Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du jeudi 6 avril 2023 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • LPM
  • capable
  • cyber
  • haute
  • intensité
  • militaire
  • opération
  • stratégique

La réunion

Source

La séance est ouverte à neuf heures.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous avons eu hier l'occasion de tenir deux auditions : celle du ministre des armées M. Lecornu, venu présenter le projet de loi de programmation militaire (PLPM), ainsi que celle du nouveau chef d'état-major des armées allemand, le général Breuer. Nous avons aussi tenu une audition commune avec la commission des finances de M. Pierre Moscovici en sa qualité de Président du Haut conseil des finances publiques.

Mon général, vous êtes le premier militaire que nous auditionnons dans le cadre du cycle de préparation de l'examen de la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2024-2030. Cette audition inaugure un format nouveau puisqu'elle sera mixte, c'est-à-dire que si nous commençons de manière publique, la dernière partie se déroulera à huis clos.

Permalien
le général d'armée Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées

C'est la quatrième fois que nous nous retrouvons depuis le début de cette seizième législature. J'ai déjà évoqué devant vous les évolutions de l'environnement stratégique et la nécessité d'anticiper pour ne pas être dépassé. Ces éléments ont été également présentés dans la Revue nationale stratégique, qui portait notamment sur les nouvelles menaces ou les nouveaux enjeux.

Avec la LPM, il s'agit de donner aux armées les moyens de répondre à l'ambition de puissance d'équilibres de notre pays. Sous la conduite du ministre des Armées, celles-ci ont mené un travail d'introspection très dense, avec la volonté de se mettre à la hauteur des transformations de notre monde. La guerre en Ukraine a bien évidemment influencé nos réflexions dans le sens où elle a permis de confirmer des orientations déjà prises, mais également de dévoiler des domaines où il faut encore plus nettement produire un effort.

Ces actions doivent se faire en étant connecter au réel, notamment en prenant en compte les difficultés socio-économiques de notre pays, et plus largement du monde. À ce titre, nous sommes conscients du niveau d'effort consenti par la nation. Nous sommes engagés pour exploiter ce potentiel au maximum pour la sécurité des Français et les intérêts de notre pays.

Avant de répondre à vos questions, je souhaiterais d'abord partager quelques éléments d'appréciation de la situation stratégique. J'expliquerai ensuite la méthode utilisée par l'état-major des Armées pour apporter sa contribution à la construction de cette LPM, avant d'aborder les grandes orientations de notre transformation.

Pour la France, la situation actuelle est d'abord influencée par l'attaque de l'Ukraine par la Russie d'une part, l'évolution de notre posture en Afrique d'autre part, marqué par notre retrait du Mali il y a six mois. La guerre en Ukraine correspond plutôt aujourd'hui à une guerre de position, avec de part et d'autre la volonté d'épuiser l'adversaire dans des batailles d'attrition massives. Elle se caractérise également par la mise en œuvre de profondeurs stratégiques dont les caractéristiques diffèrent chez les deux belligérants. La Russie joue sa stratégie de long terme et « encaisse les coups » en renouvelant son potentiel. De fait, la profondeur stratégique est probablement la caractéristique et l'atout majeur de la Russie depuis longtemps. À l'inverse, l'Ukraine dispose d'une moindre profondeur stratégique ; elle est donc plus vulnérable aux coups de son adversaire. Si elle est aidée par un certain nombre de pays, elle n'a pas totalement la main sur sa profondeur stratégique. L'Ukraine s'efforce d'agir plus rapidement, afin de ne pas subir sur le long terme la profondeur stratégique russe.

Les armées françaises interviennent en appui. Conformément à ce qu'a résumé le président de la République : « l'Ukraine ne peut pas perdre, ne doit pas perdre ». Les armées appuient l'action de la France en Ukraine sur deux axes. Le premier concerne des cessions (dites complètes), avec un effort pour céder des matériels immédiatement employables, sur lesquels nous avons formé les soldats ukrainiens. Comme le ministre l'a indiqué hier, nous préparons la cession d'un système sol-air de moyenne portée de capacité importante, qui aura lieu dans les semaines à venir. Le deuxième axe, qui porte sur la formation de l'équivalent d'un bataillon militaire ukrainien (600 militaires), a débuté cette semaine en Pologne. Ces militaires sont ainsi formés sur du matériel français, dans le cadre dans la mission européenne nommée European Union Military Assistance Mission (EUMAM).

En Afrique, la menace terroriste est en expansion, en particulier en direction du golfe de Guinée. La France cherche à changer la forme de sa présence, avec la construction de partenariats plus associatifs, c'est-à-dire d'égal à égal, avec les pays africains. Cela concerne un appui à la montée en puissance de ces armées africaines, si nécessaire jusqu'à l'accompagnement, comme nous le faisons actuellement au Niger. Le deuxième volet porte sur l'adaptation de nos dispositifs pour répondre du mieux possible et de la manière la plus adaptée aux besoins de formation de ces pays. Il s'agit notamment de nouvelles capacités dans le domaine de la troisième dimension, afin que ces pays disposent dans la 3ème dimension de capacités adaptées à leurs besoins. Il convient également de mentionner un effort de lutte dans le champ des perceptions, pour contrer la guerre informationnelle que nous livre un certain nombre de compétiteurs et réussir à donner une image plus vraie de la France. Cela nécessite néanmoins un effort collectif plus global : les armées ne doivent pas être la seule image de la France en Afrique.

La zone Asie-Pacifique devient le centre de gravité du monde. L'approche française doit tenir compte de la tyrannie des distances, dans la mesure où cette zone ne se situe pas dans notre environnement proche. Nous devons être capables de conduire des manœuvres de signalement stratégique pour assumer la compétition dans la zone Pacifique, grâce à la complémentarité des moyens. Nous sommes un pays de la zone disposant de forces prépositionnées sur place.

Par exemple l'exercice Croix du Sud, exercice interallié rassemblant de nombreux pays de la zone, est actuellement organisé et conduit par les forces prépositionnées et nous y adjoignons des moyens supplémentaires, à l'image de la mission Jeanne d'Arc qui a contribué à l'exercice. Il existe donc une complémentarité entre des moyens déjà présents sur zone et des renforcements que nous pouvons envoyer. Nous maintenons et développons également les liens avec nos partenaires dans la zone.

L'effort se porte aussi dans l'océan Indien, d'une part en raison des distances, mais d'autre part parce que les menaces y sont probablement plus prégnantes. L'objectif consiste ici à protéger les ressources de nos zones économiques exclusives (ZEE), mais également à défendre nos approches et à préserver la liberté de circulation pour les flux d'approvisionnement. Nous développons des partenariats avec les Émirats arabes unis (EAU) ou avec l'Inde.

Ensuite, comment les armées se sont-elles organisées pour contribuer à la construction de la LPM ? Nous avons tout d'abord bien identifié la nécessité de doter les fondamentaux de la défense française, c'est-à-dire un socle lié à la singularité de notre pays et de notre positionnement stratégique et géographique. En particulier, nous avons accordé une vraie priorité à notre autonomie, qui se conjugue avec notre place d'allié otanien et de partenaire stratégique fiable. Il s'agit en particulier d'être capable de tenir nos accords de défense. Il importe également de bien prendre en compte nos outremers.

Nous nous sommes également attachés à la singularité de nos armées, dont la mission consiste notamment à fournir à nos décideurs politiques une autonomie de compréhension et d'appréciation, en particulier à travers le renseignement, de son recueil à son exploitation. Cette mission est aussi la mise en œuvre de la dissuasion, avec des forces nucléaires adaptées aux évolutions de la menace. Enfin, nos forces conventionnelles doivent être crédibles, à la fois pour épauler la dissuasion nucléaire, mais également en termes de réassurance au profit de nos alliés.

Le but consiste à assurer la protection de tous les Français en métropole et en outre-mer face à la dangerosité du monde mais aussi à celle du quotidien. Tout repose sur les hommes et les femmes composant l'armée, qui se sont engagés au service de la France. Ils n'ont pas choisi la voie de la facilité mais agissent avec détermination. Nous devons être capables de maintenir le niveau de leur force morale ainsi que leurs compétences. Cette communauté humaine est aussi élargie aux familles.

Dans ce domaine, il y a là un vrai sujet de fonctionnement courant. Pour qu'un militaire soit capable de remplir sa mission en opération, il a d'abord vécu au quotidien dans sa garnison et il s'est entraîné. Ce fonctionnement courant, cette capacité à vivre correctement avec les moyens nécessaires et suffisants sont essentiels.

Cela signifie que nous avons abordé l'exercice de construction de la LPM à partir de deux points de vigilance. Le premier concerne le soutien, qui est une mission à part entière. Compte tenu des transformations historiques, celui-ci n'est pas complètement à la hauteur, ayant probablement subi par le passé une optimisation à outrance et des flux trop tendus. Or ceux-ci ne sont pas compatibles avec les exigences de la haute intensité, de la fidélisation et de la singularité militaire. Il s'agit de changer de logique et de dimensionner les moyens pour que les soutiens puissent remplir une mission et non pas des contrats de service. Une fois que les moyens seront alloués, les soutiens feront l'objet d'une très grande exigence pour être performant.

Un second point de vigilance porte sur la cohérence dans les actions de renouvellement capacitaire, qui diffère d'une logique de parc. Le plus important n'est pas de voir ce que nous avons dans nos casernes, dans nos hangars, amarrés à nos quais mais ce que nous pouvons réellement faire fonctionner. Nous devons être capables de disposer des matériels, mais également des potentiels d'utilisation et des munitions pour la préparation opérationnelle et pour l'engagement. L'autonomie logistique est également essentielle. Il ne suffit pas de disposer de matériels ; encore faut-il pouvoir les déployer, grâce à du personnel entraîné et des munitions disponibles. Cela doit nous permettre d'ajuster l'ambition aux réalités, sans la dénaturer, mais également de « sincériser » nos capacités opérationnelles.

J'ai défini trois axes d'effort pour pouvoir être à la hauteur des enjeux. Le premier concerne la cohésion nationale, qui est le fondement de la résilience et le centre de gravité de notre pays. De fait, nos adversaires, sur différents théâtres d'opérations, cherchent immédiatement à tester cette cohésion, qui agit directement sur les forces morales des armées.

Les armées ne sont pas les seules responsables, mais nous avons un véritable devoir de diffusion de l'esprit de défense qui contribue à la cohésion nationale. Notre action prioritaire se tourne vers la jeunesse, qui représente l'avenir de notre pays. De manière plus intéressée, il s'agit aussi pour les armées de répondre aux enjeux de résilience et de masse. La réserve constitue également un moyen puissant et direct de contribuer à la cohésion nationale.

Le deuxième axe d'effort est constitué par la solidarité stratégique. Dans notre monde, il est difficile d'imaginer d'être aujourd'hui efficaces et performants dans la durée si l'on agit seul. Nous devons donc être capables de rassembler et d'assumer si nécessaire le rôle de nation-cadre, en particulier dans une coalition. Cela implique de mieux assumer nos responsabilités au sein de l'OTAN, ce qui constitue pour moi le levier principal pour œuvrer au développement et à la consolidation d'un pilier de défense européen.

Nous devons aussi tirer un meilleur parti de nos partenariats stratégiques, pour lesquels je vois trois opportunités. Tout d'abord, il s'agit de monter des opérations dans un contexte de compétition, là où les organisations internationales sont probablement moins efficaces aujourd'hui. Ensuite, il convient de mieux accepter de profiter des stratégies régionales de certains de nos partenaires, pour concentrer nos efforts sur une stratégie plus globale. Il est illusoire de vouloir faire tout, tout seuls, partout. En outre, le levier de la préparation opérationnelle est essentiel. Les exercices en multinational sont plus exigeants en termes de niveau d'entraînement, mais également en matière de coordination. Nous devons nous y astreindre, car il s'agit d'un véritable levier de préparation opérationnelle.

Le troisième axe d'effort porte sur la puissance et l'efficacité de notre système de combat, qui nécessite trois adaptations pour être performant en multimilieux et multichamps (M2MC). Les trois milieux terre-air-mer sont concernés, mais également l'espace exo-atmosphérique, le cyber, les champs électromagnétique et informationnel et les grands fonds marins. Ces nouveaux domaines sont aujourd'hui touchés par la conflictualité.

Nous devons donc modifier notre organisation du commandement pour disposer d'un système de commandement plus plastique et être capables de nous adapter à la diversité des opérations dans lesquelles nous sommes engagés, depuis des situations de gestion de crise jusqu'aux opérations de haute intensité. Au cœur même d'une opération, le système de commandement doit être capable de donner le bon niveau de subsidiarité en fonction des différents secteurs et phases de l'opération. Ce défi constitue la clef de notre efficacité opérationnelle. De manière générale, l'organisation du commandement est essentielle.

Ensuite, nous devons développer l'organisation de nos capacités, c'est-à-dire la manière dont nous pouvons conduire les opérations le plus efficacement possible. Il s'agit d'une part de produire des effets sur nos adversaires. D'autre part, cette doctrine doit nous permettre de nous protéger de nos adversaires. Pour ce faire, nous devons être capables de mettre en réseau nos senseurs et nos effecteurs, cinétiques ou dans les champs immatériels. Je parle ici du réseau multi-senseurs multi-effecteurs (RM2SE).

De plus, nous devons adapter notre style d'action en fonction de nos adversaires et de leurs capacités. Ces vingt dernières années, l'objectif était de conquérir une supériorité aérienne, maritime, ou plus difficilement terrestre et d'agir à partir de ces milieux-là. Face aux adversaires auxquels nous pouvons être confrontés aujourd'hui, il me semble illusoire de pouvoir adopter la même approche. Il nous faut nous rapprocher des principes de la guerre de Foch, l'un d'entre eux étant l'économie des moyens.

Nous devons plutôt être capables de conduire une manœuvre à partir d'un niveau résilient permettant de contrer l'adversaire à moindre coût. Nous devons pouvoir créer une bulle d'hypersupériorité qui permette à un moment donné, dans une zone donnée, d'établir une supériorité pour produire des effets contre l'adversaire. Cette approche peut paraître moins ambitieuse, mais elle est plus réaliste.

Pour la mise en œuvre de cette LPM, si elle était adoptée, j'ai fixé quatre impératifs aux armées. Le premier impératif auquel nous devons aboutir porte sur la sécurité à 360 degrés. Il s'agit de la défense du cœur de souveraineté et de l'indépendance de la France, sur le territoire métropolitain mais aussi en outre-mer, dans tous les milieux et dans tous les champs. Pour y parvenir, nous devons disposer d'une dissuasion crédible, strictement suffisante, en modernisant nos moyens et en coordination étroite avec la direction générale à l'armement (DGA). Nous devons également consolider notre autonomie stratégique dans la fonction renseignement. Enfin, il faut contribuer à la résilience de la nation par l'affermissement de nos postures de protection, en particulier dans les nouveaux domaines cyber et espace.

Nous devons renforcer notre réactivité, notamment pendant les phases de contestation, où il nous faut pouvoir réagir de manière très rapide. Cela se traduit par le renforcement de l'échelon national d'urgence (ENU-R). Enfin, il convient de consolider nos capacités outre-mer, compte tenu de la tyrannie de la distance, en étant conscient que ce renforcement prendra du temps.

Le deuxième impératif concerne la crédibilité. Nous devons nous adapter à l'extension de la conflictualité - c'est le multimilieux et multichamps (M2MC) - et une augmentation de l'intensité. Au niveau opératif, nous devons disposer d'un vaste panel de moyens, en particulier être capables d'agir sur les perceptions, combinées aux effets cinétiques destructeurs de nouvelles munitions plus précises, en incluant les nouvelles technologies et particulièrement les drones.

Au niveau stratégique, il est indispensable d'assurer un meilleur entraînement pour renforcer notre capacité à commander une coalition en étant nation-cadre. Il importe donc de disposer au sein des trois armées d'éléments structurants permettant d'entraîner d'autres pays en Europe, mais aussi en Afrique. Le troisième impératif consiste à être en mesure d'assurer une adaptation permanente. L'évolution de la conflictualité, la complexité du monde et l'évolution technologique font de l'adaptation un mode de fonctionnement permanent. Cela pose des défis en termes de développement capacitaire : quels moyens pour faire quoi, mais surtout dans quels délais ?

Un certain nombre de chantiers d'adaptation ont été lancés ; ils peuvent être regroupés en deux grands volets. Le premier vise à poursuivre l'appropriation des nouvelles technologies (intelligence artificielle, cloud, cyber, drones, munitions télé-opérées, etc), en relation étroite avec la DGA. La préparation de la LPM a ainsi permis de mieux « raccorder un certain nombre de tuyaux ». Nous devons ensuite investir le champ de l'influence et de la lutte informationnelle. Dans ce domaine, nous avons probablement réagi avec un peu de retard. Les manœuvres hybrides bénéficient aujourd'hui d'un terrain extrêmement favorable et nous devons impérativement nous protéger et agir : nous ne pouvons pas abandonner ce champ de bataille. Nous avons d'ailleurs pris un certain nombre de décisions et de mesures, en avance de phase de la LPM.

Dans les champs immatériels, l'action passe d'abord par l'organisation et les processus ; mais nous devons également être capables de mettre sur la table un certain nombre de moyens. Les manœuvres hybrides bénéficient aujourd'hui d'un terrain favorable, du fait de l'organisation de nos sociétés, des technologies de communication et des réseaux sociaux.

Ensuite, l'ensemble de cette dynamique doit intégrer la question du changement climatique, notamment parce qu'il est porteur de crises dans de nombreuses régions du monde, et plus largement les enjeux liés aux questions énergétiques et environnementales.

Enfin, l'adaptation doit concerner nos modes de gestion RH. Nous devons nous donner les moyens d'assumer et de prendre en compte un décalage croissant entre les sujétions de l'état militaire, qui ne changeront pas, sous peine de ne plus être capable demain de remplir nos missions, et les modes de vie de la société civile. C'est par exemple un des objectifs du plan famille II.

Le quatrième et dernier impératif consiste à être exigeants pour nous-mêmes vis-à-vis de la nation. Nous sommes pleinement conscients des fortes contraintes économiques. De fait, l'argent public qui est alloué doit être utilisé de manière la plus rigoureuse possible.

Cela passe par une recherche de l'efficience à travers des mesures de simplification, c'est-à-dire l'ajustement du normatif au caractère exceptionnel de nos missions. Sur le plan capacitaire, avec la DGA, il faut réinterroger la soutenabilité dans la durée de nos programmes d'armement au vu de l'évolution très rapide, mais également les effets à produire. Il s'agit aussi d'intégrer la juste proportion du haut niveau technologique avec une identification plus exhaustive des chaînes de valeurs.

Pour conclure, le projet de LPM en lui-même n'est pas un aboutissement mais un point de départ. Le défi de sa mise en œuvre demeure important pour les armées. Nous avons déjà engagé un certain nombre de transformations pour répondre aux nouveaux enjeux de la conflictualité et à l'accélération de notre monde. Il nous faut poursuivre ces efforts. Je suis conscient que la LPM est un acte de portée majeure et si les Français nous regardent, cela est aussi le cas des Européens et de nos compétiteurs. Vous pouvez compter sur les armées pour se montrer à la hauteur de ces défis.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mon général, en votre qualité de chef d'état-major des armées (CEMA), vous êtes responsable de l'emploi opérationnel des forces. Le rapport annexé du PLPM définit les contrats opérationnels pour les armées dans les six fonctions stratégiques :

Ces contrats s'articulent autour d'une posture de réactivité et d'un complément de forces mobilisables en cas d'engagement dans une crise majeure. Dans un contexte de multiples menaces, nul n'est à l'abri d'une crise. Cela oblige donc nos forces à réagir avec réactivité et efficacité. Cette réactivité est un gage de crédibilité pour nos forces armées, mais également une condition pour pouvoir jouer un rôle de nation-cadre au sein d'une coalition, comme vous nous l'avez rappelé.

Concernant les contrats opérationnels, pourriez-vous nous donner de plus amples précisions sur ce que prévoit le PLPM ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le groupe Renaissance estime que la LPM s'inscrit dans un contexte d'efforts continus. Cette loi intervient après une première loi de programmation de réparation, qui a été intégralement respectée. Mais cette LPM ne poursuit pas uniquement un objectif financier : elle intervient avant tout dans l'analyse d'un contexte géostratégique et de menaces évolutives, en Ukraine, en Afrique et dans la zone Indopacifique.

Nous considérons donc que cette LPM est un outil majeur d'évolution et d'adaptation de nos armées, mais également un outil de message diplomatique et politique. Nous n'imaginons pas un instant que cette LPM soit l'objet de postures politiciennes. Cependant elle suscite aussi des interrogations. Le ministre a notamment évoqué ses ambitions quant au modèle d'emploi de nos armées et la nécessité de fidéliser les nouvelles générations. Pourriez-vous développer ces objectifs ?

Ensuite, cette LPM produit un effort considérable de 100 % sur le budget consacré aux drones. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions à cet égard ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Votre audition était très attendue. Nous avions tous l'espoir que la cadence budgétaire de cette nouvelle LPM soit à la hauteur des ambitions de nos armées, dès la première marche, en 2024. Force est de constater que celles-ci se voient à nouveau insatisfaites.

Mon général, vous êtes légionnaire. Aussi irai-je droit au but. Notre modèle d'armée était centré sur les opérations extérieures (OPEX). Vous avez été un des initiateurs du tournant vers la haute intensité, à laquelle la LPM devait nous préparer. Pourtant, tous les programmes auront du retard, y compris le programme Scorpion de l'armée de terre. De multiples compagnies de combat seront supprimées. Le budget de cette LPM est très en deçà de ce qui est nécessaire pour se préparer à des conflits d'État à État.

Je suis bien conscient que nos armées ne sont pas responsables de cette LPM au rabais mais que les politiques doivent s'en expliquer. Au même titre que les autres députés de mon groupe, je tiens à témoigner de ma reconnaissance pour nos militaires qui se dévouent à notre pays et qui subissent depuis trop longtemps à des décisions politiques hors sol. Néanmoins, pouvez-vous nous dire en quoi cette LPM permet selon vous de nous préparer à la haute intensité ? Pouvons-nous avoir l'assurance qu'elle nous permettra d'être prêts alors que des moyens basiques (équipements, essence) manquent cruellement ? Aurons-nous la masse critique suffisante pour affronter des armées nombreuses et bien préparées ? Enfin, que pouvez-vous nous dire sur la formation des élèves officiers et sous-officiers pour les préparer à ces conflits durs ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les quelques pages du rapport annexé au projet de LPM questionnent à plusieurs égards. Tout d'abord, je constate les multiples renoncements ou réductions de cible. En 2018, le ministère des armées prévoyait 169 hélicoptères interarmées légers (HIL) en 2030, mais à présent seulement 20 sont envisagés. De même, dans la précédente LPM, la cible portait sur 185 Rafale R contre 137 à présent. La marine devait quant à elle bénéficier de 5 frégates de défense et d'intervention (FDI), mais il n'y en aura que 3 en 2030. Dans le même registre, l'armée de terre devait obtenir 200 chars Leclerc rénovés ; il y en aura finalement 160. Pour la défense sol-air, la cible reste la même : 8 systèmes en 2030, alors que le retour d'expérience (RETEX) ukrainien signale que l'enjeu est d'importance.

Ces renoncements s'expliquent-ils par une forme de défaillance ou d'incapacité de notre base industrielle et technologique de défense (BITD) ou par un choix différent, la conception d'un autre format pour nos armées ? Je partage le constat de la nécessité de se préparer à un engagement majeur. Mais ces renoncements nous permettent-ils réellement d'être crédibles ?

J'ai été par ailleurs rapporteur d'une mission consacrée aux fonds marins. Votre rapport évoque une capacité de drones et robots pour les moyens et grands fonds. Jusqu'à 2035, les incréments se poursuivront. J'aimerais que vous en précisiez le sens, même si je crois savoir qu'en réalité, cela ne correspondra pas à une hausse des capacités.

Je souhaite également vous interroger sur la participation des armées à la sécurisation des Jeux olympiques. La légère augmentation de la provision de 800 millions pour les OPEX et les missions intérieures (MISSINT) laisse penser que le financement pourrait s'élever uniquement à 50 millions d'euros. Quelle est la quote-part que les armées devront payer pour la sécurisation des Jeux olympiques ?

Enfin, je m'interroge sur le service national universel (SNU). Le ministre a indiqué hier que la contribution devrait être in fine marginale. Avez-vous des précisions sur le volume attendu et sur la nature de la contribution des armées au projet de SNU ?

Permalien
le général d'armée Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées

La précédente LPM était une LPM de réparation et nous conduisait vers une ambition opérationnelle 2030, pour l'engagement vers la haute intensité. Nous avons été probablement rattrapés par les événements, mais au même titre que les autres armées occidentales, notre armée s'est engagée face au terrorisme militarisé durant les vingt dernières années, dans des opérations certes dures mais dans un relatif confort opérationnel. En effet, la troisième dimension était maîtrisée, nos voies d'approvisionnement aériennes, maritimes et terrestres étaient sécurisées, etc.

Désormais, un changement d'échelle est nécessaire pour pouvoir faire face à un conflit de haute intensité. Ce changement d'échelle ne peut s'effectuer en un claquement de doigts. Les développements doivent ainsi être cohérents pour aller vers cette haute intensité ; mais cette cohérence avait pu être mise à mal parce que nos engagements du moment nous avaient conduits à fixer autrement les priorités. Un problème de formation et d'entraînement se pose également. Les leçons de la guerre en Ukraine sont à ce titre éclairantes : il semble que l'armée russe n'ait pas su s'entraîner et se préparer à la guerre de haute intensité, à la fois dans l'organisation de son commandement, dans le développement de son système logistique et dans son système de manœuvre et de combat interarmes et interarmées. Cette LPM vise à développer ces capacités.

Pour moi, le point clef porte donc bien sur la cohérence. Nous devons aller au-delà de la possession d'un parc. Si nous ne disposons pas de l'autonomie logistique nécessaire au déploiement des moyens que nous avons achetés, nous ne répondrons pas aux enjeux. Cela ne posait pas de problème quand nous engagions 5 000 hommes en Afghanistan ou au Mali. En revanche, dans le cadre de la haute intensité, le volume de forces à déployer serait bien supérieur. Nous ne pouvons pas couvrir uniquement la cible capacitaire stricto sensu ; nous devons aussi procéder à un rattrapage de nos stocks de munitions, renforcer le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels et disposer de moyens d'entraînement et de moyens logistiques. Cela explique aussi la manière dont nous procédons ; un rattrapage est nécessaire pour être au niveau des défis auxquels nous pourrions être confrontés.

Ensuite, le conflit de haute intensité est un sujet collectif d'engagement en multinational. La France veut cependant conserver des moyens pour être capable d'agir seule là où c'est nécessaire, ce qui implique un certain nombre de choix. D'autres pays se posent beaucoup moins cette question, car ils considèrent qu'ils ne peuvent s'engager qu'au sein d'une alliance ou avec un allié majeur. Telle n'est pas la position française.

Nous devons donc conserver un certain nombre de moyens que vous appelez parfois « échantillonnaires ». Or la France est marquée par des caractéristiques singulières. Par exemple, nous avons des possessions outre-mer et nous devons être capables d'y intervenir malgré la tyrannie des distances. Nous devons être capables d'agir de manière autonome et nous croyons également au pilier européen de la défense. Ces éléments expliquent la manière dont les contrats opérationnels sont construits. La dissuasion nucléaire constitue le socle de notre défense et les autres capacités s'articulent autour d'elle. Ces différents aspects expliquent le mode de construction de cette LPM, en respectant la cohérence et les volontés d'autonomie et d'indépendance de la France.

Je ne parlerais pas de « LPM au rabais », compte tenu de l'effort de la nation, qui est extrêmement important. Cet effort est employé et distribué pour permettre d'exercer un modèle de défense français.

Ensuite, les hommes et les femmes étant les éléments clefs de notre armée, la formation représente le premier levier sur lequel nous pouvons agir. La formation porte ainsi sur la haute intensité, le renforcement des forces morales, mais aussi probablement sur une plus grande subsidiarité et l'utilisation de la technologie, à tous les niveaux. La subsidiarité sera clef : dans un combat de haute intensité, certains combattants seront plus coupés de leurs chefs qu'ils ne le sont aujourd'hui, ils devront savoir et pouvoir agir en autonomie.

En matière de contrats opérationnels, nous privilégions la cohérence avant la masse ; la réactivité avant l'endurance. Notre effort porte vers la haute intensité, nous devons être capables de réagir vite. Au fur et à mesure de la LPM, l'endurance viendra compléter la réactivité.

Le rôle de nation-cadre est également important dans les contrats opérationnels. Le groupe aéronaval est un agrégateur de pays. Ceci vaut aussi dans le domaine terrestre, avec la capacité à conduire des opérations au niveau des divisions et du warfighting corps, le niveau auquel la bataille se mène aujourd'hui et façonne l'adversaire dans la profondeur, ce qui est essentiel en termes d'autonomie politique. Cela vaut enfin pour le système aérien, avec un commandement Joint Force Air Component Commander (JFACC), qui est capable de coordonner et conduire plusieurs centaines de missions aériennes par jour avec des moyens de surveillance et de ravitaillement.

La fidélisation est extrêmement importante, compte tenu notamment du niveau de décalage entre les sujétions militaires et la manière dont le monde civil vit aujourd'hui. Nous menons des réflexions sur notre positionnement dans le monde de l'emploi et de la mobilité, afin de faire en sorte que le système ne soit pas trop en décalage. Je rappelle la nécessité d'être extrêmement mobile, puisque le marché de l'emploi l'est également.

Ensuite, il est logique que les armées contribuent aux Jeux olympiques, lesquels constituent un véritable rendez-vous pour notre pays. Les armées sont intégrées dans la montée en puissance du dispositif. Comme je l'ai indiqué au préalable, un des rôles des armées est de contribuer à la protection des Français face à la dangerosité du quotidien. Le défi consiste à anticiper ces éléments, même si nous savons que nous devrons être réactifs.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Au nom du groupe LR, je suis ravie de pouvoir vous auditionner aujourd'hui. Le ministre des armées nous a confirmé que la nouvelle LPM visera à consolider les fondamentaux. Il s'agit toujours d'une LPM de réparation et de transformation des infrastructures militaires, une LPM visant à maintenir nos armées en condition opérationnelle. Les stocks de munitions ont été relevés, le plan de recrutement est ambitieux et les prévisions de rémunération sont révisées à la hausse

Cependant, compte tenu des indicateurs conjoncturels actuels, cette augmentation de budget conséquente sera affectée par l'inflation ; 30 milliards d'euros ayant d'ailleurs été fléchés en ce sens. Pourtant, nous avons de grandes ambitions pour nos armées. Le budget du ministère des armées sera de 69 milliards en 2030 quand il était de 32 milliards en 2017. Mais cela sera-t-il suffisant ? Vous serez amenés à faire des choix et à établir des priorités pour maintenir les capacités de nos armées.

Quelles sont vos priorités, celles où une attention particulière doit être portée au travers de cette nouvelle LPM afin que nos armées demeurent dissuasives, efficaces et redoutées ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez souligné l'importance du nouveau champ qu'est le cyber. Quand on regarde le rapport d'information portant sur le bilan de la LPM 2019-2025, le Comcyber, qui dépend directement de l'état-major des armées, ne serait qu'à 82 % de ses effectifs.

De nombreux moyens sont consacrés aux défis du recrutement : création d'une bourse cyber, opérations de communication dans les lycées et les écoles d'ingénieurs et les salons de recrutement. Enfin, il existe des apprentissages spécifiques dans le cyber, comme le brevet de technicien supérieur dans les domaines de la cyberdéfense, qui peut mener directement à des emplois au sein du Comcyber.

Le Comcyber travaille à la construction de parcours et des carrières en partenariat avec les industriels, afin que les parties prenantes de l'écosystème de cyberdéfense français travaillent ensemble. Comment ce parcours se matérialisera-t-il ? Pensez-vous souhaitable de créer des passerelles entre le public et le privé avec des entreprises partenaires afin de créer des synergies sur le long terme ? Un agent du Comcyber pourrait-il renforcer provisoirement une entreprise privée ? Inversement, un agent du privé pourrait-il travailler provisoirement travailler au sein du Comcyber, pour gagner en expérience et éventuellement s'engager au sein de l'armée cyber par la suite ? Enfin, des combattants cyber pourraient faire partie de la réserve et des spécialistes qui pourraient travailler jusqu'à 72 ans par exemple.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mon général, je vous remercie de revenir devant nous pour l'ouverture de nos auditions sur le PLPM. Ce projet s'inscrit dans le cap dessiné par le Président à l'occasion de la Revue nationale stratégique. Mon groupe partage la nécessité d'inscrire dans une nouvelle programmation le réinvestissement dans nos armées.

Notre collègue Renaissance nous a enjoints à surmonter les postures politiciennes lors de son intervention. Cela ne signifie pas pour autant contourner le débat construit entre parlementaires au sein de notre commission, dont les citoyens ont particulièrement besoin. Comment analysez-vous la trajectoire et les choix opérés par ce projet au regard des choix adoptés par nos alliés européens, y compris nos alliés britanniques ? La LPM est-elle synonyme d'un changement d'époque, comme cela est annoncé en Allemagne ? Dans quelle mesure cette LPM serait un signal positif pour le positionnement français au sein de l'OTAN ? La cible de 2 % du produit intérieur brut pour les dépenses militaires pourrait ainsi être atteinte dès 2025.

Pourtant, comme le relève le Haut Comité des finances publiques, une part significative de l'effort est concentrée en fin de période et à rebours de l'objectif général d'évolution de la dépense publique. Cet aspect demeure une source d'incertitude. Concrètement, pensez-vous que cette incertitude puisse nuire à la robustesse à long terme de la trajectoire de cette LPM ? Plus spécifiquement, l'étirement temporel des cibles numériques concernant certains blindés est-il le reflet d'un choix capacitaire au bénéfice de priorités comme le cyber par exemple ? Dans quelle mesure enfin les leçons du conflit ukrainien influent sur ces orientations de cadencement ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je tiens à vous adresser un message de sincère reconnaissance pour le travail fourni par vous-mêmes et vos équipes dans la préparation de cette LPM, ainsi que pour votre disponibilité devant cette commission.

Une loi de programmation militaire est toujours sous-entendue par des hypothèses géostratégiques. Le modèle que vous soumettez à notre appréciation est un modèle d'armée complet, multi-milieu et échantillonnaire, avec une forte composante dissuasion. Le modèle retrouve un équilibre entre l'autonomie stratégique et une capacité à agir en alliance.

Parmi les différentes maquettes que vous avez souhaité examiner, quels sont les formats que vous avez écartés ? Ensuite, la fonction logistique le semble essentielle, comme le contexte géostratégique actuel nous le rappelle. Le général Omar Bradley disait ainsi que « les amateurs parlent stratégie, les professionnels parlent logistique ». Je pense évidemment aux capacités de franchissement, au ravitaillement, aux ponts, au génie, à la sécurisation des approvisionnements. Que pouvez-vous nous dire sur votre ambition pour la fonction logistique dans cette LPM ?

Permalien
le général d'armée Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées

Pour construire cette LPM, s ous l'autorité du général Pons, le sous-chef « plans » de l'état-major des Armées, des groupes de cohérence ont été mis en place, pour obtenir un modèle le plus cohérent possible. En effet, chaque armée ne peut se développer seule et l'efficacité opérationnelle repose sur un engagement interarmées.

Vingt ans de guerre contre le terrorisme militarisé avaient conduit à accorder une importance moindre à un certain nombre de fonctions, qui ne trouvaient pas leur emploi (franchissement, feux dans la profondeur, défense sol-air…). Il y a désormais un rééquilibrage pour remonter à niveau sur des capacités qui avaient été un peu sous-dotées car nous en avions moins besoin.

Le sujet logistique est extrêmement important, à deux niveaux. D'une part, nous devons changer d'échelle, d'autre part la logistique va devoir sans doute opérer sur une menace plus importante. À ce titre, les actions menées en termes de combat infovalorisé ouvrent des possibilités. Cependant, le dimensionnement importe également : ma préoccupation consiste bien à disposer d'une autonomie logistique à la hauteur de l'ensemble de nos forces. Aujourd'hui, nous sommes limités en matière d'engagement, non pas par les moyens dont nous disposons, mais par l'autonomie logistique que nous pouvons déployer.

Ensuite, l'inflation est une donnée qui concerne tous les ministères, mais aussi tous les Français. J'espère qu'elle diminuera lors des années à venir pour nous permettre de retrouver un certain nombre de marges de manœuvre. Objectivement, il fallait bien intégrer ce phénomène dans la construction de la LPM.

J'ai déjà répondu à la question de la cible : celle-ci doit être développée avec une grande responsabilité en termes de cohérence.

Le cyber représente effectivement une partie importante. Le Comcyber, s'il dépend toujours de l'état-major des armées, devient un commandement plus autonome. À l'image du commandement des opérations spéciales, il pourra également mieux organiser les différentes unités cyber présentes dans les trois armées. Dans le domaine cyber, le marché du travail demeure en grande tension, y compris dans le civil. Des efforts ont été cependant accomplis, avec la création par exemple d'un BTS cyber ou encore l'école militaire préparatoire technique de Bourges qui a pleinement intégré cette dimension. En revanche, nous devons continuer à progresser pour améliorer notre agilité en matière de gestion, c'est-à-dire être en mesure de recruter et de remplacer beaucoup plus rapidement un responsable cyber.

J'ai évoqué les trois axes d'effort : la cohésion nationale, les partenariats et la crédibilité militaire. Le véritable défi consiste à pouvoir pleinement identifier les axes de transformation sur lesquels nous devons avancer, en faisant nécessairement des choix. Par exemple, nous transformons des compagnies d'infanterie pour être plus présents dans le cyber et dans l'influence, en considérant qu'il sera plus facile de mutualiser les moyens conventionnels en agissant en coalition.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

« Gagner la guerre avant la guerre », tels sont les mots que vous avez employés dans votre discours sur la vision stratégique pour les armées françaises. L'intensification des crises et le retour des conflits de haute intensité, couplés à la masse de données toujours plus importantes à traiter, imposent une réorganisation profonde à la direction du renseignement militaire.

Ce renseignement est en effet indispensable pour l'appui aux opérations, l'appréciation autonome des situations et l'évaluation de la menace à long terme. Ce renseignement humain, cyber et électromagnétique est récolté aussi bien sur terre que dans l'espace. Certaines techniques de renseignement mises en place ont permis de prédire l'imminence du conflit entre la Russie et l'Ukraine, ce que les services français n'ont pas directement perçu. La perfectibilité du renseignement français semble cependant avoir été prise en compte dans la nouvelle LPM. Estimez-vous cet effort suffisant et à la hauteur des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je tiens d'abord à exprimer mon soutien et ma reconnaissance aux armées, à ces femmes et ces hommes qui se sont engagés à servir dans nos armées.

Quel est votre avis sur l'archipel France ? La construction de la LPM répond-elle à ses défis ? Nous savons en effet que les océans et la mer sont le lieu de la haute compétition. Nos bases navales dans l'océan Indien, le Pacifique et plus généralement dans nos outre-mer sont-elles capables d'accueillir la montée en puissance nécessaire face aux enjeux de la tyrannie des distances ? Ne serait-il pas temps d'affirmer que nos territoires d'outre-mer constituent notre richesse ? La France est une puissance maritime et la deuxième ZEE mondiale. Devons-nous investir dans de nouvelles infrastructures ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les menaces qui pèsent sur nos outre-mer ont été précisées dans les orientations de la LPM. Cernés par des tentatives de déstabilisation d'acteurs étatiques ou non étatiques, menacés dans l'Indopacifique par la Chine, ils doivent en plus faire face au réchauffement climatique. À ces menaces s'est ajoutée la perte de puissance en termes de baisse de personnels (-25 %) et de perte de matériels.

La LPM envisage une montée en puissance de nos défenses en outre-mer, puisque 13 millions y seront consacrés. Ma question porte le renforcement de nos capacités opérationnelles en outre-mer, notamment en Indopacifique. Pouvez-vous préciser la forme que prendront le premier échelon renforcé et le durcissement de commandement, qui sont évoqués dans l'annexe de la LPM ? Pouvez-vous préciser les dotations en patrouilleurs en outre-mer ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le Rassemblement national est fortement attaché à la sanctuarisation de la dissuasion nucléaire par ses forces océaniques et aéroportées. En effet, si un État avait quelques volontés de vouloir annihiler la France, il sait qu'il devrait subir des dommages inacceptables. Portant, la potentialité d'un conflit de haute intensité n'a jamais été aussi réelle et la question de l'utilisation de l'arme nucléaire se pose nécessairement.

Le président de la République a souligné en 2020 que, si la France était le seul État membre de l'Union européenne doté, les intérêts vitaux définis par François Mitterrand puis consolidés par Nicolas Sarkozy sous l'angle de la stricte légitime défense avaient désormais une dimension européenne. De même, il a rappelé à l'automne dernier que la doctrine française strictement défensive n'avait pas vocation à changer.

Dès lors, quelles seraient les implications pour la France si la Russie franchissait par exemple la frontière polonaise ? La France doit-elle envisager le nucléaire tactique ? Ne conservons-nous que le volet défensif de notre dissuasion ou envisageons-nous la possibilité d'une arme nucléaire tactique utilisable en attaque ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour mener à bien un conflit aux côtés de nos alliés, il ne suffit pas d'aligner plus de soldats et d'équipements, il faut également mettre en œuvre les moyens pour assurer un commandement au niveau d'une division et donc disposer de moyens de transmission performants et interopérables.

Élue du Puy-de-Dôme, dans une circonscription où est basé le 28e régiment de transmissions d'Issoire, je souhaiterais avoir des précisions sur la place accordée aux transmissions dans la future LPM.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le projet de la LPM porte l'ambition de développer les drones au sein de nos armées. Le développement des drones se fera dans nos trois armées. Le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA) rattaché à l'armée de l'air et de l'espace a-t-il vocation à travailler avec les deux autres armées sur la maîtrise de l'espace aérien ? À l'inverse, des groupements tactiques interarmes, issus par exemple de l'armée de terre, ont-ils vocation à s'autonomiser dès qu'ils emploieront leurs drones ? Enfin, quelles seront, en termes d'effectifs, les répercussions de l'arrivée massive des drones au sein de nos forces ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je formule une inquiétude sur l'équipement de nos trois armées. Si j'ai bien compris, le programme Scorpion sera affecté par un retard de livraison sur plus de 1 206 véhicules et il faudra attendre 2035 pour bénéficier de l'intégralité des 200 chars Leclerc rénovés. De même, l'armée de l'air et de l'espace ne pourra compter que sur trente-cinq A400M en 2030. Dans la Marine, seulement 15 frégates de premier rang sont planifiées au lieu des 18 prévues. Quel est votre sentiment sur ces arbitrages ? Quelles en sont les conséquences sur nos capacités opérationnelles ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Général, je me permets de vous relancer. Pouvez-vous me donner l'ordre de grandeur de la contribution des armées aux Jeux olympiques ? Je n'ai pas non plus obtenu de réponse sur les fonds marins, ni sur la question de la contribution des armées en volume au SNU.

Vous avez par ailleurs indiqué qu'il fallait privilégier la cohérence à la masse. Je comprends la logique, mais j'y vois une critique de la première LPM. J'aimerais donc vous entendre sur le bilan de cette première LPM.

Enfin, puisque l'influence est une nouvelle fonction stratégique, quelle est la DORESE (« Doctrine, organisation, ressources humaines, équipements, soutien des forces, entraînement ») qui irriguera la mise en œuvre de cette fonction stratégique ?

Permalien
le général d'armée Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées

Le contrat opérationnel des Armées est de pouvoir déployer jusqu'à 10 000 militaires sur le territoire national. C'est ce que nous devons être en mesure de réaliser dans une échelle de temps bornée qui correspond en gros à la durée des Jeux olympiques. Puisqu'il s'agit d'un événement exceptionnel, il peut y avoir une contribution exceptionnelle. Mon véritable sujet porte surtout sur l'anticipation, plutôt pour des problèmes de logistique et de soutien que pour le déploiement des unités en tant que tel.

Le SNU ne fait pas partie de la LPM. Cependant, la jeunesse est bien identifiée dans l'axe d'effort sur la cohésion nationale. Quand ce projet sera précisé, les armées seront bien évidemment concernées. C'est à la fois leur devoir, mais également leur intérêt.

Les enjeux de cohérence et de masse ne constituent pas une remise en cause de la loi de programmation précédente. Les choix de nos prédécesseurs ont été fait en conscience et en responsabilité dans les circonstances du moment. Le sujet de la cohérence est aujourd'hui devenu essentiel. Il ne me semble pas pertinent de courir derrière une cible capacitaire qui ne répondrait pas aux défis à relever.

En ce qui concerne l'influence, il s'agit là d'une stratégie indirecte qui avait été probablement insuffisamment prise en compte lors des dernières années. L'influence ne correspondait pas totalement à la vision française de la conduite la guerre. Mais nous avons intérêt à changer, dans la mesure où nos adversaires n'hésitent pas à intervenir dans ce champ. Cependant, vous pouvez constater, notamment en Afrique, que les choses sont en train de bouger. Dans l'espace informationnel, il n'y a pas de victoires décisives. En revanche, nous sommes désormais bien présents dans cet espace et nos compétiteurs ont bien compris qu'ils n'avaient plus le champ libre.

Les décalages dans les livraisons sont liés à la question de la cohérence. Il ne sert à rien de disposer de véhicules ou d'avions que je ne pourrai pas déployer. Mon objectif consiste à fournir un outil opérationnel, qui puisse être engagé. Il faut associer les sujets soutien et cohérence, en termes de développement.

Ensuite, la LPM ne prévoit pas le développement d'armes nucléaires tactiques.

Les systèmes d'information et de communication (SIC) reposent sur l'architecture du commandement, c'est-à-dire la manière de commander. Les réseaux multi senseurs et multi effecteurs reposent sur une capacité à établir une connectivité minimale en temps normal et une connectivité renforcée et durcie quand on veut mettre en place une bulle d'hyper supériorité. Nous poursuivons le développement : le programme Titan globalise pour l'ensemble des armées,

S'agissant des drones, nous préférons parler de systèmes autonomes, qui ne concernent d'ailleurs pas uniquement le domaine aérien. Dans ce domaine, il existe toujours une nécessité de se coordonner et le CDAOA joue un rôle global. En interarmées et en interarmes, la gestion de l'espace aérien constitue toujours un véritable défi. En Ukraine, nous constatons que les Russes éprouvent des difficultés à maîtriser cet élément. Plus généralement, les deux belligérants ont du mal à gérer simultanément les systèmes de défense aérienne et à faire voler leurs appareils et leurs drones dans cet espace.

La question de l'évolution du recrutement se pose mais je suis relativement confiant : les jeunes qui s'engagent n'ont pas de problème à manier des drones, à travailler sur écran et à gérer l'intelligence artificielle.

S'agissant des outre-mer, 800 millions sont prévus pour les infrastructures au sens large et 10 % en effectifs supplémentaires, pour renforcer les capacités, en deux couches. La première couche consiste à durcir la résilience de nos dispositifs outre-mer, pas uniquement dans la défense physique, mais aussi dans le renforcement de la cohésion nationale.

La marine nationale bénéficie de six nouveaux patrouilleurs outre-mer (POM), auxquels il faut ajouter trois patrouilleurs Antilles-Guyane (PAG).

En matière d'organisation du commandement, nous devons être capables de travailler au niveau d'un théâtre d'opérations. Il existe évidemment un COMSUP (commandant supérieur) en Guyane et un COMSUP aux Antilles, mais la zone opérationnelle est la même. Nous nous apercevons qu'il est plus facile d'entretenir et de disposer de bâtiments aux Antilles. Il y a donc une forme de mutualisation dans les moyens, mais surtout dans l'emploi de ces moyens. L'optimisation du commandement porte précisément sur cela.

L'audition continue à huis clos.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette audition se déroule désormais à huis clos. Chers collègues, je vous propose d'entamer une nouvelle séquence de questions.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je souhaite revenir sur l'évolution envisagée de notre dispositif en Afrique. Le rapport annexé de la LPM évoque une présence permanente réduite mais accueillant davantage de renforts ponctuels spécialisés pour répondre aux sollicitations des pays partenaires. Pourriez-vous nous en dire davantage ? Quelle forme prendra ce partenariat ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mon général, je n'ai pas été totalement convaincu par la réponse que vous avez apportée à ma précédente question sur l'équipement de nos armées. Les éléments de la précédente LPM portant sur l'équipement et le capacitaire avaient globalement été respectés. En revanche, des problèmes demeuraient sur la fidélisation, le logement et le traitement indiciaire des personnels. Ces problèmes perdurent. Par ailleurs, dans le domaine capacitaire, il semble exister un retard par rapport à la Revue stratégique. Je pose donc à nouveau ma question : comment analysez-vous réellement l'écart entre ce qui a été promis en matière d'équipements et ce qui est effectivement réalisé ?

Permalien
le général d'armée Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées

L'Afrique est importante pour la crédibilité française. Nous y sommes particulièrement observés par nos alliés européens, notre allié américain et nos grands compétiteurs. Nous n'avons probablement pas perçu suffisamment tôt comment l'Afrique évoluait. Mais nous avons également évolué, d'une manière qui ne nous a pas permis d'appréhender de manière globale ce qu'il s'y passait. Il y a vingt ans, au-delà du dispositif militaire qui est d'ailleurs toujours existant, des centaines de coopérants français se trouvaient en Afrique dans les domaines de l'éducation, du développement ou de la culture. Aujourd'hui, ils ont presque disparu. Seuls les militaires ont maintenu une présence visible de la France, par la force des circonstances. Compte tenu de la guerre contre le terrorisme, nous avons augmenté la durée de nos opérations. Cette visibilité s'est d'autant plus accrue que les autres aspects de la présence de la France ont diminué.

Le sentiment anti-français qui est souvent mis en avant ici ou là n'est pas généralisé. Il est néanmoins réellement présent dans certains endroits, et nos compétiteurs le savent et en jouent. Ils sont aujourd'hui très présents en Afrique et ils sont moins bien intentionnés que nous.

Certains sont ainsi capables de proposer une offre économique extrêmement incitative, mais aussi intéressée. Les pays africains commencent à s'en rendre compte sur certains aspects. De son côté, Wagner propose une offre sécuritaire séduisante auprès de régimes issus de coups d'État ou en difficulté. Auparavant, nous étions la seule interface de ces régimes, mais aujourd'hui ils disposent d'une alternative sans condition ou presque, puisqu'il suffit de payer, ce que nous ne réclamions pas.

Nous devons également changer nos conceptions en individualisant nos relations. Notre dispositif ne se transforme pas en Afrique ; il se transforme au Sénégal, en Côte d'Ivoire ou au Gabon. Ces pays en ont assez d'être considérés comme formant un ensemble homogène. Nous devons donc veiller à la manière dont nous présentons les choses. L'évolution aura lieu pays par pays, au rythme où ces pays le voudront et en fonction des objectifs qu'ils auront définis. Ce sera essentiel : la crédibilité française repose en partie sur ce que nous sommes capables de faire en Afrique et sur la poursuite de la défense de nos intérêts.

Nous sommes donc engagés dans un véritable changement d'approche dans nos relations avec les partenaires africains, pour l'orienter vers une vraie co-réflexion et une vraie co-construction. Notre dispositif militaire va s'ajuster en conséquence, au cas par cas. Cela nécessitera des efforts très importants de part et d'autre, mais également un véritable investissement interministériel.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Qu'en est-il des renforts spécialisés en matière de forces spéciales ou dans le monde cyber ou informationnel, à la demande des partenaires ?

Permalien
le général d'armée Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées

Monsieur le député [Jacobelli], les choix qui avaient été faits auparavant avaient toute leur cohérence au regard de l'état de la menace et ils nous ont permis de réparer nos armées durant toutes ces années. Cependant, ils ne sont plus adaptés à présent compte-tenu de l'évolution du contexte. En tant que responsable de l'emploi, je préfère une armée capable d'engager les moyens sans délai en cas de guerre. Tel est le sujet du développement équilibré préconisé.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Votre réponse est sincère mais presque plus inquiétante.

Permalien
le général d'armée Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées

Mon travail consiste à disposer d'une armée capable de s'engager en opération dans un conflit de haute intensité. Je n'émets pas de critiques sur ce qui a été fait au préalable, les choix correspondaient à une époque. Les choix que nous menons aujourd'hui correspondent aux besoins d'une nouvelle époque.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous avons senti une inflexion des discours sur la notion d'Indopacifique, avec un resserrement vers la partie occidentale de la zone. Pouvez-vous évoquer cette évolution de la doctrine, qui correspond d'ailleurs à des remarques que nous avions effectuées, notamment lors de la campagne présidentielle ?

Ensuite, je souhaite vous interroger plus globalement sur la notion de souveraineté, et notamment les vulnérabilités d'ordre industriel, mais aussi celles relatives au changement climatique et à l'épuisement des ressources. La LPM permet-elle de contrecarrer ces vulnérabilités ? Je pense notamment au domaine informatique, avec une faiblesse identifiée chez Atos. D'autres faiblesses concernent l'accès à l'espace, le porte-avions ou les câbles sous-marins. Dans ce dernier champ, le fabricant Alcatel Submarine Networks représente lui aussi une vulnérabilité. Il n'est toujours pas nationalisé, en dépit de nos demandes. Pouvez-vous nous éclairer sur ces sujets ?

Permalien
le général d'armée Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées

Je n'évoquerai pas les questions industrielles. Le délégué général pour l'armement vous répondra forcément mieux que moi sur ces sujets.

S'agissant de l'Indopacifique, il nous faut observer ce qui se passe en Chine qui, si elle est confrontée à certaines difficultés, déploie malgré tout ses moyens dans une stratégie de long terme, dans le cadre d'un objectif extrêmement précis.

Ceci milite pour la prise en compte de ce qui est à l'œuvre en Indopacifique qui, au-delà des distances, nous touchera. Nos axes stratégiques commencent avec l'océan Indien, avant de se prolonger en zone Pacifique. Nous y avons des territoires et nous devons protéger les Français qui y vivent.

Au-delà, la rivalité sino-américaine pour le leadership mondial est une réalité, chacune des deux puissances semble prête à y consacrer toutes ses forces. Nous devons donc en tirer les conséquences. Nous menons déjà des exercices dans la zone Pacifique, comme l'exercice Croix du Sud et nous conduisons déjà des déploiements aériens et maritimes. Il s'agit donc pour nous de contenir l'évolution durable de la compétition et d'affirmer la défense de nos intérêts.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Général, je souhaite vous interroger sur une autre guerre, celle de l'information, que vous avez évoquée en début d'audition. Comment nos armées se préparent-elles à cette guerre qui prendra de plus en plus de place dans les combats que nous allons mener ?

Permalien
le général d'armée Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées

Ce sujet nécessite une véritable prise de conscience : nous devons agir dans le champ de l'information, y consacrer des moyens et une réflexion.

La « bataille de Gossi »[1] est un cas d'école. Le succès obtenu contre Wagner est de niveau tactique mais a aussi eu des conséquences stratégiques. Ceci pour illustrer que la guerre informationnelle doit désormais être intégrée à nos opérations ; les effets matériels, cinétiques et immatériels se combinent très étroitement. Dans cette affaire, aucun coup de feu n'a été tiré, aucune bombe n'a été larguée. Pourtant, il y a eu un vrai affrontement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans quelle mesure les leçons sur la lutte contre le terrorisme des dernières années ont-elles influencé certaines orientations de la future LPM ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le plan famille 2 doté de 750 millions d'euros est-il selon vous à la hauteur des attentes ?

Permalien
le général d'armée Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées

L'enseignement majeur de la lutte contre les groupes armés terroristes est que celle-ci ne peut pas être menée sans et ne peut être gagnée que par les forces armées et de sécurité des pays concernés. L'oublier conduit à placer tout le monde dans la difficulté. Simultanément, il nous faut agir dans le champ des perceptions. Nous pouvons bien sûr expliquer aux populations de ces pays pourquoi nous sommes là ; mais c'est aussi et surtout la responsabilité des pouvoirs en place de le faire comprendre et de le faire accepter.

S'agissant du plan Famille 2, certains pourront toujours regretter que cela n'est pas suffisant, mais une enveloppe de 750 millions d'euros constitue un effort significatif qui vient s'ajouter aux effets du premier plan Famille qui était déjà doté de 520 millions d'euros. Nous devons être capables de faire en sorte que le nouveau plan Famille corresponde encore plus précisément aux besoins, qui ne sont pas les mêmes partout selon les armées et les zones géographiques.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Général, vous appelez à plus de cohérence sur une copie de 413 milliards. En tant que commissaire à la défense, je souhaite témoigner d'une sincère tristesse quant à la non-réalisation de la cible sur les chars et les blindés médians. En toute sincérité, le respect de la cible aurait sans doute nécessité une LPM à 450 milliards d'euros.

J'en termine par l'évocation de ma marotte assumée, la logistique. Je n'y vois pas très clair sur la cible en matière de véhicules blindés d'aide à l'engagement (VBAE) et de camions. Pouvez-vous nous apporter quelques éléments sur ces aspects non négligeables en matière de soutien et de logistique ?

Enfin, vous me détromperez peut-être mais notre stratégie en matière d'Indopacifique semble concerner plus particulièrement l'Iran. Quelle doit être notre stratégie pour les bases de la région, au-delà de Djibouti, qu'il faut sanctuariser ? Que pouvons-nous faire de plus ou de mieux avec nos partenaires du Golfe, et peut-être avec de nouvelles bases et de nouveaux ports en eaux profondes ? Je pense notamment à Mayotte et à la Réunion.

Permalien
le général d'armée Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées

Les étalements de cible correspondent à un choix, celui de la cohérence avant tout. Les choix que nous avons essayé de tenir sont ceux qui nous semblaient les meilleurs pour répondre aux défis auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui. Le marché des camions est quant à lui plus segmenté qu'initialement prévu, de manière assez cohérente.

Enfin, c'est probablement dans l'océan Indien que nos intérêts peuvent être les plus menacés. Le canal du Mozambique constitue à ce titre une zone assez sensible.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette audition a été particulière, dans la mesure où tous les groupes ont demandé un plus grand nombre d'auditions publiques. Général, je vous remercie de vous être prêté à cet exercice mixte, qui a mêlé audition publique et audition à huis clos. Ainsi, à l'issue de la LPM, nous cheminerons peut-être vers de nouveaux formats d'audition plus interactifs.

La séance est levée à dix heures cinquante-cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Xavier Batut, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Pierrick Berteloot, M. Frédéric Boccaletti, M. Hubert Brigand, M. Vincent Bru, Mme Caroline Colombier, M. François Cormier-Bouligeon, M. Jean-Marie Fiévet, M. Thomas Gassilloud, M. Frank Giletti, M. José Gonzalez, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Delphine Lingemann, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, M. Julien Rancoule, M. Lionel Royer-Perreaut, M. Aurélien Saintoul, Mme Isabelle Santiago, M. Michaël Taverne, Mme Sabine Thillaye, Mme Mélanie Thomin

Excusés. - M. Christophe Blanchet, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, Mme Cyrielle Chatelain, M. Yannick Favennec-Bécot, Mme Anne Genetet, M. Olivier Marleix, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Valérie Rabault, M. Fabien Roussel, M. Mikaele Seo, Mme Nathalie Serre, M. Olivier Serva