Intervention de Guillaume Kasbarian

Séance en hémicycle du mardi 29 novembre 2022 à 15h00
Protection des logements contre l'occupation illicite — Article 5 (appelé par priorité)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Kasbarian, rapporteur de la commission des affaires économiques :

À ce stade de nos débats, je veux récapituler les étapes d'une procédure d'expulsion. Cela montrera que nous n'avons pas la même définition de l'équilibre et, surtout, que l'article 5 n'a pas les effets que vous annoncez.

Après un premier impayé, le bailleur doit engager un échange amiable avec le locataire en le rappelant à ses obligations. En cas d'échec, il fait délivrer par voie d'huissier un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail. Actuellement, un délai minimal de deux mois s'écoule entre le commandement de payer et l'assignation en justice. À la suite de ce premier délai, un nouveau délai minimal de deux mois court entre l'assignation et le jour de l'audience – en fait, selon les témoignages et les experts que nous avons auditionnés, il s'écoule entre cinq et neuf mois entre l'assignation et l'audience. Dans la plupart des cas cette dernière est reportée au moins une fois, souvent deux ou trois fois, notamment pour défaut d'aide juridictionnelle signalé à l'audience. Un report provoque un délai supplémentaire de trois à neuf mois, et le nombre de reports n'est pas limité.

Après l'audience, le juge met en moyenne un à deux mois pour rendre sa décision. Puis, à compter de la notification du locataire de la décision de résiliation et d'expulsion s'écoule un délai de recours de droit commun d'un mois. À l'expiration de ce délai, l'huissier peut délivrer un commandement de quitter les lieux qui ouvre pour le locataire un nouveau délai d'au moins deux mois, durant lequel il doit quitter les lieux volontairement. Au terme de cette période, le bailleur peut, en dehors de la trêve hivernale qui s'étend du 1er novembre au 30 mars de chaque année, saisir la préfecture pour obtenir le concours de la force publique. La préfecture dispose d'un délai de deux mois pour accepter ou refuser.

Je vous laisse faire la somme de la totalité de ces délais Si vous me dites ensuite que la situation actuelle est équilibrée et que tout fonctionne bien, alors, effectivement, je confirme que nous n'avons pas la même définition de l'équilibre. Pour ma part, je considère qu'aujourd'hui, la procédure est longue.

L'article 5 ne constitue pas une mesure à l'anglo-saxonne qui ferait que, du jour au lendemain, les délais disparaîtraient, qu'on couperait le gaz et l'électricité, et que l'huissier, le juge d'exécution et la préfecture interviendraient. En vous écoutant, on imagine une procédure express qui jette le locataire à la rue sans délai. Pardonnez-moi, mais ce n'est pas cela !

L'article 5 permet, d'une part, de gagner trois mois – rien de plus – sur la totalité des délais dont j'ai parlé, et, d'autre part, de limiter à un an au lieu de trois la durée maximale des délais renouvelables sur lesquels se prononce le juge d'exécution à l'issue de la décision de rupture de bail. Alors, pardon collègues, arrêtons de fantasmer sur le contenu de cet article ! Certains me reprochent d'ailleurs de ne pas aller assez loin : ils considèrent que les choses ne sont pas réglées aussi rapidement qu'ils le souhaiteraient. J'assume.

J'affirme que je respecte les différentes étapes. Oui, je respecte le juge, les huissiers et la trêve hivernale, mais vous avez bien vu que, si l'on considère la totalité de la procédure, le délai entre le moment où les loyers ne sont plus réglés et celui où le propriétaire récupère son bien est très long. On peut donc se permettre de le réduire globalement de trois mois et de réduire les délais renouvelables que le juge de l'exécution accorde pour différer l'expulsion.

Je réfute les accusations relatives à cet article : il ne fait pas ce que prétendent certains. Les Français souhaitent que tout cela aille encore plus vite, et nous recevons tous des sollicitations en ce sens, mais j'affirme qu'il y a un bien un équilibre, et qu'il se trouve dans le texte de la commission. Arrêtons les caricatures !

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