Intervention de Philippe Duron

Réunion du 19 octobre 2016 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Duron :

Je souhaite remercier les rapporteurs pour leur travail ainsi que pour m'avoir accueilli à certaines de leurs auditions, qui étaient ouvertes à tous les membres de notre commission et auxquelles M. Jean-Marie Sermier aurait pu assister s'il avait été disponible… (Sourires)

Réformer est difficile, et réformer le ferroviaire l'est plus encore, car les Français sont attachés aux trains, aux lignes, aux services les plus modestes, mais aussi parce que les cheminots se pensent comme les garants du service public ferroviaire. Or le système ferroviaire est complexe et très lourd, il appelle une réforme s'inscrivant dans la durée.

À cet égard, la loi du 4 août 2014 représente un moment important dans la réorganisation et la réunification de ce système, car elle a renforcé l'outil SNCF. Au cours de la législature qui s'achève, le Gouvernement a mis en place des priorités, et il est faux de prétendre qu'il n'y ait pas de stratégie. Deux priorités ont été dégagées : le transport du quotidien ainsi que la sécurité, l'entretien et la régénération du réseau, pour lesquels les moyens mis en oeuvre ont été doublés.

Certes, comme toujours lorsqu'il s'agit de règle, il y a eu des exceptions, notamment pour la programmation de la nouvelle LGV Bordeaux-Toulouse, mais cette création avait été recommandée par la commission Mobilité 21, que j'ai présidée, dans son rapport remis au ministre des transports le 7 juin 2013. Il faut, en effet, conserver la maîtrise de la technologie, car Toulouse est une grande métropole, où le transfert modal est possible.

La question du modèle économique du ferroviaire n'a pas été abordée convenablement par la SNCF : c'est une maison d'ingénieurs qui fait de très beaux trains, les TGV, mais a négligé les autres. Elle a laissé en déshérence les autres systèmes, qu'il s'agisse des trains régionaux, qu'il a fallu transférer aux régions afin qu'elles apportent les compléments de financement, ou des TET, qui sont également confiés aux régions, ou des trains de nuit, qui sont en voie de disparition.

Le rapport met bien en évidence la question des coûts de production et de la productivité du système. Une occasion a été manquée lors de la négociation collective, le conflit déclenché par le projet de loi sur le travail lui ayant été en quelque sorte fatal. Toutefois, le besoin de polyvalence et de modernisation des méthodes de travail de la SNCF est patent.

S'agissant de l'investissement et de son financement, nous savons tous que le ferroviaire coûte infiniment plus cher que la route, mais s'amortit sur des durées bien plus longues, et il s'agit d'un service public. Il y a quelques années existait le schéma national d'infrastructures de transport (SNIT), représentant 175 projets, et quelque 245 milliards d'euros de financement à trouver. Cela s'est révélé impossible ; la commission Mobilité 21 a réduit le projet à 2,5 milliards d'euros d'investissements par an, portant, non sur le seul ferroviaire, mais sur l'ensemble des grands projets de l'État.

Or, aujourd'hui ces 2,5 milliards d'euros ne sont plus suffisants : ce sont 3 milliards d'euros qui sont nécessaires, et il est impérieux de trouver les recettes correspondantes, que ce soit par l'Eurovignette ou par la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE), dans le cadre de la convergence entre l'essence et le diesel.

Vous avez formulé une proposition, que la commission Mobilité 21 avait également évoquée, relative à la planification et à la programmation des infrastructures de transport. Ces infrastructures lourdes doivent être pensées à l'horizon de vingt ou trente ans, et priorisées dans le temps. Le système allemand bénéficie d'une planification à quinze ans et d'une programmation à cinq ans ; un tel système serait très efficace en France.

M. Gilles Savary a évoqué la question du chaînon manquant dans notre gamme de trains. Lors de la réflexion sur la réforme des TET, nous avions suggéré à Alstom de fournir à la SNCF des trains Pendolino, qui sont aujourd'hui sa propriété, en les fabriquant à Reichshoffen. Alstom avait considéré qu'il serait trop coûteux de transférer une ligne de production en France. Il n'empêche que le contrat emporté par Alstom aux États-Unis prévoit que 95 % du matériel roulant concerné sera construit outre-Atlantique.

Il y a ainsi des choses qui nous paraissent mystérieuses et inexplicables.

En tout état de cause, vous avez fait oeuvre utile, et j'espère que vos propositions inspireront le législateur.

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