La réunion

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La séance est ouverte à 10 heures 05.

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

La Commission auditionne M. Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, sur les crédits de la mission « Transformation et Fonction publiques ».

Lien vidéo : https://assnat.fr/1chcl1

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Nous poursuivons l'examen pour avis des missions budgétaires relevant de notre commission. Nous sommes ravis de recevoir M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques pour nous présenter les crédits du programme 148 Fonction publique de la mission Transformation et fonction publiques. Au-delà de ces crédits, qui ne traduisent qu'une infime part de la politique du Gouvernement en matière de fonction publique, l'audition sera l'occasion de faire le point sur toutes les grandes orientations du ministère.

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Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques

Cette audition sur le programme 148 me permettra en effet de présenter plus largement un budget de réarmement de nos services publics, lequel se traduit par des investissements volontaristes dans plusieurs ministères, ainsi que dans le mien, dont j'ai l'habitude de dire qu'il est au service de tous les autres. L'objectif est clair : la qualité des services publics, qui repose notamment sur l'attractivité des métiers de la fonction publique, dont j'ai fait ma priorité. Les services publics s'appuient sur des femmes et des hommes. Je ne peux qu'avoir une pensée pour celles et ceux de nos agents publics qui, au quotidien parfois, sont agressés ou violentés. Je veux rendre ici hommage au professeur Dominique Bernard, à Ludovic Montuelle, agent des impôts, à Agnès Lassalle, professeure, et à Carène Mézino, infirmière, qui ont été assassinés en faisant leur métier.

Le défi de l'attractivité repose sur trois piliers : la reconnaissance de l'engagement au plan salarial ; l'amélioration des conditions de travail, à commencer par la question de la protection de nos agents publics ; la suppression de certaines entraves afin de faciliter les mobilités, de reconnaître les compétences et de libérer les énergies.

Pour rappel, le budget du ministère de la transformation et de la fonction publiques s'élève à 567 millions d'euros répartis entre quatre programmes, dont 282 millions d'euros pour le seul programme 148 Fonction publique. Je vous ferai part des priorités d'action le concernant, ainsi que de quelques éléments clés des programmes 368 Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques, 349 Transformation publique et 352 Innovation et transformation numériques. Sur l'ensemble de ces lignes budgétaires et à périmètre constant, le budget du ministère est en augmentation de 42 millions d'euros.

Le schéma d'emploi du ministère est en augmentation de 48 équivalents temps plein (ETP) pour 2024. Après les 30 ETP de l'an passé, la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) est renforcée de 20 ETP afin de réinternaliser des compétences en matière de prestation de conseil. Alors que nous nous étions fixé un objectif de 15 % de diminution dans le recours aux prestations de conseil externes, nous avons atteint les 35 %. Nous avons également décidé de soutenir le réseau des treize laboratoires d'innovation territoriale avec 25 ETP supplémentaires en 2024 et 5 ETP de plus en prévision de 2025, pour renforcer notre capacité de déconcentration et d'innovation territoriale.

S'agissant des programmes 349 et 352, un effort d'investissement est fait pour consolider France Services. L'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) voit ses moyens augmenter. Ce sont 4,5 millions d'euros supplémentaires par année sur la période 2024-2027 pour renforcer nos moyens de communication et d'animation du réseau France Services.

Ma présentation du programme 148 s'organisera autour de deux dimensions : l'amélioration des conditions de travail et la valorisation des compétences au service de la mobilité dans la fonction publique.

Les crédits de l'action Action sociale interministérielle sont facialement en baisse de 18,4 millions d'euros, du fait d'un changement de périmètre. En effet, les 40 millions d'euros des crédits de l'Institut national du service public (INSP), qui est venu remplacer l'École nationale d'administration (ENA), sont affectés au programme 129 Coordination du travail gouvernemental, la délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (Diese) étant l'administration de tutelle de l'INSP. En réalité, les crédits sont en hausse de 21,7 millions d'euros : 4,9 millions d'euros supplémentaires pour développer des programmes de crèches à destination de nos agents, afin d'atteindre le nombre de 5 000 berceaux interministériels ; 13,8 millions d'euros de plus pour accélérer la rénovation des restaurants interadministratifs ; une hausse de 2,1 millions d'euros pour favoriser le maintien à domicile des agents retraités ; une augmentation de 1 million d'euros destinée à des études sur la mobilisation du foncier en Île-de-France pour produire des logements destinés aux agents publics. La politique de logement des agents publics est un aspect essentiel du renforcement de l'attractivité des métiers. Nous avons créé un comité interministériel de l'accès au logement des agents publics, mobilisé des moyens et travaillé à des mesures éventuellement législatives.

Protéger, c'est aussi protéger physiquement nos agents. Nous le devons à l'ensemble des agents publics, en particulier à ceux qui sont en première ligne. C'est la première chose à prendre en compte pour améliorer leurs conditions de travail. À la suite des émeutes urbaines, 10 000 agents publics ont été durablement déplacés de leur lieu de travail, qui avait été mis à sac – des centres d'action sociale, des maisons France Services, des centres des impôts – parce qu'ils portaient la marque de la République. J'ai annoncé un plan de protection reposant sur trois priorités : mieux mesurer les menaces, les intimidations et les violences ; mieux prévenir et mutualiser les moyens de protection – déploiement de matériel, de vidéoprotection, de boutons d'alerte dans nos administrations, pour lequel j'ai mobilisé 1 million d'euros du fonds interministériel pour l'amélioration des conditions de travail ; mieux protéger en modifiant la loi, qu'il s'agisse d'offrir la possibilité aux administrations de porter plainte en lieu et place des agents publics et de renforcer la protection fonctionnelle à titre conservatoire pour les ayant-droits.

Protéger, c'est encore protéger les agents en matière de santé. Cela fait l'objet d'un accord, qui a été négocié pendant de nombreux mois avec les organisations syndicales et signé récemment pour la fonction publique d'État, il y a quelques mois pour la fonction publique territoriale, afin d'améliorer les conditions de protection sociale complémentaire, notamment en matière de prévoyance. Ces progrès représentent les plus grandes avancées sociales de ces dernières années dans la fonction publique. Ce sont des améliorations très concrètes, avec une prise en charge obligatoire de la part des employeurs publics en matière de prévoyance à hauteur de 7 euros par mois par agent. Ce sont aussi des améliorations statutaires que nous acterons par un amendement dans le projet de loi de finances.

Enfin, protéger, c'est protéger nos agents contre les effets de la vie chère. Après l'augmentation du point d'indice de 3,5 % en 2022, une nouvelle augmentation de 1,5 % est effective depuis juillet 2023, avant une revalorisation de 5 points en janvier 2024 pour l'ensemble des agents publics. Les efforts se concentrent aussi sur les agents qui ont les plus faibles niveaux de rémunération de la fonction publique. Un effort indiciaire supplémentaire a été consenti pour les agents en début de grille et une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat a été versée à quelque 2 millions d'agents de la fonction publique d'État et hospitalière, il y a quelques jours. Cette prime va de 800 euros brut pour les agents les moins bien rémunérés à 300 euros brut pour les agents qui touchent autour de 3 500 euros de rémunération.

Deuxièmement, nous devons mieux valoriser les compétences, développer la mobilité dans la fonction publique et libérer les énergies.

Des efforts sont accomplis en matière de formation. Nous poursuivons la réforme de la haute fonction publique d'État, avec la réforme de l'INSP, la suppression du classement de sortie et l'instauration de nouvelles grilles salariales pour les administrateurs de l'État. C'est un travail de transformation continu, et une grande majorité des hauts fonctionnaires optent pour ce nouveau statut.

Les efforts de formation sont aussi portés à l'échelle de nos instituts régionaux d'administration (IRA). Nos IRA forment les attachés d'administration, qui sont la colonne vertébrale de nos administrations. J'ai d'ailleurs choisi de faire ma rentrée dans un IRA à Lyon, qui avait été mis à bas pendant les émeutes urbaines. Nous souhaitons renforcer leurs moyens et y former 20 % d'élèves en plus afin de répondre aux besoins de réarmement de nos administrations.

Je souhaite également diversifier l'accès à la fonction publique. Nous nous en donnons les moyens dans le dispositif « prépas talents ». Nous poursuivons l'effort à hauteur de 20,5 millions d'euros pour financer des bourses et créer des voies d'accès spécifiques aux concours pour leurs 2 000 élèves. C'est une question d'égalité des chances mais surtout d'efficacité de l'action publique, pour éviter de passer à côté des talents dont nous avons grandement besoin.

L'apprentissage doit avoir une plus grande place dans la fonction publique. Nous le finançons à hauteur de 15 millions d'euros. Je n'ai jamais fait mystère de ma volonté de titulariser plus facilement de jeunes apprentis à la suite de leur contrat de dix-huit mois. On forme parfois des jeunes avant de les perdre, en leur imposant de passer un concours. Cela n'est pas explicable.

Nous devons aussi nous donner davantage de moyens pour renforcer l'attractivité des métiers de la fonction publique et mieux les faire connaître. C'est pourquoi j'ai relancé le principe d'un salon de l'emploi public qui ne s'était plus tenu depuis 2016. La plateforme Choisir le service public rencontre un grand succès. Depuis son ouverture au mois de mai, 3 millions de visiteurs uniques s'y sont connectés ; 100 000 offres d'emploi et 500 000 candidatures y ont été déposées.

Favoriser les talents, c'est aussi garantir l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. La proposition de loi visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique a été adoptée quasiment à l'unanimité au Sénat et à l'Assemblée nationale pour renforcer notre dispositif de nomination équilibrée et créer un index d'égalité professionnelle dans la fonction publique. Ce sont autant d'outils qui nous permettront de nous donner toutes les chances de faire prospérer les talents et de développer davantage les mobilités dans la fonction publique. Mais nous ne devons pas nous arrêter là.

Nous devons continuer à lever des verrous. Des travaux sont ainsi en cours pour revaloriser le métier des secrétaires de mairie. Il faut revoir les quotas de promotion dans nos collectivités territoriales, accélérer la promotion par le biais de la formation et de la reconnaissance des acquis de l'expérience. Ce sont des dimensions essentielles dont je souhaite faire un marqueur de mon action au ministère. Je crois à l'amélioration des conditions de travail, à la protection des agents mais aussi au besoin de remettre parfois un peu d'oxygène dans notre fonction publique.

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Certaines des recommandations faites par Mme la rapporteure l'année dernière ont été prises en compte dès votre propos introductif, notamment la suppression du classement de sortie de l'INSP. C'est toujours de bon augure !

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Je vous remercie, monsieur le ministre, pour vos propos. Nous partageons le souci de conserver une fonction publique de qualité. Je suis d'autant plus satisfaite de vos développements que nous avons eu à déplorer l'absence de réponse aux vingt-six questions que j'avais posées. J'ai trouvé regrettable que seules 54 % des réponses aient été reçues dans les délais et seulement 77 % à ce jour. Ce n'est pourtant pas beaucoup, vingt-six questions. Qui plus est, le saucissonnage de cette mission n'est pas satisfaisant. La commission devrait pouvoir se saisir de l'ensemble des crédits, le programme 148 ne portant que 282 des 567 millions d'euros de crédits. Cette plus grande lisibilité faciliterait notre travail. Je le dis d'autant plus que, alors que nous avions beaucoup travaillé sur l'INSP et sur les cabinets de conseil, on avait opposé à nos questions sur ces sujets le fait qu'ils ne relevaient pas de notre programme. J'avais trouvé la réponse un peu sèche, quand nous avons tous intérêt à cet éclairage mutuel.

Le programme Fonction publique constitue l'un des cinq programmes de la mission Transformation et fonction publiques. Il porte sur les crédits de formation des fonctionnaires, d'action sociale interministérielle et d'appui et d'innovation en matière de ressources humaines. Après les cabinets de conseil l'an dernier, j'ai choisi cette année de consacrer une partie de mon rapport à un sujet important et d'actualité : l'attractivité de la fonction publique.

Avant d'aborder cette question, je commencerai par l'examen des crédits du programme. Ses montants s'établissent à 282,56 millions d'euros en crédits de paiement. En apparence, ils diminuent du fait du transfert vers un autre programme de la tutelle budgétaire de l'Institut national du service public, qui a remplacé l'École nationale d'administration. À périmètre constant, les crédits sont en augmentation d'une vingtaine de millions d'euros. Je ne peux cependant que constater la faible ambition de ce projet de budget qui reconduit pour l'essentiel les lignes budgétaires ouvertes les années précédentes.

J'évoquerai brièvement les quatre évolutions les plus importantes du programme. La hausse la plus significative concerne les crédits associés à la rénovation des restaurants interadministratifs, qui augmentent de 13 millions d'euros. Cette hausse prévisible s'explique par une sous-exécution des crédits les années précédentes.

La deuxième évolution, c'est l'augmentation de 5 millions d'euros de la subvention pour charge de service public versée aux cinq instituts régionaux d'administration pour renforcer les effectifs d'encadrement. Nos missions ont une utilité, puisque c'est ce que nous avions proposé l'année dernière par voie d'amendement. Ce n'est pas parce que les IRA fonctionnent très bien que l'on doit s'en désintéresser et aller regarder ailleurs. À l'époque, je n'avais pas été suivie par la majorité, à croire que j'avais raison trop tôt… J'espère que cet exemple vous conduira à recevoir mes propositions avec une plus grande bienveillance.

Je m'inquiète tout de même du caractère limité de ces renforts. Les effectifs des personnels permanents augmenteraient de deux agents par IRA, soit de 10 % en moyenne, alors que le nombre d'étudiants augmentera, lui, de 17 % d'ici à 2025. Nous devons nous réjouir de l'attractivité des IRA et de l'excellence des directions en poste. Il faut les soutenir dans leur action. J'avais d'ailleurs formulé deux propositions : la première, pour revenir à une seule promotion par an au lieu des deux actuelles, suivant une demande des directions ; la deuxième, pour rallonger la scolarité, réintroduire un stage préalable au stage final et revoir les épreuves de sortie. Ces recommandations demeurent d'actualité et je ne désespère pas que nous les actions l'année prochaine.

Troisième évolution : les crédits consacrés à la réservation des berceaux de crèche progressent de 5 millions d'euros environ. En réalité, c'est principalement pour faire face à l'inflation du coût des places. En 2022, il y avait 4 500 berceaux. Nous approcherons des 5 000 places en 2024. Là encore, cette augmentation fait écho à une proposition formulée l'année dernière par amendement sans succès. Si cette hausse est bienvenue, elle aurait pu être encore plus importante, en dépassant les 5 000 places, comme je le suggérais à l'automne dernier. Accompagner de cette façon les familles qui entrent dans la fonction publique me paraît essentiel.

Quatrième évolution : les crédits consacrés aux chèques vacances diminuent, du fait d'un recentrage sur les seuls agents de l'État en activité. Cela conduirait à une baisse de 20 000 bénéficiaires et à une économie de 6 millions d'euros. À mon sens, cette prestation constitue une aide non négligeable pour les retraités qui ont consacré leur vie professionnelle au service public, qui touchent une pension modeste pour la plupart et dont le pouvoir d'achat est menacé par l'inflation.

Ces considérations ne sont pas sans lien avec le thème que j'ai choisi d'étudier cette année : l'attractivité de la fonction publique. On a coutume de dire que son attrait est directement lié à la situation économique. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette variable d'ajustement. Nous devons réfléchir, dès à présent, à cette question qui a pris une ampleur nouvelle au cours des dernières années, face aux difficultés de recrutement rencontrées par certains employeurs publics, dans un contexte de tension sur le marché du travail, de raréfaction de certaines compétences et de départs massifs à la retraite.

De nombreux signaux témoignent d'une dégradation tendancielle sur les trois versants de la fonction publique. Dans la fonction publique d'État, la sélectivité des recrutements aux concours externes est passée de 17 candidats pour 1 admis en 1997 à 5,8 candidats pour 1 admis en 2020. En 2021, environ 8 % des postes de fonctionnaires ouverts n'ont pas été pourvus. Il faut apporter des nuances, bien sûr. Si certains postes présentent des difficultés de recrutement spécifiques, en fonction des métiers – enseignement ou filière numérique – ou des territoires, nombre de problématiques sont communes. Pour les administrations publiques, l'enjeu est double : il s'agit non seulement de continuer à recruter des agents en nombre suffisant mais également de capter certaines compétences spécifiques, particulièrement recherchées. Il y va de la continuité et de la qualité du service public.

Les auditions que j'ai conduites et les travaux que j'ai consultés convergent autour de plusieurs constats. Les métiers de la fonction publique présentent d'importants atouts, ils sont porteurs de sens, mais ils restent paradoxalement mal connus du grand public et souffrent d'une image un peu désuète. Par ailleurs, certains aspects des processus de recrutement pourraient être améliorés. Enfin, l'évolution des rémunérations est en décalage avec le secteur privé et les conditions de travail se tendent. Face à ces constats, je formule neuf propositions autour de trois axes.

Premier axe : agir sur les rémunérations et les conditions de travail. Mon groupe demande une augmentation de 5 % de la rémunération des fonctionnaires. Je propose de rendre les rémunérations plus attractives grâce à cette nouvelle augmentation du point d'indice et de réformer aussi les modalités de calcul de l'indemnité de résidence, projet maintes fois repoussé, alors qu'elle n'a plus grand sens. Il me paraît également important de promouvoir les initiatives managériales accordant une plus grande flexibilité dans l'organisation du temps de travail, comme la semaine de quatre jours. De telles expérimentations peuvent conduire à mieux prendre en compte les réalités de la vie de chacun et à proposer un meilleur équilibre entre vie privée et professionnelle.

Le deuxième axe concerne le rapprochement de la fonction publique des candidats potentiels, pour lequel je propose de poursuivre le développement de la marque employeur « choisir le service public » et de faire des campagnes de communication ciblées sur les métiers en tension. La marque employeur peut être le support d'une communication efficace, à certaines conditions, mais elle ne constitue évidemment pas une réponse suffisante aux difficultés auxquelles sont confrontés les agents publics.

Par ailleurs, les offres d'emploi publiées gagneraient à être rédigées d'une manière plus accessible, tandis que le format de certains concours pourrait être simplifié pour favoriser le recrutement de certains profils, notamment les apprentis. Il me paraît également important de mieux valoriser la fonction publique auprès des jeunes générations.

Le troisième axe consiste à favoriser le déroulement de carrière au sein d'un même territoire dont plusieurs personnes auditionnées ont souligné l'intérêt. Cela suppose d'encourager la mobilité inter-employeur dans un même territoire et de renforcer la coordination entre les acteurs au niveau local.

Monsieur le ministre, quel regard portez-vous sur ces différentes propositions ? Quelles autres mesures envisagez-vous pour renforcer l'attractivité de la fonction publique ?

Pour conclure, je rappelle que mon groupe souhaite toujours l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale de la proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques. L'externalisation des missions de conseil n'est pas un choix de gestion approprié, bien au contraire. Je salue néanmoins vos efforts pour réduire de 30 % leur volume. La systématisation tend à dégrader la qualité du service public et le ressenti des agents publics. Le dernier rapport de la Cour des comptes appuie ces constats et recommande d'améliorer l'encadrement et la transparence du recours aux cabinets de conseil.

Il convient enfin de nous interroger sur certaines règles de gestion budgétaire, notamment sur le principe de fongibilité asymétrique, lequel pousse les personnes publiques à externaliser certaines missions plutôt qu'à recruter pour les mener en interne. Je cite un exemple ubuesque : une université souhaitait recruter un agent pour une durée de six mois pour organiser la nuit du droit. Alors qu'elle disposait des crédits nécessaires, elle a été contrainte de recourir à un cabinet de conseil car il lui était impossible d'augmenter sa masse salariale. Je suis sûre, monsieur le ministre, que vous serez sensible à cette question.

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Nous en venons aux questions des orateurs des groupes.

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Je tiens à exprimer, au nom du groupe Renaissance, notre reconnaissance à l'ensemble des agents des trois versants de la fonction publique qui œuvrent au quotidien pour nos concitoyens afin de garantir leur sécurité ainsi que leur accès à la santé, à l'éducation et aux services publics de proximité. Ils contribuent ainsi au renforcement de la cohésion nationale, à la réduction des inégalités et à la construction de la société de demain. Je salue leur engagement, leur professionnalisme et leur sens des responsabilités.

Le budget est marqué par la protection du pouvoir d'achat des agents publics et le renforcement de l'attractivité des métiers et des carrières – je salue à ce titre les travaux de la rapporteure pour avis.

Pour ce qui concerne le pouvoir d'achat, vous avez augmenté le point d'indice de manière inédite – 3,5 % l'année passée, 1,5 % cet été – ; vous avez fait en sorte qu'aucun agent ne soit rémunéré en dessous du SMIC ; vous poursuivez les efforts pour augmenter les premiers niveaux de rémunération ; outre ces mesures structurelles, vous avez instauré en juin dernier une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat pour tous les agents de l'État et de la fonction publique hospitalière ; enfin, vous avez signé il y a quelques jours avec six organisations syndicales représentatives un accord pour renforcer les garanties de prévoyance des agents de la fonction publique d'État dans le but d'offrir à chaque agent une couverture par une mutuelle. Pourriez-vous préciser les mesures qui concernent les agents de la fonction publique territoriale ?

Ensuite, le budget poursuit la modernisation de l'action publique par le biais de la transformation de notre fonction publique, et surtout de l'investissement dans les politiques d'innovation et de transformation numérique. Cette modernisation passe aussi par l'amélioration des équipements publics et la rénovation des bâtiments publics dont la performance énergétique accrue concourt de manière décisive à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, le budget doit montrer l'exemple en matière de maîtrise de la dépense publique. Tout en préservant notre volonté de transformer et de moderniser l'action publique, mais aussi de protéger nos agents publics, vous présentez un budget en baisse de 5,5 % par rapport à 2023. Alors que de nombreuses personnalités politiques s'expriment sur le redressement des finances publiques, sans jamais agir ou rien proposer, le Gouvernement est au rendez-vous.

Vous avez annoncé la présentation prochaine d'un projet de loi de réforme de la fonction publique afin de renforcer l'attractivité de ses métiers. Pouvez-vous en préciser le calendrier et les modalités d'élaboration ?

Vous avez également indiqué l'ouverture des négociations en vue d'un accord sur l'égalité femmes-hommes. Quels sont vos axes de travail en la matière ?

L'exercice du métier des agents de la fonction publique peut s'avérer particulièrement difficile lorsqu'ils sont confrontés à des comportements inappropriés, voire violents ; c'est une source d'inquiétude quotidienne pour certains. Quels sont les moyens consacrés à leur protection ?

Enfin, dans les zones denses, il est indispensable de donner accès à des logements abordables pour assurer la continuité du service public et son attractivité. Comment pouvez-vous garantir la proximité du lieu d'habitation, qui est aussi un gage de qualité pour nos services publics ?

Le groupe Renaissance donnera un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Transformation et fonction publiques.

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Je suis préoccupé de la gestion de nos finances publiques dans le cadre de la transformation de l'action publique. Les chiffres et les détails que je vais citer sont révélateurs d'un Gouvernement et d'un Président de la République qui ont perdu de vue les intérêts fondamentaux des Français.

D'abord, le Fonds pour la transformation de l'action publique a bénéficié d'une enveloppe initiale de 700 millions d'euros sur cinq ans, puis d'une enveloppe supplémentaire de 80 millions en 2022 et d'une nouvelle enveloppe de 330 millions. À ce jour, vingt-et-un projets ont été sélectionnés pour un montant de 78,8 millions. Où sont la transparence et l'efficacité dans la sélection et la gestion de ces projets ? Nous ne pouvons pas continuer à injecter des sommes astronomiques dans des initiatives qui ne produisent pas les résultats attendus.

Les efforts gouvernementaux pour moderniser l'administration semblent plus orientés vers la création de nouvelles structures bureaucratiques que vers des solutions concrètes. Les termes « services publics + » sont jolis mais qu'apportent-ils vraiment à nos concitoyens ?

En ce qui concerne la transformation numérique, l'accent est mis sur la création de produits numériques innovants et sur l'inclusion. De prime abord, cela semble louable mais là encore, ce ne sont que belles paroles et intentions floues. Quelles garanties avons-nous de l'utilité des produits pour les citoyens et les agents publics ? Comment comptez-vous attirer et surtout retenir les profils atypiques que vous ambitionnez de recruter pour stimuler l'innovation ? Les talents numériques sont très sollicités, et le secteur privé leur offre souvent des conditions bien plus attrayantes.

Le programme 148 comporte une multitude d'objectifs et d'indicateurs mais on peine à discerner une vision réelle et cohérente pour l'avenir des fonctionnaires.

En matière d'égalité professionnelle, je ne peux que déplorer le manque d'ambition du Gouvernement : alors que l'écart salarial entre les femmes et les hommes reste préoccupant, l'indicateur 4.1 semble se contenter de le mesurer sans proposer de solutions concrètes pour le réduire. Les indicateurs de performance semblent déconnectés des réalités du terrain. Comment pouvons-nous mesurer l'efficacité des transformations si les indicateurs ne reflètent pas les retours des agents et des usagers de l'administration ?

Il est urgent de repenser notre approche de la transformation de l'action publique. Alors que nous aspirons à une administration plus efficace, moderne et axée sur les besoins des Français, les choix actuels manquent de clarté, de transparence et d'efficacité. Il est de notre devoir de veiller à ce que chaque euro dépensé serve véritablement l'intérêt public.

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La fonction publique, illustration vivante de l'intérêt général, est indispensable au bon fonctionnement de notre pays. Souvent décriée, parfois malmenée, elle a su faire face aux évolutions de notre société au fil des années. « Adaptation, anticipation, facilitation » pourrait d'ailleurs être sa devise.

Les crédits que nous examinons sont destinés à accompagner la transformation durable de l'action de l'État et de ses opérateurs afin d'améliorer la qualité du service rendu aux usagers. Le quinquennat précédent a permis de concrétiser des engagements forts du Président de la République tels que le droit à l'erreur et de mener plusieurs chantiers parmi lesquels la dématérialisation des démarches.

Monsieur le ministre, l'année dernière, dans le cadre de la semaine européenne pour les personnes handicapées, vous avez annoncé le renforcement de l'inclusion des personnes en situation de handicap dans la fonction publique et l'amélioration de l'accessibilité des services publics. Quels sont aujourd'hui les moyens déployés pour atteindre cet objectif ?

Il faut garder à l'esprit la dimension interministérielle de la modernisation de l'action publique, qui requiert une agilité permanente et une synchronisation des chantiers dans chaque administration.

Nous ne pouvons que nous réjouir de la hausse nette des crédits pour 2024, tant votre ministère porte des projets ambitieux et absolument nécessaires, tels que la modernisation des administrations, la numérisation des démarches publiques, la réforme de la fonction publique ou encore l'amélioration de la qualité des services publics.

Pour toutes ces raisons, le groupe Démocrate est favorable à l'adoption des crédits.

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Les agents de la fonction publique sont le moteur du service public et de ses transformations. N'oublions jamais que la fonction publique est l'une des richesses de notre pays. Ce sont 5,7 millions de personnes qui s'engagent au quotidien pour faire vivre nos services publics partout sur le territoire. Je voudrais avoir une pensée particulière pour les agents des communes, qui sont aujourd'hui, en particulier sur le littoral, très nombreux à être mobilisés.

La fonction publique est à la croisée des chemins. Nous devons renforcer son attractivité et son efficacité mais aussi souligner ce qui a déjà été fait – et ce n'est pas rien. Monsieur le ministre, je tiens à saluer publiquement votre audace et votre courage dans de nombreux domaines, notamment dans les négociations.

Plus d'un milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) visent à accompagner la transformation de l'État et de ses opérateurs pour rendre son action plus efficace et améliorer le service rendu aux usagers. Le groupe Horizons se félicite que deux priorités destinées à préparer l'avenir soient assignées : d'une part, la rénovation énergétique du parc immobilier de l'État, des établissements publics et des collectivités territoriales. Avec 380 millions de mètres carrés, soit 37 % du parc tertiaire national, l'État et les collectivités locales ont à la fois une responsabilité particulière et un devoir d'exemplarité. La performance énergétique des bâtiments est un enjeu stratégique pour le service public. Avec 654 millions en AE et 527 millions en CP, l'État se dote des moyens nécessaires pour engager la transition énergétique.

Autre transition à laquelle nous sommes très attachés, la transition numérique, pilotée par la direction interministérielle du numérique, à laquelle plus de 74 millions d'euros sont consacrés. Elle repose sur un équilibre entre la simplification des relations entre usagers et administration et l'amélioration de l'accessibilité numérique pour tous. La dotation dédiée à l'accessibilité issue de la Commission nationale du handicap s'élève à 12 millions d'euros par an sur cinq ans. Il importe enfin de souligner la volonté de mettre la transition numérique au service de la transition écologique – 50 millions d'euros y sont consacrés pour 2024.

Conformément aux engagements du Président de la République, il est crucial de financer des initiatives comme les réseaux de laboratoires d'innovation territoriale, et de consolider les outils qui parlent aux habitants des territoires. C'est le cas de France Services, programme issu du grand débat national, qui commence à être mieux identifié par les usagers, notamment dans les territoires ruraux et périphériques. Le sénateur Bernard Delcros et moi présentons dans notre rapport des pistes pour développer le « aller vers » et enrichir l'offre de services. Une campagne de communication est indispensable pour promouvoir les espaces France Services et les ancrer dans le quotidien de nos concitoyens. Nous devons tordre le cou à l'idée reçue selon laquelle il n'y a plus de services publics en milieu rural.

Le groupe Horizons est favorable à l'adoption des crédits de la mission.

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Madame la rapporteure pour avis, je partage votre avis sur l'éparpillement façon puzzle des crédits, qui est préjudiciable au suivi démocratique.

Je reprends ce que je disais l'année dernière, dans cette mission comme dans d'autres, il est difficile d'appréhender la totalité des crédits qui sont consentis.

Je le répète aussi, les conseillers numériques France Services, qui jouent un rôle déterminant auprès des citoyens, restent essentiellement à la charge des porteurs de projet que sont les collectivités locales. Un véritable transfert de charges s'est opéré puisque des contractuels de la fonction publique territoriale ont remplacé des fonctionnaires de l'État. Le coût moyen d'une maison France Services était de 110 000 euros en 2020. Déduction faite du forfait de 30 000 euros alloué par l'État, le reste à charge s'élève à 80 000 euros. En d'autres termes, le forfait finance à peine un quart des coûts de fonctionnement. C'est insuffisant, raison pour laquelle nous appelons à un rehaussement du forfait. C'est aussi une manière de lutter contre le non-recours pour les publics les plus précaires, ceux qui sont en rupture numérique mais aussi administrative.

La baisse des crédits du programme Fonction publique pose question. J'ai entendu vos propos sur les transferts de crédits vers d'autres programmes, mais je continue à m'interroger. La baisse drastique des moyens de l'action 01 Information des fonctionnaires – de 27 % – ainsi que ceux de l'action 03 Innovation des ressources humaines – de 2 % – est un mauvais signal. Elle contraste avec votre discours, monsieur le ministre, promettant la formation tout au long de la vie des fonctionnaires pour toutes les catégories confondues. Comment se former sans moyens ?

S'agissant de la rénovation du bâti public, plusieurs rapports estiment le montant nécessaire entre 8 et 10 milliards d'euros par an. L'État possède 192 000 bâtiments pour une surface de 94 millions de mètres carrés. Bien que les crédits de l'action 14 soient en hausse, ils sont loin d'être suffisants pour une rénovation réussie du bâti public à l'horizon 2030. Si tous les crédits destinés à la rénovation étaient consommés– nous venons d'apprendre que ce n'est pas le cas –, moins de 1 % du parc bénéficierait d'une rénovation complète. 527 millions d'euros, c'est moins de 6 euros par mètre carré, alors même qu'il faut compter 600 euros pour une rénovation complète. Nous sommes vraiment très loin du compte.

Deux questions, monsieur le ministre pour conclure : pourquoi diminuer les crédits et les effectifs des services de contrôle de la direction générale des finances publiques (DGFIP) alors que les besoins de contrôle explosent ? Prévoyez-vous une compensation de la revalorisation de 1,5 % du point d'indice pour les collectivités locales, au demeurant une bonne mesure face à l'inflation mais décidée sans concertation ?

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C'est un choix étonnant que de diminuer le budget dans un contexte de forte inflation.

La fonction publique se porte mal, les fonctionnaires sont inquiets et les usagers du service public sont mécontents. C'est un tableau un peu noir, me direz-vous, mais il reflète la réalité et l'opinion de nombre de citoyens. Le mécontentement n'est pas seulement dû à la baisse du nombre de fonctionnaires ou des crédits.

Le manque de reconnaissance est à l'origine de la crise de la fonction publique. Pourtant nous sommes de plus en plus exigeants vis-à-vis de ceux qui font vivre les services publics : dans l'éducation nationale, on réclame toujours plus de diplômes – il y a encore quelques dizaines d'années, il fallait un certificat d'études ou un bac + 2, aujourd'hui, c'est un bac + 5–, sans que le salaire, lui, n'ait progressé ; l'autorité des professeurs n'est plus reconnue ; c'est un métier qui est désormais pris pour cible ; nombreux sont les enseignants qui vivent dans la peur. Il faudra plus qu'une augmentation de salaire pour pourvoir les postes dans les concours, monsieur le ministre.

Dans les métiers de la justice, les revalorisations en cours sont très inégales. Vous avez certainement suivi la grève des greffiers partout en France. La souffrance est omniprésente. Il en est de même dans la police où vient s'ajouter un manque de confiance de la population. Peut-être quelques moyens pourraient-ils être consacrés à la formation et à la création d'une police de proximité.

Quant à la santé, le Covid a mis en lumière les carences importantes de notre système. Malgré tout, l'engagement de ceux qui travaillaient dans les hôpitaux et dans tous les établissements publics de santé a été sans faille. Cela a obligé le Gouvernement à revaloriser certains salaires. C'est bienvenu, mais à l'applaudimètre, le service public de la santé aurait mérité quelques euros supplémentaires. Les déserts médicaux, la pénurie de certains médicaments et le manque d'attractivité du secteur public face aux groupes privés sont autant de problèmes non résolus.

Je termine par quelques mots sur la fonction publique en outre-mer. Ces territoires ne sont toujours pas logés à la même enseigne et les difficultés que connaît l'Hexagone y sont exacerbées.

À La Réunion, certains préfèrent renoncer à entrer dans la fonction publique plutôt que de risquer un départ sans espoir de rentrer au pays. Nous avons eu l'occasion d'évoquer ce sujet lors de l'examen de ma proposition de loi visant à promouvoir l'emploi et le retour des fonctionnaires d'État ultramarins dans les territoires d'outre-mer. Il est nécessaire de créer, avec les Ultramarins, une fonction publique adaptée et efficace. Vous m'aviez annoncé que vos services travaillaient à une nouvelle circulaire pour actualiser et uniformiser les centres des intérêts matériels et moraux (CIMM). Je réitère ma demande d'être associée, avec mes collègues ultramarins, à ce travail.

J'appelle également votre attention sur la situation de l'éducation nationale : les professeurs et les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) manquent – 44 unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis) sont sans professeurs formés. Enfin, les personnels hospitaliers sont en grève, ils attendent une revalorisation du coefficient géographique et craignent pour leur emploi. J'espère que vous aurez à cœur de répondre à ces questions.

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Je cède la parole à M. Ménagé, seul autre député inscrit.

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Dans le programme Transformation publique, 1,8 million d'euros sont dédiés à l'action 04 Renouveau démocratique. Cette somme est donc destinée à M. Véran, qui passe son temps depuis quelques mois à faire la tournée des villes dirigées par le Rassemblement national et à créer des applications mobiles coûteuses pour consulter les Français, alors qu'il existe une solution constitutionnelle très simple qui s'appelle le référendum.

2 millions donc pour le ministère de la propagande gouvernementale ; 2 millions pour lutter contre ses opposants politiques ; 2 millions qui ne servent pas la démocratie, ni l'intérêt général mais la macronie. Notre amendement visant à supprimer ces crédits n'a malheureusement pas été adopté par la commission des finances.

Alors que la France compte 5 millions de chômeurs, des actes antisémites quotidiens, 185 milliards d'euros d'emprunt et une inflation record, n'y a-t-il mieux à faire de ces 2 millions ? Si M. Véran continue sa croisade contre le premier parti politique de France, ne devrait-on pas envisager d'inscrire, à partir du 1er janvier, ces 2 millions d'euros dans le compte de campagne du parti Renaissance pour les élections européennes du 9 juin prochain ?

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Stanislas Guerini, ministre

On s'éloigne parfois du programme 148. Je salue l'intérêt de la représentation nationale pour un sujet qui concerne aussi le lien à la nation et le capital donné à ceux qui n'en ont pas.

Même s'il nous reste du chemin à parcourir, les choses ont bougé depuis la dernière audition budgétaire : réforme de la haute fonction publique ; suppression du classement de l'INSP ; réforme du recours aux cabinets de conseil ; développement de France Services ; loi visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique ; accord sur la prévoyance ; mesures salariales importantes ; plan de protection des agents ; politique d'accessibilité numérique ; plan en faveur du logement des agents publics ; politique en faveur de l'apprentissage ; plan de formation sur la transition écologique ; plan de sobriété, etc.

Nous avons intérêt à tenir un discours volontariste sur les évolutions de la fonction publique. Je pense porter un regard assez lucide sur nos difficultés d'attractivité mais je considère que nous avons une responsabilité car notre discours un peu défaitiste – rien n'irait dans la fonction publique – entretient un cercle vicieux qui nuit à l'attractivité. Nous avons intérêt à montrer la diversité des métiers, à valoriser les transformations opérées.

Madame la rapporteure pour avis, je partage la nécessité d'une vision d'ensemble. L'examen d'un seul programme sur les cinq qui composent la mission est inévitablement réducteur.

Les décisions qui sont prises au ministère de la fonction publique ont des répercussions sur l'ensemble des missions sur lesquelles vous avez à vous prononcer. Le meilleur exemple en est l'augmentation du point d'indice, qui s'applique aux trois versants de la fonction publique.

En ce qui concerne l'attractivité, il n'y a pas de fatalité. Les cinq instituts régionaux d'administration (IRA) le montrent. Je note avec intérêt vos suggestions et vous propose de mener un travail spécifique sur le temps passé par les élèves sur le terrain, sur les promotions ou sur la réforme de la scolarité que vous mettez sur la table.

Quant à l'INSP, jamais depuis la création de l'École nationale d'administration (ENA), le nombre de candidats au concours n'avait été aussi important. La réforme – je rends hommage à ma prédécesseure Amélie de Montchalin, qui l'avait engagée – avait suscité des inquiétudes. Elle risquait, entendait-on, de mettre à bas l'attractivité de la haute fonction publique. Je vois dans le nombre record de candidats un signe de vitalité.

Les moyens que nous avons engagés doivent nous permettre d'atteindre les 5 000 places en crèche.

J'en viens à l'attractivité de la fonction publique. Nous avons pris des mesures volontaristes en matière de rémunération et de conditions de travail, qui n'épuisent toutefois pas le sujet. Le dialogue social, en ce domaine comme dans d'autres, est essentiel. J'ai proposé aux organisations syndicales que, dans les semaines et les mois à venir, nous construisions ensemble, dans le cadre de l'agenda social, une négociation salariale annuelle – rappelons qu'en vertu des ordonnances de 2021, la question salariale n'entre pas dans le champ de la négociation.

À des fins de bonne gestion, j'ai suggéré aux organisations syndicales que nous appliquions dès l'année n + 1 les décisions que nous prenons au cours d'une année n. Il faut commencer les discussions plus tôt dans l'année, dès le début du printemps, pour identifier les enjeux avant de discuter des leviers sur lesquels agir : le point d'indice, les indemnités, les sujétions – telles que le travail de nuit –, l'action sociale – qui peut avoir une incidence sur le pouvoir d'achat, à l'image de l'indemnité de transport. Nous devons instaurer une obligation de négociation pour acter les décisions à l'été et les traduire dans les discussions budgétaires. Nous examinerons tous les outils qui ont un effet sur la rémunération. À titre d'exemple, nous allons verser l'indemnité de résidence, qui représente 3 % de la rémunération indiciaire, aux agents des trois versants de la fonction publique en poste en Haute-Savoie et dans la zone limitrophe du pays de Gex.

Je partage votre point de vue sur les conditions de travail. J'ai proposé aux organisations syndicales d'engager une négociation sur cette question, dans le cadre du dialogue social. Il faut mettre en cohérence quatre sujets qui, à mon sens, sont liés. Premièrement, le temps de travail : aucune disposition législative n'empêche la semaine de quatre jours dans la fonction publique, mais il faut évaluer les conséquences de cette organisation et accompagner les pratiques managériales. Deuxièmement, les espaces de travail : j'ai mobilisé 15 millions, notamment par le biais du fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP), pour accompagner des projets de transformation en ce domaine. Troisièmement, le télétravail, qui a donné lieu à la conclusion d'un accord en 2021 – on doit continuer, à cet égard, à travailler sur l'équipement numérique, en lien avec les deux questions précédentes. Quatrièmement, la sobriété énergétique, qui est liée à ces trois sujets. J'ai proposé aux organisations syndicales que ces quatre dimensions constituent une thématique de négociation particulière.

Madame la rapporteure, madame Chassaniol, j'ai indiqué mon intention de présenter un projet de loi pour réformer la fonction publique. Tout d'abord, il faut pouvoir y entrer plus facilement, ce qui implique parfois de lever des verrous – en particulier, une exigence académique – sans rapport avec les compétences nécessaires. À titre d'exemple, un maire ne peut pas titulariser directement un apprenti à l'issue de son contrat de dix-huit mois. Je proposerai que, dans ce cas, l'intéressé ne soit plus tenu de passer un concours.

Pour certains métiers, par exemple ceux du secteur médico-social, il existe parfois des voies d'accès différenciées selon les versants : un hôpital peut recruter sur titre alors que la structure médico-sociale voisine, qui dépend de la fonction publique territoriale (FPT), impose un recrutement sur concours. En lien avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), nous avons modifié les dispositions réglementaires applicables, mais il faudra aller plus loin sur la question de l'égalité du recrutement.

Il nous faut aussi mieux valoriser les années passées à l'extérieur de la fonction publique, par exemple pour accéder à un grade d'emploi supérieur : cela concerne notamment les métiers de la santé et les professeurs.

Par ailleurs, un maire ne peut pas promouvoir un agent méritant s'il n'a pas recruté trois agents venant de l'extérieur, conformément aux quotas de promotion applicables dans les collectivités territoriales. Un travail réglementaire est à mener – qui est à l'ordre du jour du prochain CNFPT – pour assouplir ces quotas. Nous pourrons peut-être définir de nouveaux principes dans la loi en matière de promotion et de mobilité dans les trois versants. Comme vous l'avez fait récemment dans la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie, il faut ouvrir des voies de promotion accélérée par la formation qualifiante, mais aussi au moyen de la validation des acquis de l'expérience, insuffisamment développée dans la fonction publique.

Il me paraît essentiel d'appréhender le recrutement à l'échelle des bassins de vie. Nous développons des comités locaux de l'emploi public (Clep), qui réunissent, à l'échelle de ces bassins, les employeurs des trois versants de la fonction publique et définissent une stratégie commune de marque employeur. Parallèlement, nous renforçons les moyens engagés dans les plateformes régionales d'appui interministériel à la gestion des ressources humaines (PFRH), en leur affectant 45 ETP (équivalent temps plein) supplémentaires. Cela permettra de gérer un vivier d'emplois publics commun et de faire de la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences à l'échelle des bassins de vie.

Enfin, je souhaite que l'on poursuive notre effort de réinternalisation d'un certain nombre de fonctions. Nous avons conclu un nouvel accord-cadre en ce sens – déjà entré en vigueur – qui applique bon nombre des propositions formulées par la commission d'enquête du Sénat sur l'influence des cabinets de conseil sur les politiques publiques. Le recours aux cabinets en matière de conseil en stratégie a diminué de 35 %. La DITP (direction interministérielle de la transformation publique) comprend désormais un pôle de conseil interne. En dehors du conseil en stratégie, il faudrait aussi parler de la capacité de maîtrise d'ouvrage de l'État. Nous devons renforcer nos moyens de réinternalisation numérique, en matière de recrutement comme de formation. Dans leur rapport de juin 2023 sur les ressources humaines de l'État dans le numérique, l'Inspection générale des finances (IGF) et le Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGE) préconisent de réinternaliser 3 500 emplois numériques. Nous avons endossé ces conclusions et avons déjà acté, pour 2024, la réinternalisation de 500 emplois dans les ministères.

Madame Chassaniol, l'accord qui a été conclu en matière de prévoyance renforce de manière substantielle les garanties offertes aux agents en cas d'incapacité, d'invalidité ou de décès. Outre sa dimension statutaire, qui concerne la protection assurée par l'État, le texte prévoit l'obligation de protection des agents par les mutualistes et les assureurs. Nous appliquerons l'accord à la fonction publique de l'État (FPE). Concernant la FPT, je respecterai l'accord que les employeurs territoriaux ont signé avec les syndicats. Ils ont fait le choix, ambitieux, d'une protection exclusivement fonctionnelle, qui repose sur les marchés conclus avec les assureurs et les mutualistes. Nous n'appliquerons pas les dispositions statutaires à la FPT pour ne pas déséquilibrer l'accord qu'elle a conclu.

J'ai proposé aux syndicats que nous engagions, d'ici à la fin de l'année, une concertation sur le projet de loi, en y associant toutes les parties prenantes, en particulier la coordination des employeurs territoriaux et les employeurs hospitaliers. J'effectuerai un certain nombre de déplacements dans les semaines à venir pour préparer cette échéance. J'entends ainsi coconstruire le texte.

En matière d'égalité professionnelle, nous avons dressé, avec les organisations syndicales, le bilan de l'accord pluriannuel précédent. Les écarts de rémunération ont diminué de 10 % en dix ans dans la fonction publique, mais il existe toujours une différence de 11 à 12 %, qui n'est pas acceptable. Nous devons poursuivre nos efforts. Je suis un peu surpris, monsieur Rambaud, de vous entendre dire que nous manquons d'ambition en la matière, alors que le Rassemblement national est le seul groupe qui n'a pas voté la proposition de loi visant à renforcer l'égalité professionnelle dans la fonction publique, en raison de son opposition à la logique des quotas. Ce texte, qui est entré en vigueur en juillet, prévoit une répartition équilibrée des nominations aux postes d'encadrement et une présence minimale de 40 % de personnes de l'un ou l'autre sexe dans les emplois supérieurs de la fonction publique.

Nous devons accroître notre effort dans deux domaines en vue de la conclusion d'un nouvel accord. En ce qui concerne, en premier lieu, la santé des femmes, nous avons certes progressé au cours des derniers mois, notamment grâce à la suppression du jour de carence pour les femmes ayant subi une fausse couche, mais nous pouvons aller plus loin : je pense en particulier à la prévention des cancers et des maladies chroniques. En deuxième lieu, nous pouvons accomplir des progrès en matière de parentalité et, en particulier, mieux prendre en considération les nombreuses familles monoparentales. Je souhaite que l'employeur public renforce son ambition en ces matières.

Le plan de protection des agents s'articule autour de trois axes : mieux mesurer, mieux prévenir et mieux protéger. Je souhaite que l'on confère à l'administration la capacité de porter plainte à la place de l'agent public, pour faire droit à une demande unanimement exprimée sur le terrain. Des agents, qui ont été menacés ou agressés, vivent comme une double peine le fait de devoir aller porter plainte et de se trouver ainsi exposés. En inscrivant cette mesure dans la loi, nous leur signifierons que nous serons toujours à leurs côtés face aux violences de plus en plus graves dont ils sont l'objet. Nous devons renforcer l'action interministérielle en ce domaine.

J'en viens à la question du logement. Au sein du comité interministériel pour le logement des agents publics, nous travaillons dans une triple direction. Tout d'abord, nous agissons sur la demande. Nous avons chargé M. David Amiel de formuler des propositions sur les outils d'accompagnement des agents publics. L'idée d'un bail dédié aux agents titulaires ou contractuels, contenant des clauses liées aux fonctions, ne me paraît absolument pas taboue. Cet outil offrirait plus de flexibilité pour accorder des logements.

Nous devons également renforcer la mutualisation de l'offre. Nos systèmes ne sont pas assez transparents. La plateforme Balae (bourse au logement des agents de l'État), actuellement circonscrite à l'Île-de-France, devrait être étendue à l'ensemble du territoire national. Par ailleurs, elle devrait offrir une meilleure visibilité sur l'offre de logements car, chaque année, par manque d'information, 600 logements ne trouvent pas preneur dans la région.

Il nous faut également produire du logement public. J'ai débloqué 1 million pour finaliser des études sur le sujet. Nous avons conclu des contrats prévoyant la cession de foncier de l'État à des opérateurs en contrepartie de la production de logement intermédiaire ou social, qui sera destiné à des agents publics. Nous allons renforcer notre action en la matière.

Monsieur Rambaud, l'État a accompli beaucoup d'efforts pour numériser les démarches administratives. J'ai souhaité que l'on se concentre sur les 250 démarches effectuées par plus de 200 000 Français chaque année. Je voudrais insister, à cet égard, sur l'accessibilité des personnes en situation de handicap. Nous ne devons pas aggraver la fracture numérique existante en créant des services numériques qui ne sont pas accessibles à tous les Français. J'ai affecté 60 millions, sur la durée du quinquennat, à l'accélération de l'accessibilité des démarches numériques. Cela doit aller de pair avec l'humanisation de nos services publics et l'investissement dans les réseaux physiques.

Madame Desjonquères, nous avons progressé en matière d'inclusion des personnes en situation de handicap dans la fonction publique, à une exception près : ces personnes ne constituent que 2 à 3 % des apprentis. Pour y remédier, nous avons inscrit dans le code de la fonction publique la fonction de référent en matière de handicap et avons facilité la titularisation des jeunes apprentis en situation de handicap.

Vous m'avez interrogé, à l'instar de Mme Poussier-Winsback et de Mme K/Bidi, sur la transition écologique. La fonction publique assume une responsabilité très importante en la matière, ne serait-ce que parce que le bâti public de la FPE représente 94 millions de mètres carrés. À cet égard, elle constitue un levier de transformation écologique essentiel. Nous devons agir tant sur l'investissement dans le bâti public que sur la formation. Nous avons lancé un plan de formation de 25 000 cadres de l'État aux enjeux de la transition écologique, ce qui n'avait jamais été fait à une telle échelle. Nous conduisons des plans de sobriété dans les domaines de l'énergie et de l'eau. En l'espace de six mois, l'État a réduit de 10 % sa consommation énergétique, ce qui a économisé une énergie équivalente à la consommation de la ville de Montpellier. Nous y sommes parvenus car nous nous en sommes donné les moyens financiers et humains. Nous avons créé des postes et accompagné les agents.

Nous œuvrons d'une façon très volontariste en faveur de l'humanisation des services publics, et la politique que nous menons fonctionne – vous le voyez dans vos circonscriptions. Nous avons tenu la promesse relative à la granularité du réseau. Le Président de la République avait dit, en effet, qu'il souhaitait une présence physique des services publics à moins de trente minutes de chacun de nos concitoyens. C'est désormais le cas, grâce aux 2 650 – et bientôt 2 700 – espaces France Services, qui se trouvent à moins de vingt minutes de 93 % de nos concitoyens. Par ailleurs, lorsque ces derniers sortent des espaces France Services, leurs demandes ont été traitées dans plus de huit cas sur dix, et le taux de satisfaction s'élève à 93 %.

Néanmoins, nous devons faire connaître davantage cette politique publique – c'est la raison pour laquelle nous relançons des campagnes de communication – et mieux accompagner les collectivités. Mme Arrighi a évoqué un transfert de charges, mais c'est le contraire qui a lieu : nous accompagnons les collectivités. Le chiffre de 30 000 euros de financement par espace France Services qu'elle a évoqué est daté : j'ai déjà indiqué que l'effort allait être porté à 50 000 euros, et je n'ai pas fait un déplacement au cours duquel l'investissement supplémentaire de l'État n'a pas été salué. Nous avançons par paliers successifs : nous en sommes déjà à 35 000 euros et nous passerons à 40 000 dès janvier prochain.

France Services fonctionne parce que tout le monde pousse dans la même direction : il n'y a pas l'État d'un côté et les collectivités de l'autre. Nos concitoyens veulent des réponses, peu importe qu'elles soient apportées par la mairie, le département, la région ou l'État. France Services permet un décloisonnement, et nous allons continuer à investir dans le réseau. Le travail très précieux qui a été mené par Mme Poussier-Winsback et le sénateur Delcros a notamment abouti à des propositions en matière de « aller vers ». Nous allons, de plus, mobiliser des fonds de la Banque des territoires pour les espaces France Services touchés par les émeutes. S'agissant des treize d'entre eux qui ont été complètement mis à sac, nous mettrons en place des bus dans l'attente de la reconstruction des bâtiments.

Madame K/Bidi, je souhaite le maintien de l'égalité d'accès aux postes dans la fonction publique, et je sais que nous partageons cette vision. Dans les faits, la notion de centre des intérêts matériels et moraux, au sujet de laquelle je salue votre travail et vos propositions, peut faciliter l'affectation dans un territoire. J'avais pris l'engagement, effectivement, qu'une nouvelle circulaire – la précédente datait de 2007 – permette de mieux prendre en compte et d'homogénéiser les pratiques ministérielles. Cette nouvelle circulaire est à votre disposition ; elle comporte une avancée très concrète, qui est la reconnaissance à vie pour certains critères. Quand un fonctionnaire a démontré, par exemple, que ses parents étaient nés et enterrés dans tel territoire, cela ne risque pas d'avoir changé trois ans plus tard. La reconnaissance à vie permettra de faciliter le travail des administrations et d'assurer davantage de fluidité pour les congés bonifiés ou les affectations.

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La fonction publique est essentielle pour assurer la continuité et la qualité du service public, mais il faut être conscient que la situation a beaucoup changé. Les enseignants nous disent qu'ils n'exercent plus du tout le même métier que leurs prédécesseurs, et les choses ont aussi évolué pour les secrétaires de mairie. Alors qu'autrefois les sous-préfectures les accompagnaient dès qu'une difficulté se présentait, dans le cadre du contrôle de légalité, un sentiment de solitude prévaut désormais.

S'agissant des questions de sécurité, je suis entièrement d'accord avec vous. J'avais d'ailleurs proposé au garde des sceaux, en 2021, que l'administration puisse porter plainte pour ses agents. Ce sera un progrès important, pour lequel il faudra sans doute passer par la loi. Nous devrons ensuite veiller à faire connaître cette évolution au sein de la fonction publique.

Je tiens à souligner, parce qu'on ne le fait pas assez, la grandeur du service public. L'intérêt général, ce n'est pas rien : c'est une culture qui permet la cohésion, le vivre-ensemble dans notre pays.

France Services est indéniablement un succès. Il faut se souvenir du désert administratif dans lequel se trouvaient nos concitoyens : ils ne savaient plus à qui s'adresser. France Services répond en partie aux interrogations liées à la montée en puissance du numérique, en permettant d'accompagner les usagers. Néanmoins, l'État y perd un peu en lisibilité. Les sous-préfectures – et leur fonction de proximité – ne doivent pas disparaître derrière France Services. Je me bats en tout cas dans ma circonscription pour qu'il y ait un espace France Services dans chaque sous-préfecture.

Les plafonds d'emplois et la non-fongibilité des crédits obligent certaines institutions à externaliser, à se tourner vers des cabinets de conseil au lieu de recruter en CDD, pour six mois ou un an – avant, éventuellement, de faire progresser les gens. Or il n'y a rien de mieux qu'une personne sur le terrain. Je le vois dans le cadre du projet de projet de parc naturel régional sur lequel je travaille : les chambres d'agriculture et de commerce nous demandent d'arrêter avec les bureaux d'études ; elles voudraient qu'on recrute quelqu'un.

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Stanislas Guerini, ministre

La question de la fongibilité me dépasse : elle tient, en effet, à la LOLF (loi organique relative aux lois de finances). En attendant qu'on en débatte, j'essaie d'avancer par des actes concrets. J'ai déjà évoqué la réinternalisation de certaines capacités, notamment le conseil en stratégie. Selon la DITP (direction interministérielle de la transformation publique), réinternaliser un poste de consultant représente environ 90 000 euros d'économies pour les finances publiques. Il faut mettre en regard la diminution des dépenses de prestations de conseil – la réduction de 35 % intervenue dans ce domaine représente des dizaines de millions d'euros – et les postes que nous créons en interne. S'agissant du numérique, j'ai annoncé un plan très volontariste de réinternalisation, correspondant à 500 ETP. Nous nous fixons pour objectifs non seulement de moins externaliser mais aussi de mieux capitaliser, au sein des administrations, sur les missions réalisées, afin d'améliorer la maîtrise des outils numériques et les capacités de pilotage. Voilà ce que nous faisons dès maintenant ; nous pourrons ensuite nous poser des questions plus principielles.

Je vais également dans le même sens que vous, madame la rapporteure pour avis, au sujet du discours relatif à la fonction publique. Nous mettons fin à des décennies de débat politique durant lesquelles, élection présidentielle après élection présidentielle, on se contentait de donner un chiffre, celui du nombre de fonctionnaires qu'on voulait supprimer. Je le dis humblement devant la représentation nationale, puisque la majorité présidentielle a été élue en 2022 sur un programme qui n'était pas le même, dans ce domaine, que celui de 2017. L'exercice du pouvoir lors du quinquennat précédent, qui a été fait de crises, notamment sur le plan sanitaire, nous a montré le besoin de réarmement de la puissance publique, ce qui n'est pas antinomique avec une exigence en matière de finances publiques, comme le montre la question des réinternalisations. Je ne suis pas un ministre de la fonction publique dont le programme reposerait sur un objectif de suppressions d'emplois publics. J'ai essayé de vous montrer, au contraire, toute l'énergie que nous consacrons à la modernisation des services publics, à leur réarmement parfois et à la revalorisation des métiers.

Cela m'amène à une question absolument fondamentale : qu'est-ce qui fait désormais l'attractivité de la fonction publique ? Quand des jeunes, ou des moins jeunes, envisagent de la rejoindre, c'est moins l'appétence pour l'emploi à vie qui les motive que la question du sens. Cette motivation ne doit pas se fracasser sur le quotidien, si je puis dire. Nous ne devons donc pas nous y prendre en nous plaçant sur un plan théorique ou en tenant de grands discours sur le sens, mais en montrant qu'on donne aux agents publics les moyens de faire leur métier et d'exercer, au quotidien, leurs missions. Le deuxième grand élément, qui devrait faire de la fonction publique l'employeur le plus attractif du pays, c'est la diversité des métiers. Nul ne peut faire la même promesse, en effet : en rejoignant la fonction publique, on a accès à des milliers de métiers sans avoir à changer d'employeur. Un agent public pourra peut-être exercer concrètement, dans son parcours, cinquante métiers différents s'il travaille dans des administrations déconcentrées, dans des administrations centrales et dans d'autres versants de la fonction publique. Il existe déjà beaucoup de très beaux parcours, mais il faut se donner davantage de moyens en la matière : j'assume l'idée qu'on doit faire sauter certains verrous, sans manquer de respect pour le statut de la fonction publique. Cet ensemble de droits et de devoirs ne doit pas empêcher les mobilités ni le développement d'une approche par métiers.

J'ai toujours considéré qu'il ne devait pas y avoir d'un côté France Services et de l'autre le reste du monde. La politique que nous avons lancée sera couronnée de succès si nous parvenons à aller au bout de la logique du décloisonnement, en faisant en sorte, par exemple, que les réseaux des secrétaires de mairies et de France Services se parlent, se connaissent intimement et soient animés en commun dans un territoire. C'est pour cette raison que nous allouons davantage de moyens à l'animation du réseau de France Service : j'ai choisi de financer, en la matière, non plus un demi-ETP mais une personne à temps plein par territoire. Les sous-préfets chargés de la qualité des services publics, qui ont été nommés récemment, ont également pour mission de travailler au décloisonnement.

Je constate comme vous, madame la rapporteure pour avis, que France Services marche particulièrement bien dans les préfectures et les sous-préfectures. J'ai eu l'occasion de me rendre dans le seul espace France Services actuellement situé dans une préfecture, à Mende – c'est un territoire qui s'y prête. J'ai constaté que certains de nos concitoyens retrouvaient ainsi le chemin de la préfecture : ils m'ont dit qu'ils ne s'y étaient pas rendus depuis leur enfance, parce qu'aucun service public du quotidien ne s'y trouvait plus. Par ailleurs, une trentaine d'espaces France Services sont installés dans des sous-préfectures. Nous mettons un accent particulier, comme nous l'avons fait, par exemple, à Lannion lors de dernière vague de labellisation, sur la présence de France Services dans des sous-préfectures. Nous pourrons continuer à aller dans ce sens : c'est une condition pour l'accès aux services publics et la qualité de ces derniers dans nos territoires, où le retour de l'État est très attendu.

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Monsieur le ministre, je vous remercie. Je vais vous raccompagner et nous allons pourvoir examiner les amendements.

Puis, la Commission examine pour avis les crédits de la mission « Transformation et Fonction publiques » (Mme Cécile Untermaier, rapporteure pour avis).

Article 35 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CL493 de Mme Cécile Untermaier

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. Cet amendement s'inspire de la quatrième recommandation du rapport sur l'attractivité de la fonction publique territoriale qui a été remis en janvier 2022 par des membres du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, de l'Inspection générale de l'administration et de l'Association des DRH [directeurs des ressources humaines] des grandes collectivités : je vous propose de créer un fonds visant à aider les collectivités situées dans des zones moins attractives à recruter, grâce à une incitation financière pour les personnes qui accepteraient de rejoindre des zones ou des métiers en tension – ce serait l'équivalent d'une mesure existant déjà pour les enseignants. La gouvernance du fonds serait assurée par les associations d'élus, les centres de gestion et l'Agence nationale de la cohésion des territoires.

La première action du nouveau fonds pourrait être d'offrir un complément de rémunération aux secrétaires de mairie pour rendre ce métier plus attractif. La proposition de loi adoptée par le Sénat prévoit des avancées tout à fait intéressantes, mais ne comporte pas de mesures financières, alors que 1°900 postes sont actuellement vacants. Ce fonds pourra également servir à réinventer la fonction publique territoriale et à redonner de la fierté à ceux qui travaillent pour le service public et l'intérêt général. Le programme que je vous propose de créer serait doté de 20 millions d'euros en 2024.

La commission rejette l'amendement.

Elle émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Transformation et fonction publiques non modifiés.

Après l'article 55

Amendement II-CL421 de M. Davy Rimane

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Un récent rapport de la Cour des comptes a remis en cause l'efficacité et même l'utilité de la surrémunération versée aux fonctionnaires exerçant outre-mer. On entrevoit donc une suppression de ce dispositif, après la réforme touchant les retraités, qui crée déjà quelques difficultés. Cette surrémunération a une vraie raison : le prix de l'alimentation est de 30 à 42 % plus élevé que dans l'Hexagone.

Il me semble dangereux de balayer d'un revers de main tout ce qui a été fait depuis des dizaines d'années au motif que ce ne serait pas efficace parce qu'insuffisamment transparent et équitable. Ces fonctionnaires créent de l'emploi et font vivre les économies locales. Par ailleurs, nous n'avons pas de difficulté à recruter dans le cadre des concours à affectation locale : nous ne faisons pas de job dating dans les McDonald's pour trouver des professeurs des écoles. On recrute outre-mer, parce que les fonctionnaires sont bien payés. Au lieu de baisser leur rémunération, on ferait bien de s'inspirer de l'outre-mer pour augmenter les rémunérations dans le pays tout entier. En réponse à la grave crise de la fonction publique que nous traversons, il faudrait relever les standards plutôt que les tirer vers le bas.

La commission rejette l'amendement.

La séance est levée à 11 heures 55.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Erwan Balanant, M. Romain Baubry, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, Mme Mathilde Desjonquères, M. Yoann Gillet, M. Sacha Houlié, M. Jérémie Iordanoff, Mme Emeline K/Bidi, M. Thomas Ménagé, M. Didier Paris, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, Mme Béatrice Roullaud, M. Philippe Schreck, Mme Sarah Tanzilli, Mme Cécile Untermaier, M. Guillaume Vuilletet

Excusés. - M. Ian Boucard, M. Éric Ciotti, Mme Marie Guévenoux, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, M. Didier Lemaire, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Rémy Rebeyrotte, M. Roger Vicot

Assistait également à la réunion. - Mme Christine Arrighi