Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Réunion du mardi 19 mars 2019 à 16h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AVS
  • MDPH
  • PIAL
  • autisme
  • parcours

La réunion

Source

Mardi 19 mars 2019

La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

Présidence de Mme Jacqueline Dubois, présidente de la commission d'enquête

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La commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, procède à l'audition des associations ayant réalisé une enquête sur le déroulement de la dernière rentrée scolaire pour les élèves en situation de handicap :

- Mme Odile de Vismes, présidente de l'association Tous pour l'inclusion ! (Association TouPI

- Mme Danièle Langloys, présidente de l'association Autisme France

- Mme Caroline Coutant, vice-présidente de l'association Info Droit handicap.

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Mes chers collègues, notre commission d'enquête débute ses travaux en auditionnant les représentants d'associations ayant réalisé une enquête sur le déroulement de la dernière rentrée scolaire des élèves en situation de handicap.

Nous recevons Mme Odile de Vismes, présidente de l'association Tous pour l'inclusion (TouPI), Mme Danièle Langloys, présidente de l'association Autisme France, et Mme Caroline Coutant, vice-présidente de l'association Info Droit Handicap.

Je vous souhaite, mesdames, la bienvenue.

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demande de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Mmes Odile de Vismes, Danièle Langloys et Caroline Coutant prêtent successivement serment.

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Je vous donne la parole pour un court exposé, qui se poursuivra par un échange de questions et de réponses.

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Odile de Vismes, présidente de l'association Tous pour l'inclusion (TouPi)

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je tiens à vous remercier de votre invitation à cette audition.

Je suis la présidente de l'association TouPi, une association de défense des familles d'enfants qui ont un handicap cognitif. Nous accompagnons chaque année des centaines de familles dans les démarches liées au handicap de leur enfant. Les demandes concernant la scolarisation représentent plus de la moitié des demandes qui nous sont adressées par les familles. Depuis la rentrée de septembre, ce sont ainsi plus de 260 parents d'enfants handicapés qui nous ont contactés pour des problèmes liés à la scolarisation de leur enfant.

Ces familles nous parlent des auxiliaires de vie scolaire (AVS) qui accompagnent certains élèves handicapés en classe. Elles nous parlent en particulier de ceux qui sont absents, de ceux qui ne sont pas là à la rentrée, de ceux qui disparaissent en cours d'année parce que leur contrat aidé a pris fin ou parce qu'ils ont démissionné à force d'être payés au lance-pierre, de ceux qui sont en arrêt maladie ou en formation et que l'inspection d'académie ne remplace pas. Or, selon nos estimations, quand l'AVS est absent, dans près de 20 % des cas, l'enfant est déscolarisé.

Les familles nous parlent aussi du temps de scolarisation de leur enfant, qui est parfois réduit à presque rien. Certains des enfants scolarisés dans des classes ordinaires, d'autres dans des unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS), classes à petit effectif intégrées dans des écoles ordinaires, ne sont scolarisés qu'une heure par jour. Une heure par jour, c'est bon pour les statistiques : ces enfants sont officiellement scolarisés. Mais vous imaginez bien qu'un enfant ne peut pas apprendre, ou très peu, s'il bénéficie de six fois moins d'heures de scolarisation que ses camarades.

Les familles nous disent aussi que les besoins de leurs enfants ne sont ni compris ni reconnus parce que les enseignants et les auxiliaires sont insuffisamment formés pour être en mesure de répondre aux besoins de leurs enfants, et aussi parce que le guide d'évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation (GEVA-SCO), rempli en réunion à l'école et destiné à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), ne permet pas de définir précisément les aménagements, les adaptations ni les compensations nécessaires à l'enfant. De plus, bien que la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoie que la MDPH rédige de manière systématique un projet personnalisé de scolarisation (PPS), il est, dans les faits, extrêmement rare qu'elle le fasse. Autrement dit, les besoins réels de l'enfant, les aménagements et les adaptations pédagogiques dont l'enfant devrait bénéficier ne sont généralement indiqués sur aucun document officiel.

Les familles nous parlent aussi de leurs enfants qui sont refusés à la cantine ou dans le cadre des activités périscolaires parce que personne ne veut assurer leur accompagnement. L'Éducation nationale et la mairie se renvoient la balle, la loi ne disant pas clairement de qui relève cet accompagnement.

Les familles nous parlent de leurs enfants dont elles ont finalement décidé – ou été contraintes – d'assurer elles-mêmes l'instruction en utilisant les services du Centre national d'enseignement à distance (CNED), après des années passées à se battre en vain pour les scolariser dans de bonnes conditions.

Les familles nous parlent de leurs difficultés avec les MDPH, qui portent principalement sur les notifications : celles-ci ne correspondent pas à leurs demandes, ni aux besoins de leurs enfants. Par exemple, il arrive fréquemment que la MDPH notifie une orientation en établissement spécialisé, alors que les parents demandaient une orientation en ULIS, au sein d'un établissement ordinaire. À présent, les MDPH octroient de plus en plus d'accompagnements mutualisés, c'est-à-dire de moins en moins d'accompagnements individuels.

Qu'est-ce qu'un AVS « mutualisé » ? C'est un AVS partagé entre plusieurs enfants, plusieurs classes, voire plusieurs établissements, et dont le nombre d'heures d'intervention auprès de l'enfant est décidé par l'école et non par la MDPH. L'accompagnement par un AVS mutualisé est bien souvent de quelques heures par semaine. Or, à l'heure actuelle, même pour des handicaps comme la trisomie 21, cet accompagnement mutualisé devient la norme. Les familles doivent alors former des recours contre les décisions des MDPH, mais cela aussi s'avère de plus en plus difficile car, depuis cette année, on ne peut plus saisir le tribunal directement. Il faut d'abord faire un recours administratif auprès de la MDPH qui a, théoriquement, deux mois pour répondre. Ce n'est qu'au terme de ces deux mois que le parent pourra former un recours auprès du tribunal, qui ne statuera que bien après la rentrée scolaire. Qu'advient-il de l'enfant pendant tout ce temps ?

On nous dit que plus de 340 000 élèves handicapés sont scolarisés dans des établissements de l'Éducation nationale et que ce nombre ne cesse d'augmenter. Ils étaient en effet 133 000 en 2004. Par ailleurs, il y a toujours autant d'élèves dans les établissements spécialisés : 77 000 en 2004, 78 000 en 2017. Peut-on vraiment affirmer que l'école est devenue plus inclusive depuis 2005 alors qu'il n'y a pas eu de basculement des effectifs d'élèves des établissements spécialisés vers les établissements ordinaires ?

J'aimerais beaucoup pouvoir vous livrer des chiffres sur la situation réelle des élèves handicapés à l'école, mais force est de constater que c'est un secret bien gardé. Nous avons réalisé à la rentrée 2018 une enquête à laquelle près de 2 000 parents ont répondu. Les résultats nous amènent à penser que 12 000 à 15 000 enfants handicapés sont privés d'AVS tout au long de l'année, et plus encore à la rentrée de septembre. Mais le nombre officiel n'est jamais communiqué, sauf de temps en temps, au détour d'un rapport comme celui de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en juin 2018, qui nous a appris que plus de 11 000 élèves handicapés étaient sans AVS en mars 2017.

J'aimerais donc que votre commission entende la déléguée ministérielle à l'inclusion scolaire, car nous aimerions beaucoup savoir combien d'élèves handicapés n'ont pas d'AVS et combien sont déscolarisés pour cette raison ; quel est le temps effectif de scolarisation des élèves handicapés ; quel est le nombre moyen d'enfants suivis par AVS ; combien d'enfants n'ont pas de place en ULIS malgré une notification de la MDPH ; quelle est la part des enfants qui ont véritablement un projet personnalisé de scolarisation, rédigé par la MDPH ; combien de parents d'enfants handicapés ont choisi l'instruction en famille ou le CNED ; quel est, enfin, le nombre réel d'AVS, étant donné que, chaque année, on change d'unité de mesure : on nous parle de nombre de contrats, d'équivalents temps plein (ETP), d'agents, et cette année le Gouvernement nous annonce comme une excellente nouvelle la suppression de 30 000 contrats aidés.

Des questions et des inquiétudes, nous en avons donc beaucoup ! Monsieur le rapporteur, nous avons entendu Mme Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, lorsque vous l'interpelliez en septembre, vous reprocher de donner des angoisses aux familles. Mais ce n'est pas vous qui créez ces angoisses. Elles s'expriment tout au long de l'année, les parents nous en font part. C'est le système tout entier qui les nourrit.

Cette année, nous sommes plus inquiets encore parce que nous constatons que le projet du Gouvernement vise à mutualiser davantage encore l'aide humaine aux élèves handicapés et donc de réduire les moyens accordés à chacun d'eux individuellement.

Nous vous remercions d'avoir constitué cette commission d'enquête. Vous nous donnez l'espoir que les choses puissent changer par la force de votre volonté politique.

Pour y arriver tous ensemble, nous avons beaucoup d'idées et de propositions. Nous les avons partagées avec vous dans un document que nous vous avons transmis hier ; nous vous proposons de les détailler aujourd'hui, si vous le souhaitez, dans la suite de cette audition.

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Danièle Langloys, présidente de l'association Autisme France

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, je vais m'appuyer essentiellement sur le sujet de l'autisme, dans la mesure où c'est à ce titre que j'ai une légitimité.

Mon association a fêté cette année ses trente ans, et cela fait trente ans que nous demandons un diagnostic et une intervention précoces, une inclusion en milieu ordinaire la plus large possible et une formation actualisée et scientifique à l'autisme pour les professionnels de tous ordres – sans les avoir vraiment obtenus comme vous pouvez le constater.

Il existe beaucoup de documents sur l'autisme. C'est au moins un avantage par rapport à d'autres champs du handicap. Nous bénéficions aussi des remontées de notre réseau dont nous nous sommes servis pour dresser les constats suivants.

La scolarisation des enfants autistes progresse régulièrement mais de façon encore limitée, inégale et émaillée de nombreuses ruptures de parcours. Les derniers chiffres qui nous ont été fournis par l'Éducation nationale – mais en petit comité, et cela n'a donc strictement rien d'officiel – estiment à 36 200 le nombre des élèves autistes en milieu ordinaire, 75 % en classes ordinaires, 25 % en ULIS, et à 12 900 le nombre des enfants en établissement, sans que l'on soit capable de dire de quelle manière les enfants en établissements médico-sociaux sont scolarisés, ces chiffres n'apparaissant nulle part.

68 % des enfants sont dans le premier degré, 8 % au lycée. Cela montre les difficultés de parcours pour un enfant autiste quand il a dépassé l'école primaire.

71 % des élèves souffrant du spectre de l'autisme (TSA) sont accompagnés par un accompagnant d'élève en situation de handicap (AESH). Ils représentent 49 % des demandes acceptées. C'est dire l'importance de l'accompagnement pour les élèves autistes à l'école.

45 % des élèves autistes bénéficient d'un AESH à temps partiel, contre 18 % pour l'ensemble des élèves en situation de handicap, marquant, là encore, les difficultés particulières de la scolarisation des enfants autistes.

D'une certaine manière, la loi de 2005 a profité aux enfants autistes quand les familles ont fait jouer leurs droits, ce qui était bien normal. Mais c'est souvent au prix de batailles incessantes et de contentieux fréquents. Alors même que le chantier MDPH en cours associe les MDPH à la société inclusive, les MDPH sont souvent peu en phase avec l'école inclusive. On impose souvent une orientation en institut médico-éducatif (IME) ou en institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP), alors que l'agrément ne correspond pas aux enfants autistes et que la culture psychanalytique des intervenants est un désastre. Les demandes d'AVS sont peu prises en compte à la hauteur des besoins, on refuse des auxiliaires de vie scolaire individuels (AVSI) en ULIS, alors que rien ne l'interdit et que les auxiliaires ayant une mission collective ne répondent pas aux difficultés.

Les enseignants sont très peu formés aux handicaps, encore moins à l'autisme. Les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) sont une occasion ratée, puisque ce sont les universités qui sont chargées de la formation des enseignants et que l'Éducation nationale n'a pas la main sur leur formation, ce qui est très regrettable. Si la formation dispensée par l'ESPE de Lyon sur l'autisme est exemplaire, ce n'est absolument pas le cas dans d'autres écoles.

La scolarisation des enfants autistes repose sur une difficulté majeure qui commence à être un peu mieux comprise. Comment allier les aménagements pédagogiques et le soutien éducatif nécessaires à ces enfants ? Cela a été compris dans le cadre des unités d'enseignement maternel. C'est une belle expérimentation qui montre comment l'alliance des professionnels, à la fois de la scolarisation et de l'éducation, permet les progrès des enfants. Malheureusement, excepté dans ces unités maternelles qui vont se développer, ce qui est une bonne chose, ce n'est pas le cas ailleurs. Il n'y en aura en 2022, sur l'ensemble du territoire, que 45 dans l'enseignement élémentaire, ce qui est très peu.

Ailleurs, cette alliance nécessaire entre le soutien éducatif et le travail pédagogique n'est pas assurée. Souvent, les familles essayent de s'appuyer sur des intervenants libéraux qu'elles financent à leurs frais. Il existe très peu de services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) dédiés, et leurs listes d'attente sont souvent de trois ou quatre ans. Il en va de même quand il y a orientation en IME. Il ne faut pas croire que c'est la panacée : la liste d'attente est, là aussi, de trois ou quatre ans.

Les élèves autistes sont très majoritairement accompagnés en classe, mais l'AVS ou l'AESH n'est pas la bonne personne, puisqu'elle n'a pas les compétences requises. Dans d'autres pays, au Québec, par exemple, les élèves autistes sont accompagnés par des intervenants techniques, des éducateurs spécialisés. Recrutés à un niveau « bac + 2 », l'éducateur spécialisé est un personnel technique qui peut intervenir à l'école, à domicile, dans un service, là où c'est nécessaire. La manière d'envisager le problème y est autre qu'en France, où l'on demande à des AVS, dont certains – je tiens à le dire – sont exemplaires, de se former sur le terrain. Il y a même des parents qui le font, qui deviennent AVS et qui sont des experts de très haut niveau, mais cela reste quand même marginal et c'est un bricolage qui n'est pas acceptable. En France, on ne repère pas les bonnes expertises pour former d'autres personnes, et beaucoup d'AVS se cassent la figure ou changent d'activité en cours d'année, mettant en danger la scolarisation des enfants.

Ainsi que le soulignent tous les rapports, la scolarisation est plus simple à réussir si elle est précédée d'un diagnostic et d'une intervention précoces. Or, comme chacun sait, c'est peu souvent le cas.

Les recommandations sur le diagnostic ont été actualisées en 2018. Le diagnostic est fiable à partir de dix-huit mois. Nous en sommes encore très loin en France. C'est aussi ce qui met en échec la scolarisation. Si on réalisait plus tôt le travail d'intervention qui permet aux enfants de stabiliser leur comportement, d'acquérir un comportement d'élève dès la maternelle, nous connaîtrions moins d'échecs ensuite. Certes, cela ne résoudrait pas tous les problèmes mais cela en résoudrait beaucoup. C'est ce que font d'autres pays qui engagent le maximum de moyens en faveur de l'intervention précoce pour limiter les sur-handicaps futurs, notamment au moment de la scolarisation.

Il en va pour la formation professionnelle comme pour la scolarisation. Cela a valu à la France cinq condamnations successives pour violation de la Charte sociale européenne, pour discrimination dans l'accès à l'éducation et à la scolarisation, mais aussi à la formation professionnelle.

Le lien entre la stratégie « autisme » et le chantier « école inclusive » n'a pas été pensé, ce qui me choque profondément. La stratégie « autisme » inclura des enseignants-ressources. Je ne vois pas le lien avec les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL). Si nous pouvions, grâce à vous, assurer une meilleure cohérence de l'ensemble des chantiers qui sont menés au niveau national, tous les enfants en situation de handicap en profiteraient.

La promotion de l'école inclusive et la stratégie « autisme » ont, elles aussi, été mal pensées. Les enfants ont des profils différents et les ruptures de parcours très fréquentes sont liées à la mauvaise analyse de leurs besoins, sans compter que les réponses n'existent pas ou sont peu nombreuses.

La stratégie en faveur de l'autisme a essentiellement porté sur les jeunes enfants, ce que je ne conteste pas, mais il faut aussi avoir conscience du fait que les enfants grandissent et qu'ils auront besoin de parcours fondés sur leurs centres d'intérêt. Si l'on aménageait les parcours scolaires en dispensant les enfants des matières dans lesquelles, de toute façon, ils seront en échec, on permettrait à un très grand nombre de s'appuyer sur ce qu'ils aiment faire, dans les domaines où ils sont compétents et où ils pourraient jouer un rôle social.

Le problème reste très largement celui de la méconnaissance de l'autisme. Je ne saurais pas mieux dire que la rapporteure de l'Organisation des Nations unies (ONU) sur les droits des personnes handicapées qui, en janvier 2019, s'inquiétait « du manque, voire de l'absence totale d'informations relatives à l'autisme en France ». Cela rejaillit très nettement sur la scolarisation de nos enfants.

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Caroline Coutant, vice-présidente de l'association Info Droit Handicap

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous tenons à vous remercier de votre invitation.

Je suis vice-présidente de l'association Info Droit Handicap, qui compte, à ce jour, 973 adhérents répartis sur toute la France. Notre association est axée sur les droits des personnes en situation de handicap et de leurs aidants, tous handicaps confondus.

Son principal atout repose sur l'utilisation des réseaux sociaux, dont un groupe Facebook qui compte 17 600 membres. Au cours de l'année 2018, nous avons traité 6 500 questions litigieuses. Nous connaissons donc particulièrement bien les difficultés qui jalonnent le parcours des familles.

Mais venons-en à l'objectif de cette table ronde. L'inclusion est devenue à la mode, chacun s'empare de cette notion de société inclusive, d'école inclusive, voire d'écriture inclusive, mais, en réalité, il existe un fossé entre l'utilisation démultipliée de ce terme et son application.

Tous les ans, chaque gouvernement se félicite de l'augmentation du taux de scolarisation des élèves en situation de handicap en milieu ordinaire, et s'il est indéniable que ce taux a progressé, on oublie de préciser que les statistiques ne prennent pas en compte le temps de scolarité effectif ni la façon dont les familles doivent se battre jour après jour. Cette proposition induit une réelle différence car, aujourd'hui, scolariser un enfant en situation de handicap relève d'un véritable parcours du combattant.

Les problèmes commencent dès l'inscription en maternelle. Les parents peuvent être confrontés à des maires qui refusent la scolarisation, ou à des écoles qui ne l'acceptent qu'à raison d'une heure par jour ou pas du tout.

Pour certaines familles, cela se poursuit tout le long du parcours de scolarisation : refus à la cantine, refus de sorties scolaires, pas de participation au spectacle de fin d'année, réduction du temps de scolarisation. La liste est longue.

D'autres familles auront plus de chance mais cela relève encore trop souvent de l'exception. Chaque académie interprète la législation selon son bon vouloir, ce qui crée une énorme disparité entre les différents départements.

L'enseignant référent, censé être un appui pour les familles, outrepasse souvent ses prérogatives : demande de remise du dossier MDPH, certificats médicaux, ajout de nouvelles annotations sur le GEVA-SCO après l'équipe de suivi de la scolarisation (ESS). D'ailleurs, le GEVA-SCO devient régulièrement un outil pour contraindre les familles à accepter une orientation forcée, et cela en totale contradiction avec le principe posé par l'article D. 351-10 du code de l'éducation. Ainsi des enfants qui ont leur place en milieu ordinaire basculent vers des ULIS, des ITEP ou des IME, et des élèves ayant un réel besoin de ce type de dispositif se retrouvent, malgré l'obligation scolaire, sur liste d'attente, c'est-à-dire à leur domicile, sans solution.

Il ne faut pas oublier les enfants que l'on pousse vers la porte de sortie, cela même au sein des dispositifs censés être adaptés au handicap comme les ULIS. Quant au projet personnalisé de scolarisation (PPS), de nombreux parents se demandent encore à quoi il ressemble ! Pour la plupart des MDPH, la notion reste floue, un peu comme toutes les procédures du traitement des dossiers : pas d'envoi de plan personnalisé de compensation (PPC) ou de projet personnalisé de scolarisation (PPS) avant le passage devant la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), pas de convocation devant la CDAPH, délais de traitement indéterminés… À l'image des académies, chaque MDPH prend ses libertés avec les textes législatifs. Et lorsque le projet personnalisé de scolarisation existe, il est simple et même sommaire quant à son contenu, et n'est pas conforme aux dispositions de l'arrêté du 6 février 2015 et à sa nomenclature. Bien entendu, nous déplorons aussi le manque de moyens accordés aux enseignants, l'absence de formation et les classes surchargées, qui ne sont pas propices à une pédagogie différenciée. Tout cela donne naissance à de nombreuses batailles pour faire comprendre à certains enseignants que les aménagements raisonnables ne sont pas une faveur, mais une nécessité.

Les parents passent d'un extrême à l'autre. D'un côté, ils sont face à des enseignants qui, malgré le manque de moyens, tentent de mettre des choses en place et s'autoforment pour acquérir de nouvelles pratiques professionnelles. De l'autre, ils sont confrontés à des enseignants totalement réfractaires qui voient ce type de pratique comme une remise en cause de leur autorité pédagogique.

Nous constatons qu'il est vraiment compliqué de faire appliquer les aménagements aux examens, et ce jusqu'à l'université. Pourtant, refuser la mise en place d'aménagements revient à priver les élèves de leur droit à être mis sur un pied d'égalité que leurs camarades.

Nous ne pouvons pas parler d'inclusion scolaire sans citer un de ses maillons essentiels, les AESH. Précarité des contrats, salaires trop bas, mauvaise organisation dans la gestion des recrutements entraînent de nombreuses ruptures d'accompagnement. Résultat : pas de repos pour les parents. Le non-respect des notifications d'aide humaine ou les ruptures d'accompagnement interviennent toute l'année.

Cette problématique accroît le risque de déscolarisation des élèves, car les familles se retrouvent confrontées à deux situations : les élèves qui ne peuvent être scolarisés sans la présence d'une AESH ou des écoles qui conditionnent la scolarisation à la présence de l'AESH. Pour résoudre cette difficulté, le Gouvernement a annoncé la généralisation des PIAL. Cependant, nous nous interrogeons sur les dérives de ce dispositif qui, selon nous, repose avant tout sur une logique budgétaire et remet en cause l'évaluation des besoins de compensation. À ce sujet, les premiers documents que nous avons pu obtenir sur cette expérimentation indiquent, noir sur blanc, la volonté de réduire les notifications d'aides humaines individualisées pour généraliser l'aide mutualisée. La parution d'un article, le 12 mars dernier, dans Le Courrier Picard vient renforcer nos inquiétudes.

Notre vision d'une inclusion scolaire réussie ne peut exister qu'à travers la mise en place d'un véritable partenariat entre tous les acteurs qui comprend les familles. Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants et, à ce titre, détiennent une véritable expertise qui doit être entretenue et reconnue. Ils n'ont pas à vivre dans la peur des représailles de l'Éducation nationale pour avoir osé demander une meilleure prise en considération de leurs enfants.

De plus en plus de familles sont victimes d'informations préoccupantes dont les deux tiers proviennent de l'Éducation nationale. La majorité des dossiers sont classés sans suite, mais cela n'enlève rien au traumatisme engendré par ce type de procédure. Les familles ressortent fragilisées et surtout leur confiance en l'école est totalement rompue.

D'ailleurs, Mme Cluzel vient d'annoncer sa volonté de lutter contre les insultes stigmatisant le handicap. C'est une initiative que nous saluons, mais quand légiférera-t-on sur la maltraitance institutionnelle dont les élèves et les familles peuvent être victimes ? Quand rétablira-t-on l'équité et créera-t-on un véritable partenariat entre la famille et l'école ?

Notre intervention dresse un tableau assez sombre, mais c'est la réalité de l'inclusion scolaire vécue quotidiennement par des milliers de familles dont nous portons la voix devant vous aujourd'hui.

Pour conclure, si nous voulons avancer vers une société réellement inclusive, il faut se rappeler que les élèves en situation de handicap sont avant tout des enfants. Ils ont des besoins mais aussi des droits, en particulier le droit à l'éducation, comme tout enfant né dans une société démocratique. Pour tendre réellement vers cet objectif, il faut arrêter de s'en tenir à de grands discours démagogiques et cesser les manifestations d'autosatisfaction quand les familles crient à l'aide. Il est temps d'évoquer les sujets qui fâchent, de prendre en compte les dysfonctionnements que nous constatons quotidiennement, de ne plus s'en exonérer en prétextant qu'il s'agit d'un cas isolé et surtout, de mettre en place les véritables solutions pour y remédier car, oui l'inclusion scolaire existe dans ce pays, mais à quel prix !

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Mesdames, je tiens à vous remercier pour ces témoignages poignants, empreints de sincérité et de vécu.

Vous avez évoqué le parcours difficile et extrêmement douloureux des familles ; le besoin d'un dépistage précoce ; le besoin de formation des professionnels, que ce soit des enseignants ou des accompagnants des élèves en situation de handicap ; la difficulté liée à la disparité des traitements des MDPH selon les départements ; la mauvaise utilisation des outils existants, tels que le GVA-SCO et le PPS.

Nous constatons, et nous le savions, que la loi n'est, actuellement, que partiellement appliquée. Je vous remercie donc de votre témoignage. Nous savons qu'une transformation de l'école est indispensable pour qu'elle devienne inclusive. Nos travaux, je l'espère, pourront l'éclairer.

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Mesdames, je tiens, moi aussi, à vous remercier pour vos contributions qui, tant sur la forme que sur le fond, confirment l'opportunité de la création de cette commission d'enquête et renforcent l'ardente obligation que nous avons d'établir un diagnostic partagé, incontestable, de la situation.

J'entends, dans vos contributions, la difficulté à laquelle vous êtes confrontées, et à laquelle nous sommes aujourd'hui encore confrontés, de disposer d'éléments statistiques objectifs, incontestables, sur le nombre d'enfants concernés, sur les moyens humains déployés, sur les dispositifs spécifiques et leurs modalités de financement comme sur les inégalités territoriales constatées. Tel est bien l'objet de la commission d'enquête que de contraindre les pouvoirs publics à nous fournir ces éléments, sous votre regard et avec l'autorité et la force de la commission d'enquête.

Je veux aussi vous rassurer, puisque c'est la première réunion de la commission d'enquête, sur notre état d'esprit. Il n'est évidemment pas de faire une commission de plus et d'être dans la posture, mais d'être en situation avec vous, avec l'ensemble des acteurs, une fois que nous aurons mis tout le monde d'accord sur le diagnostic et les constats, d'établir un échéancier de préconisations à mettre en oeuvre afin de corriger les trajectoires, car, ainsi que vous l'avez relevé, la France n'est pas le bon élève qu'elle prétend être.

Je vous poserai quelques questions, que mes collègues enrichiront.

Premièrement, avez-vous été associées à la concertation « Ensemble pour une école inclusive », et selon quelles modalités ?

Quels conseils nous donnez-vous pour rechercher les données statistiques les plus fines et les plus objectives ?

Selon vous, quelles sont les inégalités territoriales les plus flagrantes et leurs raisons ? Vous savez que la question de la compétence des MDPH est posée ; je serai intéressé de vous entendre sur le sujet.

Quel est votre avis sur les PIAL ? Vous vous êtes exprimées, mais j'aimerais que vous creusiez la question.

Que pensez-vous des relations entre les écoles et les structures médico-sociales ? Vous avez également commencé à évoquer ce sujet dans vos contributions, en relevant l'insuffisance des structures et de leurs moyens. Pourriez-vous affiner ce point ?

Sur les recours, quelles difficultés constatez-vous, et quelles préconisations concrètes formulez-vous ? Ont-elles été expertisées juridiquement ? Comment pouvons-nous vous aider à cet égard ?

Il serait intéressant, enfin, que vous nous parliez de l'expérience de l'ESPE de Lyon. En quoi est-elle intéressante ?

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Merci, mesdames, pour vos témoignages.

Plusieurs initiatives ont été prises au sein même de l'Assemblée nationale pour répondre à un certain nombre des questions que vous avez soulevées devant nous. Mais il faut se tourner vers l'avenir. Que pensez-vous des dispositions qui ont été introduites par voie d'amendement dans le projet de loi pour une école de la confiance, récemment voté par l'Assemblée et qui est en discussion au Sénat ?

Que vous inspire le dispositif PIAL, qui a donné lieu à débat ? Votre témoignage serait précieux pour comprendre ce que pense le ministre quand il souhaite développer une telle organisation à travers les territoires.

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Mesdames, vous dites que la discrimination est constatée dès l'école maternelle. Mais aujourd'hui, dans bon nombre de territoires, on la constate dès la crèche, ce qui induit une inégalité entre territoires. En effet, on relève que de plus en plus de familles ont tendance à s'exiler en secteur urbain au détriment des territoires ruraux, faute de moyens. Disposez-vous d'éléments complémentaires sur ce sujet ?

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La question des handicaps est souvent traitée en silos par les associations, chacune traitant de son propre répertoire de handicaps, qu'ils soient fonctionnels ou cognitifs. Vous traitez de questions qui concernent le sujet que vous connaissez bien. Pouvez-vous nous soumettre des préconisations ou des pistes sur les données que nous pourrions collecter et auprès de qui les collecter ?

En tant qu'associations de parents, vous êtes très informées. Comment arriver à faire le lien entre toutes les structures que vous représentez et qui pourraient constituer une plateforme unique apportant ces éléments de connaissance ?

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Merci beaucoup, mesdames, pour vos témoignages qui portent la voix de nombreuses familles. J'en ai reçu beaucoup dans ma circonscription et je retrouve dans vos interventions les difficultés inhérentes au sujet qui nous réunit aujourd'hui. Vous les avez parfaitement mises en lumière.

Vous donnez la parole à toutes ces familles qui sont embourbées dans les difficultés rencontrées par leurs enfants, difficultés liées à leur handicap, exacerbées, en outre, par les méandres administratifs. Merci encore.

Le handicap est un domaine que je ne connais pas, je ne connais pas non plus tous les sigles utilisés : PPS, MDPH, GEVA-SCO, AVS, AESH... Je sais qu'utiliser des sigles est une particularité française et que cela vaut dans d'autres domaines, mais lorsque cela concerne le handicap, je trouve tous ces sigles absolument terribles, car ils stigmatisent davantage encore les personnes en situation de handicap. Je me mets à la place d'un parent qui découvre que son enfant est porteur d'un handicap et qui se trouve, avant toute chose, obligé de les décoder ! Je pense que nous avons quelque chose à faire dans ce domaine.

J'en viens à ma question. Le « tout-inclusif » est-il possible ? J'ai reçu diverses familles, dont les situations sont très particulières. Entre autres, j'ai reçu un père dont la fille avait pu suivre, bon an mal an, une scolarité dans le primaire. Le tout-inclusif a ensuite été évoqué à partir du collège, mais, selon lui, c'est impossible. Vous releviez que ce sont les parents qui savent le mieux ce qu'il faut pour leur enfant. Nous sommes dans l'idée – qui est, peut-être ou peut-être pas, tout à notre honneur – de vouloir absolument intégrer ces enfants dans le cursus scolaire habituel. Est-ce ou non envisageable, selon vous ?

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Danièle Langloys, présidente de l'association Autisme France

J'ai participé au chantier « École inclusive » via le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Nous avions notamment l'impression que tout était joué d'avance. Nous avons été déçus, il nous semblait que les décisions étaient déjà prises et qu'il s'agissait d'une concertation pour la forme.

Je suis très frappée par le fait que les données statistiques sont publiées au compte-gouttes par l'Éducation nationale. Par exemple, je participe à un nouveau chantier ouvert dans le cadre de la stratégie « autisme ». La cohorte prévue dans les unités d'enseignement en maternelle fera l'objet d'un suivi pour comprendre les parcours des enfants. Les derniers chiffres nous ont été fournis, mais j'aurais aimé qu'ils soient publics tant il est vrai que le partage des données participe au fonctionnement démocratique.

La direction générale de l'offre de soins (DGOS) dispose aussi de chiffres. Nous en avons eu connaissance lors de l'audition devant le Comité des droits de l'enfant de l'ONU, où les chiffres de la DGOS ont été livrés. De mémoire, 10 000 enfants autistes étaient accueillis dans des structures sanitaires. Il s'était dit également que seuls 5 % d'entre eux étaient scolarisés. La DGOS a refusé de donner le chiffre publiquement. Si vous pouviez la contraindre à publier les chiffres dont elle dispose, je pense que ce serait infiniment précieux.

S'agissant des inégalités territoriales, le chantier en cours sur la gouvernance des MDPH sera très utile. Selon les retours du groupe de travail, il apparaît que certaines MDPH sont beaucoup plus tolérantes que d'autres. Par exemple, certaines financent des intervenants libéraux quand les familles n'arrivent pas à trouver les professionnels dont elles ont besoin, l'offre médico-sociale étant, quantitativement et qualitativement, souvent pauvre et inadaptée. Les familles se débrouillent alors autrement. Certaines MDPH ont compris et sont extrêmement tolérantes. Dans la Nièvre, département que je connais bien, tous les psychologues travaillant en libéral sont financés par la MDPH directement. Il n'y a pas besoin de se battre : cela fait partie des procédures admises, alors que d'autres MDPH refusent.

Vous évoquiez le lien entre les structures médico-sociales et l'école. Ce lien est à construire. Des circulaires de 2009 sur le sujet – remontant tout de même, donc, à un certain temps ! – sont restées lettre morte. Il faut, je crois, considérer le problème autrement. Nous souhaitons que les structures médico-sociales fonctionnent comme un plateau éducatif au service de l'inclusion scolaire, ce qui ne veut pas dire que tous les enfants iront en classe ordinaire et feront le même parcours. Ce n'est d'ailleurs pas possible pour un certain nombre d'enfants. Il n'en reste pas moins que ces enfants doivent aller à l'école, avec le soutien éducatif nécessaire. Souvent, dans certains services médicosociaux de pointe – ils ne le sont pas tous, loin de là –, le service rendu est meilleur que celui de l'Éducation nationale, qui ne dispose pas des moyens nécessaires en interne.

En France, la situation est surréaliste : on entretient deux systèmes parallèles coûteux. Par deux fois, il faut payer des locaux, des services de comptabilité et le secrétariat, etc. Il y a l'Éducation nationale d'un côté, les établissements et services médico-sociaux de l'autre. Quel est le pays occidental qui se permet ce luxe ? C'est un vrai problème de fond. Il appartient, là encore, à la commission de voir si elle peut le résoudre. On ne peut continuer indéfiniment à fonctionner ainsi. Le système est très coûteux, inefficace, et n'est pas éthique. Il ne répond pas aux demandes de scolarisation. Des enfants arrivent à l'âge adulte en ne sachant ni lire ni écrire, alors qu'ils auraient pu apprendre à lire et à écrire s'ils avaient bénéficié de l'accompagnement nécessaire. Il s'agit d'un gâchis monstrueux, dans le domaine de l'autisme en particulier, mais pas uniquement. On a laissé de jeunes enfants et adolescents croupir dans leur autisme au lieu de s'en occuper.

Le tout inclusif est une question qu'on peut poser. Je pense que les enfants doivent être à l'école mais que les parcours doivent être individualisés, autant que possible, ainsi que cela fait dans d'autres pays. Aux États-Unis, la loi dite « ADA » – Americans with Disabilities Act – de 1990 s'applique depuis près de trente ans. Tout enfant va à l'école. Les autistes ne sont pas tous scolarisés dans les classes ordinaires et ne suivent pas tous des parcours ordinaires. Des dispositifs sont là pour adapter les parcours aux capacités de l'enfant. L'autisme est un cas particulier, car les retards de développement peuvent être très spectaculaires. Nombre d'enfants ne peuvent donc pas suivre le rythme de l'Éducation nationale, qui n'est pas pensé pour eux. Pour autant, ce n'est pas une raison pour les exclure de l'école comme on le fait ou pour estimer – parce que c'est très généralement le cas – que l'enfant n'a pas le droit d'aller à l'école, faute d'AVS. C'est la raison pour laquelle beaucoup de mères ne travaillent pas, parce que leur enfant est régulièrement exclu, par exemple dès que l'AVS est absente, et se retrouve à la maison. Il faut bien quelqu'un pour le garder.

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Caroline Coutant, vice-présidente de l'association Info Droit Handicap

Je répondrai à la question sur les PIAL. Les familles, la communauté éducative et les enseignants sont inquiets. Le PIAL reviendrait à donner aux enseignants le « pouvoir » de poser un diagnostic sur nos enfants, non pas en termes médicaux, mais en décidant que tel enfant a un besoin réel que tel autre n'en a pas. Il leur reviendrait de décider, par exemple, que tel enfant peut bénéficier de trois ou quatre heures d'accompagnement mutualisé, tel autre d'une heure seulement. Or, c'est à la MDPH qu'il appartient de statuer sur ces sujets. Ce que nous voyons, c'est que l'on est en train d'enlever un droit accordé à nos enfants et pour l'application duquel les familles se battent. Nous avons peur parce que, prochainement, les demandes ne passeront plus par la MDPH : c'est l'école qui décidera. C'est un retour à la situation qui prévalait avant la loi de 2005, lorsque l'école avait un droit de regard sur la possibilité ou non pour un l'enfant de suivre une scolarité normale et le droit d'orienter ceux qui seraient censés ne pas le pouvoir. Pour les familles, le PIAL n'est pas vu d'un très bon oeil : il est inquiétant et angoissant, notamment si l'on considère les suppressions de postes d'AESH individualisés pour les remplacer à la prochaine rentrée par des AESH mutualisés.

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Odile de Vismes, présidente de l'association Tous pour l'inclusion (TouPi)

S'agissant de la concertation sur l'école inclusive, TouPi a participé au focus group « Parents ». Je fais la même constatation que Mme Langloys : nous avons eu l'impression que tout était joué d'avance. Nous avons uniquement eu le droit de parler des projets personnalisés de scolarisation (PPS). Nous avions demandé des informations sur les PIAL, que nous n'avons pu obtenir avant la restitution et que nous n'avons donc pu inclure dans notre réflexion. Nous avons été très déçus et avons eu un peu l'impression de perdre notre temps.

Concernant les données statistiques, ainsi que je l'indiquais dans ma présentation, nous en avons peu et elles ne sont pas précises. Il nous semble très important que votre commission d'enquête invite les personnes qui sont en mesure de les produire.

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Odile de Vismes, présidente de l'association Tous pour l'inclusion (TouPi)

J'en viens aux inégalités territoriales. Notre association est basée à Paris. Même si beaucoup de familles habitent en Île-de-France, elle regroupe des familles sur toute la France. Nous constatons des inégalités territoriales très fortes en Île-de-France, par exemple entre Paris, qui est un département plutôt avantagé en termes de scolarisation et de MDPH, et d'autres départements où la situation est bien plus difficile - je pense aux Hauts-de-Seine et à la Seine-Saint-Denis. Ces inégalités se retrouvent dans toute la France, et je n'en connais pas vraiment les raisons. J'ai l'impression que des habitudes très différentes perdurent. Le besoin est réel d'unifier toutes ces pratiques pour que les familles n'aient plus besoin de déménager dans un département où l'Éducation nationale est plus accueillante et où la MDPH donne un peu plus de droits, et pour qu'elles ne se retrouvent pas coincées quelque part. Par exemple, les familles parisiennes nous disent qu'elles sont obligées de demeurer à Paris parce que leur enfant n'aurait pas les mêmes droits en dehors de Paris.

Le projet de loi pour une école de la confiance comporte une avancée ; peut-être n'est-elle pas suffisante, mais elle n'en demeure pas moins une avancée. Les AESH pourront bénéficier d'un contrat de trois ans, renouvelable une fois avant passage au contrat à durée indéterminée (CDI). Auparavant, ils travaillaient sous contrats d'un an, qui se révélaient problématiques parce qu'ils induisaient des retards dans la signature. C'est ainsi que, bien souvent, les enfants handicapés ne bénéficiaient pas d'un AVS dès la rentrée, dans la mesure où le contrat était entre deux signatures et où cela pouvait prendre plusieurs semaines. Certes, la situation s'est améliorée, mais nous aurions aimé que les AESH accèdent au CDI beaucoup plus rapidement. Pourquoi attendre six ans ?

Nous avons voulu aborder la question des PIAL pendant la concertation, mais cela n'a pas été possible. Nous sommes assez étonnées qu'ils soient inscrits dans le projet de loi, alors que l'évaluation reste maigre. On nous a présenté quelques retours d'évaluation, mais cette évaluation a commencé en septembre. Il nous paraît, par conséquent, très prématuré de les généraliser ou, en tout cas, de les étendre, dès la rentrée. Plus généralement, nous sommes inquiets de la volonté de généraliser les AVS mutualisés au détriment des AVS individuels.

Par ailleurs, des présentations par les directions des services départementaux de l'Éducation nationale (DSDEN) et les rectorats nous ont été faites, qui évoquent souvent un objectif affiché de 80 % d'AVS mutualisés et de 20 % d'AVS individuels. Autrement dit, il s'agit de quotas plutôt que d'une évaluation individuelle des besoins des enfants.

Notre association de parents est très active sur les réseaux sociaux, notamment sur des groupes où sont présents de nombreux AVS. Les AVS mutualisés nous disent qu'ils s'occupent souvent de quatre ou cinq enfants, dont un ou deux qui n'ont pas de notification MDPH. Par exemple, l'AVS travaille 20 heures avec ces enfants ; s'il lui reste quatre heures, il s'occupera de quelques enfants sans notification. Mais certains AVS nous disent qu'ils s'occupent de dix enfants, dont un seul a une notification MDPH. Par rapport au PIAL et aux AVS mutualisés, comment contrôler ? Si seuls les établissements scolaires contrôlent l'attribution des AVS mutualisés, peut-être est-il plus pratique pour l'école de confier à l'AVS mutualisé, sur une partie de son temps, un enfant qui n'a pas de handicap, mais qui est très perturbateur, plutôt qu'un enfant trisomique ou autiste, très calme, qui ne bougera pas, qui n'embêtera personne mais qui, de fait, ne va rien apprendre.

Vous avez parlé des relations écolesétablissements médico-sociaux. Au-delà des établissements médico-sociaux, il est difficile de faire entrer les intervenants libéraux à l'école, qu'il s'agisse de psychologues, de psychomotriciens, d'ergothérapeutes, etc. Bien des familles recourent à une prise en charge en libéral, soit par choix, soit parce qu'il n'y a pas de place dans les services médico-sociaux. Il est important que ces intervenants puissent échanger avec l'école ou éventuellement assurer quelques prises en charge sur le temps scolaire pour pas trop surcharger l'enfant, comme le font certains ergothérapeutes.

Une question a porté sur le tout-inclusif. Tout d'abord, le choix doit être donné aux familles. Certaines familles ne tiennent pas à ce que leur enfant – en tout cas au-delà d'un certain âge – fréquente une école ordinaire. Elles peuvent faire ce choix, mais il faut aussi que les familles qui veulent que leur enfant soit scolarisé en école ordinaire en aient la possibilité, que ce soit en classe ordinaire ou dans un dispositif spécialisé comme une ULIS. La formule fonctionne bien dans de nombreux pays. En Italie, les enfants handicapés sont scolarisés en classe ordinaire, mais on s'en donne les moyens : habituellement, l'effectif de la classe est réduit de manière drastique et, au lieu d'ajouter une auxiliaire non formée, on ajoute un enseignant spécialisé, qui bénéficiera non seulement à l'enfant handicapé mais à toute la classe.

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Il existe une contradiction au moins apparente entre la volonté affichée de résorber la précarité des intervenants, en leur donnant un nombre d'heures qui correspond à la stabilisation de leur emploi et à la formation qui va avec, car le besoin de formation, dans les diagnostics posés, se fait sentir, et le risque – que vous pointez et que je découvre – d'orientations gouvernementales dont nous n'aurions pas connaissance en faveur de la mutualisation des intervenants, au détriment des enfants. Quel est votre avis ?

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Odile de Vismes, présidente de l'association Tous pour l'inclusion (TouPi)

La problématique de la mutualisation des intervenants est complètement différente de celle de la précarité des intervenants. Des auxiliaires peuvent travailler quasiment à temps plein si on leur propose d'intervenir sur le temps périscolaire pour augmenter leur niveau de salaire, qu'il s'agisse d'AVS individuels ou d'AVS mutualisés, que ce soit dans le cadre du PIAL ou hors PIAL comme cela se pratique actuellement.

La précarité des AVS, en effet, est un problème. Actuellement, on les maintient dans la précarité en leur proposant six ans de CDD avant de leur proposer un CDI. On les maintient dans la précarité en les payant au SMIC, pas même toute l'année puisqu'il y a beaucoup de mois de congé. Les sortir de cette précarité supposerait de leur donner une formation d'un niveau plus élevé, un salaire supérieur au SMIC, et de proposer des temps de travail périscolaire, éventuellement extrascolaire, à celles et ceux qui le souhaitent.

Je ne pense pas qu'il y ait contradiction entre le fait de vouloir garder en partie un système d'AVS individualisés pour les enfants qui en ont besoin et le fait de sortir les AVS de la précarité.

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Il me semble qu'à l'origine, l'objectif des PIAL n'était pas de maltraiter les enfants ou les AVS. Il était la création de pôles d'expertise et de stabilité animés par un groupe d'AESH dans un secteur scolaire, rattaché à un collège, qui se professionnalisent progressivement, et à qui, au fil des évolutions, on puisse proposer des évolutions de carrière. L'objectif vise des formations communes des enseignants, des AESH, de l'ensemble des équipes pédagogiques concernées par le secteur du PIAL.

Les notifications, dans les départements où cela fonctionne – j'entends bien que cela ne fonctionne pas bien partout –, doivent être faites selon les besoins de l'enfant par la MDPH, qui doit notifier un AVS individualisé si ces besoins l'exigent.

Dans le cadre de la mutualisation, le PIAL permet aussi par une coordination des emplois du temps. Si un enfant nécessite un accompagnement de 12 heures mais qu'il a besoin de 12 heures en français ou en mathématiques, on ne lui attribuera pas ces 12 heures en sciences ou en sport. Il convient d'attribuer principalement ces 12 heures sur les plages horaires où elles sont utiles pour les apprentissages souhaités. Le rôle du chef d'établissement consistera à réfléchir, en amont de la rentrée, à cette coordination des emplois du temps pour répondre au mieux aux besoins de chacun – cela dans l'idéal. Il faudra être extrêmement vigilant quant aux objectifs cachés ou à la déclinaison.

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Danièle Langloys, présidente de l'association Autisme France

S'agissant de l'autisme ou d'autres handicaps très spécifiques où les enfants ont des besoins particuliers, nous craignons que l'enfant se trouve confronté à quatre ou cinq AVS en fonction des emplois du temps des uns et des autres, alors que c'est un désastre pour un enfant qui a besoin de repères stables. Certes, je comprends tout à fait ce que vous dites, Madame la présidente, mais cela, on ne nous l'a pas expliqué de manière claire et on ne nous a apporté aucune garantie à ce sujet. C'est là notre crainte : nous voulons bien entendre les progrès que cela peut permettre, mais nous n'avons eu aucun retour de l'expérimentation. On nous impose les PIAL sans concertation et sans que nous comprenions vraiment comment cela fonctionne. En particulier pour la stratégie « autisme », cela n'a pas été pensé.

L'ESPE de Lyon a des relations spéciales avec le centre de ressources « Autisme ». Depuis très longtemps, le partenariat est très fort. C'est ainsi que l'équipe de l'ESPE de Lyon forme au handicap, et de manière spécifique à l'autisme, dans un module « autisme » de très haut niveau. C'est assez exceptionnel en France. Voilà une bonne pratique, d'autant que la mode consiste à partir des bonnes pratiques. Cela existe. L'ensemble des ESPE n'ont qu'à demander le module de l'académie de Lyon et le reproduire.

Une question a été posée sur les recours. Le 1er janvier 2014, nous avons été obligés d'ouvrir un service de protection juridique, accolé à l'adhésion à Autisme France, car notre secrétariat ne pouvait plus assurer les réponses individuelles aux demandes de contentieux. Tous les ans, 80 % des demandes sont des contentieux avec les MDPH, essentiellement liés à la scolarisation : heures d'AVS non pourvues, AVS qui disparaît et qui n'est pas remplacé, orientation abusive, ou encore « informations préoccupantes » – auxquelles les élèves autistes et leurs familles payent un très lourd tribut. Ce sont majoritairement les membres de l'Éducation nationale qui les formulent dès lors qu'ils repèrent une difficulté de comportement, au lieu de se demander – mais encore faudrait-il qu'ils soient formés pour cela – si un trouble neuro-développemental n'est pas à l'origine de cette difficulté de comportement. Faute de culture – je n'assassine personne, je constate – on en déduit une carence éducative ou, pire encore, une carence affective. Évidemment, c'est toujours la mère qui « prend » dans ces cas-là, car la France baigne encore dans une culture psychanalytique très machiste : la mère est toujours coupable. Cela enclenche des « informations préoccupantes » qui ne se terminent pas toujours très bien. Certaines sont classées, d'autres aboutissent à des signalements. Par méconnaissance de l'ensemble des troubles neuro-développementaux – il n'y a pas que l'autisme, il y en a d'autres –, l'Éducation nationale engendre des situations insupportables. Il est inacceptable que l'on en soit encore là en France. Le premier rôle de l'Éducation nationale devrait être de chercher à soutenir les familles, quitte à faire appel à une aide extérieure, et non à les punir et à leur faire honte en leur expliquant que ce n'est pas ainsi qu'on élève un enfant. Pour nous, c'est dramatique.

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Caroline Coutant, vice-présidente de l'association Info Droit Handicap

Je voudrais revenir sur le PIAL. Nous en entendons parler depuis peu. Il est prioritairement mis en place sur le terrain depuis six mois. Le fait de vouloir le généraliser très rapidement à la rentrée de 2019 nous pose un souci. Le GEVA-SCO a été expérimenté pendant deux ans avant d'être généralisé à toute la France. On se demande pourquoi aller aussi vite s'agissant du PIAL.

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Si mes collègues en sont d'accord, nous allons créer les conditions pour obtenir un retour des premières expériences, l'objet de notre commission étant de faire des préconisations utiles et concrètes pour la rentrée.

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On voit bien que le GEVA-SCO ne fonctionne pas bien. Des parents ont présenté des demandes pour fonctionner autrement, suite aux propositions auxquelles vous avez participé de transformer l'étude du projet de l'enfant. S'agissant des PIAL, la mise en place nécessitera de longues années. Dans mon département, le projet se met en place sur deux pôles seulement, dans deux collèges. La réforme ne se fera pas en un jour. Nous savons la très grande inertie qui s'attache aux réformes en France. Mais cela laissera le temps de procéder progressivement et bien – en tout cas, je l'espère !

Je vous remercie, mesdames, de vos témoignages et des réponses que vous avez apportées à nos questionnements. Nous avons entendu vos nombreuses préoccupations.

Je remercie mes collègues de leur participation.

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Mesdames, restez attentives à l'évolution des travaux de notre commission et n'hésitez pas, au fur et à mesure de son déroulement, à appeler notre attention et à nourrir nos réflexions. Tel est notre état d'esprit.

L'audition s'achève à dix-sept heures trente-cinq.

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Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 19 mars 2019 à 16 heures 30

Présents. – M. Patrice Anato, Mme Géraldine Bannier, M. Christophe Bouillon, M. Bertrand Bouyx, Mme Blandine Brocard, M. Dino Cinieri, Mme Jacqueline Dubois, Mme Marianne Dubois, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, M. Olivier Gaillard, M. Sébastien Jumel, M. Maxime Minot, Mme Catherine Osson, Mme Béatrice Piron, Mme Mireille Robert, Mme Sabine Rubin, Mme Nathalie Sarles, M. Patrick Vignal

Excusés. – Mme Michèle Tabarot