Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du jeudi 11 avril 2019 à 11h10
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges :

Madame la ministre, chère Amélie de Montchalin, permettez-moi de joindre mes compliments à ceux de mon collègue. Je crois pouvoir dire au nom de mon groupe politique que cette nomination est très méritée, très justifiée. En vous confiant ces responsabilités ministérielles, le Président de la République et le Premier ministre ont donné à la France une personne extrêmement compétente et dévouée au bien public, qui sera capable de défendre très efficacement nos intérêts et l'idée européenne.

Je vous ai bien « pratiquée » à la commission des finances, je vous ai vue parfois un peu brutale, je vous ai toujours vue extrêmement active et compétente, et j'ai vu que, progressivement, vous vous faisiez à la vie parlementaire. Au moment où vous vous êtes faite à la vie parlementaire, vous accédez à la vie ministérielle. Je ne doute pas que vous y ferez un parcours tout à fait remarquable. Sincèrement, chère Amélie de Montchalin, toutes mes félicitations, en mon nom propre et au nom de nos collègues.

Je ne parlerai que du compromis passé hier. Comme chacun, j'ai constaté au cours de ces derniers jours, les efforts du Président de la République pour faire que ce compromis soit le moins mauvais possible, mais je dois dire que je ne suis pas du tout convaincu par la nature de ce compromis, je ne suis pas non plus convaincu de sa pertinence juridico-politique.

Je comprends très bien quelle était la situation politique Nous étions très seuls face à un ensemble de pays qui, manifestement, par les temps qui courent, se moquent des principes juridiques et politiques qui devraient régir la vie de l'Union.

Mais je ne comprends pas. Vous avez dit que les Britanniques ne se mêleraient pas pendant les prochains mois des décisions qui ne les concernent plus, mais qu'en est-il si des décisions concernent les Britanniques ? La Cour de justice européenne a rendu un avis déconcertant auquel vous avez fait allusion, fondé sur une lecture littérale du Traité. La Cour a estimé que, l'article 50 du Traité sur l'Union européenne comportant le mot « intention », on ne pouvait tenir la notification pour une décision. C'est assurément une erreur de rédaction des auteurs de l'article 50, car l'interprétation de la Cour prive de tout sens le mécanisme de ces deux ans de compte à rebours qui séparent la décision de partir de sa mise en oeuvre.

La seule chose imaginée au moment où fut rédigé l'article 50, c'était que l'État qui partait, avec ou sans accord, ne pouvait pas rester. À partir du moment où il peut rester, il peut rester jusqu'au dernier jour. Monsieur de La Palice dirait que tant qu'on n'est pas sorti du club, on en reste membre. Jusqu'au 31 octobre, les Britanniques resteront membres à part entière de l'Union européenne, ce que je comprends, mais, dès lors, je suis extrêmement choqué par le fait qu'ils vont être associés à part entière, car il n'y a aucune raison de limiter leur capacité juridique pendant toute la période de mise en place de la prochaine législature. J'aurais compris que l'on n'accepte que les Britanniques restent dans l'Union que jusqu'au 30 juin prochain, jusqu'à la mise en place du nouveau Parlement ; c'eût été un très bon compromis.

Je sais ce que c'est que la mise en place du Parlement européen, avec la règle d'Hondt, les rapports de forces entre les partis, la distribution des postes de président de commission, l'élection du président du Parlement, tout un ensemble de choses. Au niveau du Conseil, un président est désigné, puis il y a un accord collectif sur les commissaires. Et pourquoi n'y aurait-il pas de commissaire britannique puisque, de toute manière, les Britanniques peuvent rester jusqu'au 31 octobre ? S'ils restent sans qu'il y ait de commissaire britannique, nous sommes dans une situation de très grande confusion juridique. Les mois de juillet à octobre sont essentiels pour la mise en place de toute une nouvelle législature. Il est tout à fait extravagant de faire qu'y participe, même s'il a la possibilité de rester, un État qui a décidé de ne plus faire partie du club. La situation est juridiquement assez insupportable. C'est de très mauvais augure pour cette prochaine législature.

L'affaire est très sérieuse, et nous voyons bien là la vérité de cette formule du général de Gaulle, qui, en 1967, lorsqu'il opposa un deuxième veto à l'entrée du Royaume-Uni dans la Communauté économique européenne (CEE), évoquait un « consentement à tous les artifices, délais et faux-semblants qui tendraient à dissimuler la destruction d'un édifice qui a été bâti au prix de tant de peine et au milieu de tant d'espoir ». Nous sommes dans l'absurdité complète. Je n'en fais pas grief au président Macron car je vois à quel point il était isolé, mais c'est bien ce qui m'inquiète : ses vingt-six collègues marchent sur la tête.

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