Intervention de Julien Aubert

Réunion du mercredi 12 décembre 2018 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Aubert, président de la mission d'information :

Plusieurs questions ont évoqué, directement ou non, le lien entre le blockchain et le monde réel.

Pour ce qui est de l'environnement fiscal et réglementaire, je suis convaincu que cette technologie étant balbutiante et n'ayant, dès lors, qu'un impact budgétaire encore très limité, nous serions bien avisés de faire l'inverse de ce que nous avons toujours fait, c'est-à-dire de mettre le moins de freins possible au développement du système, de manière à créer un écosystème national. Ainsi, nous nous donnons une chance d'être un jour dotés du « Facebook de la blockchain », ce qui permettrait à nos normes de s'imposer au reste du monde.

Quelqu'un a évoqué les économies que pourrait permettre le recours à la blockchain. Moi qui viens du monde de la haute fonction publique, j'ai eu affaire dans les années 1990 aux vendeurs de rêve qui nous expliquaient que la mise au point et l'utilisation de super-logiciels allaient nous permettre d'économiser beaucoup d'argent. Or, nous avons fini par nous retrouver avec des systèmes numériques d'un côté et du papier de l'autre et, s'il y avait bien des gains de productivité, ils n'étaient pas aussi importants que nous l'avions espéré, à cause de ces doublons. Pour que l'État et la sphère publique en général s'approprient la blockchain, nous devrions choisir un sujet d'expérimentation, ce qui pourrait se faire au sein même du Parlement. Si l'Assemblée nationale appliquait cette technologie sur un pan de l'activité des députés, nous serions directement confrontés aux changements qu'elle induit, ce qui nous permettrait de faire le bilan des avantages qui en découlent, mais aussi d'éventuels inconvénients – je pense notamment aux coûts cachés inhérents à toute transformation technologique.

Je crois qu'il faut distinguer ces deux sujets bien distincts que sont, d'un côté la blockchain, de l'autre le bitcoin. Le bitcoin pose la question de la consommation énergétique, ce qui présente au moins l'avantage de faire apparaître son impact dans le monde réel. Aujourd'hui, on essaie de s'affranchir de cet effet par une forme de virtualisation de la création de valeur, avec le risque de parvenir au stade d'une émancipation totale – à l'image de ce qui se passe dans le monde de la finance, où la valeur ajoutée se crée indépendamment de l'économie réelle. Sans doute conviendrait-il de mener une réflexion sur la façon dont les modèles économiques peuvent se bâtir.

Enfin, je veux souligner que la traçabilité et la fiabilisation que permet la blockchain ont exactement les mêmes limites que dans le monde réel. Toutes les opérations figurant dans un livre de comptes ont beau être rigoureusement exactes, si les chiffres de départ sont faux, vous n'aurez qu'une comptabilité magnifiquement exacte de chiffres faux ! C'est la même chose avec la blockchain qui, si elle offre des garanties inégalées en termes de traçabilité, dépend toujours de la fiabilité des données introduites dans le système à l'origine. Comme vous le voyez, l'articulation entre une technologie très prometteuse et un monde réel comportant inévitablement des risques de fraude est une question essentielle, ce qui explique qu'elle se trouve au coeur du rapport de notre mission.

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