de dette.

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Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair, président de la fédération nationale de l'aviation et de ses métiers, président de la Chambre syndicale du transport aérien

Je suis totalement transparent : nous comptons 80 millions d'euros de prêts de l'État ; nous avons environ 50 millions environ de dettes résiduelles qui sont de la dette liée à la Covid-19, tout ce que l'État a permis aux compagnies aériennes de reporter en matière de charges sociales ou de redevances de navigation aérienne. Ces données portent sur les années 2020, 2021 et 2022 et représentent un peu moins d'une cinquantaine de millions d'euros.

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Joseph Brema, président du directoire d'Air Austral

S'agit-il uniquement de la dette liée à la Covid-19 ou des dettes en général ?

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Joseph Brema, président du directoire d'Air Austral

En dettes financières, Air Austral a dans son bilan pour 61 millions d'euros. La dette d'exploitation qui a fait l'objet d'un moratoire de la part de l'État s'élève à 44 millions d'euros.

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Éric Michel, directeur général Antilles d'Air Caraïbes

Air Caraïbes n'a pas de dette. Ainsi que j'ai pu l'indiquer précédemment, notre actionnaire a fait son rôle d'actionnaire grâce à la holding du groupe Dubreuil. Nous n'avons aucune dette à ce jour. Nous sommes de plus en cours de remboursement des redevances aéroportuaires à travers un moratoire qui court jusqu'au mois de décembre 2023.

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Charles-Henri Strauss, directeur des affaires juridiques de French Bee

De la même manière qu'Air Caraïbes, ce moratoire court également jusqu'en 2024.

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Jean-Marc Hastings, directeur France et Europe d'Air Tahiti Nui

Je ne détiens pas les chiffres pour Air Tahiti Nui, je vous les transmettrai par écrit.

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Il serait également judicieux de nous transmettre le chiffre d'affaires de 2022 sur les liaisons des territoires ultramarins par compagnie, afin que nous puissions effectuer des comparaisons. Il me semble que vous déposez tous vos comptes qui sont donc publics, ce qui est satisfaisant en matière de transparence.

Par ailleurs, le président de Corsair a esquissé des réponses, surtout sur la partie publique. Quelles sont, selon vous, les réponses opérationnelles à court terme et à moyen terme ? Je suppose que lorsque vous vous dirigez vers un marché, vous l'étudiez non pas au jour le jour, mais avec une projection. Quelles sont vos projections ? J'ai entendu Corsair soulever une projection très inquiétante par rapport à la transition écologique, c'est un peu normal. Je pense toutefois qu'il convient de l'entamer sur du long terme plus que du court terme.

J'ai bien compris que la question de l'équilibre des comptes, qui est normale et légitime, était un point de fixation. Néanmoins, les modèles économiques, en tout cas les charges, sont étalés sur un certain nombre d'années. Avez-vous des solutions à proposer en tant que compagnies, vous qui êtes dans l'exécution de transports de passagers et de marchandises ? Comment verriez-vous une délégation de service public de transport de passagers, par exemple ?

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Henri de Peyrelongue, directeur général adjoint commercial ventes d'Air France-KLM

Je vais faire écho à ce qu'a évoqué M. Pascal de Izaguirre. Le premier point porte sur nos coûts d'opération qui ne doivent pas augmenter. Nous pouvons cependant être inquiets à l'évocation de projets d'augmentation de taxe aéroportuaire. Les aéroports ont aussi des dettes liées à la Covid-19 qui doivent être remboursées. Par ailleurs, il existe un certain nombre de projets de taxation pour financer le train, ce qui a également été évoqué. Il est essentiel en premier lieu de ne pas en rajouter sur des coûts qui sont déjà extrêmement élevés. Nous comptons sur vous pour nous aider dans cette direction.

S'agissant des solutions, nous nous inscrivons totalement dans la conclusion du rapport sénatorial sur la continuité territoriale qui préconise que Ladom, qui est vraiment l'outil tout fait adapté, continue à aider les populations ultramarines à travers des soutiens, des subventions, afin de leur permettre de voyager.

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Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair, président de la fédération nationale de l'aviation et de ses métiers, président de la Chambre syndicale du transport aérien

Dans le cadre de Ladom, si des efforts étaient consentis par l'État, par les collectivités territoriales, il n'existerait aucune raison que les compagnies aériennes ne contribuent pas à cet effort pour les plus défavorisés. J'entends vos propos quant à la problématique des tarifs aériens. Je pense toutefois que la priorité doit être en direction des populations les plus défavorisées en vue de favoriser l'accessibilité. Corsair n'aurait aucune difficulté à y contribuer. En complément de la contribution de l'État et des collectivités territoriales, nous pourrions envisager que les compagnies aériennes, et je parle pour Corsair, donnent également leur contribution pour la fixation de tarifs effectivement très avantageux à destination des populations les plus défavorisées.

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Joseph Brema, président du directoire d'Air Austral

Je répéterai ce que mes collègues viennent de déclarer et préciserai que le coût de production des compagnies aériennes peut subir les évolutions qui ne sont pas de leur fait, des facteurs exogènes. Existe-t-il une nécessité ou une possibilité de contrôler l'évolution de ces coûts ? C'est une solution qui ne peut être envisagée que par la puissance publique pour nous aider à avoir une stabilité, et donc une meilleure visibilité pour les clients concernant les prix. Sur l'outre-mer, le modèle en place est tel que nous ne pourrions pas uniquement transporter des passagers pour assurer l'équilibre de la ligne. Dans ce modèle, le transport de cargo, des marchandises, vient en péréquation. L'ensemble de ces éléments constitue l'économie de la ligne et donc la possibilité d'avoir des prix compétitifs. Les compagnies font toutes des efforts pour offrir aux clients le meilleur tarif en fonction de la période. Cet élément doit être pris en considération. La desserte de l'outre-mer est spécifique. Je ne vais pas parler pour le cas d'Air France, mais Air France a des avions spécifiques à l'outre-mer qui permettent une densification et donc d'avoir des tarifs peu élevés. Tous ces éléments doivent être pris en considération. Au reste, même avec ces éléments, des marges importantes ne peuvent pas être dégagées. La clientèle réclame des tarifs abordables. Je ne pense pas que les compagnies pourront faire beaucoup plus d'efforts. Elles en font à la marge. Si une volonté de baisser drastiquement le prix des billets d'avion était mise en avant, je pense qu'il appartiendrait à l'État, à la puissance publique, de mettre en place une mesure adaptée.

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Jean-Marc Hastings, directeur France et Europe d'Air Tahiti Nui

Je tiens à appuyer tout ce qui a pu être mis en relief sur les dispositifs de mécanisme de soutien à la continuité territoriale et citerai un exemple sur la réduction des coûts : tout vol vers Tahiti a comme aéroport de dégagement les îles Cook à 1 500 kilomètres, sujet qui date depuis des années. Des emports carburant pour chaque vol international sont requis, quelle que soit la compagnie vers Tahiti, ce qui implique une surconsommation et un surcoût à l'exploitation de ces vols. Il serait pertinent que l'État puisse contribuer à l'étude de ce sujet en homologuant un aéroport de dégagement différent. En Polynésie notamment, sur l'île de Rangiroa, des solutions existent. Des économies de carburant pourraient être faites dans l'exploitation de tous ces vols internationaux. Tout ou partie de cette économie pourrait certainement contribuer à réduire le coût des billets d'avion.

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Je vous propose de compléter nos échanges en envoyant au secrétariat les documents que vous jugerez utiles à la commission d'enquête et en répondant par écrit au questionnaire.

L'audition s'achève à douze heures dix.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Johnny Hajjar, M. Mansour Kamardine, Mme Joëlle Mélin, M. Philippe Naillet

Assistaient également à la réunion. – M. Jean-Victor Castor, Mme Karine Lebon.