Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Réunion du lundi 6 mai 2019 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • classe
  • collège
  • enseignant
  • rentrée
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

  France Insoumise    PCF & ultramarins    En Marche    MoDem  

La réunion

Source

Lundi 6 mai 2019

L'audition débute à dix-sept heures.

Présidence de Mme Jacqueline Dubois, présidente de la commission d'enquête

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La commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, procède à l'audition conjointe de Mme Joëlle Ayache, représentant le Syndicat des enseignants de l'Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA), M. François-Xavier Durand, représentant la Confédération générale du travail (CGT), Mme Isabelle Heuzé, représentant le Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC de la Fédération sociale unitaire (SNUipp-FSU), Mme Élisabeth Lechevallier, représentant la Fédération des Conseils de Parents d'Élèves (FCPE), et Mme Dany Duclos, enseignante référente.

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Mes chers collègues, nous poursuivons nos auditions avec Mme Joëlle Ayache, représentante le Syndicat des enseignants de l'Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA), M. François-Xavier Durand, représentant la Confédération générale du travail (CGT), Mme Isabelle Heuzé, représentant le Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC de la Fédération sociale unitaire (SNUipp-FSU), Mme Élisabeth Lechevallier, représentant la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE), et Mme Dany Duclos, enseignante référente.

Mesdames, monsieur, je vous souhaite la bienvenue.

L'Assemblée nationale a constitué le 12 mars dernier une commission d'enquête sur l'inclusion des élèves en situation de handicap dans l'école et l'université de la République. Il s'agit de faire un bilan des progrès réalisés depuis la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, et de mesurer le chemin restant à parcourir pour favoriser leur inclusion à tous les stades de leur scolarité.

Il est essentiel pour nous de recueillir la parole de ceux qui les accompagnent afin de nous faire une idée plus précise des enjeux que rencontrent sur le terrain ces élèves, leurs parents et les professionnels qui oeuvrent à leurs côtés en faveur de l'inclusion de ces enfants.

Comme c'est la règle pour les personnes entendues par une commission d'enquête parlementaire, et conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais maintenant vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

M. François-Xavier Durand, Mme Isabelle Heuzé, Mme Joëlle Ayache, Mme Élisabeth Lechevallier et Mme Dany Duclos prêtent successivement serment.

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Merci d'avoir répondu à notre invitation. Nous avons auditionné les représentants de vos organisations au plan national : FCPE, SNUIpp, SNESUP, CGT. Nous voulons, cet après-midi, faire un zoom territorialisé, à l'échelle de ce département qui ne part pas de rien. Il y a eu ici des mobilisations face aux dysfonctionnements, pour ne pas dire au non-respect de la loi. Dans un grand nombre de domaines, des situations ont été signalées. Nous avons auditionné tout l'après-midi des acteurs qui nous ont dit leur volonté de se mobiliser pour améliorer la situation. Je connais la plupart d'entre vous pour avoir agi à vos côtés.

L'objectif de notre commission d'enquête est de faire un focus sur le diagnostic, sur ce qui va bien et ce qui ne va pas, et de comprendre pourquoi. Comment corriger cela en se fixant pour objectif la mise en oeuvre concrète, réelle de la loi de 2005 et, le cas échéant, en en rédigeant un « Acte 2 » pour faire émerger de nouveaux droits. Nous attendons de vous, cet après-midi, que vous nourrissiez la réflexion de la commission d'enquête, sans tabou, sans filtre, sans autocensure, sans hésiter à nous bousculer, car si beaucoup de choses vont bien, d'autres ne vont pas bien. L'ONU a signalé la situation de la France de ce point de vue, le Défenseur des droits, que nous avons auditionné, également. Tel est l'enjeu de la dernière audition de cet après-midi, qui sera suivie ce soir d'un débat auquel vous êtes naturellement conviés.

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François-Xavier Durand, représentant la Confédération générale du travail (CGT)

Je ne ferai pas de rappel historique puisque vous connaissez les lois et l'évolution de la loi de 2005, notamment en ce qui concerne l'accompagnement des élèves en situation de handicap, qui reste très complexe car reposant en grande partie sur la précarité.

En tant qu'organisation syndicale, nous avons vécu les contrats aidés, avec les difficultés liées au manque de formation. Dans notre département, 250 recours visant à faire valoir les droits à la formation avec des requalifications en CDI se sont soldés par des licenciements et des indemnisations pour absence de formation.

Des formations ont ensuite été organisées, le statut d'AESH a été créé, mais cela reste un parcours du combattant pour les personnels, les élèves et les enseignants, essentiellement en raison de la précarité de leur situation et de plusieurs autres difficultés. Le statut d'AESH implique six années de CDD avant de prétendre à un CDI. Or un certain nombre d'AVS n'ont pas vu leurs années sous statut de contrat aidé prises en compte. Quelqu'un qui a fait deux ans ou cinq ans en contrat aidé à 20 heures par semaine doit en refaire six ans sans savoir chaque année si son contrat va être renouvelé ou pas, s'il va pouvoir poursuivre ses missions. C'est très difficile pour les personnels comme pour les élèves. On parle de reconnaissance du métier d'AESH, mais des personnes vivent parfois dix années de précarité avant d'espérer obtenir un CDI parce qu'elles sont passées d'un contrat aidé à un emploi d'AESH en CDD. Si elles ont fait, de plus, un temps de mission d'AVS ou de mission d'assistante d'éducation, cela ajoute à la complexité.

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François-Xavier Durand, représentant la Confédération générale du travail (CGT)

Nous avons pris acte de ce que le Gouvernement souhaite proposer des CDD de trois ans mais le fait que les départements continuent de fonctionner à partir d'enveloppes annuelles, comme nous l'avons vécu cette année, crée toujours un blocage. C'est d'autant plus compliqué que la MDPH accuse des retards de notification de six à dix mois. Certains élèves ayant des notifications jusqu'en 2021 ou 2022 pourraient faire l'objet d'anticipations, mais les services du rectorat se voyant signifier des budgets annuels, ils ne peuvent s'engager à faire des contrats de trois ou six ans comme prévu par les textes. Tant que les enveloppes budgétaires seront annuelles, nous rencontrerons des difficultés.

De plus, les enveloppes arrivent tardivement et celles qui proviennent du budget opérationnel « titre 2 » sont gérées par le département et les services du rectorat, alors que d'autres, pour les AESH hors titre 2, parviennent dans les établissements publics locaux d'enseignements (EPLE), les collèges et les lycées. Or si un certain nombre d'heures sont dévolues aux collèges et aux lycées, ceux-ci n'ont pas la connaissance des AESH disponibles. C'est aux AESH à la recherche d'heures, qui ont déjà eu parfois douze heures par le département, de faire le tour des établissements. Ainsi, en fin d'année scolaire, des AESH en fin de contrat, employés par un collège, se retrouvent en attente d'heures « hors titre 2 », parce que l'établissement ne connaît pas l'enveloppe dont il disposera l'année suivante.

Au-delà de la question du statut, concrètement, une centralisation de la connaissance du vivier d'AESH est nécessaire. Quand on attribue des heures à des collèges gérées en titre 2 par le département ou hors titre 2 par les EPLE, les AESH ne devraient pas être obligés de courir après une affectation. Des AESH attendent en juin et parfois jusqu'à fin août, début septembre, voire début octobre pour connaître leur affectation. S'agissant de contrats annuels, parfois affectés le 15 septembre, ils ne peuvent obtenir aucune avance sur salaire ni faire valoir leurs droits aux compléments ASSEDIC. Les affectations devraient être localisées et connues pour faciliter leur répartition entre les élèves. Au mois de mai, on devrait pouvoir faire une photo de tous les élèves pour lesquels des notifications courent sur deux ou trois ans et résoudre au moins 80 % des affectations des AESH.

Nous avons vécu cette année une rentrée scolaire très compliquée. La transformation des contrats aidés en contrats parcours emploi compétences (PEC) a été décidée au mois de janvier mais elle n'est intervenue que fin juin dans les départements – en tout cas celui de Seine-Maritime – et sa mise en oeuvre a été décalée à la rentrée suivante. Un grand nombre d'AESH en contrat PEC ou en CDD se sont retrouvés sans élève et des élèves sans AESH, alors qu'ils se connaissaient et ont pu par la suite reprendre leur mission.

Nous constatons aussi des problèmes d'horaires, notamment pour les AESH-Co dans les écoles, les collèges ou les lycées. Dans les écoles, la scolarité d'un élève est de vingt-quatre heures par semaine. Dans notre département, les AESH-Co, ne font que vingt heures : ceci pénalise les élèves, qui ont quatre heures de scolarité sans AESH, et les AESH elles-mêmes. Limiter leur temps de travail, au collège ou au lycée, c'est ne pas reconnaître que la spécificité de leur travail nécessite leur participation aux réunions. La reconnaissance de leur statut passe par la pleine intégration dans l'école. Dans l'école, nous travaillons avec nombre de partenaires. Ils souhaitent participer au conseil des maîtres, au conseil d'école et à toutes les réunions qui concernent les élèves. Un AESH-Co affecté dans une ULIS pour l'inclusion de douze élèves travaille avec plusieurs enseignants. Un élève peut être inclus en CP en lecture mais en CE1 en mathématiques, tandis qu'un autre le sera avec d'autres enseignants. Dans l'école de neuf classes que je dirige, l'AESH-Co a des relations dans toutes les disciplines, comme si elle avait en face d'elle dix-huit enseignants. Tout cela représente du temps.

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Isabelle Heuzé, représentant le Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC de la fédération sociale unitaire (SNUipp-FSU)

Au SNUipp-FSU, nous avons été interpellés par les dysfonctionnements de la rentrée en matière de ressources humaines, au rectorat ou à l'inspection d'académie. J'ai été appelée par de nombreux AESH qui avaient déjà un contrat mais qui n'avaient pas d'élèves et par des parents qui étaient en attente d'une AESH.

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Nous avons eu le chiffre ce matin : 350 élèves sans solution à la rentrée !

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Isabelle Heuzé, représentant le Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC de la fédération sociale unitaire (SNUipp-FSU)

Surtout, nous sommes frappés par l'absence de communication et l'impossibilité pour les parents, les représentants syndicaux ou les enseignants de contacter une personne ressource. Une collègue AESH qui s'était rendue directement à l'inspection d'académie a constaté qu'il n'y avait même personne pour répondre au téléphone. Des parents d'élèves stationnaient dans les couloirs avec leurs enfants autistes en quête de réponse, mais il n'y avait personne. Il y a vraiment un dysfonctionnement de la gestion des ressources humaines : des AESH demandent un travail, des enfants en ont besoin mais on n'arrive pas à les mettre en relation.

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C'est ce qui nous a conduits à constituer une commission d'enquête.

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Isabelle Heuzé, représentant le Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC de la fédération sociale unitaire (SNUipp-FSU)

Beaucoup de parents, d'enfants, mais aussi d'enseignants sont en souffrance. Des enfants en difficulté ont déjà du mal à s'adapter à une personne, ils construisent quelque chose pendant un an et l'année suivante, sans savoir pourquoi, on déclasse leur AESH ! On m'a répondu qu'un enfant ne devait pas s'habituer à une personne. Il y a un travail à faire au sujet du statut d'AESH par rapport à l'enfant. Il doit y avoir une continuité, surtout en primaire. Quand un enfant a été notifié en CP, il y a peu de chances que ça s'arrête. Un suivi sur au moins trois ans serait nécessaire.

Nos collègues AESH ont des emplois précaires, de petits contrats de douze heures avec lesquels on ne peut pas vivre, parfois sur deux écoles, ce qui implique des frais de déplacement. Ce sont des emplois très précaires, pas du tout reconnus, accompagnés de très peu de formation. Il est question de 60 heures de formation, mais je peux vous dire que des collègues l'attendent encore. Et de quels types de formation s'agit-il ? Ces emplois ont vraiment besoin de formations de qualité sur les différents handicaps de l'enfant, en lien avec les enseignants – ceux-ci ne reçoivent pas non plus de formation.

J'évoquerai aussi le travail invisible : l'AESH accompagne un enfant mais il doit monter d'autres dossiers ; le travail invisible qui doit être réalisé sur son temps de travail. Les AESH que j'ai entendus participent bénévolement aux réunions, car ce n'est pas dans leur contrat. Ils gagnent 500 ou 600 euros mais ils font beaucoup plus d'heures car ils s'investissent aux côtés des parents et des enseignants.

Il faut créer des postes, il n'y en a pas assez. La politique gouvernementale vise à aider les enfants en situation de handicap mais il manque des postes.

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Quelle est votre vision sur les effectifs de classe qui accueillent des enfants en situation de handicap ? Est-ce qu'on applique la même règle de calcul dans les classes où il y a des enfants en situation de handicap que dans les classes où il n'y en a pas ?

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Isabelle Heuzé, représentant le Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC de la fédération sociale unitaire (SNUipp-FSU)

Tout à fait. Mais ces enfants sont invisibles dans les effectifs, ce qui n'est pas normal.

Nous souhaitons bien entendu une revalorisation des salaires. Si les AESH étaient déjà à temps plein ce serait un progrès, mais ils ne le sont jamais ou très rarement ! Ils ont de tout petits contrats avec lesquels on ne peut pas vivre. L'inspecteur s'étonne de ne trouver personne. Comment trouver quelqu'un quand on le paie 600 euros par mois et qu'il doit se déplacer ? Tant que ces emplois ne seront pas reconnus par un vrai statut de la fonction publique, avec des salaires décents et des heures décentes, ils ne trouveront pas preneur. Les gens font cela pendant un, deux ou trois ans, puis ils s'en vont.

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élisabeth Lechevallier, représentant la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE)

À la FCPE, nous partons du constat alarmant d'un grand nombre d'enfants non scolarisés ou à temps partiel. Parmi ceux qui sont scolarisés, nombreux sont ceux qui ne sont pas accompagnés, malgré la notification de la MDPH. Nous relevons aussi l'obligation pour l'un des parents de mettre un frein à sa carrière professionnelle pour élever son enfant qui n'est pas scolarisé ou qui l'est à temps partiel.

Pour les familles, les dossiers MDPH relèvent du parcours du combattant. Il faudrait prévoir un déroulé de la façon de présenter une demande à la MDPH et un suivi du début à la fin par une même personne. Cela n'existe pas du tout pour le moment, et les parents sont totalement démunis.

Notons aussi l'insuffisance des moyens alloués aux MDPH et une discrimination selon les départements. Nous ne sommes pas très bien lotis en Seine-Maritime. Nous siégeons à la MDPH pour des reconnaissances d'adultes et d'enfants où nous devons traiter 500 dossiers en trois heures. Il est impossible de traiter une situation du début à la fin avec autant de dossiers. De plus, un dossier peut arriver à terme sur une partie, par exemple en juin sur les dotations en matériel informatique, et deux mois après sur une autre partie. Au lieu de tout faire en même temps, on remet le dossier en dessous de la pile pour le traiter deux mois plus tard. Ainsi, l'ordinateur est remis en septembre mais si l'enfant a besoin d'une AVS, les parents devront repasser à la session suivante.

Je passe rapidement sur la faible attractivité du métier d'AESH et sa grande précarité, qui ont été longuement évoquées. Ce sont souvent des femmes seules avec enfant, qui doivent vivre avec 650 euros ou, dans le meilleur des cas, 900 euros par mois et auxquelles on ne permet pas de se former correctement. On peut leur attribuer une année un élève autiste et, l'année suivante, un élève souffrant de malvoyance ou malentendant. Elles n'ont pas la possibilité de suivre l'enfant qui va s'attacher à elle.

De même, rares sont les professeurs formés à l'enseignement aux élèves en situation de handicap. Il conviendrait de prévoir une formation.

On compte un médecin scolaire pour 12 000 élèves. Dans l'académie de Rouen, il y a un médecin scolaire au rectorat. Il doit signer tous les plans d'accompagnement personnalisé, ce qui est impossible.

Les classes ULIS sont en nombre insuffisant, en sorte qu'elles sont parfois éloignées du domicile familial, ce qui oblige certains élèves à aller dans un internat, ce qui génère un coût.

Par ailleurs, les élèves obligés de déjeuner à la cantine alors qu'ils pourraient déjeuner à la cantine de leur ville ne bénéficient pas du tarif préférentiel.

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élisabeth Lechevallier, représentant la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE)

Certaines communes appliquent le tarif en vigueur et d'autres non, alors que ce n'était pas le choix de l'élève et de la famille. Beaucoup de parents nous interpellent à ce sujet. Nous contactons les mairies, mais il est parfois difficile de faire entendre leur voix.

Les infrastructures sont un réel problème. Les salles de classe sont inadaptées et les structures sportives parfois éloignées de l'établissement scolaire. Les élèves en situation de handicap ne peuvent pas toujours s'y rendre. Ils ne sont pas inclus dans toutes les activités sportives et culturelles.

Le périscolaire est parfois trop onéreux pour les communes. Il faudrait adapter les locaux, d'où le refus de beaucoup de communes d'accueillir un enfant. Certaines prennent en charge l'accompagnement des AESH, mais trop peu, de sorte que les enfants sont encore exclus du périscolaire.

Ils sont aussi exclus des voyages et sorties scolaires avec nuitées. Des parents nous disent que la directrice ou la principale leur ont indiqué d'emblée que leurs enfants ne pourraient participer à un voyage scolaire avec nuitée parce que l'AESH ou l'AVS ne peut les accompagner.

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Nous en avons parlé tout à l'heure. La loi les autorise à le faire, mais le problème est financier.

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élisabeth Lechevallier, représentant la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE)

Les AESH peuvent accompagner mais pas les AVS.

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À l'école élémentaire, on peut obtenir des subventions d'une association ou de la mairie, dans le secondaire, on pourrait utiliser des fonds sociaux pour les indemniser. Certains de mes collègues députés qui étaient chefs d'établissement m'ont dit qu'il restait des fonds sociaux inutilisés à la fin de l'année dans les collèges. Ce pourrait être un moyen de rémunérer quelques sorties dans l'année.

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Nous approfondirons le sujet dans le cadre de la commission d'enquête, mais la question consiste à savoir si l'on doit continuer de recourir au bricolage pour offrir des sorties scolaires dans le cadre éducatif à des enfants en situation de handicap, ou bien si l'on ne doit pas plutôt créer les conditions pour que ce droit soit effectif. Selon les établissements, les fonds sociaux sont diversement consommés. Ils le sont généralement plus dans les territoires fragilisés que dans ceux qui sont plus protégés, ce qui aggrave les inégalités territoriales.

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Joëlle Ayache, représentant le Syndicat des enseignants de l'Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA)

Je suis secrétaire départementale du Syndicat des enseignants de l'Union nationale des syndicats autonomes et de l'UNSA Éducation 76.

Nous avons voulu partir de la situation locale. À chaque rentrée, nous sommes confrontés à la difficile mise en adéquation entre les AESH qui attendent un contrat et les élèves à besoin éducatif particulier qui attendent leur AESH. Le vivier existe, mais on n'y a pas toujours recours et des enfants font leur rentrée sans AESH.

Depuis quelques années, nous constatons à chaque rentrée un manque certain de places en ULIS. Ce n'est pas faute d'en créer. Il en est créé tous les ans mais il en manque encore. Les deux créations de collèges à la rentrée permettront-elles d'absorber les besoins ? Dès lors, les élèves sont accueillis en milieu ordinaire, avec des aides quand c'est possible, mais cela devient compliqué, et nous avons beaucoup de retours émanant de collègues qui n'en peuvent plus.

Une classe qui accueille des enfants en situation de handicap ne voit pas pour autant son effectif réduit. Les collègues doivent donc gérer les enfants en situation de handicap plus, quand il y en a, la présence d'AESH dans la classe. Cela fait beaucoup de monde dans une seule entité où les normes de sécurité – un certain nombre de mètres carrés par élève – ne sont plus toujours respectées. Il devient compliqué d'ajouter des adultes dans des classes où l'on dépasse les normes. D'où, peut-être, la volonté gouvernementale de limiter l'effectif des classes de grande section de maternelle, CP et CE1, à 24 élèves pour un accueil peut-être plus adapté. Nous verrons quand démarreront les classes à 24, alors que les cartes scolaires sont déjà établies pour 2019 et 2020.

À l'UNSA, nous sommes pour l'école inclusive ; nous en portons depuis longtemps le concept, mais pas à n'importe quel prix ou à n'importe quelles conditions. Au regard des effectifs, la situation de nos écoles et nos collèges devient complexe. Nous aimerions avoir des moyens dédiés. Nous avons besoin que les effectifs des classes diminuent, nous avons besoin d'accompagnement et de formation de nos accompagnants, de nos enseignants et des corps encadrants. Tout le monde doit savoir ce qu'est un handicap, ce qu'est un élève en situation de handicap et ce dont il a besoin. Comme l'ont dit des collègues tout à l'heure, des handicaps, il y en a un nombre certain et un certain nombre. La posture de l'enseignant ou de l'accompagnant est différente en fonction de chaque handicap.

Nous pensons aussi que les AESH devraient pouvoir accompagner nos élèves en dehors du temps scolaire, lors des activités périscolaires et extra-scolaires. Lorsqu'on lâche l'enfant, certaines familles sont démunies. Elles doivent déployer de telles compétences, de tels efforts pour que leur enfant soit présent à l'école dès la rentrée puis de façon régulière, qu'il est à nos yeux inadmissible qu'un enfant en situation de handicap rentre huit à dix jours après les autres.

Localement, ont été mis en place pour expérimentation les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL). Mais le fait qu'ils soient déjà inscrits dans la loi sans avoir été évalués nous inquiète. Il faudrait en faire un bilan pour savoir si le dispositif doit être pérennisé. Pourquoi les mettre dans la loi si cela n'avance à rien ? L'une des questions importantes est de savoir qui doit gérer les AESH : est-ce chef d'établissement ou l'enseignant de la classe dans laquelle ils interviennent ? La question reste sans réponse.

Nous sommes attachés malgré tout, même si cela provoque des difficultés, à la notification MDPH. Chaque enfant ayant des besoins doit être traité de la même façon par la même commission, sinon on risque de faire tout et n'importe quoi et de ne pas apporter la même réponse à toutes les familles qui ont des enfants à faire accompagner.

Nous considérons qu'il faut des moyens et une volonté collective d'aller dans le sens du bien de l'enfant. Notre but commun, autour de la table et dans les écoles, est la réussite de tous les élèves, y compris ceux en situation de handicap. Nous avons besoin d'une formation pour tous dans le milieu éducatif.

J'ajoute que dans la marche en avant qui a été engagée vers la généralisation des enseignants spécialisés comme personnes-ressources, il ne faudrait pas non plus que les gens soient placés devant le fait accompli. Les personnes concernées devront être accompagnées dans l'école ou l'établissement où elles sont destinées à intervenir.

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Dany Duclos, enseignante référente

Je suis titulaire du certificat complémentaire pour les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap (2CA-SH), formation d'un an que j'ai suivie tous les jeudis sur mon temps libre mais qui a été financée par l'Éducation nationale. Je suis censée être une ressource pour les AVS, les enseignants, les parents d'élèves, les collègues, le chef d'établissement. Dans mon collège de 400 élèves, on me donne une heure par semaine pour suivre 42 élèves. Autant vous dire que ça me prend quinze heures par semaine sans pouvoir aider les gens comme je voudrais le faire. C'est compliqué.

Les autres enseignants viennent vers moi parce qu'ils n'ont pas reçu de formation. Sur le terrain, je fais des constatations pragmatiques et gênantes. Professeur d'éducation physique et sportive (EPS), j'ai une élève hémiplégique dont les parents doivent prendre deux journées de congé par semaine pour l'amener sur les installations sportives. Je trouve cela effarant en tant que parent d'élève. En tant qu'enseignante, je ne pourrais pas conduire ainsi mon enfant.

Aujourd'hui les épreuves d'un brevet blanc ont lieu dans mon collège. Toutes les AESH ont été enlevées des élèves de sixième, cinquième et quatrième pour assurer des tiers-temps. Je trouve ça scandaleux.

Vous évoquiez tout à l'heure les élèves en attente de classes en ULIS. Il y en a de plus en plus. Nous les récupérons en sixième et ils attendent parfois deux à trois ans avant d'avoir une place, souvent sans accompagnement, notamment des élèves de niveau CE1 ou CE2 inclus dans des classes de sixième ordinaires de 29 élèves. Autant dire que même si on a la volonté, on n'a pas les moyens.

Nous vivons des situations très précaires. Un enseignant ressources aujourd'hui, c'est quelqu'un de bonne volonté qui est à la fois surexploité et sous-exploité. On nous en demande beaucoup mais on ne nous donne pas les moyens de faire le travail sur le terrain. Nous aimerions voir progresser la reconnaissance de ce statut. Nous sommes placés un peu en porte-à-faux. Nous ne sommes ni gendarmes ni garants des aménagements opérés par nos collègues.

Concernant les PAP, il y a un gros souci dans plusieurs établissements, notamment le nôtre. Nous en avons rédigé quarante-deux, mais aucun n'a été envoyé à la médecine scolaire. Je tenais à vous en informer.

Je m'arrêterai là pour ne pas être chronophage. J'ai rédigé un document que je vous remettrai.

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Après que 100 postes d'enseignants ressources ont été créés à la rentrée 2018, je suis choquée d'apprendre qu'on vous donne une heure pour 42 élèves.

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Dany Duclos, enseignante référente

J'ai suivi exactement la même formation que quelqu'un qui travaille en ULIS ou en SEGPA et qu'un enseignant référent comme celui que vous avez auditionné ce matin. Mais dans le second degré, nous n'avons pas les moyens de travailler. Même si on a la volonté, sans moyens, on n'arrive pas à grand-chose.

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Merci. Nous vous tiendrons naturellement informés des conclusions de nos travaux et de la manière dont nous entendons les faire vivre. Il ne suffit pas de rédiger un rapport pour qu'il soit mis en oeuvre.

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Je vous remercie de vous être déplacés et d'être venus apporter votre témoignage. C'est une construction, un tissage progressif qui nous permet de toucher de doigt ce qui est concrètement compliqué dans vos établissements scolaires.

L'audition s'achève à dix-sept heures quarante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Réunion du lundi 6 mai 2019 à 17 heures

Présents. – Mme Jacqueline Dubois, Mme Nathalie Elimas, M. Sébastien Jumel, Mme Sabine Rubin

Excusés. – Mme Monique Iborra, Mme Catherine Osson, Mme Sylvie Tolmon