La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures cinq.

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Mes chers collègues, «  De pressantes nécessités d'ordre national et international obligent à prendre les mesures nécessaires pour que la France puisse tenir sa place dans le domaine des recherches concernant l'énergie atomique. » C'est par ces mots que débute l'ordonnance du 18 octobre 1945 instituant un commissariat à l'énergie atomique (CEA), signée par le général de Gaulle en sa qualité de président du Gouvernement provisoire de la République française. Depuis cette date, le CEA a œuvré au développement autonome des capacités nucléaires militaires et civiles de notre pays. Le CEA est un acteur clé des programmes nucléaires de défense grâce à son rôle de maître d'ouvrage dans la conception et la réalisation des têtes nucléaires, mais aussi dans la conception des chaufferies nucléaires embarquées utilisées pour la propulsion du porte-avions et des sous-marins.

Plus largement, le CEA pilote la planification industrielle de l'effort nucléaire français. C'est la raison pour laquelle nous sommes heureux de recevoir ce matin dans le cadre de notre cycle d'auditions consacré à la dissuasion nucléaire deux représentants de cette prestigieuse institution, symbole de l'excellence et du savoir-faire scientifique et technologique de notre pays. Je souhaite donc la bienvenue à M. François Jacq, administrateur général du CEA, et à M. Vincenzo Salvetti, directeurs des applications militaires au CEA.

Messieurs, la commission ayant profondément été renouvelée, vous aurez probablement à cœur de revenir sur le rôle et les responsabilités du CEA dans l'ensemble de la chaîne qui assure une capacité autonome de dissuasion à notre pays. Peut-être pourrez-vous mentionner rapidement les autres missions du CEA, notamment en matière d'énergie nucléaire civile, de contre-prolifération ou d'énergies renouvelables – le CEA a d'ailleurs pris le nom de Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives depuis plusieurs années.

Nous souhaitons également vous entendre sur les moyens mis en œuvre par le CEA pour assurer la performance et la crédibilité de la dissuasion depuis l'arrêt des essais nucléaires en 1996, notamment grâce au programme Simulation. Dès lors que nous disposons déjà de têtes nucléaires, en quoi votre travail consiste-t-il ? Vous pourrez également nous fournir des informations sur l'expérience de physique utilisant la radiographie éclair (Epure). Enfin, peut-être pourrez-vous nous éclairer sur les défis technologiques du renouvellement en cours des vecteurs des deux composantes nucléaires de notre dissuasion.

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François Jacq, administrateur général du Commissariat général à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)

Les pères fondateurs du CEA, Frédéric Joliot-Curie et Raoul Dautry, souhaitaient qu'il englobe tous les usages du nucléaire, qu'ils soient civils, énergétiques, ou, par exemple, appliqués à la santé.

Outre la dissuasion, le CEA comprend trois piliers. Le premier est l'énergie – décarbonée – en suivant une vision intégrée. Le CEA est à la fois un soutien du parc nucléaire et de son innovation, mais il joue aussi un rôle dans le développement des énergies solaires, de l'hydrogène, ou encore des batteries. Le deuxième pilier est le numérique. Les équipes du CEA de Grenoble travaillent ainsi sur l'électronique et la microélectronique de demain. Le Président de la République a récemment annoncé le projet Nextgen, qui marquera la prochaine étape de la microélectronique en France. En Europe, le Chips Act promeut également son développement. Le dernier pilier concerne la santé. Le centre de séquençage du génome humain et non humain d'Évry est une infrastructure du CEA. Nous traitons également de virus et de vaccins. Ce travail a une dimension militaire, puisqu'il avait été entamé avec le service de santé des armées, mais il tient une place historique au sein du CEA. À ces quatre piliers s'ajoute une couche plus fondamentale, constituée des équipes de chercheurs en physique ou en biologie. Ainsi, les caméras du James Webb Space Telescope ont été développées sous la maîtrise d'œuvre du CEA.

La direction des applications militaires (DAM) est l'une des quatre directions opérationnelles du CEA. Elle est chargée de la dissuasion. Tout en faisant partie intégrante du CEA, la DAM dispose de sa propre gouvernance. Cette organisation nous semble la plus à même d'assurer la pleine efficacité de notre service de dissuasion et la coopération de nos services, afin de faire circuler des connaissances dans des domaines divers. Des personnels qui travaillent à l'énergie civile au sein du CEA peuvent donc faire bénéficier la DAM de leurs compétences. Notre expertise scientifique dans le numérique, la santé ou l'énergie contribuent ainsi à la solidité de la dissuasion, puisqu'elle joue sur l'attractivité globale du CEA auprès de nouvelles recrues.

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Vincenzo Salvetti, directeur des applications militaires au CEA

Depuis sa création en 1958, la DAM pilote et mène à bien les programmes qui lui sont confiés par l'État. La DAM assure une responsabilité de maîtrise d'ouvrage pour trois missions essentielles de la dissuasion française : les armes nucléaires, la propulsion nucléaire et les matières stratégiques nécessaires aux deux premiers volets.

La DAM compte de l'ordre de 4 900 salariés en CDI, et un total d'environ 5 100 employés en y ajoutant les personnels en CDD, les doctorants, les post-doctorants et les intérimaires. 75 % des effectifs sont affectés à la première mission de la DAM, à savoir les armes nucléaires et le programme Simulation. La DAM est responsable de la conception, du développement et de la fabrication des armes qu'elle met ensuite à disposition des forces océaniques stratégiques (FOST) et des forces aériennes stratégiques (FAS). En effet, les armes ne sont pas livrées aux armées, mais restent bien la propriété du CEA. La DAM, en outre, garantit la sûreté et la fiabilité des armes durant toute leur durée de vie. Lorsque les armes sont retirées de service, elles sont démontées sur un site militaire. C'est le général de Gaulle lui-même qui avait souhaité que l'assemblage et le démontage des têtes nucléaires soient assurés par des opérateurs de la DAM, mais sur des sites sous commandement militaire, et non sur les sites du CEA. Il s'agit de la base opérationnelle de l'île Longue, pour les armes océaniques, et du centre spécial militaire de Valduc pour les armes aéroportées. Les éléments d'armes sont ensuite démantelés dans les centres de la DAM.

Dans le cadre de sa deuxième mission, la DAM pilote la conception et la fabrication des chaufferies nucléaires embarquées, y compris leur cœur nucléaire, en s'appuyant sur deux maîtres d'œuvre industriels majeurs : TechnicAtome, pour la conception, et Naval Group pour la fabrication des principaux équipements sous pression. Les réacteurs utilisés pour la propulsion navale reposent sur les technologies à eau pressurisée, comme dans le nucléaire civil. Le même type de combustible, de l'oxyde uranium dont le taux d'enrichissement est inférieur à 5 %, est utilisé pour l'alimenter. Framatome réalise les ébauches forgées utilisées par Naval Group pour usiner les cuves de réacteurs et les générateurs de vapeur. Enfin, Orano fournit la poudre d'uranium enrichie dont la DAM a besoin pour les cœurs de réacteurs des chaufferies nucléaires. Alors que le combustible civil est placé sous le contrôle d'Euratom, celui utilisé pour les sous-marins nucléaires ou le porte-avions est libre d'emploi. Cette distinction se fonde sur l'origine du minerai : le pays producteur décide si le minerai est ou non libre d'emploi. Enfin, lorsque la chaufferie nucléaire est intégrée dans le bateau, la DAM assure durant toute la durée de vie du sous-marin ou du porte-avions son assistance technique au maître d'ouvrage du MCO des sous-marins qui est le « service de soutien de la flotte » (SSF).

Troisièmement, la DAM est maîtresse d'ouvrage dans l'approvisionnement en matières stratégiques : en plutonium, en uranium hautement enrichi et en tritium pour les armes, et en uranium faiblement enrichi pour les chaufferies. Cependant, la France a décidé de mettre un terme à sa production de plutonium à Marcoule en 1992 et d'uranium hautement enrichi à Pierrelatte en 1996. Depuis cette période, nous recyclons ces deux matières stratégiques.

Tant pour les armes que pour la propulsion nucléaire, la DAM travaille en interface directe avec la division des forces nucléaires de l'état-major des armées (EMA) et la direction générale de l'armement (DGA).

Enfin, la DAM apporte son expertise à l'État dans trois autres domaines. Le premier est la sécurité contre le terrorisme nucléaire et la non-prolifération nucléaire. La DAM est également chargée d'une mission de défense conventionnelle, depuis la cession du centre de Gramat situé dans le Lot par le ministère des armées et la DGA le 1er janvier 2010. Pour finir, notre sixième mission nous a été affectée en 2002 par la ministre de la défense Michèle Alliot-Marie : il s'agit de faire profiter, si besoin, la défense et du le monde industriel de notre expertise acquise dans le monde de la dissuasion. Ainsi, nous pouvons être appelés par la DGA à participer à des programmes d'études en amont aux côtés d'industriels de la défense. C'était le cas du programme sur le système de combat aérien futur mené en coopération avec le Royaume-Uni[1], qui intégrait une composante sur la furtivité.

Je souhaitais vous apporter des précisions sur les armes nucléaires, en commençant par leur principe de fonctionnement. Une tête nucléaire est composée d'une enveloppe externe, qui contient une charge nucléaire et un bloc équipement qui gère le séquentiel de fonctionnement de l'arme. L'enveloppe garantit la pénétration de la tête nucléaire : elle doit être furtive et durcie pour préserver l'intégrité de la tête nucléaire en cas d'interception par une défense antimissile balistique. Une fois que la tête est entrée dans l'atmosphère, la charge nucléaire fonctionne. Cette charge comprend deux étages : une amorce, qui délivre environ 10 % de l'énergie totale contenue par l'arme, et un étage de puissance, qui en fournit 90 %. Une arme nucléaire est déclenchée par un détonateur, qui nécessite une puissance de l'ordre d'un joule ; lorsqu'elle explose, dans un laps de temps de quelques dizaines de millionièmes de seconde, son facteur d'amplification est de l'ordre de 1015.

Le fonctionnement de l'arme nucléaire fait intervenir des réactions de fission et de fusion thermonucléaire. Il est régi par un seuil minimal ; en effet, pour que la fission ait lieu, une densité critique doit être atteinte. Ainsi, la densité du plutonium au repos est de 16 ; pour qu'il fissionne, sa densité doit être portée à environ 50/60. Une masse minimale de plutonium est requise pour enclencher la fission. Sans ces deux conditions, l'arme nucléaire ne pourra pas fonctionner.

Comme une arme conventionnelle, la tête nucléaire doit atteindre une cible prédéfinie avec un effet recherché. Il s'agit ici de délivrer un certain niveau d'énergie, avec une arme optimisée. En effet, le nombre de sous-marins lanceurs d'engins (SNLE) est de quatre, avec seize missiles par sous-marin, l'objectif est de maximiser la capacité d'emport de chacun. La Russie ou les États-Unis, qui ont culminé à plus de 30 000 armes au plus fort de la guerre froide, ne sont pas soumis aux mêmes contraintes pour assurer une dissuasion crédible que la France, qui n'en disposait, au plus, que 500 à 600 à cette même période. En 2020, le Président a rappelé que notre stock maximal était de 300 armes nucléaires.

La tête nucléaire dont l'optimisation a été poussée à son maximum est la TN 75. Elle est encore en service dans la FOST, associée au missile M51.1 depuis 2010. Vingt-six essais nucléaires ont été nécessaires pour la mettre au point et la garantir. Lorsqu'il était encore possible de mener des essais nucléaires, nous pouvions approcher les seuils de fonctionnement. Seuls les essais nucléaires permettaient d'obtenir de tels niveaux d'optimisation de la charge nucléaire. Leur arrêt définitif a rapidement posé la question de la garantie de fonctionnement de la charge nucléaire. Le président Mitterrand a décidé d'un moratoire à la fin des années 1991. Toutefois, la préparation d'un essai nucléaire par an est restée autorisée jusqu'en 1996, en allant jusqu'à la réalisation du container où était positionné l'engin, au fond d'un puits dans le Pacifique. Cela nous a permis de maintenir nos compétences en matière d'essais nucléaires dans le cas où ces derniers auraient repris, mais également de nous préparer à leur arrêt.

C'est à cette période que nous avons défini le concept de charge robuste La charge robuste est fortement développée sur le plan technologique, mais elle s'éloigne des seuils de fonctionnement. Si la dernière série d'essais de 1995-1996 a suscité de nombreuses polémiques, elle était indispensable pour démontrer et qualifier les charges robustes sur lesquelles s'appuierait à l'avenir notre dissuasion. Depuis 1996, les têtes nucléaires aéroportées (TNA) et océaniques (TNO) ont été conçues, développées et garanties sans essai nucléaire nouveau. Au total, 210 essais nucléaires ont été réalisés par la France, dont 17 en Algérie et 193 en Polynésie française.

Le programme Simulation repose sur trois piliers : des physiciens, qui connaissent les règles régissant le fonctionnement d'une arme nucléaire ; des numériciens, dont la tâche consiste à traduire la physique de fonctionnement en systèmes d'équations complexes ; enfin, des supercalculateurs, capables de réaliser le un calcul complet en moins d'une semaine. Nos calculateurs sont au meilleur niveau mondial. Mes équipes travaillent avec les salariés d'Atos – précédemment Bull – pour concevoir les supercalculateurs du futur. Lorsque ce partenariat a été engagé au début des années 2 000, Bull était un industriel moribond ; l'argent injecté par l'État et le pilotage assuré par le CEA ont fait d'Atos le quatrième constructeur mondial de super calculateurs.

Au-delà des calculateurs, nous nous sommes réservés la possibilité de mener des expériences dans deux grandes installations. La première est celle d'Epure, située sur le site de Valduc, en Bourgogne. Il s'agit d'un programme français lancé par le Président de la République en 2008. Epure s'intéresse au fonctionnement de l'amorce et à la phase initiale de densification du plutonium. Cette installation respecte bien entendu les traités de non-prolifération et d'interdiction complète des essais nucléaires signés par la France. En effet, ces expériences ne dégagent pas d'énergie d'origine nucléaire. La seconde, le laser mégajoule (LMJ), installé au centre d'études scientifiques et techniques d'Aquitaine (Cesta), adresse le fonctionnement thermonucléaire.

Pour finir, les essais nucléaires passés nous servent encore aujourd'hui. Une fois que le standard de simulation réunissant l'ensemble des codes qui décrivent le fonctionnement de l'arme est en phase de qualification finale, la validation ultime consiste à rejouer des essais nucléaires. Nous connaissons en effet la géométrie des engins alors testés ainsi que les dispositifs de mesure alors utilisés. Il nous suffit dès lors de comparer les résultats alors obtenus à ceux qui sont simulés. Ainsi, nous sommes certains de la qualité de nos codes de calcul et de l'incertitude de notre outil numérique.

Le programme Simulation est un succès. Lancé en 1996 et préparé dès 1992, il a permis de garantir le fonctionnement de la TNA en 2006, qui équipe aujourd'hui les FAS et la TNO qui équipe la FOST depuis en 2010 en plus de la TN 75.

Epure caractérise la phase d'implosion de l'amorce avant son fonctionnement nucléaire. Il s'agit de machines radiographiques, reposant sur un système identique à celui de la radiographie du corps humain, mais qui dégage une dose cent mille fois plus forte en raison de la densité des matériaux qu'il est nécessaire de pénétrer. La vitesse d'implosion du matériau de l'amorce à est de quelques kilomètres par seconde. Pour radiographier un engin en implosion, la durée du flash est extrêmement courte, il dure 60 nanosecondes. Epure nous permet de réaliser des expérimentations mettant en œuvre du plutonium. Toutefois, comme nous nous interdisons de dégager de l'énergie nucléaire, nous menons les essais sur des maquettes à échelle réduite.

La France seule a décidé du programme Epure, en suivant deux phases. À la suite de la signature des accords de Lancaster House avec le Royaume-Uni le 2 novembre 2010, le programme Teutatès a été lancé, incluant Epure. L'installation est désormais exploitée conjointement par les deux nations : environ quarante des cent employés qui y travaillent sont britanniques. Pour des raisons de sûreté nucléaire, et eu égard à notre loi, le chef de l'installation qui porte la responsabilité de l'exploitation nucléaire est français, mais son adjoint est britannique. Si l'exploitation de l'installation est commune, chaque pays reste souverain sur les expériences qu'il réalise : l'engin, son design et les matériaux utilisés ne sont pas partagés.

Le LMJ est une installation expérimentale de 300 mètres de long, 150 mètres de large et 60 mètres de haut. Il s'intéresse à la fusion thermonucléaire. Le but est de faire interagir l'énergie laser produite par des faisceaux laser avec un matériau tel que l'or afin de créer un rayonnement X qui fait imploser une bille contenant du deutérium, et, à terme, du deutérium et du tritium. La presse a rapporté élogieusement les expérimentations américaines sur la fusion à rendement net d'énergie dans le National Ignition Facility (NIF) à Livermore, qui utilisaient du deutérium et du tritium. Portés à des températures de l'ordre de 100 millions de degrés et à des centaines de milliers de fois la pression atmosphérique, ces deux isotopes naturels de l'hydrogène trouvent de bonnes conditions pour fusionner. Ils dégagent alors une très grande quantité d'énergie sous forme notamment de neutrons. Pour parvenir à cette fusion par confinement inertiel, des installations de l'ampleur de celles du NIF ou du LMJ sont nécessaires. Le LMJ, lancé en réalisation en 2003, a été mis en service en 2014 avec un nombre de faisceaux laser réduits. À terme, il en comptera 176, pour une énergie totale de 1,3 mégajoule. Le NIF produit quant à lui 2 mégajoules, il s'agit donc d'installations de classe équivalente.

L'EPURE et le LMJ nous permettent donc de confronter des mesures réalisées lors de ces expériences – l'une simulant le fonctionnement primaire de l'arme, l'autre son fonctionnement thermonucléaire – à des calculs prévisionnels. Cette comparaison nous amène à améliorer nos codes de calcul pour réduire l'incertitude de l'outil numérique dans le but de garantir en les optimisant nos charges nucléaires.

Je conclurai sur la stratégie de la DAM, centrée autour de cinq enjeux fondant notre raison d'être. Le premier est d'honorer et de préserver la confiance de l'autorité politique. Lors des audits qu'elle réalise tous les quatre ans environ auprès de la DAM, la Cour des comptes souligne constamment la clarté de la gouvernance des programmes nucléaires de défense. La gouvernance de notre mission au profit de la dissuasion remonte au plus haut niveau de l'État : en effet, le conseil des armements nucléaires est présidé par le Président de la République. L'ensemble des décisions concernant les programmes touchant à la dissuasion est pris dans le cadre de ce conseil, qui se réunit une à deux fois par an, en fonction des besoins de. Une attention particulière est portée à l'avancement des programmes déjà lancés et au grand futur, à horizon 2045-2050. Une œuvre commune, directive du Premier ministre, décrit ensuite le partage des travaux à réaliser entre le ministère des armées et le CEA : elle définit le périmètre des activités confiées à la DAM. Un comité réunissant l'armée et le CEA a été créé afin de faire le rapport de nos activités. Sa première réunion a eu lieu en 1961, un an après la réalisation du premier essai nucléaire, et trois ans avant le déploiement des premières armes nucléaires. Tous les programmes de la dissuasion sont examinés par ce comité mixte une fois par an. Le comité analyse également et prend acte du programme moyen à long terme de la DAM, qui présente dans le détail le contenu physique et financier de chaque programme. Le budget de la DAM s'élève à 2,7 milliards d'euros, et inclut notamment les salaires de nos personnels.

Notre deuxième enjeu consiste à disposer d'une organisation optimisée pour maîtriser le pilotage de nos programmes. Notre organisation matricielle s'articule autour de directeurs de programmes à la tête de chacune des missions que j'ai décrites, et de directeurs de centres, responsables de la maîtrise d'œuvre. Nos cinq centres se situent à Bruyères-le-Châtel, à Salives en Bourgogne, au Barp en Nouvelle Aquitaine, à Gramat en Occitanie et à Monts en Centre-Val de Loire.

En outre, la DAM doit pouvoir adapter ses armes stratégiques à une évolution du contexte stratégique afin que la dissuasion reste crédible et efficace. La DAM œuvre également dans le cadre des programmes futurs. Nous travaillons à l'air-sol nucléaire de quatrième génération, qui remplacera la composante aéroportée actuelle à horizon 2035, ainsi qu'au prochain incrément du missile M51.3, qui emportera une tête océanique adaptée dans quelques années et, dans un futur plus lointain, au programme M51.4.

La DAM doit également maîtriser le maintien de la souveraineté et des compétences nécessaires à nos programmes. Nous avons établi une gestion précise des compétences sur nos métiers spécifiques. Si certains sont communs à d'autres entreprises, d'autres sont en effet moins courants. Des formations internes sont donc assurées. Par ailleurs, nous avons récemment lancé un plan d'attractivité, qui vise à la fois à recruter, former et fidéliser les personnels dont nous avons besoin. Il faut en effet une dizaine d'années à un concepteur d'armes ou de têtes pour acquérir l'ensemble de ses compétences.

Enfin, nous assurons la crédibilité scientifique et technique de la DAM, qui passait autrefois par la capacité à réaliser des essais nucléaires. Désormais, notre crédibilité repose sur différents socles : nous publions par exemple les collaborations scientifiques que nous réalisons dans des domaines ouverts. 25 % du temps de faisceau du LMJ est alloué à la recherche académique, dont la qualité des résultats atteste de ceux obtenus dans le monde de la dissuasion.

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Je souhaiterais revenir sur l'importance, au sein de votre direction, des deux enjeux majeurs que sont la maîtrise de la souveraineté industrielle et technologique, ainsi que le maintien des compétences humaines. Ces deux enjeux apparaissent effectivement comme primordiaux pour garantir l'efficacité dans notre dissuasion dans le contexte stratégique actuel. Ainsi, compte tenu des conséquences économiques de la crise du covid puis de celles liées à la guerre en Ukraine, comment évaluez-vous la santé économique du tissu industriel français de la dissuasion ? Nos entreprises résistent-elles ? Vos différents projets ont-ils été affectés par ces différentes crises ?

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez en matière de recrutement, et quelles initiatives déployez-vous pour y faire face ?

Enfin, quelles sont vos attentes concernant la nouvelle loi de programmation militaire (LPM) ?

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Il est toujours bon de rappeler que le CEA a vu le jour à l'issue de la seconde guerre mondiale par la volonté du général de Gaulle, poursuivant l'objectif de reconstruire la politique de la France en matière de défense.

On imagine très bien la nécessité constante du CEA de s'adapter au contexte international, mais aussi de se moderniser continuellement. Depuis 1945, l'histoire même de cet organisme atteste tandis qu'il n'a cessé de concourir au rayonnement de la France. Le CEA s'emploie à conserver une responsabilité de maître d'ouvrage des programmes qui lui sont confiés ainsi que de maître d'œuvre d'ensemble, afin de faire bénéficier notre base industrielle et technologique de défense (BITD) de nombreuses avancées technologiques.

Néanmoins, si le CEA a démontré toutes ces années des capacités d'adaptation, tant sur le plan économique que dans les missions qui étaient consécutivement les siennes, et la ferme volonté d'agir au profit de l'industrie française, la question de la dissuasion nucléaire nous interroge plus particulièrement en ces temps de guerre, mais aussi à l'aube de la nouvelle LPM. La menace d'affrontements nucléaires relance aujourd'hui un débat qui n'avait a priori plus lieu d'être depuis la guerre froide, ce qui engendre sans doute de nouvelles considérations pour le CEA, et l'impératif de s'acclimater à la nouvelle donne géopolitique qui évolue très rapidement. Aussi, comment le CEA adapte-t-il ses moyens et ses missions au contexte international ?

Comment appréhendez-vous la prochaine LPM, et qu'attendez-vous de notre commission à cet égard ?

Enfin, quelle est la part du financement alloué au CEA consacrée à la dissuasion ?

Je voudrais, en outre, évoquer le risque nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC). Une sensibilisation des élus est indispensable sur ce sujet. Des démarches ont été entreprises à cet égard. Si certains prétendent répondre à cette nécessité, l'engouement reste faible. Quelle est l'implication du CEA dans la lutte contre les menaces NRBC ? Joue-t-il un rôle de sensibilisation ? Comment ce dernier pourrait-il se traduire dans la relation du Commissariat avec les élus ?

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La notion de stricte suffisance est une dimension clé de la doctrine française de dissuasion. Vous avez indiqué que notre arsenal comptait un maximum de 300 têtes. En réalité, dans le domaine océanique, 64 tubes sont en permanence prêts. La notion de stricte suffisance ne se situe-t-elle donc pas plutôt autour de ce chiffre ? En effet, des militants antinucléaires que j'ai rencontrés au Japon m'ont suggéré que des décisions pourraient concourir à la réduction de l'arsenal français, qui n'est d'ailleurs pas le plus petit au monde – ce dernier serait celui du Royaume-Uni.

Nous utilisons actuellement de l'uranium extrait au Niger. La qualification du minerai comme étant libre d'emploi relevant d'une décision purement politique, d'autres pays seraient-ils prêts à nous en fournir ?

Quelles sont les contreparties apportées par les Britanniques qui bénéficient de l'installation Epure ? Nous approchons en effet de la renégociation des traités de Lancaster House.

Comment le CEA participe-t-il au plan Quantique ?

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Il ne faut pas confondre les vecteurs de missiles et les têtes : un sous-marin nucléaire contient deux rangées de huit missiles, qui comptent chacun jusqu'à six têtes.

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Le conflit qui se déroule depuis bientôt près d'un an à nos portes a conduit à porter notre attention sur l'équipement conventionnel de nos armées. Celui-ci devrait ainsi faire l'objet d'un renforcement dans la prochaine LPM. Nous sommes cependant tous bien conscients qu'il ne peut pas remplacer le parapluie nucléaire qui protège les intérêts vitaux de notre nation. Le volume financier de la prochaine LPM pour la période 2024-2030 devrait s'élever à 410 milliards d'euros. L'actuelle LPM prévoit 37 milliards d'euros attribués à l'entretien de l'arsenal nucléaire français entre 2019 et 2025, soit 12,5 % de l'enveloppe globale accordée à la défense sur sept ans.

Estimez-vous que les moyens alloués à l'entretien de notre arsenal nucléaire ont été suffisants ? Pensez-vous notamment que la LPM 2019-2025 a consacré les moyens nécessaires à la modernisation de notre équipement nucléaire, concernant les ogives, ainsi que les vecteurs – je pense notamment au développement d'un missile air-sol supersonique à horizon 2035 ? Formulez-vous des attentes en la matière pour la prochaine LPM ?

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J'aimerais vous entendre sur les perspectives qu'offre le développement des technologies quantiques sur la dissuasion nucléaire. Comment la France se situe-t-elle sur le plan de la technologie quantique par rapport à ses alliés et ses adversaires ?

Ma deuxième question concerne le savoir-faire français en matière de technologies nucléaires. Comment la DAM ou vos partenaires travaillent-ils avec les établissements d'enseignement supérieur, notamment les écoles d'ingénieurs, et les laboratoires de recherche qui forment physiciens, numériciens et calculateurs, pour adapter les formations à vos besoins actuels et futurs ?

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La qualité de la France comme puissance dotée est une permanence des armées et vous en assurez l'effectivité et la mise à jour constantes. C'est un travail d'expertise et une responsabilité immenses, pourtant méconnus de nos concitoyens. Pourtant, la compétition internationale ne faiblit pas et le maintien de notre crédibilité est essentiel.

Le groupe Socialistes est particulièrement attaché à la sauvegarde de ce savoir-faire et il sera tout spécialement attentif à la définition de la nouvelle LPM. Les têtes nucléaires, leur maintien en condition opérationnelle et les moyens nécessaires à leur déploiement retiendront notamment notre attention.

Le renouvellement des chaufferies nucléaires, en particulier pour les Barracuda, puis, à terme, le SNLE de troisième génération, n'impliquent pas de rupture technologique d'ampleur par rapport à la conception de chaufferie compacte K15. En 2019, le CEA évoquait un problème de renouvellement des compétences. En effet, la constante technologique K15 induit qu'au fil du temps, le nombre d'architectes d'ensemble de ces chaufferies nucléaires, qui maîtrisent la totalité de leur conception, se réduit. Cette problématique concerne aussi le maintien en condition opérationnelle des bateaux et de leur chaufferie. L'annonce d'une propulsion nucléaire pour le porte-avions nouvelle génération en 2020 apparaît comme une bonne nouvelle. En tout état de cause, les chaufferies du nouveau porte-avions seront plus énergétiques que celles du Charles-de-Gaulle. Les travaux de conception de cette chaufferie permettent donc de faire naître la nouvelle génération d'architectes et de compétences en conception. Comment le CEA et son écosystème industriel envisagent-ils de renouveler ces compétences et son autonomie en la matière ? Des problèmes de compétences et de savoir-faire sur des points sensibles de la chaîne de conception sont-ils à craindre dans la décennie à venir ?

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Comment votre expertise contribue-t-elle aux efforts de contre-prolifération et d'évaluation de l'état d'avancement des programmes nucléaires dans le monde ? Participez-vous également à l'évaluation de la crédibilité de la dissuasion de nos adversaires ou de nos alliés ?

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De quel stock de minerai d'uranium la France dispose-t-elle ? L'approvisionnement en uranium et en minerais représente un enjeu stratégique. Vous avez indiqué que nous l'importons principalement du Niger. Contrairement aux centrales nucléaires, nos têtes nucléaires ne consomment pas régulièrement de minerai d'uranium. Sommes-nous totalement dépendants d'un approvisionnement régulier du Niger ou d'autres pays, ou notre stock est-il suffisant pour entretenir nos têtes nucléaires dans le temps ?

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Le CEA est un acteur majeur de la recherche et son action contribue directement à assurer la souveraineté et l'autonomie stratégique nationale. Le regain d'intérêt pour la dissuasion nucléaire dans le débat national, en particulier dans le contexte marqué par la guerre en Ukraine, rend vos missions sont encore plus importantes pour satisfaire les exigences qui pèsent sur l'innovation de défense.

Le CEA est un partenaire stratégique essentiel de nos armées. Vous êtes d'ailleurs lié par un nouveau contrat d'objectifs et de performance avec le ministère, qui réaffirme notamment la priorité que le CEA accorde à la sécurité pour promouvoir une culture de la sûreté. Avez-vous déjà pu faire un bilan d'étape mettant en lumière les perspectives à envisager en matière de dissuasion ? Quels sont vos prochains grands chantiers de recherche ?

Vous collaborez étroitement avec des leaders européens de la défense. Je pense notamment à Naval Group et à Framatome. Pourriez-vous nous faire part des résultats que vous attendez pour le programme Barracuda et pour le développement de nos sous-marins nucléaires ? Quel est l'apport pratique du CEA dans ces coopérations ?

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J'invite les autres députés à prendre la parole.

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Le LMJ et Epure illustrent bien le niveau d'expertise de notre pays en matière, notamment, de simulation. Nous connaissons l'état d'avancement du Royaume-Uni et des États-Unis en la matière ; cependant, qu'en est-il de la Chine, du Pakistan, de l'Inde, d'Israël, qui ne bénéficient pas de telles installations ? Comment valident-ils les résultats de leurs supercalculateurs ?

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Vous avez rappelé l'importance de fidéliser vos collaborateurs. Vos personnels sont-ils intégrés dès le départ dans vos services, grâce, notamment, à des contrats d'alternance ou d'apprentissage ?

J'ignorais que l'uranium pouvait être recyclé. L'opération est-elle assurée en interne ou par des sous-traitants ?

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Le CEA ou la DAM suivent-ils de près les armes nucléaires tactiques ? Des recherches sont-elles menées dans ce domaine, s'il était décidé de développer ce type d'armement ?

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Vincenzo Salvetti, directeur des applications militaires au CEA

Nous avons traversé le covid en appliquant la réglementation nationale. Entre mars et mai 2020, durant la période de confinement strict, 5 % des effectifs de la DAM ont été maintenus. Il s'agissait des équipes assurant le maintien en condition opérationnelle des têtes nucléaires, notamment océaniques, à l'île Longue, qui fabriquent le sous-ensemble qui est changé lors des maintenances et qui procèdent au remplacement de l'équipement.

Les autres activités ont été mises à l'arrêt, sans porter préjudice à l'exécution des programmes. Ainsi, aucun programme n'a pris de retard sur son calendrier directeur et sur ses jalons primordiaux, grâce aux activités de télétravail – bien que la classification des travaux de la DAM réduise fortement la possibilité de travail à distance. Il a été décidé d'accorder aux salariés ne pouvant pas télé-travailler une autorisation d'absence rémunérée.

La santé de nos entreprises n'a pas eu à pâtir de la crise sanitaire. Un certain nombre d'entreprises de précision, qui travaillent également dans l'aéronautique, ont davantage souffert dans ce dernier secteur. Ainsi, à la sortie du covid, les demandes d'indemnisation et d'aide ne se sont chiffrées qu'à quelques millions d'euros sur le périmètre de la DAM.

Concernant la future LPM, la DAM a demandé les moyens nécessaires à nos missions de maintien en condition opérationnelle et au développement des programmes futurs.

La DAM a l'avantage d'être à la fois maître d'ouvrage et maître d'œuvre. Nous allouons les ressources dont nous avons besoin sur les programmes d'armes. Le maintien des compétences dans ce domaine est consubstantiel à notre mission. Ainsi, nous ne consentons à sous-traiter que les activités sous-traitables. L'enjeu primordial est la conservation de notre souveraineté. Aussi, si un industriel se révélait défaillant, nous serions en mesure de prendre la relève, au moins dans un premier temps.

La lutte contre la menace NRBC fait l'objet d'un programme global au CEA, piloté par la DAM. Nous intervenons conjointement avec les trois directions opérationnelles du CEA, au profit de l'État, dans le cadre d'une mission de maîtrise d'œuvre et d'apport d'expertise.

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François Jacq, administrateur général du Commissariat général à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)

Les équipes de biologistes travaillent en effet sur la dimension biologique des risques NRBC.

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Vincenzo Salvetti, directeur des applications militaires au CEA

S'agissant du dimensionnement de notre arsenal, chaque missile des forces aéroportées emporte une tête. Nous disposons de deux escadrons, équipés de plusieurs missiles et têtes. Les forces océaniques comptent quant à elle quatre sous-marins, avec seize tubes. Cependant, seuls trois d'entre eux sont dotés de missiles, puisque l'un des quatre sous-marins est continuellement en arrêt technique majeur. Grâce au mirvage, chaque missile contient un maximum de six têtes.

La contrepartie du Royaume-Uni dans le cadre de Teutatès réside dans le partage des coûts complets, y compris du coût d'exploitation. La première phase, achevée en 2014, avait été intégralement financée par la France. La participation britannique a permis à la France de réaliser une économie de 400 millions d'euros, répartis également entre les coûts d'investissements et les coûts d'exploitations, sur une quinzaine d'années.

En tant que référent HPC, le CEA s'intéresse au quantique, de même qu'elle s'intéresse à l'intelligence artificielle. La DAM pilote le plan Quantique lancé en janvier 2022, mais la mission mobilise les compétences transversales du CEA.

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François Jacq, administrateur général du Commissariat général à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)

Je précise qu'il existe différents usages du quantique. Le programme et équipement prioritaire de recherche (PEPR), copiloté par le CNRS, le CEA et l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), vise à lever les obstacles primaires qui pourraient peser sur le plan Quantique et à en prouver la faisabilité. Si nous parvenions à créer un calculateur quantique, ce dernier pourrait nous servir à traiter un certain nombre de problèmes similaires, à accélérer des processus de calcul ou encore à se substituer au calculateur haute performance actuellement utilisé. Nous n'avons en effet pas de calculateur quantique : nous ne faisons qu'en simuler le fonctionnement avec des méthodes classiques. Le très grand centre de calcul proche du centre DAM de Bruyères-le-Châtel, mutualisé pour toute la communauté académique, contient une machine, inscrite dans le cadre européen du programme EuroHPC JU, qui commence à mener des expériences. Il faut toutefois rester prudents : cette technologie ne semble pas près d'être développée.

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Vincenzo Salvetti, directeur des applications militaires au CEA

Le pourcentage du budget de la future LPM consacré à la dissuasion devrait probablement rester aux alentours de 12 %. La part de la DAM oscille, d'une année à l'autre, entre 40 30 % et 50 40 %. Ce budget me paraît effectivement suffisant.

Le quantique connaît deux applications du point de vue de la DAM. Le premier concerne les calculateurs. Nous allons établir un système initial pour tenter de faire travailler conjointement des processeurs généralistes et des accélérateurs. Nous pensons en effet qu'un qubit, ou bit quantique, pourrait nous permettre d'accélérer nos calculs. Toutefois, l'horizon pour disposer d'un calculateur reposant uniquement sur des qubits pour les codes d'armes s'établit à une trentaine ou une quarantaine d'années, si tant est que cela soit faisable. En revanche, les capteurs quantiques sont susceptibles d'être développés plus tôt. Nous réfléchissons par exemple à la miniaturisation de certains de nos composants grâce à cette technologie.

Nous participons à l'effort national en matière d'alternance. La DAM emploie un quart des alternants du CEA, soit environ 260. Ces alternants constituent un vivier de recrutement. Les nombreux départs en retraite nous invitent à rajeunir notre masse salariale. Nous estimons que la variété des missions et des métiers offerts par la DAM, et plus encore par le CEA, représente un atout pour fidéliser les personnels. Nous devons plus encore proposer des parcours diversifiés à nos salariés qui souhaiteraient évoluer, notamment aux jeunes générations, qui n'aspirent pas à exercer le même métier tout au long de leur carrière.

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François Jacq, administrateur général du Commissariat général à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)

S'agissant de nos liens avec l'enseignement supérieur, en matière de réacteurs et de technologie nucléaire, le CEA est chargé d'administrer l'Institut national des sciences et techniques nucléaires (INSTN), articulé avec l'Université Paris-Saclay. Par ailleurs, des travaux sont menés avec des écoles d'ingénieurs et des universités pour renforcer l'attractivité globale du CEA, et pas uniquement celle de la DAM.

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Vincenzo Salvetti, directeur des applications militaires au CEA

Le choix de la propulsion nucléaire pour le porte-avions nouvelle génération comporte comme élément essentiel la volonté de maintenir les compétences dans cette filière Elle est cohérente de la relance de l'énergie nucléaire et de la volonté de réduire la part des énergies fossiles.

Il s'agit ainsi surtout d'éviter de reproduire l'exemple du Royaume-Uni, qui, faute de maintien de ces compétences, a eu énormément de mal avec son programme de sous-marins d'attaque à propulsion nucléaire. L'aide des États-Unis leur a été précieuse. Le rapport de Jean-Martin Folz sur l'EPR de Flamanville va dans le même sens : la France est restée trop longtemps sans concevoir de nouveaux réacteurs. C'est cet argument qui l'a emporté.

La DAM est maîtresse d'ouvrage dans ce domaine. Une équipe réduite travaille sur la propulsion nucléaire. En revanche, elle bénéficie de l'expertise de quatre-vingt-dix personnes réunies au sein d'un service mixte tripartite entre la marine, le CEA et la DGA, qui partagent leur retour d'expérience sur les chaufferies nucléaires en service. De plus, environ 300 salariés de la direction des énergies du CEA travaillent au profit de la propulsion nucléaire. Nous devons enfin nous assurer du maintien en compétences de Naval Group et de TechnicAtome et des 300 entreprises qui travaillent avec eux sur la propulsion nucléaire. Ainsi, nous avons créé une structure qui nous permet d'évaluer l'ensemble de la filière. Les fragilités révélées par cette dernière concernent essentiellement les PME, pour qui la propulsion nucléaire ne représente qu'une très faible part de leur chiffre d'affaires et qui risquent de basculer vers d'autres horizons.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Président, il serait pertinent d'organiser une audition sur le quantique, afin de nous aider à mieux appréhender cet univers.

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Vincenzo Salvetti, directeur des applications militaires au CEA

S'agissant de l'état d'avancement des autres puissances, nous coopérons avec les Britanniques et les Américains, pas sur des domaines classifiés, mais davantage sur ceux relevant de la recherche fondamentale. Nous connaissons donc avec précision leur état d'avancement. Nous sommes dotés des mêmes instruments. Les Britanniques partagent l'installation Epure avec la France et ont accès au NIF américain.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie. J'espère que nous aurons l'occasion de nous rendre à la DAM au cours de ce quinquennat.

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Vincenzo Salvetti, directeur des applications militaires au CEA

Je souhaitais en effet vous inviter à la DAM, pour vous expliquer en détail nos réalisations passées sur nos armes anciennes et nos projets actuels.

La séance est levée à onze heures.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Mounir Belhamiti, M. Christophe Blanchet, M. Frédéric Boccaletti, M. Hubert Brigand, Mme Caroline Colombier, Mme Christelle D'Intorni, M. Yannick Favennec-Bécot, Mme Stéphanie Galzy, M. Thomas Gassilloud, M. Frank Giletti, M. Christian Girard, M. José Gonzalez, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, M. Fabien Lainé, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Anne Le Hénanff, Mme Murielle Lepvraud, Mme Delphine Lingemann, Mme Brigitte Liso, Mme Pascale Martin, Mme Michèle Martinez, M. Frédéric Mathieu, M. Christophe Naegelen, M. Laurent Panifous, Mme Anna Pic, M. François Piquemal, Mme Valérie Rabault, M. Julien Rancoule, M. Fabien Roussel, M. Aurélien Saintoul, Mme Nathalie Serre, M. Philippe Sorez, M. Bruno Studer, M. Michaël Taverne, Mme Sabine Thillaye, Mme Mélanie Thomin

Excusés. - M. Xavier Batut, M. Christophe Bex, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, Mme Cyrielle Chatelain, M. Yannick Chenevard, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Emmanuel Fernandes, Mme Anne Genetet, M. David Habib, M. Laurent Jacobelli, M. Olivier Marleix, Mme Alexandra Martin, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Natalia Pouzyreff, M. Mikaele Seo, Mme Corinne Vignon