La réunion

Source

La séance est ouverte à neuf heures cinq.

La commission auditionne M. Ara Aprikian, directeur général adjoint des contenus du groupe TF1, M. Thomas Courcelle, directeur de la conformité des programmes du groupe TF1, M. Yann Barthès, gérant de Bangumi, producteur et animateur de Quotidien , M. Laurent Bon, gérant de Bangumi, producteur de Quotidien , et M. Julien Bellver, journaliste et chroniqueur pour Quotidien .

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La commission d'enquête sur l'attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre poursuit ses travaux et accueille, à la demande de plusieurs de ses membres, les responsables de l'émission « Quotidien » diffusée sur TMC.

Je souhaite la bienvenue à M. Ara Aprikian, directeur général adjoint des contenus, et M. Thomas Courcelle, directeur de la conformité des programmes, représentants du groupe TF1, éditeur de l'émission, ainsi qu'à M. Yann Barthès, gérant, producteur et animateur, M. Laurent Bon, gérant et producteur, et M. Julien Bellver, journaliste et chroniqueur, représentant la société de production Bangumi.

Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation et vous prie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations. Dans un souci de transparence, j'invite de même les députés à rappeler lors de leurs interventions tout passé éventuel dans le milieu de l'audiovisuel.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(MM. Ara Aprikian, Thomas Courcelle, Yann Barthès, Laurent Bon et Julien Bellver prêtent successivement serment.)

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je précise que cette assemblée n'est en aucun cas un tribunal, mais bien une commission d'enquête, dont le but est de comprendre le fonctionnement et la philosophie de « Quotidien » et de vous donner la possibilité de vous expliquer, dans le cadre notamment de la polémique qui s'est fait jour suite à des propos extraits d'un entretien donné par M. Bellver à Sud Radio le 21 mars 2023, dans lequel il évoquait les règles du pluralisme et la décision d'inviter ou non certains courants politiques sur le plateau de l'émission.

Permettez-moi de vous faire part en préambule de mon sentiment personnel et de vous soumettre deux premières questions.

Je tiens tout d'abord à rappeler à cette assemblée que, selon l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) elle-même, le groupe TF1 respecte scrupuleusement la loi en matière de pluralisme et de temps de parole. La polémique vient essentiellement du fait que les temps comptabilisés dans ce cadre sont ceux de séquences enregistrées et non d'échanges en plateau, ce qui est la liberté la plus totale de la chaîne, du programme et de la production.

Le pluralisme est selon moi l'affaire de tous : des partis politiques, qui doivent se rendre sur l'ensemble des plateaux et accueillir avec la correction nécessaire tous les journalistes lors de leurs meetings et événements, mais aussi des journalistes et des éditeurs, qui doivent inviter toutes les sensibilités politiques, et bien évidemment de l'Arcom, à laquelle il appartient de veiller au respect des règles.

J'ai pour ma part le sentiment que ne pas convier certains partis politiques à une émission induit une forme de victimisation et conduit à leur donner finalement plus d'importance que s'ils venaient débattre sur le plateau de sujets de fond. Les polémiques créées lorsque ces différents acteurs ne jouent pas pleinement leur rôle peuvent engendrer de la suspicion et du doute au sein de la population, et ce même s'ils respectent le cadre fixé par la loi.

Je souhaiterais avoir un retour de votre part sur la polémique précédemment évoquée et comprendre les raisons de votre décision de ne pas recevoir les représentants de tous les partis politiques sur le plateau de « Quotidien », ainsi que la manière dont vous choisissez les séquences, valorisantes ou non, diffusées sur les formations politiques concernées.

Les programmes d' infotainment comme « Quotidien » ou « TPMP », situés entre le divertissement et l'information, rencontrent un grand succès auprès de nos concitoyens, qui y puisent une information politique et se forgent parfois une opinion grâce aux invités qui s'y expriment. Où placez-vous la limite entre divertissement, information et contenu politique ? Comment gérez-vous ces différentes dimensions ?

Permalien
Yann Barthès, gérant de Bangumi, producteur et animateur de « Quotidien »

Je suis journaliste et ai travaillé à I-Télé, puis à Canal+ au « Grand journal » et au « Petit journal », et depuis 2016 à « Quotidien », diffusé sur la chaîne TMC.

Je suis également cogérant de la société de production indépendante Bangumi, avec Laurent Bon et Élodie Bernard, qui a été entendue par cette commission voici quelques semaines, en l'absence des cinq députés du Rassemblement national qui ont souhaité nous entendre à nouveau ce matin. Je mentirais en prétendant que ma présence parmi vous ce matin me ravit ; je vis cela comme une expérience inédite.

Je reprendrai donc à leur intention la présentation de notre société qui avait été faite lors de la première audition, j'en suis désolé pour les autres députés.

Bangumi signifie « programme de télévision » en japonais. Cette société de production audiovisuelle française a été créée en 2011. Totalement indépendante, elle n'est affiliée à aucun groupe de production ou diffuseur, ce qui en fait la singularité. Il s'agit également d'une agence de presse, dotée d'une rédaction de cinquante-six journalistes détenteurs d'une carte de presse. Nous produisons principalement des émissions de flux, mais aussi des films documentaires, des reportages et des contenus digitaux pour TMC, France Télévisions et, dans une moindre mesure, Arte et M6.

Tous nos programmes reflètent nos valeurs : je pense notamment à certaines productions documentaires à fort impact sociétal, comme Noirs en France, diffusé en première partie de soirée sur France 2, Homos en France, co-écrit et raconté par Vincent Dedienne, Féminicides, réalisé en collaboration avec Le Monde, ainsi qu'aux vingt-trois documentaires culturels que nous avons produits, sur Rimbaud, Baudelaire, Céline, mais aussi Madonna et les Rolling Stones. En termes de programmes de flux, nous avons produit « Le petit journal » et le magazine d'information « Supplément » présenté par Maïtena Biraben, diffusés sur Canal+, ainsi que « Stupéfiant ! », émission culturelle hebdomadaire proposée sur France 2 et présentée par Léa Salamé.

Depuis 2016, nous produisons « Quotidien », émission d'information et de divertissement programmée du lundi au vendredi sur TMC. Il y a sept ans, le groupe TF1, présidé par Gilles Pélisson et Ara Aprikian, nous a accordé sa confiance, en même temps qu'une liberté sans faille et les moyens nécessaires pour élaborer un rendez-vous exigeant, mêlant reportages, interviews, informations et humour. Le choix d'une émission qualitative est récompensé, puisque « Quotidien » est devenu le premier talk-show de France, avec plus de 2 millions de téléspectateurs chaque soir et l'un des publics les plus jeunes de la télévision comparé à nos concurrents directs.

La ligne éditoriale et les valeurs portées par l'émission s'inscrivent dans la continuité de celles du « Petit journal », fondées sur l'humanisme, l'antiracisme, la liberté et l'égalité.

« Quotidien » représente 200 émissions chaque année depuis sept ans et s'est poursuivi pendant la pandémie. Nous accueillons chaque saison quelque 600 invités français et internationaux, issus de la société civile, des milieux culturel et sportif, du divertissement et de la politique.

Je suis fier de tout ce que nous avons fait dans ce cadre – même si cela doit être retenu contre moi – et de l'ensemble de nos équipes : des journalistes de la rédaction, des monteurs, de la production, des techniciens présents sur le plateau et en régie, des cadreurs, des maquilleurs, des coiffeurs, etc. Cela représente des centaines de personnes et des dizaines de métiers, qui fabriquent de la télévision de qualité, au sens technique du terme. Nous tenons en effet à garder un vrai plateau, sans fond vert, avec de belles lumières et aucune caméra automatisée. Je suis fier également de nos anciens collaborateurs qui ont réussi ailleurs, en tant que journalistes, comme Hugo Clément, Salhia Brakhlia, Sophie Dupont, Paul Larrouturou, Azzedine Ahmed-Chaouch, ou en qualité d'écrivaine comme Lilia Hassaine. Je suis fier de nos amis et anciens collaborateurs humoristes Vincent Dedienne, Nora Hamzawi, Pablo Mira, Panayotis Pascot, Laura Felpin ou Alison Wheeler. Je suis fier d'avoir reçu les présidents de la République de notre pays, François Hollande et Nicolas Sarkozy, et fier des invités qui nous ont fait confiance, parmi lesquels Judith Godrèche, Vanessa Springora, Ginette Kolinka, Robert Badinter, le dalaï-lama, Greta Thunberg, Barack Obama, mais aussi Tom Cruise, Steven Spielberg, Emma Stone, Martin Scorsese, Eddy de Pretto pour sa première télévision, Christine and the Queens, l'équipe du film Anatomie d'une chute de retour des Oscars ou encore Michel Sardou. Je suis fier de montrer tous les soirs avec Étienne Carbonnier les villes et villages français qui s'amusent et nous montrent leurs fesses, comme un clin d'œil, un lien entre eux et nous. Je suis fier enfin de rendre, ne serait-ce qu'un peu, les téléspectateurs curieux comme nous le sommes.

Même s'il me manque la fin de mon papier, je tiens à rappeler que malgré cette intense activité, « Quotidien » n'a connu ni dérapage, ni sanction, ni amende, ni mise en garde ou en demeure de la part de l'Arcom et n'a fait l'objet d'aucune procédure en diffamation.

En réponse à votre question sur l' infotainment, je considère que l'émission « Quotidien » ne se situe pas, comme vous l'avez indiqué, entre l'information et le divertissement, mais plutôt qu'elle réunit ces deux dimensions.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je tiens à préciser que si cette audition fait effectivement suite à une demande des députés du groupe Rassemblement national, la décision de vous recevoir a été prise par mes soins. L'audition de Mme Élodie Bernard portait par ailleurs sur des sujets différents de ceux que nous allons aborder aujourd'hui.

Comment parvenez-vous à différencier clairement information et divertissement, afin de ne pas créer de confusion chez les téléspectateurs ?

Permalien
Laurent Bon, gérant de Bangumi, producteur de « Quotidien »

Lorsque nous avons créé Bangumi en 2011, la société comptait 15 collaborateurs ; elle en réunit aujourd'hui plus de 200. J'insiste par ailleurs sur la notion d'indépendance, qui nous caractérise et est un élément de plus en plus rare.

Je produis des émissions de débat ou talk-shows depuis plus de vingt ans : j'ai conçu « Le grand journal » de Canal+ pour Michel Denisot, « Le supplément » pour Maïtena Biraben, « Le petit journal », puis « Quotidien » avec Yann Barthès, « Stupéfiant ! » pour Léa Salamé et une centaine de films documentaires.

« Quotidien » est une émission d'information et de divertissement. Trouver un équilibre entre ces deux dimensions est un exercice compliqué, qui requiert beaucoup de travail et d'expérience. Le principe de l' infotainment est largement copié et décliné à la télévision comme à la radio, y compris dans les journaux télévisés qui en reprennent les codes.

« Quotidien » est composé de séquences très balisées, présentant chacune une identité visuelle forte afin que les téléspectateurs puissent s'orienter dans l'émission. La rubrique « 19h30 médias » décrypte la manière dont les médias ont rendu compte de l'actualité du jour, tandis que « 20h15 express » propose des reportages réalisés sur le terrain, en France et dans le monde, par des grands reporters. Ces segments sont élaborés par deux petites rédactions, conduites chacune par un rédacteur en chef. Le « Morning glory » est une séquence très populaire, qui présente de manière humoristique les éléments de langage des politiques et des chaînes d'information. Le « Petit Q » se fait l'écho de la culture pop et de la société du spectacle. Enfin, « 4 minutes douche comprise », « Transpi » ou « Canap » sont, comme leurs titres l'indiquent, exclusivement humoristiques. S'y ajoutent des chroniques sur la culture, le sexe ou la politique, dans lesquelles des journalistes expriment leur point de vue, tout en essayant de faire preuve de pédagogie.

« Quotidien » est aussi un talk-show, qui reçoit plus de 600 invités chaque saison. Cela représente environ 40 % du temps de chaque émission. La priorité est donnée aux créateurs, aux chercheurs, aux professeurs, aux chefs d'entreprise, aux écrivains, aux féministes, aux sportifs, aux musiciens, aux scientifiques et, de manière plus marginale, aux politiques. Sur les 480 personnes que nous avons reçues depuis septembre dernier, 33 étaient des femmes et des hommes politiques, soit seulement 7 % des invités. La saison dernière, 606 personnes ont été accueillies dans l'émission : 313 issues du monde culturel (soit 52 %), 155 du segment société, 89 journalistes et analystes et seulement 49 politiques, soit 8 % du total. Nous avons fait ce choix car nous considérons que la parole politique sature l'espace médiatique. La France est en effet le pays au monde qui propose le plus grand nombre de rendez-vous politiques audiovisuels. Nous souhaitons proposer quelque chose de différent. Nous invitons ainsi peu de politiques, en dehors d'événements particuliers lors desquels nous avons reçu d'anciens présidents français, le président américain ou des premiers ministres de la Ve République. Cette volonté nous conduit également, lors des campagnes électorales officielles, à ne recevoir aucun politique afin de ne pas risquer d'être piégés par la communication des candidats.

La politique est traitée de quatre manières dans l'émission : le décryptage, le reportage avec des journalistes présents sur le terrain, l'humour avec Pablo Mira et certaines interventions de Yann Barthès et, de manière marginale, des interviews en plateau face à l'équipe.

« Quotidien » est composé de 40 % d'interviews, principalement culturelles, de 40 % de reportages et décryptages réalisés par des journalistes et de 20 % de culture et d'humour. Tous ces segments sont conçus par une équipe de professionnels qui enquêtent, vérifient et montent les sujets. Chaque séquence est répétée au sein de la rédaction, puis corrigée, revue en plateau et modifiée à nouveau en régie. L'utilisation d'un prompteur et d'une oreillette constitue par ailleurs un outil essentiel à la maîtrise de l'antenne. Nous sommes convaincus que la télévision doit être le contraire de Twitter et que c'est en défendant cette démarche et en refusant l'information à bas coût ou low cost que nous donnerons tort à ceux qui prédisent la mort de la télévision.

Les rapports entre « Quotidien » et les politiques n'ont jamais été simples ; mais même si les relations sont tendues, la liberté d'informer est respectée par tous, à l'exception du Rassemblement national qui interdit depuis des années à nos journalistes l'accès à ses réunions publiques, meetings, conférences de presse, présentation des vœux, etc. Ce boycott, que nous estimons antidémocratique, s'est accompagné à plusieurs reprises de violences physiques à l'égard de nos journalistes. Notre présence devant la commission d'enquête nous semble donc procéder d'une certaine ironie, dans la mesure où elle intervient en réponse à une demande de députés dont le parti boycotte, discrédite et agresse les équipes de « Quotidien » depuis des années. Nous nous tenons à votre disposition pour vous expliquer comment nous avons contourné cette situation afin de couvrir malgré tout l'actualité du Rassemblement national, ne serait-ce que par égard pour les millions de gens qui ont voté pour ce parti et conformément à notre volonté de respecter le pluralisme.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je tiens à rappeler que si votre convocation a été faite à la demande des députés membres du groupe Rassemblement national, elle l'a été par mes soins. Le pluralisme est l'affaire de trois acteurs : les partis politiques, qui doivent être représentés sur toutes les antennes ; des chaînes éditrices, qui traitent de tous les sujets avec tout le monde ; et de l'Arcom, chargée du contrôle.

Permalien
Julien Bellver, journaliste et chroniqueur à « Quotidien »

Journaliste depuis vingt ans, détenteur d'une carte de presse, je suis spécialisé en décryptage de l'actualité et plus particulièrement des médias. J'ai cocréé à la sortie de l'école de journalisme un site consacré à cette thématique, puremedias.com, dont j'ai été rédacteur en chef pendant sept ans et qui est aujourd'hui édité par la société Webedia. J'ai travaillé en parallèle au sein de plusieurs rédactions audiovisuelles : I-Télé, Canal+, France 5, RTL et depuis sept ans « Quotidien » sur TMC.

J'ai participé pour la première fois à l'émission en septembre 2017, avec une brève chronique sur l'actualité des médias, qui a pris de l'ampleur au fil des saisons. Je présente désormais quotidiennement, à dix-neuf heures vingt, un journal de treize à quinze minutes sur l'actualité du jour vue par les médias. La séquence est programmée en début d'émission, après l'éditorial de Jean-Michel Aphatie.

À l'ère des médias sociaux et des chaînes d'information, des fausses informations et de l'intelligence artificielle, le « 19h30 médias » a pour ambition de décrypter chaque soir l'actualité du jour afin d'en proposer au public une synthèse la plus complète possible. Cette rubrique a aussi pour objet de nous observer, nous les journalistes, au travers des mots que nous utilisons, des images que nous choisissons de montrer et de la manière dont nous hiérarchisons les sujets. Elle pose un regard sur le traitement médiatique de la journée écoulée, en France et à l'étranger. Cette éducation aux médias nous semble essentielle. Elle nécessite un énorme travail : mon équipe et moi enregistrons quotidiennement des dizaines d'heures d'antenne de chaînes françaises et étrangères, sélectionnons les extraits ou les « dérushons », les montons, les compilons, les décodons, afin d'offrir aux téléspectateurs une vision synthétique et de qualité. Quatre journalistes et trois monteurs travaillent à mes côtés pour fabriquer cette séquence.

Le vendredi, le « 19h30 médias » s'ouvre à l'international, pour raconter les grands événements du monde à travers un prisme géopolitique. Les sujets abordés sont variés : vendredi dernier par exemple, j'ai évoqué les soupçons de fraude en Russie autour de l'élection de Vladimir Poutine, les ennuis judiciaires de Donald Trump aux États-Unis et la crise diplomatique déclenchée par Taylor Swift en Asie du Sud-Est.

Je présente par ailleurs trois ou quatre fois par an en prime time une émission de quatre-vingt-dix minutes intitulée « 21h médias », qui constitue une déclinaison longue durée de ma chronique quotidienne. La matière première de ce programme est l'archive et la mise en perspective des images d'hier avec les bouleversements d'aujourd'hui. En trois saisons, ce format nous a notamment permis d'évoquer quarante ans de lutte contre le Sida, le 11 septembre 2001, l'affaire Dupont de Ligonnès, l'affaire Dominique Strauss-Kahn, le tsunami en Thaïlande, les 5 ans de #MeToo ou le mariage pour tous. Chaque numéro est le fruit de plusieurs mois de travail et nécessite le visionnage de 300 heures de rush en moyenne.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je comprends que la différence entre divertissement et information se joue essentiellement pour vous dans la maîtrise de l'antenne et la préparation des séquences.

Comment choisissez-vous, pour les partis politiques dont les représentants ne sont pas invités sur le plateau, les images à diffuser afin de respecter les règles en matière de temps de parole ? Quel regard l'éditeur porte-t-il sur ce sujet ? Quelles consignes donne-t-il éventuellement à la production de l'émission ?

Permalien
Ara Aprikian, directeur général adjoint des contenus du groupe TF1

Je connais Yann Barthès et Laurent Bon depuis 2005, lorsque j'ai rejoint le groupe Canal+ pour m'occuper des émissions en clair. Cette époque se caractérisait par une grande émulation créative, avec des émissions comme « Le grand journal », « Le petit journal », « Les Guignols », « Le zapping », la matinale de Bruce Toussaint, « L'édition spéciale » d'Ali Baddou, « Salut les terriens » de Thierry Ardisson, « Dimanche + » ou encore « +Clair », qui ont marqué le patrimoine audiovisuel hexagonal.

Avant de s'émanciper pour devenir un programme à part entière, l'émission pilotée par Yann Barthès était une séquence intégrée au « Grand journal ». Grâce au talent de Laurent Bon, Yann Barthès et leurs équipes, la nouveauté de l'écriture journalistique et le ton des rubriques sont devenus une marque de fabrique. Après leur départ de Canal+, je leur ai proposé de rejoindre TMC pour produire une nouvelle émission, plus longue, intitulée « Quotidien », qui s'est imposée comme le talk-show numéro un de la télévision en France.

Nous sommes très vigilants quant au respect de nos engagements, par toutes les chaînes et émissions du groupe TF1, et très fiers de proposer « Quotidien » sur TMC depuis 2016. Cette émission rencontre un succès incontestable : TMC est ainsi très souvent la première chaîne regardée par la population de moins de 50 ans en France entre vingt et une heures et vingt et une heures quinze. Il s'agit d'un programme d'information, de culture et de divertissement, qui se distingue par un mode de narration singulier. Il séduit notamment un public jeune, qui déserte bien souvent la télévision pour se réfugier dans les bulles informationnelles des réseaux sociaux, avec leur cortège de fausses informations ou fake news, d'emballement, d'absence de maîtrise de l'information, voire d'entreprises de déstabilisation.

Dans « Quotidien », le traitement de l'information est sérieux, professionnel et présenté dans des chroniques clairement identifiées. L'émission contribue au décryptage de toutes les informations : elle lutte contre les fake news, dénonce les dérives des réseaux sociaux et propose soir après soir des invités inattendus, exigeants, surprenants, parfois passionnants.

Cette émission joue également un rôle de poil à gratter quand elle décrypte avec malice les stratégies de communication et les éléments de langage propres aux modes d'expression contemporains.

Elle n'est pas un rendez-vous politique, mais un magazine d'actualité qui aborde, entre autres, ce sujet. La politique occupe donc une place limitée dans l'émission. Nous sommes fiers que le ton moderne et le traitement décalé de l'actualité intéressent un large public, dont de nombreux jeunes qui sont souvent tentés de se détourner de ces sujets. La liberté éditoriale et le professionnalisme qui caractérisent « Quotidien » sont sans équivalent. L'émission propose sur TMC un cadre de lecture de l'actualité différent de celui développé sur les autres canaux, ce qui nous semble un élément important à prendre en considération dans les débats sur la différenciation des chaînes et des contenus.

Toutes les sensibilités politiques s'y expriment et nous respectons scrupuleusement le cadre légal et les règles édictées par l'Arcom en matière de pluralisme et de temps de parole. Aucune formation ne subit d'ostracisme. Le respect des temps de parole est rigoureux.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pouvez-vous nous éclairer sur la manière dont vous choisissez les séquences diffusées afin de répondre au cadre légal et jurisprudentiel et respecter ainsi parfaitement les règles du pluralisme ? J'insiste pour avoir des réponses.

Permalien
Laurent Bon, gérant de Bangumi, producteur de « Quotidien »

Je me permets de m'adresser aux députés du Rassemblement national…

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les auditionnés n'ont pas à interpeller certains députés. J'attends des réponses à mes questions.

Permalien
Laurent Bon, gérant de Bangumi, producteur de « Quotidien »

Le choix est exclusivement dicté par l'actualité du moment. Certains députés de cette commission ont ainsi été interrogés par nos journalistes et leur ont répondu avec professionnalisme sur des sujets aussi divers que la politique agricole, l'aide militaire à l'Ukraine, la proposition de loi sur la mode jetable ou fast fashion, la marche contre l'antisémitisme, la sortie du film Napoléon, le port de l'uniforme à l'école, la dette publique ou la loi relative à l'immigration.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce n'est pas une réponse à ma question. Comment se fait le choix des images des différents partis politiques ?

Permalien
Yann Barthès, gérant de Bangumi, producteur et animateur de « Quotidien »

Le choix des sujets traités dans l'émission dépend uniquement de l'actualité. Le rééquilibrage éventuel des temps de parole s'effectue après un bilan trimestriel.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il arrive donc de chercher des images d'un parti spécifique pour rééquilibrer les temps de parole en fin de trimestre ?

Permalien
Thomas Courcelle, directeur de la conformité des programmes du groupe TF1

Je dirige la conformité des antennes du groupe TF1 depuis une dizaine d'années et aide en particulier TMC à piloter les temps de parole. La difficulté de l'exercice consiste pour Bangumi à trouver un équilibre entre les intérêts éditoriaux et le respect du pluralisme, sachant que la priorité est toujours donnée à la qualité éditoriale. L'examen et la gestion des temps de parole s'effectuent sur le long terme. Intégrer dans l'émission des séquences sans lien direct avec l'actualité dans le seul but de respecter le pluralisme n'aurait aucun sens.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Une commission d'enquête cherche, non pas à régler de comptes mais à établir des faits.

Monsieur Courcelle, pouvez-vous confirmer que l'Arcom examine le pluralisme interne de la chaîne globalement et non émission par émission ?

Permalien
Thomas Courcelle, directeur de la conformité des programmes du groupe TF1

Je vous le confirme.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ainsi, l'examen du respect du pluralisme à l'échelle de la seule émission « Quotidien » est en somme assez relâché, dilué dans un ensemble plus vaste.

Permalien
Thomas Courcelle, directeur de la conformité des programmes du groupe TF1

Pas du tout, car la plupart du temps politique de TMC concerne cette émission. Le pilotage de la chaîne à cet égard s'effectue donc principalement autour de « Quotidien ». Un travail extrêmement complexe et sérieux est mené en ce sens avec les équipes de Bangumi.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

« Quotidien » a donc un statut particulier au sein de la chaîne.

Permalien
Thomas Courcelle, directeur de la conformité des programmes du groupe TF1

Absolument pas. Même si le temps de parole politique concerne essentiellement « Quotidien », il peut également s'exprimer dans d'autres émissions comme « 90' Enquêtes » par exemple.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous venez de me dire que « Quotidien » concentrait l'essentiel du temps politique, donc l'émission bénéficie d'un statut particulier.

Permalien
Thomas Courcelle, directeur de la conformité des programmes du groupe TF1

Si vous voulez.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur Aprikian, je vais profiter de votre présence réitérée : avant votre départ du groupe Canal+, il semblerait que vous ayez été convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour faute grave. Quelle faute grave aviez-vous commise ?

Permalien
Ara Aprikian, directeur général adjoint des contenus du groupe TF1

Mon licenciement faisait suite au constat d'une divergence stratégique. Je pense qu'aucune faute grave ne m'avait alors été reprochée.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Lors de cet entretien, la possibilité d'un licenciement pour faute grave avait-elle néanmoins été évoquée ?

Permalien
Ara Aprikian, directeur général adjoint des contenus du groupe TF1

Il me semble.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cet élément est important pour la compréhension de la méthode éventuellement employée afin de mettre la pression sur la personne que l'on cherche à faire partir.

Avez-vous par ailleurs signé une clause de non-dénigrement ?

Permalien
Ara Aprikian, directeur général adjoint des contenus du groupe TF1

Je n'ai pas relu l'accord récemment, mais ne crois pas avoir signé de clause de nature à m'empêcher de m'exprimer librement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cela va donc vous permettre de répondre à la question suivante : entre le groupe que vous avez quitté et celui dans lequel vous travaillez désormais, considérez-vous que l'un se caractérisait par une ingérence de l'actionnaire, contrairement à l'autre ?

Permalien
Ara Aprikian, directeur général adjoint des contenus du groupe TF1

La question ne s'est pas posée en ces termes. Après le départ de Rodolphe Belmer de Canal+, j'ai considéré que je n'avais plus ma place dans un groupe dont je pressentais qu'il allait changer de ligne éditoriale. Les faits m'ont, me semble-t-il, donné raison. Réciproquement, ma présence n'était sans doute pas recherchée. La collaboration s'est terminée ainsi.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À l'époque, des journalistes avaient enquêté sur la négociation du contrat signé avec la société H2O relatif au programme de Cyril Hanouna. Ils avaient indiqué que la négociation que vous aviez conduite avait abouti à un accord d'un montant de 190 millions d'euros, mais qu'il vous avait été reproché d'y avoir inclus ce qu'ils avaient qualifié de pilule empoisonnée ou « poison pill », sous la forme d'une clause d'exclusivité entre M. Hanouna et le groupe Canal+. Est-ce exact ?

Permalien
Ara Aprikian, directeur général adjoint des contenus du groupe TF1

J'avais proposé le renouvellement du contrat en question, mais ma demande n'avait pas été validée lorsque j'ai quitté le groupe Canal+, mes interlocuteurs considérant que les discussions n'étaient pas suffisamment abouties. Quelques semaines après mon départ, j'ai appris par la presse que la négociation avait été finalisée, dans des conditions et selon des modalités que j'ignore.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La négociation que vous aviez conduite comportait-elle une clause garantissant une forme d'exclusivité à Canal+ pour ce format d'émission ?

Permalien
Ara Aprikian, directeur général adjoint des contenus du groupe TF1

Je ne me souviens pas précisément des différentes clauses d'un contrat qui remonte à plus d'une dizaine d'années. Je puis seulement vous indiquer qu'en règle générale, on essaie, lorsque l'on signe des contrats de longue durée avec des animateurs portant sur un format, de garantir l'intérêt de la chaîne en procédant de la sorte.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cyril Hanouna ayant quitté France 4 auparavant, je comprends que vous ayez pu souhaiter éviter pareille mésaventure.

Avant votre départ de Canal+, les émissions de Cyril Hanouna étaient assez peu sanctionnées. Il en est allé différemment par la suite. D'aucuns prétendent que vous êtes le seul à pouvoir contrôler M. Hanouna. Appliquez-vous une méthode particulière pour parvenir à un tel résultat ?

Permalien
Ara Aprikian, directeur général adjoint des contenus du groupe TF1

Absolument pas ; j'essaie simplement de faire mon travail le mieux possible et de m'entourer de personnes comme Thomas Courcelle, qui veillent méthodiquement au respect du cadre réglementaire, dans un rapport de confiance avec les productions. Cela était vrai lorsque je travaillais au sein du groupe Canal+ et l'est à TF1 aujourd'hui.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À l'époque, les difficultés liées à la gestion du direct ont été évoquées par les dirigeants de la chaîne C8 pour expliquer la multiplication des rappels à l'ordre formulés à l'égard des émissions de M. Hanouna. Comment gériez-vous le direct et la contrainte que cela représente ?

Permalien
Ara Aprikian, directeur général adjoint des contenus du groupe TF1

La maîtrise du direct constitue par nature un exercice compliqué. Le respect du cadre réglementaire s'inscrit dans un dialogue permanent entre une société de production, un animateur, un projet éditorial et une chaîne.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur Barthès, pour quelles raisons avez-vous quitté Canal+ et « Le petit journal » et choisi de présenter « Quotidien » sur TMC ?

Permalien
Yann Barthès, gérant de Bangumi, producteur et animateur de « Quotidien »

Nous avons senti que le vent tournait et préféré partir avant d'être mis à la porte ; nous avons des salariés… Gilles Pélisson et Ara Aprikian nous ont alors contactés pour nous proposer un projet qui nous a plu.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pourquoi auriez-vous été licencié de Canal+ ? Vos audiences étaient excellentes.

Permalien
Yann Barthès, gérant de Bangumi, producteur et animateur de « Quotidien »

Il n'était pas question de licenciement, puisque nous n'étions pas salariés de Canal+. Bangumi est une société de production indépendante.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je reformule ma question : pourquoi auriez-vous perdu votre créneau sur Canal+, alors que vos audiences étaient excellentes ?

Permalien
Yann Barthès, gérant de Bangumi, producteur et animateur de « Quotidien »

Je ne me souviens plus des audiences que nous réalisions. Nous avons préféré partir de peur que le contrat ne soit pas reconduit par la direction du groupe Canal+.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous vous êtes enorgueilli précédemment de ne pas avoir connu de dérapage dans le cadre de « Quotidien ». Cette formulation me semble quelque peu hâtive. Je pense par exemple à une séquence montrant un supporter de l'équipe de France de football qu'une journaliste faussement britannique interroge en anglais et qui, peinant à lui répondre, est abondamment tourné en dérision. Ce passage circule depuis lors en continu sur les réseaux sociaux et le supporter est l'objet de nombreux quolibets. Considérez-vous avoir respecté la dignité de cette personne en diffusant la séquence dite « Yes is a Giroud » ?

Permalien
Yann Barthès, gérant de Bangumi, producteur et animateur de « Quotidien »

Sincèrement, je ne vois pas de quoi vous parlez.

Permalien
Thomas Courcelle, directeur de la conformité des programmes du groupe TF1

La séquence en question n'a donné lieu à aucun échange ni demande d'observation préalable de la part de l'autorité de régulation. Le respect de la dignité humaine est un point essentiel de la réglementation en vigueur : j'imagine que si cette séquence avait contrevenu aux règles, nous en aurions été informés. Nous n'avons par ailleurs, à ma connaissance, reçu aucune plainte de la personne concernée.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Votre propos est intéressant dans la mesure où les travaux de la commission d'enquête portent aussi sur l'efficacité de l'Arcom et ses éventuels manquements.

Une autre séquence beaucoup plus récente concerne les deux influenceuses Polska et Tootatis, tournées en dérision elles aussi de façon assez humiliante alors qu'elles s'associaient à une manifestation contre la réforme des retraites. Il y est par exemple indiqué qu'« ayant un décolleté aussi profond que le trou de la sécu », elles ne sont pas en mesure d'avoir un avis éclairé ou informé sur le sujet. Considérez-vous, dans ce contexte, avoir fait preuve d'une maîtrise satisfaisante de l'antenne ?

Permalien
Laurent Bon, gérant de Bangumi, producteur de « Quotidien »

Je précise que cette séquence a été diffusée dans le cadre d'une rubrique humoristique intitulée « L'influencé », qui s'amusait du nouveau pouvoir des stars d'Instagram et TikTok. Ces deux jeunes femmes avaient alors exprimé leur étonnement et fait savoir médiatiquement que ce propos les avait blessées. Il me semble que le garçon qui incarnait cette rubrique avait, la semaine suivante, présenté ses excuses.

Nous essayons toujours de faire preuve de bienveillance à l'égard des nombreuses personnes que nous filmons. Lorsque nous échouons dans cette entreprise, il nous arrive de retirer les images incriminées de nos archives à la demande des intéressés, sans que cela ne passe par l'Arcom ou n'emprunte une voie judiciaire. Nous avons la volonté de ne blesser personne ; mais faire de l'humour sans heurter quiconque est un exercice difficile. Il reste néanmoins important selon moi de continuer à proposer des programmes d'humour.

Permalien
Yann Barthès, gérant de Bangumi, producteur et animateur de « Quotidien »

Qui est capable de définir ce qui est drôle ou ne l'est pas ?

Permalien
Thomas Courcelle, directeur de la conformité des programmes du groupe TF1

La maîtrise de l'antenne constitue l'une des obligations mentionnées dans la convention passée avec l'Arcom. S'agissant de la séquence précitée, ni l'Arcom, ni les influenceuses concernées ne se sont manifestées auprès de nous pour formuler de réclamation ou faire valoir un non-respect de la maîtrise de l'antenne. L'absence de demande d'observation de la part de l'Arcom témoigne du fait que le caractère humoristique de la séquence a été reconnu.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vos observations m'apparaissent très heuristiques et mettent en évidence une certaine légèreté de l'Arcom concernant votre émission.

Dans une séquence du 10 mars 2021, Élisabeth Roudinesco évoquait la question de la transidentité dans les termes suivants : « Il ne faut pas les discriminer : cela existe. Mais je trouve qu'il y a un peu une épidémie de transgenres. Il y en a beaucoup trop ». Vous l'aviez alors invitée à préciser sa pensée. Suite à cette prise de parole, quelque 6 000 plaignants s'étaient manifestés auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Bien que ce dernier n'ait relevé aucun manquement dans cette séquence, ne pensez-vous pas que le terme « épidémie » revêtait un caractère choquant ? N'auriez-vous pas dû avoir un propos plus clair, permettant de modaliser l'affirmation de Mme Roudinesco ?

Permalien
Laurent Bon, gérant de Bangumi, producteur de « Quotidien »

Il me semble important de souligner d'une part que le CSA n'avait reconnu aucun manquement, d'autre part que l'un des animateurs et chroniqueurs présents sur le plateau avait demandé à Mme Roudinesco, qui est l'une des plus grandes psychanalystes du monde, de préciser sa pensée. Nos invités ont toute liberté pour s'exprimer. S'agissant spécifiquement de la transidentité, « Quotidien » est sans doute l'une des émissions ayant reçu le plus de personnes concernées : je pense à Ali Aguado, homme transgenre qui a porté son enfant, Alexia Cérénys, première joueuse de rugby transgenre, Lilie, enfant transgenre dont la présence sur l'antenne a suscité de nombreuses réactions de mécontentement, Marie Cau, première maire transgenre de France, etc. Je pense que nous sommes irréprochables sur le sujet.

Permalien
Thomas Courcelle, directeur de la conformité des programmes du groupe TF1

Cette séquence a fait l'objet d'une décision de l'Arcom sous forme d'une réponse aux plaignants, sans observation à notre encontre. L'autorité de régulation a estimé que « les propos signalés s'inscrivaient dans le cadre d'un débat d'intérêt général sur la transidentité, notamment des mineurs » et que « s'ils ont pu être considérés comme inappropriés par certains téléspectateurs […], il ne semble[ait] pas, au vu de l'ensemble des échanges, que leur auteur ait entendu encourager à des comportements discriminatoires […] envers les personnes transgenres ». Dans ces conditions, le CSA n'a pas relevé de manquement de l'éditeur à ses obligations. Le fait que certains sujets suscitent émoi et débat ne signifie pas pour autant que l'éditeur ait manqué à ses obligations.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La question suivante concerne la sociologie du public de TMC. Lors de la précédente audition du groupe TF1, vous nous aviez indiqué, monsieur Aprikian, que cette chaîne était majoritairement regardée par des personnes issues des catégories socioprofessionnelles les plus favorisées. Est-ce le cas de l'émission « Quotidien » ?

Permalien
Ara Aprikian, directeur général adjoint des contenus du groupe TF1

Il semblerait, d'après les audiences Médiamétrie dont nous disposons, que ce soit le cas.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous en venons aux questions des députés membres de la commission d'enquête.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le paysage médiatique actuel est à la fois riche et complexe, confronté à des défis tels que la désinformation et la saturation des contenus. Je m'intéresse particulièrement dans ce contexte à votre vision du sens profond de votre métier. En tant que figures clés du paysage audiovisuel, comment définiriez-vous l'essence de votre responsabilité journalistique et de votre rôle au sein de la société ? Comment cette perception influence-t-elle votre approche de la création de contenus, la sélection des sujets et la manière de traiter l'information dans un but d'éducation, de divertissement et d'engagement du public ? Qu'est-ce pour vous qu'une émission réussie ou moins réussie ?

Permalien
Laurent Bon, gérant de Bangumi, producteur de « Quotidien »

Votre question est vertigineuse. Nous n'avons pas pour habitude de théoriser notre démarche et estimons que la meilleure réponse réside dans le travail fourni chaque soir. Nous avons par exemple fait le choix de couvrir largement cette semaine l'élection présidentielle au Sénégal, dont nous estimions qu'elle était traitée de façon trop succincte dans les grands journaux télévisés. Nous ne nous considérons pas comme une source d'information principale, mais plutôt comme un complément, abordant les sujets sous des angles originaux, différents, essayant de décrypter la manière dont nos confrères couvrent l'actualité. L'humour sert également à cela. Notre matière première est toujours l'actualité. Une émission réussie conjugue fond, forme et sourire.

Permalien
Ara Aprikian, directeur général adjoint des contenus du groupe TF1

L'un des points centraux de l'émission réside dans le décryptage de l'actualité culturelle, politique ou géopolitique qu'elle propose, dans un langage accessible à un public jeune. La dimension didactique, visant à intéresser à ces questions essentielles une audience qui sans cela risquerait de s'en détourner ou de s'informer par l'intermédiaire d'autres canaux moins fiables, nous importe beaucoup.

Permalien
Yann Barthès, gérant de Bangumi, producteur et animateur de « Quotidien »

Une émission est réussie quand elle permet d'apprendre quelque chose grâce aux échanges avec l'invité et au travail de l'équipe, quand elle revêt une dimension pédagogique et se déroule dans un mouvement fluide et coordonné, ponctué de rires. Une émission pas réussie, c'est l'inverse.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La question du pluralisme est centrale dans nos échanges et il aurait été inconcevable de ne pas auditionner les acteurs de la seule émission du paysage audiovisuel français qui assume d'exclure une partie du spectre politique de sa programmation alors que nous avons des relations apaisées et professionnelles avec tous les médias, y compris de gauche comme Libération ou Mediapart. Cela dit, l'objectif n'est pas de faire votre procès.

Vous avez indiqué dans une interview, monsieur Bellver, que TMC était une chaîne privée et que vous assumiez à ce titre de faire ce que vous vouliez. Pourriez-vous nous indiquer ce que vous entendez par là ? Quelle limite vous fixez-vous ? Je tiens à rappeler que les fréquences TNT vous sont accordées par les Français. En procédant de la sorte, vous excluez indirectement les 13 millions d'entre eux qui ont fait le choix de voter pour le Rassemblement national à la dernière élection présidentielle et qui s'apprêtent à faire de même aux élections européennes.

Vous vous cachez pour votre défense derrière la décision de l'Arcom, qui indique que vous respectez les temps de parole. Considérez-vous néanmoins que le fait de diffuser une séquence ayant fait l'objet d'un montage et d'un traitement spécifique est du même ordre qu'un échange en direct, sans coupe, sur un plateau ? Un procès équitable pourrait-il se dérouler sans respect du contradictoire ? Avez-vous le sentiment d'assurer un traitement juste de l'information ?

Si vos journalistes étaient accrédités pour assister à nos meetings, serions-nous en retour invités sur vos plateaux ?

Permalien
Julien Bellver, journaliste et chroniqueur à « Quotidien »

Je souhaiterais tout d'abord recontextualiser les propos que vous me prêtez : ces derniers sont extraits d'une émission diffusée sur Sud Radio le 21 mars 2023, lors de laquelle je venais pour la promotion d'un documentaire consacré au mariage pour tous. Il ne s'agissait donc absolument pas d'un entretien sur le pluralisme des médias ; je n'ai fait que répondre à la question qui m'était posée par le journaliste en studio. Cet entretien remonte par ailleurs à un an et n'a donc aucun lien avec la récente décision du Conseil d'État. Mes propos ont néanmoins été exhumés suite à cette décision, abondamment commentés et totalement instrumentalisés, notamment sur les réseaux sociaux. Cela me vaut d'ailleurs d'être convoqué devant vous aujourd'hui, alors que je ne suis que simple chroniqueur dans l'émission « Quotidien ».

Ma réponse était la suivante : « On est une chaîne privée, on fait ce qu'on veut ». J'assume totalement ces propos, mais regrette simplement de ne pas avoir été plus complet et précis. J'aurais en effet dû indiquer qu'une chaîne privée fait ce qu'elle veut, tant qu'elle respecte les règles. En l'occurrence, les règles relatives au pluralisme sont très strictes et nous les respectons à la lettre. Pas une seule fois l'émission « Quotidien » n'a été condamnée pour non-respect du pluralisme. Nous n'avons reçu ni mise en garde, ni mise en demeure de la part de l'Arcom.

S'il est exact que nous ne recevons pas d'élus du Rassemblement national sur le plateau, ces derniers sont en revanche régulièrement interrogés, que ce soit à l'Assemblée nationale ou sur le terrain, et présents dans l'ensemble des rubriques et chroniques de l'émission, qu'il s'agisse de « 19h30 médias » ou des reportages présentés par Paul Gasnier. Les règles en matière de temps de parole sont scrupuleusement respectées. Si demain l'Arcom les modifie suite à la décision du Conseil d'État, nous nous adapterons et appliquerons les nouvelles modalités.

Permalien
Laurent Bon, gérant de Bangumi, producteur de « Quotidien »

Il n'est pas envisageable de conditionner une accréditation à une invitation en plateau. Les derniers échanges intervenus entre la direction de la communication du Rassemblement national et la société Bangumi allaient en ce sens. Je dispose ici de la liste des violences subies par les équipes de « Quotidien » lors d'événements organisés par le Rassemblement national (M. Laurent Jacobelli proteste.). J'ajoute que malgré les risques encourus, nous continuons à envoyer nos journalistes couvrir ces manifestations. Si un jour la loi nous enjoint de vous recevoir, nous la respecterons bien évidemment.

L'actualité détermine le sommaire de l'émission. Ainsi, les députés du Rassemblement national sont systématiquement interrogés sur les sujets d'actualité, quitte à ce que ce soit à travers des grilles, par nos équipes qui continuent d'aller sur le terrain. Nous ne diabolisons pas le RN ; nous ironisons simplement parfois à son propos, comme nous le faisons pour tous les autres partis.

Permalien
Yann Barthès, gérant de Bangumi, producteur et animateur de « Quotidien »

Pourquoi tenez-vous absolument à être invités dans une émission qui ne vous plaît pas ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je rappelle que nous sommes ici dans une commission d'enquête dont seuls les députés peuvent poser des questions.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'idée n'est pas de conditionner notre venue en plateau à l'octroi d'accréditations. Nous avons simplement lié les deux aspects car il nous semblait que l'un était pour vous la conséquence de l'autre.

Ma question sur le temps de parole ne concernait pas la quantité, mais la qualité. Il m'apparaît en effet que le fait de pouvoir s'exprimer en direct sur un plateau offre un niveau de qualité supérieur à celui d'une séquence enregistrée et montée.

Vous avez reçu hier dans votre émission Mme Aubry, qui a fait état de cadeaux offerts aux invités. Pourriez-vous nous indiquer quels étaient ces cadeaux, quelle en était la valeur et qui, parmi les députés LFI, les avaient reçus ?

Permalien
Yann Barthès, gérant de Bangumi, producteur et animateur de « Quotidien »

La valeur de ces cadeaux avoisinait les 5 euros. Il s'agissait de produits, en l'occurrence de shampooings, offerts par des marques partenaires.

Nous tenons par ailleurs à votre disposition, Monsieur Jacobelli, la liste des violences subies sur le terrain par nos journalistes, de la part du Rassemblement national, et les mises en cause du travail de « Quotidien ».

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci de bien vouloir nous la transmettre, afin que nous la diffusions à l'ensemble des membres de la commission d'enquête.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie, monsieur Barthès, d'avoir rappelé les valeurs humanistes et antiracistes qui vous animent. Cela devrait aller de soi, mais n'est malheureusement pas le cas dans l'ensemble du paysage audiovisuel actuel.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Oui, même si ça vous embête. Nous sommes clairement antiracistes.

Ma question porte sur le rapport entre information et divertissement. Vous avez indiqué à plusieurs reprises que « Quotidien » s'inscrivait dans les deux dimensions, mais veillait à les distinguer clairement. Vous avez ainsi souligné, monsieur Bon, que la séquence concernant les deux influenceuses, que vous avez épinglées de très mauvaise manière, figurait dans une rubrique humoristique, comme si les deux aspects étaient développés dans des cases totalement étanches. Or je pense que ce n'est pas le cas : lorsque vous raillez ces deux jeunes femmes alors qu'elles participent à une manifestation contre la réforme des retraites, vous transmettez, que vous le veuillez ou non, un message sur ce mouvement social. Comment imaginer que le seul fait de présenter des segments distincts suffise à créer une paroi étanche entre information et divertissement ?

Permalien
Julien Bellver, journaliste et chroniqueur à « Quotidien »

Les rubriques de l'émission sont clairement balisées et identifiées. Chaque chronique dispose d'un jingle spécifique, qui la rattache à l'un ou l'autre segment. Lorsque le public regarde « Quotidien », il sait précisément s'il a affaire à de l'humour ou à de l'information. Nous faisons confiance à ses capacités de discernement.

Permalien
Yann Barthès, gérant de Bangumi, producteur et animateur de « Quotidien »

« Quotidien » dure une heure et demie ; elle est baignée par une ambiance, une humeur et des valeurs générales qui traversent l'ensemble de l'émission. Pour autant, elle est scindée en quatre parties, séparées par des coupures de publicité et identifiées par des jingles différents. Les segments journalistiques bénéficient clairement d'un ton, d'un montage et d'un traitement adaptés. Je pense que nos visages changent aussi d'expression et que le public perçoit nettement le passage d'une rubrique à l'autre.

Permalien
Laurent Bon, gérant de Bangumi, producteur de « Quotidien »

La blague à propos des influenceuses s'inscrivait dans une rubrique clairement humoristique. On peut considérer qu'elle était ratée ; cela arrive.

Nous avons par ailleurs traité abondamment le sujet de la réforme des retraites dans les séquences journalistiques, en recevant des représentants syndicaux et en y consacrant de nombreux reportages tournés notamment lors des manifestations.

Permalien
Thomas Courcelle, directeur de la conformité des programmes du groupe TF1

L'émission est très structurée. La première partie est une séquence magazine, avec un volet informationnel. La deuxième comporte également une rubrique d'information, puis glisse progressivement vers le divertissement, avec l'invité du jour. La dernière partie, intégralement humoristique, est constituée de séquences très identifiées et balisées, avec des jingles parfois assez longs. L'environnement visuel et sonore caractéristique de chaque rubrique permet aux spectateurs de percevoir clairement les changements de séquence et les passages de l'information au divertissement. Cela est absolument essentiel à nos yeux.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je comprends cette segmentation, qui relève de votre liberté éditoriale, mais cela ne me convainc pas.

Je perçois en outre une certaine contradiction dans vos propos : vous affirmez en effet que l'émission « Quotidien » est conçue comme un complément à d'autres sources, tout en expliquant que certains segments sont exclusivement dédiés à l'information. Cela me paraît prêter à confusion.

Permalien
Ara Aprikian, directeur général adjoint des contenus du groupe TF1

Il me semble primordial de défendre la liberté éditoriale : ce sera un élément clé dans les années à venir. La capacité à disposer d'une information de qualité, contrôlée, luttant contre les fake news et la désinformation, sera de plus en plus souvent mise en tension. Il sera important, dans cette optique, de veiller à ne pas proposer une télévision totalement aseptisée, mais à apporter des éléments et un ton susceptibles d'attirer et conserver, dans le respect des règles du pluralisme et de l'honnêteté de l'information, un public, notamment jeune, parfois tenté de s'informer auprès de sources peu fiables. Garantir la liberté d'informer et l'indépendance rédactionnelle est essentiel, pour TMC comme pour toutes les autres chaînes.

Permalien
Thomas Courcelle, directeur de la conformité des programmes du groupe TF1

Le président de l'Arcom, interrogé ce matin sur France Inter à propos de la décision rendue par le Conseil d'État, a consacré la liberté éditoriale, à la fois dans les thèmes traités et le choix des invités. Cela est essentiel et particulièrement opportun aujourd'hui.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La liberté éditoriale est en effet, tout comme le temps consacré à chaque sujet, un élément important, protégé par la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avant de poser ma question, j'exprime ma lassitude de voir les auditions de la commission d'enquête transformées en happenings et le RN présenter sa supplique pour être invité sur le plateau de « Quotidien ». Ce n'est pas l'intérêt de nos travaux.

La prévention des sanctions, financières notamment, est-elle un élément contractuel entre Bangumi et TMC ? La société H2O, à laquelle j'ai posé la même question, a répondu ne pas être responsabilisée sur ce point aux termes de son contrat. Serait-ce un moyen de responsabiliser les producteurs de contenus ?

Les débordements ayant donné lieu à des sanctions à l'encontre d'autres chaînes étaient apparemment liés aux difficultés du direct. Vous avez indiqué disposer de plusieurs outils de maîtrise de l'antenne, notamment la préparation et la répétition du déroulement des séquences ou encore l'utilisation d'une oreillette, laissant peu de place à l'improvisation. Comment gérez-vous cela ? Vous arrive-t-il de faire cesser des prises de parole de certains intervenants lorsque vous estimez qu'elles risquent d'exposer la chaîne à des sanctions ? Cela devrait-il être la norme pour éviter tout problème de ce type ? Ces pratiques devraient-elles selon vous être contractualisées dans les conventions prévues par l'Arcom ?

Permalien
Laurent Bon, gérant de Bangumi, producteur de « Quotidien »

Nous essayons de fabriquer une émission de télévision quotidienne en utilisant les codes de la presse écrite. Nous éditons beaucoup et le revendiquons, contrairement à d'autres qui considèrent que la télévision aujourd'hui doit se résumer au direct, à l'immédiateté, à la réaction. Nous privilégions une tout autre démarche : nous visionnons des heures d'images, les mettons en perspective, essayons de trouver des angles d'approche intéressants. Nous proposons des émissions très préparées. Pour autant, nous ne prétendons pas que cela doive être la règle. Chacun doit être libre de faire la télévision qu'il souhaite. Je rappelle que « Quotidien » n'est pas une émission de débat, d'affrontement. Nous misons au contraire sur la pédagogie, en invitant plutôt des gens qui savent, afin d'apporter des éléments de connaissance sur les sujets que nous traitons.

Permalien
Ara Aprikian, directeur général adjoint des contenus du groupe TF1

Je ne pense pas que le contrat comporte de disposition liée aux sanctions. En revanche, certains articles concernent le respect du cadre légal et jurisprudentiel dans lequel l'émission doit évoluer.

Permalien
Yann Barthès, gérant de Bangumi, producteur et animateur de « Quotidien »

Concernant la maîtrise de l'antenne, l'oreillette est un outil précieux. J'imagine que tous mes confrères en font usage, ne serait-ce que pour gérer les temps consacrés aux différentes séquences. Elle est quasiment obligatoire d'un point de vue technique. Le différé ou time delay est également très important : cela consiste en un décalage de dix minutes entre la séquence en direct et sa diffusion. Cet élément est essentiel à la maîtrise de l'antenne. Nous avons par exemple vécu une invasion de plateau, que les téléspectateurs n'ont jamais vue.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Imaginons que « Quotidien » se voie infliger de la part de l'Arcom une amende de 3 millions d'euros. Le groupe TF1 va-t-il régler cette somme ou considérer que le producteur doit être responsabilisé et prendre en charge une partie du montant dû ? Renouvelleriez-vous par ailleurs le contrat d'un producteur dont les émissions multiplieraient les amendes ?

Permalien
Ara Aprikian, directeur général adjoint des contenus du groupe TF1

Je pense que, techniquement, l'amende serait adressée à l'éditeur, auquel il appartiendrait de la régler. Pour autant, une telle sanction serait le résultat d'un manquement grave, qui engendrerait des discussions sérieuses avec les producteurs concernés, dans le cadre soit d'un renouvellement de contrat, soit d'une redéfinition des règles afin que la situation ne se reproduise pas.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je souhaiterais revenir sur une séquence en plateau avec Nicolas Sarkozy lors de laquelle il avait semblé déplorer, en s'appuyant notamment sur l'exemple du roman d'Agatha Christie, que certains mots comme « singes » ou « nègres » ne puissent plus être employés dans la société actuelle. L'association d'idées entre ces deux mots, clairement raciste, a fait couler beaucoup d'encre après sa diffusion, mais n'a pas suscité de réaction de votre part, monsieur Barthès, lors de l'interview. Quel regard portez-vous rétrospectivement sur cette séquence ? Considérez-vous qu'elle témoigne d'un défaut de maîtrise de l'antenne ? Le statut d'ancien président de M. Sarkozy vous a-t-il retenu d'intervenir comme vous l'auriez sans doute fait avec un autre invité ?

Permalien
Yann Barthès, gérant de Bangumi, producteur et animateur de « Quotidien »

Le statut de l'invité n'influe aucunement sur mon attitude à son égard et je n'aurais pas hésité à l'interrompre si je l'avais estimé nécessaire. Il m'apparaît en l'occurrence que l'extrait diffusé sur les réseaux sociaux a été sorti de son contexte. Aucun de ceux qui ont vécu cet épisode en direct, que ce soit sur le plateau ou en régie, n'a imaginé une seconde que Nicolas Sarkozy avait eu l'intention de comparer des personnes de couleur à des singes. Je pense sincèrement qu'il n'a pas dit cela ainsi, mais qu'il a sauté une étape dans son raisonnement et que ces deux mots se sont malencontreusement entrechoqués dans son explication, ce qui a créé une polémique sur les réseaux sociaux. À la fin de l'émission, personne dans l'équipe n'a évoqué ce moment comme étant susceptible de poser un problème.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Selon vous, les propos de Nicolas Sarkozy ne revêtent donc aucun caractère problématique. Pensez-vous comme lui qu'on ne peut plus rien dire ?

Vous avez mentionné l'antiracisme comme l'une des valeurs dans lesquelles vous vous reconnaissiez. Je rappelle qu'il devrait en aller de même pour tout le monde, dans la mesure où le racisme est un délit en France. Cela concerne aussi l'humour. Savoir si l'on peut rire de tout est un vaste sujet. Il existe néanmoins une jurisprudence en la matière, par exemple la condamnation de Valeurs actuelles pour avoir caricaturé Danièle Obono en esclave. La liberté d'expression, humoristique notamment, trouve ainsi des limites dans la loi. Cela pèse-t-il sur l'exercice de votre métier ? Y portez-vous une attention particulière ?

Permalien
Laurent Bon, gérant de Bangumi, producteur de « Quotidien »

Nous sommes très sensibles et vigilants vis-à-vis de ce sujet. Je pense que cela n'est pas à démontrer et que nous incarnons l'antiracisme à la télévision.

S'agissant de l'épisode avec Nicolas Sarkozy, il faut savoir qu'un moment de flottement s'est produit et que personne n'a vraiment compris, sur le plateau ou en régie, ce que l'ancien chef de l'État a voulu dire. Personne ne peut toutefois imaginer qu'il ait tenu des propos racistes. En tout cas, je ne le pense pas.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je tiens à préciser en préambule que votre convocation devant la commission d'enquête n'a rien d'ironique, mais est simplement le fruit du jeu de la démocratie.

Vous avez indiqué que les journalistes de « Quotidien » avaient été victimes de violences de la part du Rassemblement national. Pouvez-vous produire des jugements ou condamnations à l'appui de vos propos ?

Vous avez en outre précisé faire preuve, dans la conception de vos émissions, d'exigence et de curiosité. Or parmi les questions que vous posez à vos invités politiques, j'ai noté que vous leur demandiez par exemple s'ils avaient bien dormi ou combien ils gagnaient. Je souhaiterais par conséquent à mon tour, monsieur Barthès, connaître le montant de votre rémunération et le chiffre d'affaires de Bangumi.

Permalien
Laurent Bon, gérant de Bangumi, producteur de « Quotidien »

Oui, je trouve ironique que soient auditionnées des personnes qui ont été traitées de « clowns » par votre présidente de groupe.

Quant aux violences perpétrées à l'encontre de nos journalistes, elles ont été documentées et les images diffusées. Nous avons décidé de ne pas porter plainte, considérant que le fait de rendre publiques ces séquences était suffisant.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je note que des situations que vous considérez comme particulièrement graves n'ont donné lieu à aucune plainte ni condamnation.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Si vous ne souhaitez pas révéler lors de cette audition le montant de votre rémunération et le chiffre d'affaires de votre société, sachez qu'il est possible de communiquer ces éléments à la commission par écrit, afin qu'ils soient ensuite diffusés uniquement auprès de ses membres.

Permalien
Yann Barthès, gérant de Bangumi, producteur et animateur de « Quotidien »

Je vous adresserai ces informations par écrit.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez indiqué que l'émission était composée de plusieurs segments, entrecoupés de jingles et de coupures publicitaires permettant selon vous aux téléspectateurs d'effectuer clairement la différence entre information et divertissement. Avez-vous mené auprès de votre audience des enquêtes afin de vérifier leur bonne compréhension de cette distinction ?

Tous les membres de la rédaction sont-ils d'accord avec le choix de ne pas inviter les membres du Rassemblement national sur le plateau de l'émission ou est-ce uniquement une décision de la direction ? De façon plus générale, la rédaction est-elle consultée, au-delà des obligations légales en matière de pluralisme ? Dans l'affirmative, quelles sont les modalités de la consultation ? Existe-t-il une société des journalistes au sein de la rédaction ? Quelle différence effectuez-vous entre la rédaction d'une société de production et celle œuvrant pour un diffuseur ? Pouvez-vous nous éclairer sur le pluralisme des échanges intervenant en interne ?

Permalien
Laurent Bon, gérant de Bangumi, producteur de « Quotidien »

La décision de ne pas inviter de membres du Rassemblement national est collective et émane de journalistes chevronnés, soumis directement aux violences et dénigrements des élus de ce parti. J'ai pour ma part produit d'autres émissions auparavant, dont « Le grand journal » de Canal+ ou « Le supplément », dans lesquelles les élus du Front national, devenu Rassemblement national, étaient reçus sans que cela ne pose aucun problème. La décision est donc vraiment liée à la manière dont les journalistes de la rédaction vivent le traitement qui leur est infligé par ce parti politique.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Y a-t-il eu des études faites auprès des téléspectateurs sur leur bonne compréhension de la distinction entre ce qui relève du divertissement et ce qui relève de l'information ?

Permalien
Ara Aprikian, directeur général adjoint des contenus du groupe TF1

Nous effectuons régulièrement des études qualitatives sur l'émission dans sa globalité. Les résultats sont en général excessivement bons et le public dit apprécier la variété des séquences. Nous ne disposons toutefois pas d'éléments précis sur le point que vous soulevez, qui ne correspond pas au prisme d'analyse retenu par les instituts d'études.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sans doute aurez-vous à nous transmettre les études en question, afin que nous puissions les adresser aux membres de la commission.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le 22 mai 2019, Valentine Oberti venait sur le plateau de « Quotidien » indiquer qu'elle avait été auditionnée par la direction générale de la sécurité intérieure à propos d'une enquête qu'elle avait menée avec Disclose sur les ventes d'armes à l'Arabie Saoudite, alors en train de commettre des crimes de guerre au Yémen. Or aucun sujet relatif à cette enquête n'a jamais été diffusé dans « Quotidien ». Pourquoi ?

Permalien
Laurent Bon, gérant de Bangumi, producteur de « Quotidien »

J'ai pris la décision d'arrêter l'enquête. En effet, Valentine Oberti, qui travaille aujourd'hui à Mediapart, avait réalisé de son propre chef un sujet sur cette question, en prenant des risques puisqu'elle était allée interroger la ministre de la défense de l'époque en brandissant dans un lieu public des documents classés secret défense. Cela ne correspond pas à la manière dont nous avons coutume de travailler. Même si l'investigation n'est pas la spécialité de « Quotidien », il nous est arrivé de produire des sujets de ce type. La base du travail est de toujours protéger les sources et de ne jamais montrer dans un lieu public, sous l'œil des caméras, un dossier confidentiel. Je n'étais pas informé de la manière dont Valentine Oberti entendait procéder. J'en ai été très mécontent et ai mis un terme à cette enquête, qui ne correspondait pas à notre méthode de travail.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Un article paru dans Télérama en 2019 rapportait les propos suivants, émanant de l'entourage du producteur : « Nous souhaitions vraiment que la ministre Florence Parly réagisse à ces éléments sur les ventes d'armes dans une séquence. C'est ce que nous avions fait par exemple avec les révélations sur les emplois présumés fictifs des filles de Bruno Le Roux, alors ministre de l'intérieur, qui l'avaient d'ailleurs amené à démissionner. Sans confrontation avec la ministre, pour nous il n'y avait plus de sujet télé. » Cela semble contradictoire avec le fait que vous reprochiez à Mme Oberti de ne pas avoir suffisamment protégé ses sources.

Permalien
Laurent Bon, gérant de Bangumi, producteur de « Quotidien »

Les deux affaires sont très différentes. Il aurait été préférable selon moi, comme nous l'avions fait avec M. Le Roux, de prendre rendez-vous avec la ministre et de lui montrer les documents en privé, afin d'assurer la protection des sources, au lieu de brandir des documents confidentiels dans un lieu public avec les caméras braquées dessus.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous utilisez régulièrement un micro perche afin d'enregistrer les coulisses de certains événements politiques notamment. Or je trouve cela extrêmement intrusif, puisque ce matériel cherche à capter des échanges d'ordre politique, ou privé, sans que les personnes concernées en aient nécessairement conscience. Même si la conversation ainsi enregistrée n'a pas été diffusée, j'ai été confronté à cette technique récemment, lors du lancement de la campagne de Manon Aubry. Considérez-vous qu'il s'agisse d'une méthode appropriée pour produire de l'information sourcée, de qualité et d'intérêt public ?

Permalien
Laurent Bon, gérant de Bangumi, producteur de « Quotidien »

L'important est ce qui est diffusé.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je ne crois pas que ce soit le seul élément qui compte pour les personnes dont les conversations privées se trouvent ainsi interceptées.

Permalien
Yann Barthès, gérant de Bangumi, producteur et animateur de « Quotidien »

Les captations n'ont jamais lieu dans des espaces privés. Le micro et sa perche ne sont ni cachés, ni discrets et ils sont utilisés dans des circonstances où les journalistes sont nombreux et où les politiques savent qu'ils sont potentiellement filmés et enregistrés. Il s'agit d'une méthode de journalisme.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie et vous propose de compléter nos échanges en répondant par écrit, dans le délai précisé par le secrétariat, au questionnaire qui vous a été transmis et en nous faisant parvenir les documents demandés lors de l'audition.

Notre prochaine audition des dirigeants de CMA CGM aura lieu à huis clos.

La séance s'achève à dix heures cinquante.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Quentin Bataillon, M. Mounir Belhamiti, Mme Céline Calvez, M. Sébastien Chenu, Mme Fabienne Colboc, M. Jocelyn Dessigny, M. Laurent Esquenet-Goxes, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Jérôme Guedj, M. Laurent Jacobelli, Mme Constance Le Grip, Mme Sarah Legrain, M. Thomas Ménagé, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Aurélien Saintoul, Mme Sophie Taillé-Polian

Assistaient également à la réunion. – Mme Ségolène Amiot, M. Frédéric Cabrolier, M. Jordan Guitton, Mme Monique Iborra