La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé l'examen des crédits relatifs à l'outre-mer (n° 1745, annexe 32 ; n° 1723, tome X ; n° 1778, tome V), s'arrêtant l'amendement n° 2570 .
Je rappelle qu'un scrutin public a été annoncé sur l'amendement n° 3331 .
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement n° 2570 .
Je ne sais pas si je vais ou non le retirer, car il est similaire à l'amendement n° 3145 de la commission des finances, qui prévoit des crédits de 500 millions d'euros pour garantir la continuité territoriale et qui a été adopté. L'exposé sommaire présente des pistes pour améliorer les dispositifs existants, notamment L'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom), en accordant des aides aux étudiants ultramarins inscrits dans une université de l'Hexagone, faute de filières existantes sur leur territoire, qui sont obligés de se rendre dans l'Hexagone pour y passer les partiels. Actuellement, cette situation n'est pas prise en considération par Ladom. Il faudrait également élargir les conditions d'éligibilité à ce dispositif afin d'en faire bénéficier chaque année un plus grand nombre d'ultramarins.
Vous avez compris que l'objectif de l'amendement n° 2570 est de renforcer la continuité territoriale. Cependant, comme nous avons déjà augmenté d'un peu plus de 600 millions d'euros les crédits qui y sont consacrés, je le retire, non sans quelque regret.
L'amendement n° 2570 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour soutenir l'amendement n° 3331 .
L'explosion des prix des billets d'avion est un sujet d'importance majeure pour les territoires ultramarins. Du fait de leur isolement géographique et de la nécessité de se rendre dans l'Hexagone, nos compatriotes subissent des prix déraisonnables.
Sur un an, la hausse des prix est de 39,9 %, une hausse subie en premier lieu par les destinations antillaises. Une augmentation de 57 % par rapport à l'année précédente a même été enregistrée en mars 2023 sur l'axe reliant les Antilles à Paris.
En septembre dernier, nous avons constaté une hausse des tarifs de 10 % en moyenne au départ des outre-mer. La Guyane n'est pas épargnée, car les prix ont augmenté de 7,6 %. Dans un contexte de lutte contre l'inflation, qui est toujours présente, nous devons agir.
Monsieur le ministre délégué, nous vous invitons à agir et à conserver les crédits votés précédemment contre la flambée des prix hors de contrôle du transport aérien, malgré le 49.3 attendu. La continuité territoriale avec les outre-mer doit être maintenue, quoi qu'il en coûte. Il est donc indispensable d'augmenter les crédits qui lui sont alloués.
La parole est à M. Tematai Le Gayic, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
La commission n'a pas examiné l'amendement n° 3331 . À titre personnel, je l'estime satisfait.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des outre-mer, pour donner l'avis du Gouvernement.
Monsieur Gillet, je vous rappelle que nous consacrons 35 % de crédits supplémentaires à la continuité territoriale par rapport au budget pour 2023. Nous ne vous suivrons pas pour ajouter 11 millions d'euros à la somme prévue, qui porteraient cette augmentation à 50 %.
Je profite de cette intervention pour faire une annonce : dès les vacances de Noël, les étudiants rattachés à un foyer dont le quotient familial est inférieur à la somme prévue verront leur voyage pris en charge à 100 %. La mesure que nous avons votée dans ce budget sera applicable dans moins de deux mois. Cela montre bien que le Gouvernement s'occupe d'eux au titre de la continuité territoriale. Pour les étudiants, c'est une belle nouvelle !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 39
Nombre de suffrages exprimés 36
Majorité absolue 19
Pour l'adoption 14
Contre 22
L'amendement n° 3331 n'est pas adopté.
La parole est à M. Mickaël Bouloux, pour soutenir l'amendement n° 3473 .
Il vise à renforcer de 10 millions d'euros les crédits consacrés à la continuité territoriale afin de permettre une meilleure prise en charge des frais de transport des personnes et des corps des défunts.
Certes, dans le budget de la mission "Outre-mer" pour 2024, les crédits consacrés à la continuité territoriale augmentent de manière significative, néanmoins ce n'est pas suffisant, d'où cet amendement.
La commission n'a pas examiné l'amendement n° 3473 . Cet après-midi, des amendements ont déjà été votés pour augmenter les crédits destinés à la continuité territoriale. Je rappelle à tous que le budget consacré à la totalité de la mission "Outre-mer" est limité : il nous reste à peu près 500 millions dans le programme Emploi outre-mer ainsi que de nombreux sujets importants sur lesquels des amendements ont été déposés, comme le logement, l'autonomie énergétique ou les chèques alimentaires. Or nous avons déjà voté 600 millions de crédits supplémentaires pour la continuité territoriale. Dans un souci de cohérence, je vous demande donc de retirer l'amendement.
Avis défavorable.
M. Califer, qui a déposé cet amendement, a été largement entendu, car le quotient familial est passé de 12 000 euros en 2023 à 18 000 euros en 2024. Vous proposez d'augmenter ce plafond à 26 631 euros – je peux entendre votre demande, mais vous m'accorderez que 50 % d'augmentation du quotient familial constitue déjà une vraie réponse.
L'amendement n° 3473 est adopté.
La parole est à M. Stéphane Lenormand, pour soutenir l'amendement n° 2593 .
Il vise à créer une liaison directe entre Paris et Saint-Pierre-et-Miquelon six mois dans l'année au lieu de deux mois actuellement. Monsieur le ministre délégué, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de travailler avec le président de la collectivité, lorsque vous nous aviez reçus en août. Plusieurs réunions techniques avec vos services ont suivi et le préfet vient de lancer une étude sur ce projet.
Vous le comprendrez, il s'agit d'un amendement d'appel que je retirerai bien volontiers si vous vous engagez à nous permettre, dans les six mois qui viennent, de travailler à une solution en concertation avec les forces politiques, les forces vives du territoire et l'ensemble des parties prenantes. En effet, c'est un dossier crucial pour l'attractivité du territoire et son développement économique.
Cependant, il faut évidemment maintenir la compagnie locale qui dessert à l'année l'archipel dans des conditions parfois difficiles, faisant preuve d'une fiabilité et d'un professionnalisme exemplaires.
Quel est l'avis de la commission ?
La parole est à M. Christian Baptiste, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
Monsieur Lenormand, j'aurai, dans quelques jours, l'occasion de venir à votre rencontre à Saint-Pierre-et-Miquelon. Nous avions déjà évoqué cette question ensemble. Pour la parfaite information de chacun, je rappelle qu'en quatre ans, nous avons consacré 18 millions d'euros à accompagner cette délégation de service public (DSP). Je suis disposé à regarder avec vous si nous pouvons étendre cette délégation, mais il faut revoir aussi l'étude économique et le contenu de la DSP, dont vous savez comme moi qu'elle peut être améliorée. Ensemble, essayons d'avancer.
Au vu des propos du ministre, je retire cet amendement. Pour reprendre une expression footballistique, monsieur le ministre délégué, je vous marquerai à la culotte sur ce dossier vital.
Sourires.
Je vous accorde que le dispositif actuel n'est pas satisfaisant. J'en veux pour preuve que l'équilibre budgétaire est obtenu grâce à une ponction sur le programme 123, Conditions de vie outre-mer, à hauteur de 1,2 million d'euros, ce qui empêche de réaliser des interventions qui étaient pourtant jugées indispensables. Nous avons donc intérêt à revoir ensemble le modèle économique et la pertinence de ce projet pour le bien des territoires.
L'amendement n° 2593 est retiré.
La parole est à M. Mansour Kamardine, pour soutenir l'amendement n° 3223 .
Vous auriez pu préciser « à l'excellent M. Mansour Kamardine », madame la présidente, ça ne fait pas de mal…
Sourires.
Plus sérieusement, l'amendement visait – je parle au passé – à appeler l'attention sur la situation de la mobilité de Mayotte vers les autres territoires nationaux. Mme K/Bidi a appelé l'attention sur le fait que l'hôpital de La Réunion était l'hôpital de l'océan Indien et recevait les patients venus de Mayotte. C'est une réalité, mais vous auriez pu ajouter que 80 % des personnes qui arrivent à l'hôpital sont venues sans titre de séjour à Mayotte puis ont été envoyées à l'hôpital de La Réunion, et ensuite, vous considérez qu'ils viennent de Mayotte et vous ne voulez pas qu'on vous parle d'immigration.
Dans un territoire où plus de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, dès lors que le billet d'avion depuis Dzaoudzi jusqu'à La Réunion coûte plus de 1 000 euros en haute saison, vous ne pouvez pas dire qu'il y a de la mobilité.
Tout le monde est d'accord pour dire que comparaison n'est pas raison, et pourtant tout le monde se prête au jeu des comparaisons. Pour ma part, je ne les aime pas et je n'en ferai pas. Des décisions ont été prises cet après-midi, notamment pour doter la continuité territoriale de 500 millions d'euros environ. Ceux qui nous regardent doivent considérer que nous sommes une assemblée sérieuse. Pour ne pas ajouter des dépenses à celles qui sont déjà prévues, je resterai modeste et je retirerai l'amendement n° 3223 , considérant que ma demande est satisfaite.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'ai oublié l'essentiel : je voudrais saluer M. Dino Cinieri qui est venu à cette heure tardive pour apporter son soutien à Mayotte. Je le remercie très vivement.
Sourires.
L'amendement n° 3223 est retiré.
Il vise à élargir les bénéficiaires du fonds de continuité territoriale en portant le quotient familial à 20 000 euros, pour un coût de 2 millions d'euros.
L'amendement n° 40 de M. Max Mathiasin est défendu.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
Monsieur Kamardine, votre argument a fait mouche, cependant, puisque nous avons relevé le plafond du quotient familial de 12 000 euros à 18 000 euros, ce n'est pas 80 %, mais 90 % de la population de Mayotte qui est éligible à l'aide à la continuité territoriale. Nous avons donc progressé en direction de ceux qui n'ont pas les moyens de prendre l'avion. Vous qui connaissez parfaitement la comptabilité, vous m'accorderez que ce que je dis est vrai.
Ensuite, je rappelle à tous les députés et en particulier au rapporteur pour avis que nous avons augmenté de 40 % à 50 % le niveau de prise en charge. Ce faisant, le coût résiduel diminue, d'autant plus que le plafond du quotient familial a augmenté.
Pour ces deux raisons, l'avis du Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
S'agissant d'une initiative de M. Mathiasin, je le laisse présenter son amendement.
Je tiens à remercier publiquement Mme Lebon et M. Mathiasin pour leur excellent travail sur la continuité territoriale en cas d'évacuation sanitaire, qui a permis une belle avancée, puisqu'un décret de la Première ministre devrait être publié très prochainement sur ce sujet. L'amendement étant satisfait, avis défavorable.
La parole est à M. Christian Baptiste, rapporteur spécial, pour soutenir l'amendement n° 3127 de la commission des finances.
Il tend à favoriser la prise en charge des déplacements des étudiants ultramarins non boursiers au titre de la continuité territoriale.
L'amendement est satisfait : la prise en charge des déplacements des étudiants boursiers est passée de 50 % à 100 % – elle reste plafonnée à 50 % pour les non-boursiers, qui, par définition, ont plus de moyens. Il y a donc 100 % de gagnants.
L'amendement n° 3127 est adopté.
Il vise à abonder de 100 000 euros les crédits consacrés à la continuité territoriale pour faciliter les déplacements des enseignants ultramarins fraîchement titularisés dans l'Hexagone.
L'amendement n° 39 de M. Max Mathiasin est défendu.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Ces amendements sont satisfaits. Avis défavorable.
La parole est à M. Perceval Gaillard, pour soutenir l'amendement n° 1094 .
Il vise à créer un nouveau programme pour l'investissement dans l'autonomie énergétique 100 % renouvelable des territoires ultramarins. Selon les estimations de l'Agence de la transition écologique, l'Ademe, 1,5 milliard d'euros sur le quinquennat seraient nécessaires pour atteindre l'autonomie énergétique dans les territoires insulaires éloignés, où elle doit être une priorité, soit 300 millions d'euros pour l'année 2024. Notre amendement vise donc à créer un nouveau programme Autonomie énergétique des territoires ultramarins doté de 300 millions.
L'amendement n° 2925 de la commission des lois est défendu.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Défavorable. Non seulement le gage proposé vide de sa substance toute notre politique de soutien aux entreprises, mais, comme je l'ai déjà expliqué, les territoires ultramarins vont deux fois plus vite que l'Hexagone en matière d'autonomie énergétique, puisque l'électricité y provient déjà à 60 % d'énergies renouvelables – un chiffre qui devrait atteindre 100 % à l'horizon 2030. Quel chemin parcouru par rapport à l'Hexagone !
Au-delà de l'accompagnement des projets par l'Ademe, d'autres outils prévus par le budget pour 2024 peuvent être mobilisés, telle la défiscalisation des installations photovoltaïques pour les entreprises. Le verdissement de l'économie n'est donc pas un vain mot, mais un engagement qui se traduit concrètement, y compris dans les territoires ultramarins.
C'est la deuxième fois que vous affirmez que 60 % de l'électricité en outre-mer provient d'énergies renouvelables, monsieur le ministre délégué, mais c'est faux, puisque cela concerne seulement 27 % de la production. Si la Guyane atteint 62 % d'énergie renouvelable, ce taux n'est que de 7 % en Martinique, par exemple. D'où tenez-vous ce chiffre ?
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt et une heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures.
La séance est reprise.
La parole est à M. Tematai Le Gayic, rapporteur spécial.
Mauruuru, merci, madame la présidente. Comme cela a été rappelé à plusieurs reprises au cours de l'examen des crédits de cette mission, on nous a imposé un bac à sable dont nous ne pouvons que répartir le contenu, forcément insuffisant. Il ne nous reste plus que 500 millions relevant du programme 138, Emploi outre-mer. Je l'ai dit à propos de la continuité territoriale : nous souhaiterions également exprimer notre point de vue au sujet du logement ou encore de l'emploi. C'est pourquoi nous proposons le retrait de l'amendement n° 3175 pour des raisons budgétaires, et celui des deux amendements identiques suivants afin que nous puissions étudier d'autres sujets ; à défaut, avis défavorable.
Je suis désolée, un amendement émanant d'une commission ne peut faire l'objet d'un avis de cette même commission. C'est bien gentil d'en demander le retrait, mais il fallait y penser plus tôt !
Nous devenons économes ! Les amendements identiques n° 3118 de la commission des finances et 3449 de M. Philippe Naillet sont défendus.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?
Nous avions instauré pour 2023 une aide de 10 millions d'euros mobilisable à la seule condition que le prix du gazole non routier (GNR) augmente d'au moins 15 % par rapport au mois précédent. Cela n'a pas été le cas, et je tiens à rappeler à la représentation nationale que ces 10 millions restent disponibles pour 2024, au cas où le besoin s'en ferait sentir. Les amendements sont donc satisfaits : avis défavorable.
Pour ma part, je voudrais soutenir ces amendements : l'année dernière, la mécanique administrative ne nous a pas permis de mettre en œuvre la mesure évoquée par le ministre délégué, alors même qu'elle était nécessaire et, outre-mer, réclamée.
Nous avons en effet adopté cette mesure, mais les crédits n'ont pas été octroyés. En outre, le prix de l'énergie est devenu à La Réunion le premier facteur d'inflation, car il se répercute sur les coûts de production. C'est pourquoi je demande, à titre exceptionnel, ces 10 millions d'euros qui, je le répète, correspondent à une promesse faite l'an dernier lors de l'examen des crédits de cette mission, et non tenue. Inscrivons-les dans le projet de budget pour 2024 !
Il a trait à la ligne budgétaire unique (LBU) consacrée au logement outre-mer, qui pose problème – dans les territoires ultramarins, le manque de logements se fait cruellement sentir.
La parole est à M. Perceval Gaillard, pour soutenir l'amendement n° 1058 .
Ces amendements visent en effet à doubler la LBU. Rappelons que dans les départements et régions d'outre-mer (Drom), 80 % des ménages sont éligibles au logement social, alors que seuls 15 % en bénéficient, et que la LBU, qui, comme l'a dit mon collègue tout à l'heure, atteignait en 2010 275 millions d'euros, n'a augmenté depuis que de 15 millions. Sabina Mathiot, directrice de l'Union sociale pour l'habitat outre-mer (Ushom), qui a remis au Gouvernement le premier Livre blanc de l'habitat outre-mer, appelle à rattraper trente ans de retard – car, malgré les plans, les inégalités structurelles persistent. Selon l'état des lieux 2023 publié en février par la fondation Abbé-Pierre, sur 2,2 millions d'ultramarins, 600 000 seraient mal logés, soit plus d'un sur quatre. L'adoption de ces amendements nous permettrait de mettre en œuvre une politique ambitieuse en la matière.
J'ai évoqué ce sujet du logement au début de la séance de cet après-midi : pour 2024, la LBU doit être augmentée de 50 millions d'euros, ce qui nous dote d'un outil puissant, même si M. Nilor a effectivement fait remarquer que nous en étions à peu près revenus au niveau de 2010-2012. Reste que nous avons tous pu constater un défaut de consolidation et de consommation de ces crédits. Nous faisons pour 2024 le pari qu'ils seront utilisés : ils nous permettront d'ailleurs de rénover 8 500 logements.
Par ailleurs, l'aide au logement ne s'arrête pas là : s'y ajoutent 20 millions pour les logements sociaux hors quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), ainsi que les aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) au logement social privé, qui passeront de 30 % à 50 %. Quant à la question essentielle de la maîtrise du foncier, nous disposons pour la résoudre du fonds régional d'aménagement foncier et urbain (Frafu). Si nous utilisons tous ces outils, tous les crédits qui leur correspondent, je suis prêt à parier que lors de l'examen du projet de budget pour 2025, nous n'aurons aucun mal à obtenir encore davantage. Il vous appartient de dire aux élus locaux, aux sociétés qui accompagnent ces projets immobiliers, que l'on peut dorénavant aller bien plus loin !
On nous l'a répété de toutes les façons, le logement est la mère des batailles et pose indéniablement un problème majeur outre-mer.
En 2019, ma mission pour le Premier ministre de l'époque au sujet de l'habitat indigne m'avait ainsi valu d'apprendre que près du quart des logements ultramarins sont insalubres. Pendant longtemps, il n'a pas été possible de consommer les crédits de la LBU : cela ne fait que deux ans que la machine économique répond et que le taux de consommation dépasse donc 100 %. Évidemment, 200 millions supplémentaires, cela peut paraître excessif, mais il importe que chacun prenne ses responsabilités. C'est ce qu'a proposé M. le ministre délégué : chiche ! Demandons à l'outre-mer de répondre à cet enjeu et adoptons ces amendements.
Au problème de l'insalubrité s'ajoute celui du manque de logements, et je suis choqué de constater combien peu est consacré à loger nos compatriotes ultramarins alors même qu'à Mayotte ou en Guyane, des moyens bien plus importants sont déployés en vue de loger les immigrés dont l'arrivée massive submerge ces territoires.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est un fait : dans la seule ville de Cayenne, 999 hébergements d'urgence leur sont destinés, alors que des fonctionnaires d'État en sont réduits à habiter des bidonvilles ! S'ajoutent à cela les fonds prodigués aux associations qui se chargent de louer des chambres à ces mêmes migrants : toujours à Cayenne, dans la plupart des hôtels du centre-ville, y compris sans doute celui où vous avez dormi, monsieur le ministre délégué, et celui où j'en ai fait autant, les trois quarts des chambres servent à cet usage. Il est inacceptable, inconcevable de continuer à dépenser tant d'argent pour des gens dont on sait pertinemment qu'ils ne sont en général pas éligibles à l'asile qu'ils demandent. Je le répète, pensons à nos compatriotes d'outre-mer qui, eux, ne savent pas où se loger !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il y a chez nous des dizaines de milliers de familles, d'hommes, de femmes, d'enfants, mal logés ou privés de logement. Nous avons parlé de l'eau, de la continuité territoriale, et il fallait des moyens à ces deux postes, mais nous parlerons également de l'emploi, de la santé, de l'environnement, autant de domaines dans lesquels nous sommes privés de tout, car la technique budgétaire nous contraint à des calculs d'apothicaire. Ceux qui nous voient nous abstenir de voter en faveur d'amendements que nous avons pourtant déposés, en défendre certains et non d'autres, opérer des choix au sein de politiques cruciales, ne doivent rien y comprendre ! Le fait est que nous sommes enfermés dans votre projet de budget. Ce que nous souhaitons vous demander, monsieur le ministre délégué, c'est de lever le gage de ces amendements. Nous ne voulons pas de concessions, d'arbitrages entre le logement, la santé, les diverses politiques qui nous concernent ; si nous donnons l'impression de faire des choix, c'est précisément parce que nous n'avons pas le choix. Vous vous êtes rendu dans chaque territoire ultramarin, vous avez affirmé que vous agiriez, mais ici, ce soir, nous sommes contraints. Levez le gage, pour tous ceux qui attendent les solutions que vous leur avez promises !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Même si de l'argent a été dépensé – je préfère ce mot à celui de « déversé », qui suggère qu'il coule à flots, sans contrôle – en Guyane et à Mayotte, je ne peux tolérer d'entendre certains collègues, derrière moi, opposer entre eux les territoires ultramarins.
Cessons d'opposer les Français d'outre-mer aux autres Français !
Mme Marina Ferrari applaudit.
Tous connaissent des besoins de logement. Il est urgent de répondre à la crise du logement, aussi bien dans les territoires d'outre-mer qu'en France métropolitaine. C'est pourquoi, monsieur le ministre délégué, il faut lever le gage.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi sur quelques bancs du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES et du groupe Écologiste – NUPES.
Le logement constitue un sujet absolument fondamental. J'ai entendu les propos de M. le député Nilor, mais, avec la même objectivité, j'ai également regardé les consommations des crédits ces dix dernières années… Certes, l'État apporte des financements et des cautions qui permettent de réaliser des opérations, et nous mobilisons les collectivités pour disposer du foncier, mais en matière de programmation, l'État ne décide pas de tout : il y a aussi des opérateurs, des bailleurs. Il y a quelques semaines, j'ai pu constater qu'une opération était restée à l'état de projet depuis douze ans, n'ayant pu se concrétiser faute de foncier libéré.
Vous me demandez de lever le gage, mais de mon côté je vous demande de consommer les crédits ! En 2020 et 2021, tous les crédits n'ont pas été consommés, contrairement à 2022 et 2023. Pour 2024, nous faisons le pari qu'en engageant 50 millions d'euros de plus, les crédits seront consommés. Mobilisez les élus locaux, les bailleurs, celles et ceux dont c'est la responsabilité au quotidien, car il ne suffit pas d'ouvrir des enveloppes supplémentaires. Les gens ne se contentent pas de promesses, ils veulent des concrétisations, des logements qui sortent de terre, des aménagements d'espaces publics. Ce n'est pas à l'État de le décider, c'est aux élus locaux de prendre leurs responsabilités en effectuant des programmations pour faire aboutir ces projets.
Enfin, les aides à la défiscalisation sur les logements anciens sont désormais ouvertes dans le cas de travaux énergétiques – je sais que Mme Rousseau y sera sensible. Nous essayons donc de couvrir le spectre le plus large, mais de grâce, arrêtons d'aligner les chiffres qui ne se concrétisent pas. Le taux de consommation montre que nous collons désormais aux besoins. Si vraiment des besoins supplémentaires apparaissent, comme le dit la Première ministre, nous trouverons les financements supplémentaires.
Monsieur le ministre délégué, je l'ai dit ce matin à votre collègue : des crédits peuvent être votés, engagés, non consommés et affectés à une autre destination en fin d'exercice. C'est l'objet du projet de loi de fin de gestion.
Par ailleurs, le sujet du logement me rappelle un débat que nous avons eu en commission des finances, ainsi que lors des dialogues de Bercy. Tout le monde s'est accordé à reconnaître que la question du logement était une bombe sociale, partout, que ce soit dans l'Hexagone ou dans les territoires d'outre-mer.
En commission des finances, le budget pour le logement a été tellement transformé pour répondre aux besoins des Français que ce sont les oppositions qui ont adopté la mission. Cet amendement répond donc à ce besoin constaté sur tous les bancs. J'ai bien compris, à entendre M. Guillaume Vuilletet, que cet amendement pourrait être voté à l'unanimité. À partir du moment où nous convenons tous, y compris le Gouvernement, qu'il s'agit d'un problème central, la demande que vous leviez le gage est normale et opportune.
J'aimerais aussi que vous vous engagiez à conserver cet amendement absolument prioritaire dans le projet que le Gouvernement déposera à l'occasion du prochain 49.3.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.
Monsieur le ministre délégué, vous parlez avec beaucoup de certitudes et de conviction, mais vos propos ne vont pas nous convaincre pour autant. En Guyane, l'État est propriétaire de plus de 90 % du foncier. Si des crédits n'ont pas été consommés, c'est parce qu'il était impossible, jusqu'à récemment, de lancer des projets car le foncier n'était pas mis à disposition par l'État. Si les projets n'étaient pas financés, actés, verrouillés, l'État refusait de céder le foncier aux collectivités. Pire, ces dernières se trouvaient parfois obligées de racheter du foncier à l'État quand bien même celui-ci n'a jamais payé un centime de taxe foncière aux collectivités !
Pourquoi n'a-t-on pas fait le bilan du deuxième plan Logement outre-mer (Plom 2), alors que nous nous apprêtons à passer au Plom 3 ? Vous ne cessez de répéter ce soir que l'État ne veut pas se substituer aux collectivités locales, mais si celles-ci ne peuvent pas disposer du foncier, alors elles sont impuissantes.
Alors qu'en 2017, la construction d'un nouvel établissement pénitentiaire a été actée en Guyane, six ans plus tard, pas un coup de pioche n'a été donné pour lancer le projet. Or l'État possède presque tout le foncier sur le territoire guyanais. C'est quand même ubuesque ! Faites votre job, libérez le foncier, et vous verrez les résultats !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES, Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Madame la présidente, vous nous faites l'amitié de présider ce soir, et c'est bien la première fois que nous voyons autant de collègues assister aux débats sur la mission "Outre-mer" . C'est chaleureux, amical… et un peu surréaliste, il faut bien le dire !
Sourires.
Nous voilà obligés de trahir les besoins de nos populations car nous sommes dans un débat contraint, alors que les besoins sont énormes. Le ministre délégué nous fait part de sa conviction, mais la conviction ne fait pas l'action.
Aujourd'hui, vous semblez nous dire que les collectivités sont responsables, mais chez nous, en Guadeloupe, la préfecture, qui doit construire des logements sociaux depuis dix ans sur le territoire que j'avais l'honneur d'administrer, s'est trouvée dans l'impossibilité d'utiliser ses fonds LBU, donc de boucler le financement et de concrétiser le projet.
Avec les normes que nous devons appliquer, sans parler du coût des matériaux, il faut une politique volontariste, au-delà des mots, sinon nous n'y arriverons pas. Chez nous, la bombe a déjà explosé, ce qui a nécessité l'intervention du Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN). Nous demandons des logements pour pacifier la situation. Que la République soit présente, qu'elle entende les besoins et programme à long terme, pas seulement le temps d'un budget ! La Première ministre a déclaré que s'il fallait des fonds, on les trouverait. Eh bien, trouvons-les ! Vous verrez qu'une fois que nous aurons ces crédits, alors nous les transformerons, et la préfecture de Guadeloupe pourra lancer les projets programmés depuis dix ans.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC, GDR – NUPES, Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Nous voulons défendre nos collègues élus des collectivités d'outre-mer car, monsieur le ministre délégué, nous ne pouvons accepter ce que vous dites à leur sujet.
Pour ce qui est de la Guyane, elle ne compte pas 300 000 habitants, mais environ 400 000, et vous le savez bien. L'État et les collectivités doivent assurer la scolarité, la santé et les routes en se fondant sur des chiffres qui sont faux – tous les maires de Guyane les contestent. L'État, par l'intermédiaire de l'Insee, continue systématiquement de contenir le chiffre du nombre d'habitants en Guyane.
Je vous invite aussi à lire le rapport de l'observatoire de l'Agence française de développement (AFD) à propos de la situation structurelle des finances de la collectivité territoriale. Il indique qu'il manque, pour la seule Guyane, au moins 80 millions d'euros de recettes pour que la collectivité puisse tout juste équilibrer son budget.
Enfin, savez-vous que la plupart des administrations de l'État paient les entreprises très tardivement, six, sept ou huit mois après réalisation des travaux ? Les entreprises locales qui interviennent sur le pont actuellement en construction en Guyane n'ont pas été payées pendant six à sept mois, et ont dû arrêter leur activité. Et vous venez mettre en cause les élus parce que nous n'arrivons pas à consommer les crédits ! Il y a des choses à ne pas dire ici, car elles sont totalement fausses.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES, Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Je soutiens puissamment toutes les interventions précédentes de mes collègues. S'il est vrai que l'Hexagone connaît aussi des problèmes de logement, notamment social, la situation est pire dans nos territoires d'outre-mer du fait qu'un facteur supplémentaire pèse sur nos têtes, celui des risques majeurs. On estime à 600 000, au bas mot, le nombre de logements insalubres dans les outre-mer, mais on ne compte même plus les logements qui ne sont pas aux normes sismiques, notamment en Martinique et Guadeloupe. Tous les scientifiques savent que tôt ou tard, et plutôt tôt que tard, un séisme majeur de magnitude 8,5 sur l'échelle de Richter se produira.
C'est pourquoi les crédits que nous demandons sont aussi destinés à renforcer le bâti existant, pour limiter le nombre de victimes éventuelles. À ce jour, la seule réponse de l'État est d'avoir fait stocker sous les préfectures de Guadeloupe et de Martinique 40 000 sacs mortuaires. Nous ne pouvons pas accepter que la seule réponse soit celle-là.
M. Antoine Léaument applaudit.
Nous en appelons à davantage d'anticipation et à une réelle volonté politique, se manifestant par des votes.
Ne pas voter cet amendement, qu'il soit retoqué ou non par un 49.3 – nous ne sommes pas à un séisme près et le 49.3 ne nous fait même pas peur
Sourires
–, reviendrait symboliquement à se rendre coupable de non-assistance à personne en danger. Je mets la pression sur chacun d'entre nous : cet excellent amendement doit être voté à l'unanimité.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, GDR – NUPES, Écolo – NUPES et SOC.
Je prie mes collègues d'outre-mer de bien vouloir m'excuser, car je voudrais étendre à l'Hexagone notre débat sur le logement. Le logement devrait être l'une des plus grandes priorités de l'État. Une personne qui n'a pas de logement se voit dénier un besoin vital, inhérent à la construction de l'individu.
Quand j'entends les témoignages qui viennent de nous être livrés, cela me fait froid dans le dos, et je voudrais alerter mes collègues de la majorité. Vous ne prenez pas à sa juste dimension la crise du logement que nous traversons : c'est une véritable bombe à retardement ! Un grand nombre de personnes ne peuvent plus accéder à la propriété du fait des faibles taux d'usure. L'objectif zéro artificialisation nette (ZAN) va limiter le nombre de constructions. Avec les nouvelles réglementations concernant les passoires thermiques, 1,6 million de logements du parc locatif privé vont sortir du marché locatif privé, sur les 8 millions que compte celui-ci !
Vous faites une erreur monumentale en ne prenant pas la mesure de ce problème crucial qui va, dans un futur proche, s'avérer dramatique pour un grand nombre de Français. Je vous invite, mes chers collègues de la majorité, à réagir.
Ce n'est certainement pas la décentralisation du logement qui arrangera les choses !
Je souhaite éclairer et sensibiliser la représentation nationale, et rétablir certaines vérités. Si la vie est chère dans les outre-mer, c'est notamment en raison du sous-financement des collectivités territoriales. Le Président de la République l'a reconnu lui-même, tout comme la Cour des comptes. Le rapport de Jean-René Cazeneuve et Georges Patient, « Soutenir les communes des départements et régions d'outre-mer », dont l'un des auteurs est ici présent, en a également fait le constat. Cette prise de conscience a donné lieu à une péréquation, par le biais de la dotation d'aménagement des communes et circonscriptions territoriales d'outre-mer (Dacom) et du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic). Toutefois, sur 1 milliard d'euros, 500 millions à peine ont été compensés. L'écart dépasse donc 500 millions d'euros.
L'État a créé ce trou dans les recettes des collectivités locales, puisqu'il a fait participer la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion au redressement de la dette publique, et qu'il a réduit la dotation globale de fonctionnement de ces collectivités depuis plus d'une dizaine d'années.
Lorsqu'on diminue les recettes des collectivités locales alors que leurs besoins croissent, celles-ci n'ont d'autre choix que d'abaisser le niveau de leurs services publics : moins de ramassage des ordures, moins d'entretien des équipements, moins de sécurité, moins de compétences en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire… Comme cela ne suffit pas, puisque les collectivités ont l'obligation de voter des comptes équilibrés – contrairement à l'État, qui peut voter un déséquilibre –, elles n'ont d'autre moyen, pour gonfler leurs recettes, que d'augmenter les taxes et les impôts locaux, qui pèsent sur les ménages. C'est ainsi que l'impôt sur le revenu a été déplafonné, et que 70 millions d'euros provenant des recettes correspondantes ont été utilisés pour financer le fonds exceptionnel d'investissement. En d'autres termes, ce sont les populations d'outre-mer qui financent elles-mêmes ce fonds à au moins 70 %. Voilà la réalité.
En conséquence, les collectivités d'outre-mer sont exsangues. Disposant de faibles recettes, il leur est difficile de réaliser des investissements. Je le répète, l'État a lui-même provoqué cette situation en ne versant pas correctement les dotations.
Il existe une ingénierie locale, mais les ingénieurs coûtent cher. Les collectivités ont besoin de dotations pour en recruter et pour les domicilier localement, afin de susciter un développement endogène et de créer de la richesse. En effet, c'est l'investissement qui crée de l'emploi, de l'activité et la richesse – vous en conviendrez certainement. Cessez de considérer que nos territoires réclament de l'argent. Ce n'est pas de l'argent que nous demandons, mais de la dignité, de la responsabilité, et la capacité de nous occuper nous-mêmes de nos propres affaires, dans une logique de subsidiarité. Nous connaissons mieux les réalités locales que ceux qui se trouvent à 8 000 kilomètres.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Si la LBU est sous-consommée, c'est parce que vous imposez des conditions inacceptables…
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Le problème du logement est une bombe à retardement en outre-mer. Je l'illustrerai par un chiffre : en trois ans, la production de logements aidés à La Réunion est passée de plus de 3 000 à 1 200 à peine, alors que l'île compte 42 000 demandeurs de logements. D'où l'intérêt de voter cet amendement. Il ne saurait être balayé d'un revers de main, au motif que les crédits ne sont pas consommés – M. Gaillard et Mme K/Bidi l'ont souligné. Cette sous-consommation tient essentiellement à deux facteurs : l'aménagement du foncier et l'augmentation du coût des matériaux. Cela explique que certains appels d'offres soient infructueux et que les opérations soient gelées – et en toute logique, quand on n'arrive pas à équilibrer une opération, on ne consomme pas l'enveloppe. Ne croyez donc pas que nous ne voulions pas utiliser ces crédits ; ce sont les circonstances que j'ai décrites qui nous en empêchent. Il est important de voter cet amendement pour débloquer des moyens financiers supplémentaires.
Sachez que chez nous, 75 % de la population est éligible au logement locatif très social.
Par ailleurs, le parcours résidentiel n'est que théorique : les populations en grande précarité passent pratiquement toute leur vie dans un logement social, et la rotation est très faible. Voilà une raison de plus pour voter cet amendement. Je le répète, le logement est une véritable bombe à retardement.
M. Johnny Hajjar applaudit.
Le logement déclenche toujours les passions. Ayant eu la chance d'être un maire bâtisseur pendant de nombreuses années, le sujet me tient à cœur.
Ceux qui en doutent peuvent le constater sur place, et M. Sansu, dont la circonscription est proche de mon ancienne commune, peut en témoigner.
Lorsque je me suis rendu à Saint-Denis, monsieur Naillet, la maire, Ericka Bareigts, a remercié l'État pour sa mobilisation en faveur de la rénovation urbaine. J'ai visité le quartier du Chaudron et ceux qui relèvent du Projet de renouvellement urbain nord-est littoral (Prunel) : j'y ai constaté qu'avec une ingénierie, un soutien et une mobilisation totale des équipes techniques, nous sommes capables de mener des opérations de très belle qualité, dans des délais rapides et dans le respect du calendrier, ou presque. Cela prouve que lorsque l'ingénierie est présente, la gestion des projets peut aller plus vite et plus fort.
J'étais il y a peu à Fort-de-France ; le maire n'a pu que constater, avec moi, qu'une opération avait démarré il y a douze ans. Ce n'est pas faute de moyens de l'État : 3 millions d'euros étaient même déjà mobilisés par ce dernier, mais n'apparaissaient pas dans le plan de financement en raison de complications diverses. J'ai insisté tout à l'heure sur la nécessité de renforcer les soutiens techniques pour accompagner le montage des dossiers, les analyses financières et le suivi des travaux. Il ne s'agit pas de mettre les collectivités sous tutelle, mais de mieux les aider et de mieux les accompagner. En effet, ces opérations immobilières sont de grande ampleur.
J'ai parfaitement conscience, madame Louwagie, que 1,6 million de logements sortiront du parc locatif privé. Sachez qu'Action logement aura une compétence à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon à compter de 2024, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
J'étais il y a quelques jours au Salon de l'habitat à Nantes ; avec l'ensemble des acteurs concernés, nous sommes convenus qu'il fallait lancer une mobilisation importante en 2024. Oui, la question du logement est centrale. Toutefois, ce qui vous importe comme à moi, madame la députée, ce n'est pas d'annoncer 400, 500, 800 millions ou 1 milliard d'euros en guise d'affichage, c'est de réaliser des projets.
Arrêtons de nous faire plaisir à bon compte. Nous devons être capables, quand nous définissons un projet, de le mener à bien dans les délais impartis. Cette difficulté se pose dans l'Hexagone comme dans les territoires ultramarins. Je ne mets ici personne en faute – les députés des outre-mer le savent pertinemment.
M. Naillet a évoqué le coût des matériaux : voilà un vrai problème. La situation s'améliorera en 2024, quand les normes applicables aux régions ultrapériphériques (RUP) se substitueront aux normes de la Communauté européenne. Je vous vois lever les yeux au ciel, monsieur Castor, mais depuis combien de temps en parlons-nous ? Il y a ceux qui en parlent, et il y a ceux qui agissent !
Mme Anna Pic s'exclame.
Les normes RUP entreront en vigueur le 15 mars 2024. C'est un progrès considérable : elles permettront de construire dans de meilleures conditions – tous les acteurs de l'habitat que j'ai rencontrés en conviennent.
Il n'est pas un déplacement au cours duquel je ne visite pas une opération immobilière, pour comprendre les spécificités des territoires. Il est vrai qu'il se pose un problème de foncier en Guyane. Je crois vous avoir répondu à ce sujet, monsieur Rimane. Je vous ai même proposé que nous travaillions ensemble pour mettre du foncier à la disposition des communes et des agriculteurs. Nous mobiliserons la convention territoriale globale (CTG), les élus et les communes pour avancer.
M. Hajjar disait tout à l'heure que les communes n'ont pas d'argent. Vous voulez qu'on se penche sur le berceau des communes ultramarines, monsieur le député. Mais depuis quatre ans, la Dacom, qui est l'équivalent en outre-mer de la dotation globale de fonctionnement, a augmenté de 150 millions d'euros.
De plus, l'octroi de mer, qui revient aux communes et aux régions, a augmenté de 500 millions d'euros.
J'entends qu'il faudrait toujours accorder plus d'argent, mais accordez-moi que les communes ultramarines ont bénéficié de financements plus importants ces dernières années.
J'en viens à l'amendement. Vous estimez qu'il faut absolument lever le gage, mais je vous propose autre chose : faisons le point sur les opérations engagées au 30 juin 2024. S'il manque des crédits de paiement, le Gouvernement sera au rendez-vous pour les trouver.
Je vous ai écoutée, madame la députée, ayez donc la délicatesse de me laisser parler. Je n'entends pas faire de l'affichage pour me faire plaisir, ni lancer des promesses que je ne tiendrai pas. Si j'avance des chiffres, c'est pour les respecter – c'est le respect que nous devons aux ultramarins.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Les crédits du programme 138, Emploi outre-mer, de la mission "Outre-mer," tels qu'ils résultent de l'adoption des amendements précédents, sont insuffisants pour examiner les amendements suivants, puisqu'il reste 20 millions d'euros. Nous reprenons donc aux amendements n° 3161 et identique.
L'amendement n° 3161 de la commission des finances est défendu.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour soutenir l'amendement n° 521 .
L'amendement n° 521 est retiré.
L'amendement n° 3161 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 3480 de M. Philippe Naillet est défendu. Il se monte à 1 million d'euros.
Cet amendement engage 1 million d'euros sur la LBU. Sachant qu'un amendement précédent visait à doubler cette dernière, la faisant passer de 291 à 582 millions d'euros, je cherche la proportionnalité, mais je ne la trouve pas. Avis défavorable.
L'amendement n° 3480 est adopté.
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : l'une, sur l'amendement n° 2571 , par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, l'autre, sur l'amendement n° 358 , par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 2842 de Mme Emeline K/Bidi est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable. La ligne budgétaire unique relance le soutien au logement. Les artisans y sont éligibles dès lors qu'ils satisfont au critère de continuité territoriale, dont le seuil a été relevé de 50 % pour 2024.
L'amendement n° 2842 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement n° 2571 .
Le Gouvernement ayant accepté mon amendement visant à ce qu'il remette un rapport d'évaluation sur l'article 15 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, cet amendement-ci soulève le sujet actuel et sensible des difficultés persistantes que rencontrent les travailleurs indépendants pour rembourser leur dette envers l'ancien régime social des indépendants (RSI), en outre-mer. À La Réunion, quelque 15 000 entreprises sont actuellement en contentieux et ne peuvent plus prétendre à la commande publique car elles ne sont pas à jour de leurs cotisations. C'est un vrai problème. Pour redonner une impulsion sérieuse au tissu économique déjà bien fragile des outre-mer et lui permettre de retrouver une dynamique, cet amendement propose d'apporter 86 millions d'euros de soutien aux entreprises.
Je sais que le sujet vous tient à cœur. La difficulté réside dans le fait que le Gouvernement ne peut pas rembourser les caisses de sécurité sociale. Je peux prendre l'engagement de vous accompagner pour aider les entreprises concernées à trouver une solution acceptable, par exemple par le biais d'un étalement des paiements. En revanche, au nom du paritarisme, je ne peux pas intervenir directement car cette décision ne relève pas de mon champ d'action. Avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 117
Nombre de suffrages exprimés 95
Majorité absolue 48
Pour l'adoption 48
Contre 47
L'amendement n° 2571 est adopté. – Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
La parole est à M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 358 .
Il vise à renforcer les aides alimentaires aux foyers ultramarins. Les chiffres prouvent que les promesses du Gouvernement en la matière n'ont pas été tenues. En effet, les ménages les plus modestes sont en première ligne devant le problème du coût de la vie en raison de la part que représente l'alimentation, secteur particulièrement touché par la hausse des prix. Les prix payés par les ménages des départements d'outre-mer sont de 30 à 42 % plus élevés que dans l'Hexagone. Il est donc proposé de créer un fonds exceptionnel afin de renforcer les aides alimentaires pour les familles les plus modestes des territoires ultramarins.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous ne sommes pas restés inactifs, tant s'en faut. En 2022, nous avons mis 15 millions d'euros sur la table pour lutter contre la vie chère. Il existe également des fonds européens, parmi lesquels le Fonds social européen (FSE), dont les financements totaux pour les cinq Drom s'élèvent à 17 millions d'euros entre 2024 et 2027.
À cela s'ajoutent plusieurs dispositifs, dont le bouclier qualité prix (BQP), grâce auquel nous constatons déjà une baisse tangible du prix d'un certain nombre de produits de consommation. Vous avez l'air d'en douter, monsieur Gillet. Je peux vous donner les chiffres. Avez-vous une idée de ce qu'il en est à La Réunion ? Ah, je vous prends en défaut ! La baisse est de 28 %.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
J'étais présent à La Réunion ; cela vous ennuie, mais j'aime être précis.
Par ailleurs, la réforme de l'octroi de mer est lancée. Je rappelle également que Bruno Le Maire, Gérald Darmanin et moi-même avons confirmé la création d'une mission parlementaire visant à identifier et à lutter contre les monopoles économiques en outre-mer. Enfin, nous interviendrons dans les prochaines semaines sur les carburants aux Antilles et en Guyane, où les consommateurs sont pénalisés.
Bien sûr, on peut toujours faire plus. Néanmoins, la somme des montants mobilisés pour aider les consommateurs ultramarins depuis 2022 atteint 40 millions d'euros, soit deux fois plus que ce que propose votre amendement.
Monsieur le ministre délégué, je vous rappelle que vous êtes à l'Assemblée nationale. Ici, ce sont les députés qui posent les questions aux membres du Gouvernement, et non l'inverse.
Applaudissements et exclamations sur les bancs du groupe RN.
Vous êtes dans un haut lieu de la démocratie. C'est ainsi que les choses se passent.
S'agissant du coût de la vie, vous évoquez des résultats magnifiques obtenus grâce aux 15 millions d'euros de l'année dernière et, depuis que vous êtes ministre des outre-mer, vous vous êtes rendu en Guyane et dans de nombreux territoires ultramarins, même si vous semblez les découvrir depuis peu. Avez-vous seulement constaté des résultats concrets ? Êtes-vous seulement allé à la rencontre des habitants de ces territoires ? Ou vous êtes-vous contenté de rencontrer les préfets, qui vous ont donné leur version officielle ? Si vous alliez voir les habitants sur le terrain, vous verriez qu'ils ont de grandes difficultés à remplir leur caddie ; vous verriez que l'on peut trouver en Guyane des packs d'eau dont le prix peut atteindre 18 euros ; vous verriez que les gens sont obligés de traverser la frontière pour aller chercher illégalement de la nourriture dans les pays voisins, au Brésil par exemple, car ils n'arrivent pas à acheter de la viande tant elle est chère.
Nos compatriotes ultramarins ne parviennent pas à manger à leur faim parce que le coût de la vie est astronomique. Alors non, votre politique n'a pas réussi et non, votre enveloppe de 15 millions d'euros n'a pas eu les effets escomptés.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le député, je ne vous pose pas de questions, mais j'ai le droit de ne pas être d'accord quand vous dites une contrevérité. J'ai présidé la réunion dont vous parlez et si je vous dis que le bouclier qualité prix est efficace à la Réunion, c'est parce que j'ai constaté moi-même la baisse des prix.
Il vous déplaît que l'on travaille efficacement ; je le comprends, mais si vous imaginez que je ne vois pas de vraies gens partout où je vais, vous vous trompez. J'ai sans doute passé plus de temps dans les territoires ultramarins que vous ne l'avez fait depuis le mois de juillet. Je m'y étais engagé. Cela vous fait sourire ? Ce n'est pas parce que l'on connaît un territoire qu'on les connaît tous. Je vais à la rencontre des habitants autant que vous, je ne suis pas cloisonné dans une préfecture. Vous vous trompez lourdement.
Cela a l'air de vous gêner que l'on soit actif. Je le répète, votre amendement, c'est 20 millions ; notre action, c'est 40 millions. Cherchez l'erreur. Les Français s'y retrouveront.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 89
Nombre de suffrages exprimés 84
Majorité absolue 43
Pour l'adoption 30
Contre 54
L'amendement n° 358 n'est pas adopté.
Sur l'amendement n° 604 ainsi que sur les amendements identiques n° 605 et 3388 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 3179 et 3613 .
L'amendement n° 3179 de la commission des finances est défendu.
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement n° 3613 .
Il vise à renforcer le soutien aux réseaux d'aide alimentaire ultramarins à hauteur de 60 millions d'euros. J'ai également déposé un amendement de repli à 30 millions, le n° 3447.
Avis défavorable.
J'ajoute à l'intention de la présidente Le Pen que le bouclier qualité prix existe dans l'ensemble des Drom, et pas seulement à La Réunion.
L'amendement n° 3447 était un amendement de repli. Le retirez-vous, madame Bassire ?
L'amendement n° 3447 est retiré.
L'amendement n° 3314 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'amendement n° 3368 de M. Yoann Gillet, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 84
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 29
Contre 47
L'amendement n° 3368 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir l'amendement n° 604 .
Cet amendement reprend celui déposé l'année dernière par nos collègues du groupe LIOT. Il vise à abonder de 4 millions d'euros la politique d'octroi de chèques alimentaires à Mayotte. On a évoqué tout à l'heure le problème de l'eau, mais nos compatriotes de Mayotte subissent à la fois, entre autres problèmes, un niveau de vie inférieur à celui de l'Hexagone et une inflation galopante. C'est un amendement de bon sens. En commission, le rapporteur spécial avait indiqué que l'amendement portait sur le mauvais programme ; nous l'avons réaffecté au bon programme, pour ne pas donner aux autres formations politiques une excuse pour ne pas le soutenir.
L'amendement n° 605 sera défendu dans le même esprit.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Avis défavorable : votre amendement est satisfait. À l'heure actuelle – je le dis en regardant Estelle Youssouffa et Mansour Kamardine –, deux réponses sont apportées à Mayotte. Tout d'abord, depuis la fin du mois de septembre, des bouteilles d'eau sont distribuées à 51 000 personnes prioritaires : les femmes enceintes, les malades, les personnes âgées et les nouveau-nés. Cela représente 80 000 litres par jour. À compter du 20 novembre, c'est-à-dire dans précisément quatorze jours, cette distribution sera étendue à l'ensemble de la population. Tout cela est financé depuis le début du mois de septembre par l'État pour un total compris entre 83 et 85 millions d'euros.
Par ailleurs, une demande avait été formulée – puis relayée très rapidement par Estelle Youssouffa, notamment – pour que les factures de septembre à décembre soient prises en charge, et nous nous sommes même engagés à procéder de la même manière en janvier, si jamais l'eau ne coulait pas au robinet comme ce devrait être le cas partout. Parce que le service public n'est pas rendu, nous devons nous y substituer. Si nous faisons la somme de ces deux dépenses – la distribution de bouteilles d'eau et la prise en charge des factures et des abonnements, ce qui est la moindre des choses –, le total atteint près de 100 millions d'euros.
J'en profite pour ajouter qu'avec quelques collègues du Gouvernement, nous avons cosigné une lettre envoyée à la Commission européenne, à Bruxelles, pour bénéficier du Fead, le Fonds européen d'aide aux plus démunis, qui permet d'intervenir lorsque certaines difficultés se font jour en matière d'accès à des denrées alimentaires indispensables – et l'eau, par définition, en est une. Quoi qu'il en soit, je le répète : au début du mois de janvier 2024, nous aurons engagé 100 millions d'euros.
Deuxième réponse : le tarif du pack d'eau a été bloqué à 5 euros pour six bouteilles. Le député Gillet m'interrogeait à ce propos : je me suis rendu dans des moyennes surfaces pour vérifier moi-même ce qu'il en était. Je vous vois faire la moue, monsieur Gillet, mais vous n'étiez pas là, alors c'est facile ! Vous pouvez faire les commentaires que vous voulez ; moi, je vous réponds. C'est en se comportant ainsi que l'on déconsidère toute l'action publique !
Je suis allé vérifier, donc, dans les moyennes surfaces, puis dans les épiceries de proximité où j'ai vu que le prix du pack pouvait atteindre 8 ou 9 euros. Il y a des petits malins qui vont s'approvisionner dans les moyennes et grandes surfaces, où le prix est bloqué, puis qui revendent les bouteilles plus cher ; ce sont les habitants, au bout du compte, qui sont pénalisés. Je l'ai dénoncé publiquement. Vous voyez donc que nous avons pris nos responsabilités. Ces 100 millions d'euros, dans ces conditions, étaient indispensables, ne vous en déplaise ! Vous voulez mettre 9 millions puis 4 millions, ce qui fait 13 millions ; quant à nous, nous en sommes à 100 millions. Mesurez la différence !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 86
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 30
Contre 47
L'amendement n° 604 n'est pas adopté.
Monsieur le ministre délégué, je conçois qu'être au banc pendant plusieurs heures puisse être physiquement un peu éprouvant. Mais en l'occurrence, je crois que vous avez répondu complètement à côté du sujet de l'amendement n° 604 , qui est le même que celui du présent amendement et qui est essentiel. En effet, vous avez évoqué l'eau en disant que vous avez dépensé 100 millions d'euros. Certes, et Dieu merci ! Si vous ne l'aviez pas fait, en réalité, nos compatriotes seraient morts. Eh oui, si on ne peut pas boire, on meurt.
Alors oui, vous avez dépensé 100 millions, mais c'est quasiment une action humanitaire que l'État a été contraint de mener, compte tenu des carences dont il s'est rendu coupable par ailleurs. Il n'en demeure pas moins qu'il est ici question de Mayotte et que nous demandons pour notre part 4 millions d'aide alimentaire. Les Mahorais ne vont pas manger liquide ! Il faut évidemment qu'ils s'abreuvent, mais ils doivent aussi pouvoir manger correctement.
Mayotte, vous le savez, vit une situation terriblement difficile, du fait d'une immigration qui est une véritable submersion ,…
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
…d'un effondrement des services publics, d'une absence d'attractivité pour les fonctionnaires, qui ne souhaitent plus aller y travailler, et d'un manque de médecins – ceux qui y exercent limitent considérablement leurs déplacements. À 8 000 kilomètres de Paris, le plus pauvre département de France est même le plus pauvre de l'Union européenne. Il est tellement pauvre, d'ailleurs, que sa situation est équivalente, à bien des égards, à celle de certaines régions d'Afghanistan : 84 % de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté !
Compte tenu de tout cela, nous considérons qu'il faut poursuivre le déploiement du chèque alimentaire que vous aviez créé au moment du covid – pourtant, vous le savez, je ne suis pas toujours convaincue par ce type de dispositif. Mais là, en l'occurrence, on ne peut pas faire autrement que de réintroduire le chèque alimentaire, sur le modèle, encore une fois, de ce qui avait été fait au moment de la crise du covid. Une telle mesure coûterait 4 millions d'euros et elle serait considérée, plus encore qu'hier, comme une véritable mesure d'urgence.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Madame la présidente Le Pen, j'entends bien votre volonté de créditer de 4 millions d'euros, par votre amendement, l'aide alimentaire. Mais vous savez, comme vous êtes très observatrice, qu'une aide existe déjà à Mayotte pour financer des chèques alimentaires, grâce au Fonds social européen, et qu'elle s'élève à 5 millions d'euros. Ça existe déjà !
Et quand je vous ai répondu à propos des 100 millions d'euros incluant l'eau, il me semble que la somme en question peut être assez largement considérée, même indirectement, comme une aide alimentaire ! Vous pouvez le reconnaître. Par conséquent, n'excluez pas cette première aide dont j'ai parlé tout à l'heure et qui se trouve renforcée par le dispositif que je viens de mentionner. Vous voyez, cette Europe qui sait se montrer solidaire
Exclamations sur les bancs du groupe RN
pour les territoires qui souffrent le plus apporte bien 5 millions d'euros pour financer l'aide alimentaire à Mayotte.
Merci, monsieur le ministre délégué, de me donner l'occasion de vous dire que l'aide qui est actuellement accordée à Mayotte n'est pas suffisante. La preuve, c'est qu'il y a encore beaucoup de nos compatriotes qui meurent de faim là-bas, ou du moins qui se nourrissent mal. Il y a aussi énormément de personnes qui arrivent à Mayotte de manière clandestine, vous le savez, et que l'on prend en charge. Je veux bien que l'on fasse comme s'ils n'existaient pas, mais alors on ne peut pas donner des leçons d'humanité. Puisque vous n'avez pas réglé la question de l'immigration clandestine à Mayotte, ils sont là,…
…et évidemment, comme les autres, ils réclament d'être nourris.
Quant à l'argent de l'Europe, qui est si généreuse : je vous en supplie, arrêtez avec cet argument ! En 2022, nous donnions 10 milliards d'euros de plus à l'Union européenne par rapport à ce qu'elle nous rendait. 10 milliards d'euros ! Ce n'est donc pas l'argent de l'Union européenne, si généreuse : c'est notre argent ,
Applaudissements sur les bancs du groupe RN
qui transite par l'Union européenne ! Et au passage, elle nous en garde tout de même un énorme morceau. Je vous en supplie, arrêtez de faire croire cela aux Français : pour le coup, c'est une véritable escroquerie que de leur demander de remercier l'Union européenne de nous donner de l'argent qui nous appartient, alors qu'elle ne nous le rend pas !
Mêmes mouvements.
J'entends votre argument, madame la présidente, mais vous avez laissé sous silence le fameux Fead, le fonds créé par l'Union européenne pour aider les territoires les plus démunis, et son aide de 9 millions d'euros ; mais ce n'est pas très grave.
Par ailleurs, vous avez fait référence au projet de loi « immigration » ; vous aurez l'occasion, dans quelques semaines, d'en débattre ici même. Chacun devra prendre ses responsabilités ,
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe RN
et nous verrons ce que diront les uns et les autres ! Et vous savez, il y a aussi un projet de loi « Mayotte » qui sera bientôt examiné. Nous verrons s'il s'agit d'une petite loi ou bien d'une loi importante, permettant justement d'endiguer cette immigration. Pour ma part, j'étais sur le terrain la semaine dernière ; je n'ai pas molli et je me suis rendu au contact des populations. Je le dis pour M. Gillet, qui semble à nouveau douter de mon action : il pourra réaliser en images, puisque les réseaux sociaux permettent désormais de tout voir, que je me rends partout pour tout voir, précisément, y compris ce qu'il ne faut pas voir, parce qu'il faut tout voir pour tout comprendre. Et croyez bien – je parle sous le contrôle des parlementaires de Mayotte – que nous avons déjà discuté de ce futur texte il y a quelques jours, et que nous aurons l'occasion d'y revenir ici. Chacun, alors, proposera ses solutions.
Je voudrais réagir aux propos de Mme Le Pen. Alors certes, d'un point de vue budgétaire ,
« Ah ! » sur les bancs du groupe RN
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Mais si chacun des contribuables français demandait à obtenir un retour qui soit proportionnel aux impôts qu'il paie, alors il n'y aurait plus de vie commune !
M. Hadrien Ghomi et Mme Marina Ferrari applaudissent.
Par ailleurs, vu l'endettement de la France et la dévaluation du franc à l'époque, si la monnaie unique n'avait pas été introduite, je ne sais pas comment la situation aurait évolué ! En outre, la sécurité dont nous bénéficions sur le continent, depuis 1945, est largement due à l'Europe. Ce dont la France a bénéficié est bien supérieur à sa contribution ; je crois donc que vous pourriez faire preuve d'une autre attitude vis-à-vis de l'Europe et de ce qu'elle nous a apporté.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 83
Majorité absolue 42
Pour l'adoption 35
Contre 48
Sur les amendements n° 3386 et 3311 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Sur les amendements identiques n° 3151 et 3458 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d'une autre demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je vous indique également que, comme pour toutes les autres missions, la conférence des présidents a décidé que l'examen des discussions budgétaires non achevées aurait lieu le samedi 18 et le dimanche 19 novembre.
Murmures sur divers bancs.
Or nous sommes dans l'incapacité de terminer l'examen des amendements, puisqu'il nous reste environ cinquante minutes pour examiner les 250 amendements restants de la mission "Outre-mer" . Je tiens à vous en informer dès à présent.
Je suis saisie de trois amendements identiques, n° 3155 , 2600 et 2918 .
La parole est à M. Tematai Le Gayic, rapporteur spécial, pour soutenir l'amendement n° 3155 .
Je suis évidemment favorable à cet amendement de la commission des finances. Comme vous l'avez dit, madame la présidente, nous sommes dans l'incapacité d'étudier l'ensemble des crédits de la mission "Outre-mer" , suite notamment à la décision de la conférence des présidents qui permet d'arrêter toutes les discussions à minuit et reporte donc la fin de nos débats aux 18 et 19 novembre. Nous sommes dubitatifs sur ce point, car nous nous attendons à ce qu'un 49.3 tombe avant ces dates : nous ne pourrons donc pas voter les crédits de la mission "Outre-mer" .
Pourtant, nous avons bien entendu le ministre délégué lorsqu'à quinze heures, il a évoqué dans son discours les priorités de la mission "Outre-mer" . Nous avons longuement abordé la question du logement, ainsi que celles de l'eau et de la continuité territoriale – des amendements ont été adoptés à ce sujet. Mais il y a un point sur lequel nous souhaitons débattre avec vous, monsieur le ministre délégué, et nous vous en avons fait part à plusieurs reprises cet après-midi : ce sont les dispositions de l'article 55 du projet de loi de finances, rattaché à la mission "Outre-mer" .
Il est essentiel que nous en discutions. La quasi-totalité des députés d'outre-mer souhaitent se prononcer sur l'article 55 ; le président de la commission des finances y est favorable et le rapporteur général, lui, ne l'est pas. Nous vous demandons donc, monsieur le ministre délégué, car vous êtes le seul à pouvoir modifier dès maintenant l'ordre d'examen des crédits pour que nous puissions examiner l'article en question, d'agir en ce sens. Je rappelle que lorsque vous l'avez proposé à tous les députés d'outre-mer, vous en avez fait votre cheval de bataille, et voilà que vous refusez de dialoguer avec nous,…
…parce que vous savez qu'il y a des points d'achoppement à son sujet. Nous vous demandons de pouvoir échanger sur l'article 55 !
M. Marcellin Nadeau et Mme Sandrine Rousseau applaudissent.
Les amendements identiques n° 2600 de Mme Sandrine Rousseau et 2918 de M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis de la commission des lois, sont défendus.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Pour rebondir sur les propos du rapporteur spécial Le Gayic, effectivement, le temps passe et de nombreux amendements restent à défendre. L'article 55 étant une priorité pour beaucoup d'entre nous, nous souhaitons nous aussi qu'il soit examiné avant la levée de la séance, d'autant que, comme cela a été rappelé, le 49.3 sera très certainement appliqué avant l'examen des amendements restants, dont la date a été fixée au week-end des 18 et 19 novembre par la conférence des présidents. Je tiens à rappeler que le règlement a évolué par rapport à l'année dernière,…
…puisqu'il impose l'interruption de l'examen de chaque mission à minuit. C'est pourquoi nous demandons que le ministre délégué nous permette d'examiner l'article 55.
Je précise, à toutes fins utiles, que cette évolution du règlement a fait l'objet de longues discussions en conférence des présidents, menées avec l'ensemble des groupes politiques et le président de la commission des finances : la décision d'organiser ainsi la discussion budgétaire a été prise de façon collective.
Les crédits de la mission "Outre-mer" ne sont donc nullement visés en tant que tels.
La situation actuelle résulte d'une décision validée par tous les groupes politiques.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-trois heures quinze, est reprise à vingt-trois heures vingt-cinq.
Fort de l'expérience dont témoignent mes cheveux blancs, j'ai décidé de retirer les amendements que j'aurais eu l'honneur de défendre, pour permettre au débat d'avancer. J'observe en effet que nous avons déjà fait exploser la cagnotte
Sourires
et qu'il ne reste quasiment plus aucun argent à dépenser. Nous ne devons pas continuer à nous torturer ainsi nous-mêmes : nous souhaitons tous examiner l'article 55. Le Gouvernement considérant que l'examen des amendements doit se poursuivre dans l'ordre initialement prévu, je décide, au nom du groupe Les Républicains, de retirer les miens. J'espère que d'autres m'imiteront : cela nous permettrait d'avancer.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
L'amendement n° 3593 de Mme Estelle Youssouffa est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
La commission n'a pas examiné cet amendement, auquel je suis favorable à titre personnel.
Je tiens à soutenir cet amendement, qui vise à répondre à un besoin objectif que nul ne pourra contester, et à souligner que l'égalité ne passe pas obligatoirement par l'uniformité : au contraire, la vraie égalité suppose souvent un traitement différencié. C'est aussi l'objet de la mesure défendue. Je précise que nous avions présenté des propositions allant précisément dans le même sens pour la Corse, d'où ma sympathie pour cet amendement.
L'amendement n° 3593 est adopté.
La parole est à Mme Marine Le Pen, pour soutenir l'amendement n° 3386 .
La stratégie poursuivie dans la lutte contre l'orpaillage consiste à asphyxier économiquement les exploitations d'or illégales. Elle vise aussi à défendre la précieuse biodiversité guyanaise et la salubrité de ce « bien commun » – pour reprendre un terme cher au Président de la République – qu'est l'eau contre son empoisonnement au mercure. Instituée en 2008, l'opération Harpie est venue restructurer la lutte contre l'orpaillage illégal. Son objectif est de désorganiser les flux logistiques en reconduisant systématiquement les orpailleurs en situation irrégulière à la frontière et en saisissant ou en détruisant les matériels nécessaires à l'exploitation aurifère illégale. Depuis 2017, de nombreux agents – qu'ils travaillent pour les forces armées, la gendarmerie, l'Office national des forêts (ONF), le parc amazonien de Guyane ou encore les douanes – sont engagés dans cette lutte acharnée. L'opération Harpie connaît toutefois de nombreuses difficultés, aisément compréhensibles au vu des distances immenses à couvrir, qui induisent une forte dépendance aux moyens aériens.
Nous considérons que les 790 000 euros alloués à l'opération Harpie dans la mission "Outre-mer" au titre du PLF pour 2024 sont très loin de suffire à son succès. Nous proposons donc de lui affecter 4,5 millions d'euros supplémentaires, afin d'affréter davantage d'hélicoptères privés pour acheminer les forces de gendarmerie sur les sites d'orpaillage clandestin et d'investir dans de nouveaux matériels. La hausse de 400 % du cours de l'or au cours des vingt dernières années impose de consacrer des moyens supplémentaires à la lutte contre ce phénomène qui empoisonne les Guyanais – dans tous les sens du terme.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n'a pas été examiné par la commission. Avis défavorable à titre personnel.
Mme la présidente Le Pen soulève un sujet important, celui de l'orpaillage illégal. J'étais d'ailleurs il y a quelques semaines à Maripasoula où j'ai rencontré les forces de sécurité et de gendarmerie et la légion.
Des efforts considérables ont été faits ces dernières années en la matière. Voici les chiffres – car nous les devons à la représentation nationale : en 2023, 20 millions d'euros auront été mobilisés, soit une présence de 262 militaires par jour en moyenne ; nous avons réussi à éliminer 56 % de l'orpaillage illégal, soit un peu plus de la moitié. Je mesure le chemin qu'il reste à parcourir. J'ai d'ailleurs été interpellé à ce sujet par les élus et par la population car, comme vous l'avez indiqué, l'orpaillage nuit à la biodiversité mais aussi à l'eau en raison de la présence de résidus.
J'ai assisté à la définition de plans en vue d'une campagne qui devait débuter deux jours plus tard. Vous n'ignorez pas – car vous connaissez parfaitement le contexte – que les bases arrière se trouvent malheureusement au Suriname et vous savez très bien par qui elles sont armées. Plus de 250 moteurs de bateau ont déjà été détruits, de même que de nombreux matériels, d'une valeur totale estimée à plus de 60 millions. Il faudra continuer de mener ce combat sans merci. Gérald Darmanin a mobilisé encore plus de moyens cette année et ils augmenteront encore en 2024 car on ne peut piller notre territoire impunément. Avis défavorable.
Au risque de me répéter – car nous avons eu le débat en commission –, je vais exposer mes différentes réserves sur cet amendement. Tout d'abord, on ne sait pas d'où viennent les chiffres qui sont donnés.
Ensuite, il existe un problème politique majeur, c'est que l'État souhaite uniquement contenir l'orpaillage illégal, empêcher son développement. Nous avons demandé au Gouvernement de passer à l'étape suivante, c'est-à-dire l'éradication, mais la volonté politique n'existe pas encore.
D'autre part, vous souhaitez ajouter 4,5 millions destinés à la location d'hélicoptères privés afin de projeter les troupes. Or les forces de gendarmerie – les premières, avec les forces armées, mobilisées dans ce cadre – demandent non pas la location d'hélicoptères privés mais l'achat d'un second hélicoptère, ce qui offrirait une capacité de projection autonome, à tout moment et sur l'ensemble du territoire.
J'ajoute un élément important : la Guyane, à travers les services régaliens de l'État, ne pourra éradiquer le problème à elle seule. Les discussions avec le Suriname, à l'ouest, dans le cadre du conseil du fleuve Maroni, avancent bien, un travail conjoint est mené. En revanche, le dialogue entre la France et le Brésil, à l'est, dans le cadre de la commission mixte transfrontalière, a été amorcé mais n'a pas encore abouti car la situation est plus complexe de ce côté-ci. Ne me demandez pas pourquoi, je ne suis pas dans le secret de la diplomatie française.
En tout cas, le problème de l'orpaillage illégal ne pourra être réglé que si, premièrement, des moyens de projection aérienne sont réellement déployés, deuxièmement, les moyens humains et matériels suivent et, troisièmement, un accord tripartite est signé entre la France et les pays voisins, le Suriname et le Brésil.
Je le répète, jusqu'à présent, la volonté de la France n'est pas d'éradiquer mais de contenir ce phénomène. C'est une question fondamentale.
Comme je l'ai dit en commission, nous ne sommes pas favorables à cet amendement qui vise à donner davantage d'argent mais qui ne réglera pas le problème de fond. Or l'État doit se donner les moyens d'agir en profondeur.
Nous soutenons les forces armées qui accomplissent malgré tout un travail important. Cependant, nous ne mettrons pas fin à ce fléau tant que l'État français ne décidera pas de s'attaquer au fond du problème avec les pays voisins. Là est l'urgence aujourd'hui.
Pour aller dans le sens de ce que vient de dire M. Rimane, j'ai découvert, récemment seulement, une autre difficulté – certains ici la connaissaient peut-être. Il existait il y a encore peu de temps un problème de délimitation de frontière entre le Suriname et la France. Une zone de non-droit s'était en quelque sorte creusée et l'orpaillage s'y était développé jusqu'à ce qu'un accord de délimitation de frontière soit finalement trouvé après quelque quarante mois de conciliabules diplomatiques. Cela n'a pas été simple mais ce problème étant à présent réglé, notre action sera, je l'espère, plus efficace.
J'ajoute que l'amendement de Mme Le Pen est satisfait parce que nous consacrons déjà plus de 20 millions d'euros à cette question et que les crédits augmenteront encore en 2024.
Par ailleurs, un très beau rapport sur les activités minières, qui vient d'être publié, montre que des activités légales – je dis bien légales – sont possibles et que les gisements de Guyane, qui doivent être exploités de façon maîtrisée, constituent une richesse indéniable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 78
Nombre de suffrages exprimés 70
Majorité absolue 36
Pour l'adoption 30
Contre 40
L'amendement n° 3386 n'est pas adopté.
La parole est à M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 3311 .
Monsieur le ministre délégué, vous ne pouvez pas donner raison à Marine Le Pen sur l'importance de la lutte contre l'orpaillage illégal et sur l'ensemble des arguments qu'elle a exposés et émettre en même temps un avis défavorable sur son amendement. Ce rejet n'a aucun sens.
La lutte contre l'orpaillage illégal mérite davantage de moyens, aériens certes mais pas uniquement. Il faudrait aussi que nos militaires de l'opération Harpie soient équipés correctement et disposent de bateaux aux moteurs puissants. En effet, si vous êtes allé en Guyane – et je sais que c'est le cas –, vous avez constaté comme moi que ces militaires, dont il faut d'ailleurs saluer le travail remarquable et dangereux, étaient équipés de bateaux dont la puissance est trois à quatre fois inférieure à celle des engins détenus par ceux qu'ils sont censés combattre.
Les moyens que propose Marine Le Pen dans son amendement et ceux que je demande à présent dans cet amendement de repli permettraient de mieux équiper nos militaires et donc de mieux lutter contre l'orpaillage illégal.
Monsieur Rimane, je vous invite également à voter cet amendement qui va dans le sens de l'éradication de ce phénomène, un objectif que nous partageons tous.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Bis repetita : s'agissant des bateaux, vous aviez raison jusqu'à l'adoption de la Lopmi, la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, et de la LPM, la loi de programmation militaire, qui ont permis l'achat de bateaux permettant une projection rapide à l'est et à l'ouest et capables d'œuvrer sur le fleuve comme en mer. L'amendement est donc satisfait, en quelque sorte.
Cependant, il ne faut pas se limiter aux questions matérielles car alors on se méprendrait sur la réalité et la profondeur du problème. S'agissant du mercure, la France connaît parfaitement la situation des eaux et de la faune du territoire guyanais depuis les années 1980. Pourtant rien n'a changé, rien n'a été prévu pour y faire face, pas même la création d'un fonds de compensation. Par conséquent, vous imaginez bien que ce n'est pas l'achat de bateaux qui réglera le problème.
Vous appelez de vos vœux l'éradication du phénomène mais je rappelle que nous sommes confrontés en réalité à un problème politique. Le ministre délégué ici présent doit bien comprendre que l'État n'a pas décidé qu'il fallait éradiquer l'orpaillage illégal. Vous pouvez interroger les agents des forces armées comme la gendarmerie, tous vous donneront la même réponse : tant que le Gouvernement ne prendra pas la décision de passer à la phase d'éradication, l'orpaillage illégal continuera d'être perpétré sur le territoire guyanais.
Cher ministre délégué, dites à vos homologues de l'intérieur, des armées et à la Première ministre qu'il faut changer de doctrine sur cette question et qu'il est temps d'éradiquer le phénomène pour qu'il n'y ait plus un seul orpailleur sur le territoire guyanais. C'est tout ce que nous demandons ce soir.
Non, cher collègue Rimane, la Lopmi n'a pas prévu précisément l'acquisition de matériels plus puissants que ceux dont disposent les orpailleurs illégaux, c'est faux.
D'ailleurs, les services de l'État ont eux-mêmes reconnu que l'opération Harpie n'avait pas fait l'objet d'un plan pluriannuel d'investissement et qu'aucune acquisition de matériel plus puissant n'avait été prévue.
En réalité, on fait l'acquisition, non seulement pour les militaires engagés dans l'opération Harpie en Guyane mais plus généralement pour les forces de l'ordre en outre-mer, de matériel et de moyens qui ne sont pas du tout adaptés aux territoires concernés.
Pour l'anecdote, vous verrez dans le rapport pour avis que je viens de remettre que des agents m'ont même expliqué que les drones qu'ils utilisent ressemblent « à des jouets achetés à la Fnac », ce qui montre à quel point nous sommes incapables d'équiper correctement nos forces de l'ordre en mettant à leur disposition du matériel approprié pour qu'ils puissent exercer leurs missions, qu'il s'agisse de contrôler les frontières ou de surveiller et traquer les orpailleurs illégaux afin d'éradiquer le phénomène.
La réalité, c'est que la France n'est pas capable de faire l'acquisition de matériel approprié pour nos forces de l'ordre.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 81
Nombre de suffrages exprimés 71
Majorité absolue 36
Pour l'adoption 32
Contre 39
L'amendement n° 3311 n'est pas adopté.
Madame Rousseau, votre amendement n° 2680 dépasse le plafond de crédits donc nous ne pouvons pas en discuter. Il en va de même pour les amendements identiques suivants de la commission des finances et de M. Califer. En revanche, vous avez la parole pour soutenir l'amendement n° 2603 dont nous pouvons discuter parce qu'il porte sur 30 millions de crédits.
Un amendement à 30 millions pour la lutte contre le chlordécone, vous l'accepterez bien ! Il prévoit en effet que l'État assume davantage ses responsabilités s'agissant de la question du chlordécone puisqu'il vise à renforcer les moyens alloués au plan chlordécone. Si ma mémoire est bonne, cet amendement avait été accepté en commission des finances.
Malgré les alertes, on a continué à utiliser l'insecticide chlordécone dans la culture de bananes. Résultat : actuellement, plus de 90 % de la population adulte en Guadeloupe et en Martinique aurait été contaminée par ce pesticide.
Il est absolument nécessaire d'accorder davantage de moyens à la recherche sur les effets du chlordécone sur la santé, aux soins des personnes et à la réhabilitation et à la dépollution des sols. Cet amendement est indispensable.
Mme Rousseau a expliqué qu'un amendement sur ce sujet avait été voté en commission des finances. Il s'agit en réalité de l'amendement défendu par M. Califer qui prévoyait d'allouer au plan Chlordécone des crédits à hauteur de 50 millions. Malheureusement, pour des raisons budgétaires, nous ne pouvons pas étudier cet amendement ce soir. C'est pourquoi nous devons nous rabattre sur l'amendement de Mme Rousseau qui prévoit 30 millions de crédits.
Madame la présidente, je vous demande avec humilité une faveur : serait-il possible, avant de voter sur l'amendement, que les collègues des pays d'outre-mer s'expriment sur la question essentielle du chlordécone pendant les quinze minutes qui nous restent ? Le chlordécone, le mercure, les essais nucléaires et le rapport à l'État constituent des enjeux importants dans nos pays d'outre-mer et il serait important de pouvoir les évoquer à la fin de l'examen de cette mission.
Si certains collègues souhaitent s'exprimer sur cette question, ils auront évidemment tous la parole durant le temps qui nous reste.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
J'avais déjà eu l'occasion de vous répondre partiellement en commission, madame Rousseau.
Cet après-midi, dans l'hémicycle, j'ai clairement dit qu'une faute gravissime avait été commise à l'égard des utilisateurs du chlordécone.
J'ai rappelé également que le Président de la République a été le premier à le reconnaître, alors que ce produit était interdit depuis 1993. Cela doit amener chacun à un peu de réflexion sur ce qu'il s'est passé entre 1993 et 2018. Rien n'a dû se passer, en tout cas en termes de prise de conscience. Depuis, la prise de conscience est advenue, ainsi que la nécessité d'une réparation. Et cette réparation s'appuie, je le redis, sur deux volets : d'une part, le volet recherche évidemment, auquel nous consacrons 50 millions d'euros pour les trois prochaines années, de sorte que nous disposons des moyens suffisants pour entreprendre des programmes de recherche parce qu'il faut pouvoir maîtriser les technologies permettant de supprimer les résidus du chlordécone – de même qu'il y en a pour d'autres produits, notamment les dérivés atrazinés – et, d'autre part, le volet indemnisation, pour lequel nous ne manquons pas d'argent. Je rappelle que le Président de la République a déclaré que si jamais il est nécessaire de mobiliser des fonds complémentaires, ils le seront. Les crédits alloués à l'indemnisation augmentent d'ailleurs en 2024.
J'ai dit également que l'ensemble des dosages sanguins de la chlordécone sont gratuits, que les personnes atteintes doivent se faire connaître et que le montage des dossiers se fait exactement comme pour les essais nucléaires. Les communes sont en train de monter en puissance à travers les associations des maires, qui nous aident : il y aura un guichet à disposition pour toutes les personnes concernées de près ou de loin par les difficultés qu'entraîne le chlordécone, en particulier les agriculteurs qui en subiront certainement des conséquences dans les prochaines années. Enfin, pour toutes les pathologies provoquées par le chlordécone et qui peuvent conduire à des cancers, la prise en charge sera bien sûr intégrale. Le sujet a donc été pris à bras-le-corps.
J'ai rappelé également qu'une commission a été créée avec les associations et que j'ai passé plus de trois heures avec ses membres, et j'ai pu constater que des liens de confiance commençaient à s'établir. Je comprends que les représentants des associations aient été dubitatifs vis-à-vis de l'État, d'autant que des hommes et des femmes de votre sensibilité politique, madame Rousseau, étaient en responsabilité dans cet hémicycle ou ailleurs il y a quelques années encore, et aucune prise de conscience n'avait eu lieu alors – ne nous racontons pas d'histoires. La prise de conscience a depuis eu lieu, elle exige une réparation et la réparation se fera.
Je comprends bien votre amendement, par lequel vous appelez de vos vœux plus de financements complémentaires, mais je vous invite, lorsqu'on fera le bilan de l'année 2023, à en tirer les conclusions.
Il faut l'inviter à Mayotte, monsieur le ministre, comme vous l'avez promis cet après-midi !
Sourires.
Absolument, madame la députée. En tout cas, mes propos sont enregistrés et il y a un compte rendu, et je peux vous affirmer que si jamais il s'avérait nécessaire d'abonder le plan Chlordécone, nous serons au rendez-vous.
Voilà une question fondamentale que celle du chlordécone. Mais, monsieur le ministre, le plan est d'ores et déjà insuffisant pour identifier parfaitement les parcelles chlordéconées.
C'est pourtant fondamental pour indemniser toutes les victimes et pas uniquement celles qui ont travaillé dans des champs de bananes. Il y a des personnes qui meurent sans y avoir jamais travaillé. Je rappelle que le taux de cancer de la prostate est le plus important au monde en Guadeloupe et en Martinique, dix fois plus que dans l'Hexagone.
Vous avez dit que cet événement regrettable appartient au passé, mais je n'en suis pas si sûr. Ainsi, les eaux du barrage de Moreau, un million de mètres cubes provenant des sols contaminés de Basse-Terre, ont été libérées à destination de terres agricoles jusqu'ici indemnes en Grande-Terre. Est-ce que l'eau y a été déversée sans l'utilisation de filtre à charbon ? Nous n'avons pas de réponses claires, mais de grosses inquiétudes et j'aimerais que vous puissiez nous éclairer sur ce point.
En complément de l'intervention de mon collègue Serva, avec laquelle je suis entièrement d'accord, je rappelle qu'à l'époque de sa construction, on nous avait dit qu'il n'y avait aucun risque de présence de chlordécone dans les eaux du barrage de Moreau. Il était destiné à approvisionner en eau la Grande-Terre, qui n'en a pratiquement pas, en la prélevant en Basse-Terre. C'était pour nous une forme d'espérance, la Grande-Terre étant censée ne pas être chlordéconée puisqu'il n'y avait quasiment pas eu de plantations de bananes. Mais nous découvrons que du fait de l'épandage aérien, les terres de Goyave et les autres lieux où l'eau a été recueillie pour être stockée dans le barrage étaient devenus chlordéconés. C'est un véritable malheur de découvrir que la Grande-Terre est aujourd'hui contaminée parce que les agriculteurs de la Grande-Terre ont utilisé avec confiance cette eau du barrage de Moreau.
Monsieur le ministre délégué, vous avez indiqué qu'à l'aune du scandale sur le chlordécone, il fallait se poser des questions. Certes, mais pas seulement sur les usages passés. Je vais prendre l'exemple de La Réunion : de très nombreuses dérogations sont encore accordées pour des produits interdits partout ailleurs, sauf chez nous. Un arrêté récent, puisqu'il date du 4 août 2023, autorise la vente d'un biocide prohibé partout, sauf chez nous. On nous oppose souvent l'argument selon lequel on ne saurait pas faire autrement du fait des spécificités des climats et des cultures. Faute d'autre solution, on continue donc d'utiliser ces produits par dérogation, alors qu'on sait qu'ils sont nocifs et même mortels. S'il faut se poser des questions sur ce qui s'est passé, c'est pour ne pas renouveler les erreurs passées. On ne peut pas continuer en sachant que c'est dangereux pour la santé, sous prétexte qu'on ne sait pas faire autrement. Sinon, dans dix ou vingt ans, quand il faudra rendre des comptes aux générations qui nous succéderont, que leur dirons-nous ? Que nous savions qu'ils mourraient mais que nous n'avons pas cherché de solutions alternatives ni pris nos responsabilités ? Tirons des leçons de ce qui s'est passé, vous avez raison. Prenons nos responsabilités mais prenons-les maintenant, pas dans vingt ans.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La question du chlordécone est grave et c'est pourquoi, quel que soit le montant proposé pour l'indemnisation, je voterai toujours en faveur de l'augmentation des moyens alloués. À quel moment le préjudice qu'ont subi nos peuples de Martinique et de Guadeloupe a-t-il été évalué ? Jamais. Cette situation particulièrement grave a un impact à la fois sur la santé des hommes et des femmes mais également sur les activités économiques. Et croire que des millions et que les quatre plans successifs suffiront, c'est oublier que les moyens demeurent largement insuffisants. Je voudrais qu'on en prenne conscience. D'autant que, il faut le dire, l'État porte une lourde responsabilité, et cette décision de non-lieu nous a complètement traumatisés. Les peuples de Martinique et de Guadeloupe vivent cette situation comme une profonde injustice. Les 30 millions que demande notre collègue ne seront à cet égard qu'un élément d'apaisement, mais ils ne régleront pas le problème. Qu'importe, nous reviendrons avec d'autres propositions pour aller plus loin encore sur cette question, car il s'agit d'un scandale, purement et simplement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe GDR – NUPES.
Tout à l'heure, j'ai dit le débat me semblait quelque peu surréaliste quand on parlait de logement, mais ici, on est dans le drame. Et nous voilà en train de pinailler entre un amendement de la commission à 50 millions, un autre, celui de Mme Rousseau, à 30 millions, et un autre encore, le mien, à 25 millions. Nous faisons des comptes d'apothicaire pour savoir lequel va passer pendant que des hommes meurent atteints de cancer.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Pire encore, plusieurs études montrent qu'il y a un taux d'enfants assez important dans ce que l'on appelle le croissant bananier qui naissent avec des difficultés cognitives – avec tout ce que cela entraîne par la suite en termes de prise en charge. Et quand nous viendrons encore solliciter des financements pour pouvoir assurer cette prise en charge, nous serons regardés comme si nous étions de nouveaux mendiants sortant de nos territoires.
Chercher qui était au pouvoir avant est presque une faute, car tous les dirigeants politiques, tous partis confondus, ont été à un moment ou un autre au pouvoir, et la question se réglait directement à l'Élysée quand les grands propriétaires allaient chercher leur autorisation d'utilisation. Pourtant, on savait depuis longtemps, depuis que les États-Unis en avaient interdit l'utilisation, que ce produit est cancérigène, mais on a continué à l'autoriser en France : puisque c'était seulement dans les territoires d'outre-mer, pourquoi pas ? N'avait-on pas déjà fait perdurer dans le Pacifique une activité dont on ne voulait pas dans l'Hexagone et qu'on ne pouvait plus faire en Afrique du Nord ? Le temps est venu d'aller plus loin que le programme évoqué par le ministre délégué, c'est-à-dire vers une indemnisation véritable !
Monsieur le ministre délégué, vous avez rappelé que l'interdiction date de 1993, vous interrogeant sur ce qui s'est passé jusqu'en 2018. Mais que se passe-t-il aujourd'hui par rapport au mercure ? En matière de lutte contre l'orpaillage clandestin, la doctrine consiste à contenir, mon collègue Rimane l'a rappelé. Autrement dit, l'État français tolère que plus de 20 000 garimpeiros puissent à tour de rôle déforester, intoxiquer les populations au mercure et détruire la faune au cœur du parc national qui était censé être le dispositif de protection de la nature décidé en 1992.
Vous ne pouvez pas dire aujourd'hui que vous n'en saviez rien et que vous n'êtes pas responsable. C'est vous qui êtes aux affaires. Et la doctrine officielle imposée aux forces armées n'est pas d'éradiquer l'orpaillage clandestin, mais seulement de le contenir. Cette activité illégale produit chaque année 10 tonnes d'or depuis quarante ans. Il y avait 150 opérateurs légaux en Guyane ; il en reste à peine quinze. Ils ont été harcelés par l'administration. Pourtant, ils n'ont peur de rien, mais on les a placés dans une situation d'insécurité administrative au point de les faire disparaître au profit des garimpeiros.
C'est la responsabilité de l'État, en l'occurrence celle du Gouvernement actuel et de ses prédécesseurs depuis le début du quinquennat précédent. Cela fait des années que vous êtes aux affaires et que la situation perdure : ce n'est pas normal ! Six associations ont saisi la justice parce que les garimpeiros s'étendent vers le nord, à la rivière de Kourou – là où se trouve pourtant la base spatiale, hyperprotégée –, qui est polluée au mercure. Ce ne sont plus seulement les populations du fleuve qui sont touchées, ce qui était déjà un drame inadmissible, mais toute la population de la Guyane qui, comme celles de la Martinique et de la Guadeloupe, a été laissée pour compte, ce qui n'aurait jamais été accepté sur l'ensemble du territoire français !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES, ainsi que sur les bancs des commissions.
Monsieur le ministre délégué, au fond, vous venez de nous dire que le chlordécone est une erreur du passé, que l'État français a compris, qu'il faut bien réparer ce qui a été fait mais que, ô grand jamais, cela ne se reproduira. Mais c'est faux. L'État vient d'autoriser à La Réunion un pesticide qui s'appelle le fipronil, interdit depuis 2004 en France et dans l'ensemble des pays européens.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'analyse de cheveux d'enfants concernés a révélé une exposition très importante au fipronil, considéré comme un puissant neurotoxique, nocif par simple contact et pouvant contaminer les bébés par le lait maternel. Voilà ce que vous venez d'autoriser à La Réunion, dans la même logique que ce qui a été fait dans les Antilles avec le chlordécone. En clair, ce qui n'est pas bon pour la France, pour l'Europe, pour le monde même, peut l'être pour une colonie et les gens qui y vivent.
En effet, ce qu'il y a derrière tout cela, c'est évidemment la poursuite d'une politique coloniale qu'on connaît très bien, mais aussi la mainmise des monocultures et des monopoles qui y sont liés sur nos sociétés. Rappelons que sans ces monocultures et sans ces monopoles, il n'y aurait pas eu de scandale du chlordécone, ni celui du fipronil, ni tous les autres.
Il nous est donc assez difficile d'entendre ici un représentant de l'État dire à la représentation nationale que oui, c'est vrai, on a fait mieux que les autres qui n'ont rien fait, que cette substance n'existe plus et que les ultramarins sont traités de la même manière que les habitants des autres départements, car ce n'est pas vrai. Vous venez de faire exactement la même chose avec le fipronil que ce qui a été fait il y a trente ans avec le chlordécone. On a donc du mal à vous croire et s'il est un symptôme de ce qu'est la politique coloniale dans nos pays, c'est bien celui-ci.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Sans reprendre les arguments excellemment présentés par nos collègues, je reviendrai sur un fait grave : en réalité, il y a deux scandales du chlordécone. Le premier est celui de l'empoisonnement massif de nos sols et de nos eaux. Le deuxième scandale, c'est celui du non-lieu judiciaire qui est venu assommer l'espoir d'une reconnaissance. Au-delà des discours du Président de la République, l'action concrète tarde à se manifester sur le terrain. Nous en avons assez des paroles : nous avons besoin d'action, de décisions politiques qui se concrétisent et fertilisent le terrain, pour redonner confiance, pour redonner espoir.
Imaginez que cette molécule est interdite depuis 1976 aux États-Unis. Tout le monde était conscient des risques, mais les plus favorisés, les dominants dans nos territoires, ont eu droit à toutes les dérogations, seulement parce qu'ils ont noué des amitiés avec les gouvernants, de droite comme de gauche, qui se sont succédé à Matignon et à l'Élysée. Et selon nous, ces dérogations ne signifient pas autre chose qu'un permis de tuer à petit feu. C'est cela qui s'est produit.
Que nous soyons là à pinailler pour 25 ou 30 millions d'euros est une honte – une honte pour la France entière !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Je ne serai pas très long ; je ne reprendrai pas, moi non plus, tous les arguments qui ont été présentés, mais il est vrai que ce non-lieu est un scandale. Voici ce que je vous propose solennellement : cette assemblée souveraine devrait voter une loi pour lever toute prescription pénale pour les hauts responsables qui, à l'avenir, autoriseraient une substance interdite qui contamine l'environnement et les hommes. C'est bien l'absence d'une telle loi qui a abouti à ce non-lieu, lequel vient confirmer la prescription – circulez, il n'y a rien à voir. J'insiste : nous devons, dans cette assemblée, voter cette loi pour lever la prescription des décisions prises par des acteurs politiques qui aboutiraient à contaminer l'environnement et les hommes ; il faut qu'ils puissent être reconnus responsables, à n'importe quel moment, dès lors qu'une action en justice aura été intentée.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Vu l'heure qu'il est, je m'efforcerai d'être bref sur cet ultime amendement. Ce soir, nous vivons le remake de l'an dernier. Sauf que, cette fois-ci, nous n'irons pas jusqu'au vote des crédits. Souvenez-vous : l'an dernier, des crédits avaient été adoptés par l'ensemble des députés d'outre-mer issus de tous les bancs de l'Assemblée, accordant ainsi 240 millions d'euros supplémentaires aux outre-mer. Nos collègues d'outre-mer avaient, comme ce soir, partagé leur expertise et un certain nombre d'informations sur divers sujets, tels que le besoin de logements, le chlordécone, l'eau, ou encore la continuité territoriale. Il faut bien avouer que la très grande majorité des députés ici présents ne disposent pas d'une telle expertise. C'est certainement la raison pour laquelle nos collègues ultramarins parviennent aussi bien à nous convaincre.
Le présent budget peut être élaboré comme celui de l'an dernier, en adoptant quelques amendements qui actent des crédits supplémentaires d'un montant infinitésimal. Il me semble que nous n'avions voté que 50 millions d'euros supplémentaires. Votre prédécesseur, monsieur le ministre délégué, nous avait promis, après cette soirée mémorable, qu'il en tiendrait compte l'année suivante. Manifestement, il n'a pas respecté son engagement car, cette année, les députés d'outre-mer – qui, en quelque sorte, présentent une ardoise à la nation – demandent des crédits d'un montant supérieur.
J'espère que plus de 5 % des amendements adoptés ce soir seront maintenus lors de l'activation du 49.3, d'autant que nous savons que cette mission budgétaire aurait été votée par la grande majorité des députés de cette assemblée – notamment par tous les députés d'outre-mer – si nous étions allés jusqu'au bout des discussions. J'espère, monsieur le ministre délégué, que vous tiendrez davantage compte des amendements qui ont été votés sur des sujets aussi importants.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Avant de céder la parole à M. le ministre délégué, je vais mettre cet amendement aux voix.
L'amendement n° 2603 est adopté.
C'est un beau débat que nous venons d'avoir sur les territoires ultramarins, même s'il mériterait qu'on y passe quelques heures de plus. Mais les règles budgétaires sont ainsi faites…
Je veux d'abord dire au président Coquerel que, l'an dernier, la partie du texte soumise au 49.3 avait accordé 50 millions d'euros supplémentaires aux outre-mer par rapport à ce qui était initialement prévu – vous aviez alors adopté des amendements actant une hausse budgétaire de 250 millions d'euros. Nous ferons les comptes, monsieur le président : si vous regardez l'évolution du présent budget par rapport à celui de l'année dernière, nous ne serons pas loin d'accorder 200 millions d'euros de plus, après le recours au 49.3. C'est un montant bien plus important, qui témoigne d'un effort significatif. Je vous donne rendez-vous lorsque la liasse définitive des dispositions retenues paraîtra – elle sera naturellement communiquée à tous les parlementaires.
Je ne peux pas vous laisser dire que ce budget est un budget de récession. C'est un budget offensif, même si je reconnais qu'on pourrait toujours faire plus. Résoudre la quadrature du cercle est un exercice difficile – le rapporteur général ne le sait que trop bien –, mais les territoires ultramarins ne sont pas oubliés.
Vous avez soulevé le problème du logement, monsieur le président Coquerel. Vous noterez que nous y allouons 70 millions d'euros de plus cette année ; nous sommes donc bien au rendez-vous. J'ai affirmé tout à l'heure que s'il y avait une meilleure mobilisation, nous trouverions les voies et les moyens pour aller plus loin. J'en profite pour dire devant la représentation nationale qu'une mission conjointe sur le logement en outre-mer sera lancée par le ministre du logement et moi-même. Parce qu'avec les normes RUP, on ne pourra pas s'en tenir à la modélisation que nous connaissons : comme cela a été rappelé à de nombreuses reprises, il faut avancer plus vite et plus fort pour affronter cette crise du logement.
Madame Louwagie, vous aurez compris que je n'avais pas l'intention de mettre ce sujet de côté, au moment où l'on doit analyser l'efficacité de ces dispositifs. Ce qui m'intéresse, ce sont des dispositifs qui permettent de construire mieux et de lutter contre la précarité énergétique – je sais que vous êtes particulièrement sensible à ce sujet, madame Rousseau. Sachez que nous serons, encore une fois, au rendez-vous. Cette mission interministérielle sera à même de nous éclairer, de la même façon que le Sénat nous a éclairés sur un certain nombre de dispositifs.
Quant à la continuité territoriale pour l'année 2024, je ne peux pas vous laisser dire que nous resterions les bras ballants ! On est forcément au rendez-vous lorsqu'on met 23 millions d'euros de plus, qu'on élargit le dispositif et qu'on donne la possibilité aux étudiants de revenir dès les vacances de Noël, qu'ils soient boursiers ou non, avec une prise en charge intégrale des billets d'avion.
Idem lorsqu'on alloue 300 millions d'euros en soutien aux compagnies aériennes, comme nous l'avons fait depuis trois ans. Mais je suis conscient que nos efforts sont encore insuffisants. Je le dis devant les députés de la Guyane, en particulier, qui connaissent des problèmes de capillarité. Au mois d'août, la compagnie aérienne interrégionale express (Caire) a été mise en liquidation judiciaire ; il a donc fallu mettre en place des dessertes de toute urgence, qui demeurent incomplètes à ce jour. Ce que je dis est aussi valable pour l'océan Indien et les Antilles, notamment Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
Et puis il y a le sujet très important du chlordécone, qui me marque beaucoup. Tout à l'heure, vous demandiez ce qu'il s'est passé depuis 1993. C'est une question que je reprendrai à mon compte : que s'est-il en effet passé depuis 1993 ? J'ai regardé les débats parlementaires ; je sais que de grandes voix, de grands visages se sont élevés dans cet hémicycle pour critiquer l'utilisation du chlordécone ; nombreux sont ceux qui ont dénoncé cette faute, ce manque de transparence, cette absence d'indemnisation. Ce soir, vous nous dites qu'il n'y a pas assez d'argent dans les caisses.
Pardon de vous le dire, mais le Président de la République a au moins le mérite d'avoir reconnu ce problème. En outre, un système d'indemnisation a été mis en place, alors qu'il n'existait pas il y a encore trois ans – vous ne pouvez pas le nier ! Enfin, je peux témoigner du travail qui a été accompli par la direction générale des outre-mer (DGOM) avec les associations concernées, dont j'ai rencontré les représentants ; ils m'ont avoué combien il leur était difficile d'évoquer de ce sujet-là et je le comprends mille fois.
J'ai assuré que nous allions mobiliser 50 millions d'euros en faveur de la recherche. S'il faut aller plus loin, nous serons encore au rendez-vous. Monsieur Serva, vous évoquiez tout à l'heure les cas de cancers de la prostate. Sachez, monsieur le député, que tous les cas décelés seront pris en charge à 100 %. C'est aussi notre honneur que de reconnaître une erreur. Vous avez été président de la délégation aux outre-mer ; pendant la durée de votre mandat, vous avez pu constater, avec satisfaction, que le Gouvernement avait avancé sur ce sujet.
Je voudrais maintenant revenir sur les doutes qui ont été émis quant au dosage du chlordécone dans la retenue d'eau du barrage de Moreau, en Guadeloupe. Vous savez que j'aime être précis : la dose de chlordécone acceptée est de 0,10 milligrammes par litre. Neuf dosages ont été réalisés et, à neuf reprises, le résultat était égal au tiers de la concentration acceptable pour utiliser l'eau du barrage. J'ai avec moi des éléments qui peuvent en attester ; je pourrai vous les communiquer, si vous le souhaitez. Une fois – il est vrai –, le résultat s'est avéré supérieur au seuil acceptable.
À la suite de ce résultat, quinze dosages successifs ont été réalisés – vous le savez, monsieur Serva, car vous connaissez parfaitement vos dossiers – et la région, le département et l'État ont tous trois autorisé la reprise de l'irrigation des terres agricoles avec l'eau du barrage. Encore une fois, je pourrai vous communiquer les éléments à ma disposition. Vous avez bien fait de m'alerter sur ce barrage : rassurez-vous, ma vigilance sera totale.
À Mayotte, j'ai demandé que les analyses d'eau soient communiquées aux mairies, ce qui n'était pas le cas auparavant, car on n'a pas le droit de mentir à la population sur ce sujet. La meilleure interface – ou tiers de confiance –, c'est le maire. Il doit donc être tenu informé des résultats de ces analyses.
Enfin, concernant les dosages sanguins et les dosages d'eau, il y a des seuils qui s'appliquent au chlordécone. Toute concentration supérieure au taux autorisé justifiera l'interdiction immédiate de la consommation de tout produit à base de chlordécone, l'eau en particulier. Une fois de plus, ma vigilance est totale et elle sera encore plus forte à l'avenir.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Nous en avons terminé avec l'examen des crédits de la mission "Outre-mer" . En application de l'article 50, alinéa 4, du règlement, je vais lever la séance.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2024 : examens des crédits des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation.
La séance est levée.
La séance est levée, le mardi 7 novembre 2023, à zéro heure dix.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra