Commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la république, quatorze ans après la loi du 11 février

Réunion du mardi 26 mars 2019 à 18h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • MDPH
  • notification
  • scolarisation

La réunion

Source

Mardi 26 mars 2019

La séance est ouverte à dix-huit heures trente-cinq.

Présidence de Mme Jacqueline Dubois, présidente de la commission d'enquête

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La commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, procède à l'audition de Mme Marie du Bouëtiez, administratrice de l'Association des directeurs de maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et directrice de la MDPH du Val-de-Marne.

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Mes chers collègues, nous poursuivons nos auditions par celle de l'Association des directeurs de maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Celle-ci est représentée par Mme Marie du Bouëtiez, qui est administratrice de cette association et, par ailleurs, directrice de la MDPH du Val-de-Marne ; elle est accompagnée par M. Daniel Courtois, chef de service adjoint « évaluation » à la MDPH du Val-de-Marne.

Madame, monsieur, je vous souhaite la bienvenue.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire au premier abord, les MDPH ne sont pas seulement des acteurs de « l'amont » de la scolarisation des enfants et des jeunes en situation de handicap. Leur rôle est essentiel tout au long des parcours suivis et une bonne communication, notamment avec les services de l'éducation nationale, est indispensable pour éviter les ruptures de parcours et faciliter le passage des grandes étapes. Cela passe par des processus adaptés, mais aussi par des actions plus techniques, comme la mise à niveau et l'harmonisation des systèmes d'information. Par ailleurs, on constate de nombreuses disparités entre les différentes MDPH.

Sur tous ces éléments, vous saurez, nous l'espérons, répondre aux attentes de la commission d'enquête.

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais maintenant vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Mme du Bouëtiez et M. Courtois prêtent successivement serment.

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Je vous remercie et je vous donne maintenant la parole pour un exposé de cinq minutes environ, qui se poursuivra par un échange de questions et de réponses.

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Marie du Bouëtiez, administratrice de l'Association des directeurs de maisons départementales des personnes handicapées et directrice de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Val-de-Marne

L'Association des directeurs de maisons départementales des personnes handicapées, qui regroupe 98 adhérents pour 75 MDPH, est une association très représentative, qui fonctionne en réseau : il y a énormément d'échanges entre les MDPH, ce qui se justifie notamment par une volonté d'harmonisation des pratiques.

Notre association souscrit pleinement au fait que la situation des élèves en situation de handicap est un réel enjeu de société. La première chose que nous souhaitons souligner, c'est qu'il est important que ces élèves puissent relever d'abord des moyens de droit commun d'accompagnement, dont ils sont malheureusement souvent exclus. En effet, dès lors qu'on suspecte un handicap chez un enfant, on a tendance à se précipiter vers les dispositifs spécialisés et vers un dépôt de dossier à la MDPH, alors qu'il existe un certain nombre de dispositifs de droit commun, notamment le plan d'accompagnement personnalisé (PAP) ou des dispositifs permettant d'assurer la prise de médicaments ou l'administration de soins pendant la durée scolaire.

Or, il est important de rappeler que l'esprit de la loi de 2005 sur le handicap était bien de permettre aux personnes en situation de handicap d'accéder d'abord au droit commun : en principe, c'est seulement dans l'hypothèse où le droit commun s'avère insuffisant à compenser le handicap et à permettre l'autonomie qu'il convient de se tourner vers le droit spécialisé, notamment vers certains dispositifs que peuvent proposer les MDPH.

Puisqu'à l'heure actuelle, le droit commun ne suffit généralement pas, la tentation est assez grande de demander une aide humaine pour pallier le manque d'adaptation des pédagogies aux enfants à besoins particuliers – c'est un constat fait par de nombreuses MDPH –, en particulier au collège et au lycée.

Par ailleurs, alors qu'on insiste beaucoup aujourd'hui sur la logique de parcours et d'inclusion pour les enfants handicapés – comme pour les adultes, d'ailleurs –, il nous semble important d'essayer de faire sortir les compétences médico-sociales des institutions afin de développer une sorte d'alliance d'accompagnement entre enseignants et éducateurs, ou entre enseignants et personnels du secteur médico-social, et de parvenir ainsi à une adaptation la plus fine possible aux besoins des élèves, co-construite avec les familles. Malheureusement, il existe encore beaucoup de freins à cette évolution, aussi bien du côté médico-social que du côté de l'éducation nationale, notamment sous la forme des questions de formation restant à régler, ce qui fait que les mentalités n'évoluent que lentement.

Pour ce qui est de l'aide humaine aux élèves handicapés, on constate actuellement une demande en forte hausse : l'augmentation du nombre de bénéficiaires s'est ainsi élevée à 14,5 % en un an pour la MDPH du Val-de-Marne. À ce sujet, nous devons veiller à ne pas être dans le sur-accompagnement, notre objectif étant bien de guider progressivement les enfants vers l'autonomie en milieu scolaire.

Nous devons également réussir à renforcer une démarche d'évaluation concertée des besoins des enfants. Aujourd'hui, les personnels de l'éducation nationale ont recours au guide d'évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation (GEVA-Sco), dont l'utilisation nous semble pouvoir être améliorée. Pour ce qui est des premières demandes, on pourrait sans doute procéder à une observation plus fine des besoins des élèves sur le terrain ; lors du renouvellement, l'évaluation de l'apport qu'a pu avoir l'aide humaine pourrait être plus complète : actuellement, on manque un peu de retour sur la manière dont cette aide humaine a pu être mise en place, notamment sur la question de savoir si elle a été déployée totalement ou si elle n'a pu l'être que partiellement, et sur les effets qu'elle a produits.

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L'objectif de cette commission d'enquête est de disposer d'une photographie aussi précise que possible de la situation en objectivant les données. Pour cela, nous aimerions savoir si certains organismes sont susceptibles de pouvoir nous fournir des statistiques consolidées, car les premières auditions auxquelles nous avons procédé ont mis en évidence une réelle difficulté à se procurer des chiffres fiables.

Nous souhaitons savoir à la fois ce qui va bien et ce qui ne va pas en matière d'inclusion des élèves en situation de handicap, dans l'optique de la future rédaction d'un « acte II » de la loi de 2005.

Pouvez-vous nous donner des éléments d'appréciation sur l'effectivité du projet personnalisé de scolarisation (PPS), notamment son taux global de mise en oeuvre et les éventuelles disparités régionales constatées ?

En tant qu'élus, il nous revient souvent, comme un boomerang, des plaintes de la part de nos concitoyens au sujet des délais qui s'écoulent entre la prescription d'une présence humaine par une MDPH et la mise en oeuvre de celle-ci auprès de l'enfant concerné. Je sais bien que le principe est de mobiliser prioritairement les dispositifs de droit commun, mais les délais semblent tout de même anormalement longs dans de nombreux cas, et on constate surtout une grande disparité dans ce domaine. Est-il prévu de remédier à ce problème, le cas échéant par quels moyens ?

Enfin, pouvez-vous nous éclairer sur les services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) et le rôle qu'ils ont vocation à jouer en matière d'inclusion des élèves en situation de handicap ?

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Vous avez évoqué des disparités entre les différentes MDPH, notamment en matière de travail au quotidien. Est-il envisagé de mettre au point un modèle unique de MDPH à la fois efficace et efficient, afin de répondre à l'attente des publics que nous rencontrons sur le terrain ?

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En ce qui concerne l'évaluation du bénéfice de la compensation via le GEVA-Sco et la réévaluation des besoins, notamment en matière d'aide humaine, pouvez-vous nous préciser quelle est sa périodicité, et si elle prend en compte le changement de niveau scolaire ? En d'autres termes, comment la MDPH adapte-t-elle son accompagnement tout au long du parcours scolaire d'un élève, de la maternelle – avec la mise en place du PPS – à l'université ?

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Je veux me faire ici la porte-parole des parents et des associations impliquées dans l'accompagnement des élèves en situation de handicap et, à ce titre, je commencerai par souligner la grande difficulté que représente pour les parents l'obligation de remplir les dossiers de leurs enfants – ce serait impossible s'il n'existait pas une très forte entraide. On constate une grande disparité entre les différentes MDPH sur ce point, mais pour ma part j'ai rencontré des parents qui m'ont expliqué qu'il fallait déposer chaque année un dossier épais de dix centimètres, ce qui nécessite de consacrer environ six mois à sa constitution – une obligation pénible et douloureuse pour les parents concernés, surtout lorsqu'il leur est demandé de définir le projet de vie de leur enfant.

Les parents ont trop souvent l'impression de n'être qu'un numéro de dossier auprès des MDPH, à tel point qu'une mère m'a dit récemment qu'elle avait parfois envie d'envoyer un Power Point à la MDPH pour lui décrire son fils…

Je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous dites que l'évaluation des besoins en aide humaine devrait être affinée. Alors que les professionnels de santé ou de l'éducation qui entourent l'enfant sont à même de poser un diagnostic très fin – en concertation avec les parents, car ce sont eux qui connaissent le mieux leur enfant –, les MDPH ne s'en remettent généralement pas à leur jugement, ce qui me paraît regrettable.

Enfin, lorsque la MDPH dirige un enfant vers un endroit qui ne semble pas correspondre à ses besoins, il n'est prévu qu'un recours interne dont la mise en oeuvre est très compliquée et, à l'échelon supérieur, un recours devant le tribunal administratif – un dispositif qui paraît inadapté en raison de sa complexité.

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Il existe de grandes différences, en matière de résolution des problèmes liés à l'inclusion d'un enfant en situation de handicap, en fonction du milieu socioculturel des familles concernées. On voit bien qu'il y a, d'un côté, celles qui savent se battre pour que leur enfant puisse bénéficier d'un accompagnant et être intégré en milieu scolaire ordinaire et, de l'autre, celles qui savent moins bien le faire et dont l'enfant se trouve plus fréquemment orienté vers un établissement médico-social. De quels moyens disposez-vous pour compenser ces différences et faire en sorte que tous les enfants soient accompagnés au mieux ?

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J'ai moi-même présidé une MDPH en Seine-Maritime. Cela a été une très belle expérience, mais je dois tout de même vous dire qu'à mon arrivée – c'était en 2015 –, je me suis fait la réflexion que cette structure en était restée à l'âge de pierre en ce qui concerne les formalités administratives ! On y stockait alors les dossiers papier – énormes et très nombreux – dans une réserve dédiée à cet usage, dont les dimensions vous étonneraient sans doute... Très vite, nous nous sommes attelés à la numérisation de ces dossiers, dans l'objectif de simplifier et d'accélérer leur traitement. Pour mieux comprendre le cheminement d'un dossier, je me suis mise « à la place du dossier », juste après son dépôt par un parent, afin d'identifier les goulets d'étranglement et les endroits où ils se trouvent parfois bloqués. Je me suis livrée à cette expérience pour différents types de dossier – le renouvellement d'une carte de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), le nouveau dossier d'un enfant, etc. –, et je peux vous dire que rien n'est simple.

L'un des noeuds du problème réside dans le statut même des MDPH, dont la responsabilité se trouve partagée – l'État a été très clairvoyant lorsqu'il a décidé cela… – entre le président du département, l'État et l'éducation nationale – tant en termes de financement que de personnels à mettre à disposition. De ce point de vue, on peut penser que le processus de modernisation auquel sont actuellement soumises les MDPH va permettre une accélération du traitement des dossiers.

Sans vouloir jeter l'opprobre sur les personnels des MDPH, eux-mêmes souvent en souffrance en raison de l'impossibilité où ils se trouvent de répondre rapidement aux demandes dont ils sont saisis, je considère que l'accompagnement des familles – qui sont elles aussi en souffrance – ne va pas assez loin, notamment dans la recherche d'une institution lorsque c'est nécessaire.

Enfin, la MDPH est une machine administrative alors qu'elle sert des familles : la notification des décisions est tout simplement dramatique. Il faut impérativement que les MDPH apprennent à écrire des courriers que les familles puissent lire, puissent comprendre, et qui soient au moins empreints d'un tout petit peu d'humanité.

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Effectivement, ces courriers sont déshumanisés !

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Je n'ai pas eu le temps de terminer le chantier que j'avais ouvert à cette fin et je vous mets au défi de comprendre la notification que vous recevez. On ne peut pas continuer comme cela. Or quand on ne comprend pas une notification, on ne sait pas ce qu'il faut faire, on ne sait pas où il faut aller – j'ai en fait lire à plusieurs personnes censées être en mesure de les comprendre, et qui m'ont confirmé en être incapables – et j'insiste sur la nécessité qu'il y a à faire en sorte de les rendre à la fois compréhensibles et plus humaines. En l'état actuel des choses, les MDPH ne jouent absolument pas le rôle qu'elles devraient jouer auprès des familles à cet égard.

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Un autre point sur lequel on a appelé mon attention porte sur le fait qu'il n'est pas établi de lien entre les structures susceptibles d'accueillir les élèves et les places effectivement disponibles dans celles-ci ; ainsi, il est très fréquent que les MDPH adressent des notifications sans savoir s'il existe des places disponibles correspondant à leurs prescriptions, ce qui fait que les familles concernées se trouvent condamnées à plusieurs années d'attente.

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Effectivement, il n'existe pas de système informatique permettant d'accéder à ces informations.

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La nécessité de procéder à la numérisation des dossiers est exprimée dans de nombreux départements et, s'il existe à plusieurs endroits des projets individuels de mise à jour, j'aimerais savoir s'il est envisagé de procéder à une réforme globale en vue d'aboutir à un système unifié qui permettrait aux familles qui déménagent de faire suivre leur dossier, au lieu d'être obligées d'en constituer un nouveau selon d'autres méthodes et au moyen d'autres formulaires que ceux qu'elles connaissent.

Certains départements sont sans doute dotés de systèmes plus satisfaisants que les autres. A-t-il été procédé à des évaluations comparatives de ces systèmes ? Plutôt que d'obliger chaque département à réinventer la roue, ne pourrait-on trouver le moyen de s'aligner sur les systèmes les plus efficaces ?

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Je crois savoir qu'une mission d'évaluation, confiée à deux présidents de département, est en cours, mais sans doute disposez-vous de renseignements plus complets à ce sujet.

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Marie du Bouëtiez, administratrice de l'Association des directeurs de maisons départementales des personnes handicapées et directrice de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Val-de-Marne

Pour ce qui est des statistiques permettant d'établir un diagnostic fiable de la situation, chaque MDPH est effectivement dotée d'un système d'information qui lui est propre, avec trois éditeurs qui se partagent le marché – sans compter les MDPH utilisant des logiciels libres. Une telle organisation complexifie forcément la remontée de données à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), mais un projet visant à la mise en oeuvre d'un système d'information harmonisé au sein des MDPH a été entrepris, et doit aboutir d'ici au 31 décembre 2019 – une échéance à laquelle la CNSA est très attachée.

Il est actuellement procédé au déploiement par vagues successives de ce système d'information comprenant un tronc commun, mais je précise que toutes les parties du système ne seront pas harmonisées en même temps, le processus en cours comportant plusieurs paliers – le premier en 2019, le deuxième en 2020. Ce travail d'harmonisation, co-construit avec des représentants d'usagers et de MDPH, la CNSA et la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), c'est-à-dire tous les acteurs concernés, s'effectue en prenant pour modèles les bonnes pratiques.

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Êtes-vous en mesure de nous donner des chiffres précis sur les délais de traitement des dossiers par vos adhérents, à savoir les 78 MDPH, et sur le nombre de prescriptions effectuées ? Notre commission d'enquête va durer six mois, et nous ne pouvons pas attendre la saint-glinglin pour disposer d'éléments objectifs…

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Marie du Bouëtiez, administratrice de l'Association des directeurs de maisons départementales des personnes handicapées et directrice de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Val-de-Marne

L'un des intérêts d'harmoniser les procédures, c'est justement de pouvoir disposer de chiffres fiables et cohérents. À l'heure actuelle, les chiffres qui remontent annuellement de chacune des MDPH vers la CNSA – qui dispose d'une énorme quantité de données que vous devriez pouvoir récupérer auprès d'elle – sont difficilement exploitables, car on additionne des choux et des carottes : comme les systèmes d'information diffèrent les uns des autres, les chiffres qu'ils comptabilisent ne portent pas forcément sur les mêmes choses. Cela dit, l'ensemble des données recueillies par la CNSA permet d'établir de déterminer les grandes tendances – par exemple en matière de délais de traitement –, ce qui est intéressant. Je précise que chaque MDPH a l'obligation de faire remonter annuellement un certain nombre d'indicateurs dans le cadre d'un rapport d'activité adressé à la CNSA, qui condense ensuite tous les rapports qu'elle a reçus afin d'effectuer des statistiques et de mettre en évidence les différences pouvant exister entre les départements.

Si on se place dans l'optique d'une réflexion sur ce que pourrait être l'« acte II » de la loi de 2005, on ne peut que trouver dommage que les chiffres relatifs aux ouvertures de droits ne puissent être complétés par ceux concernant les suites données aux dépôts de dossier, c'est-à-dire les chiffres permettant d'apprécier le niveau d'effectivité des décisions des commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Par exemple, on ne peut pas savoir si une notification d'aide humaine à l'école a été suivie d'effet totalement ou partiellement, et dans quels délais : ce sont là des informations dont les MDPH ne disposent plus, mais que l'éducation nationale peut sans doute détenir puisque, d'une part, les décisions des MDPH lui sont communiquées, et que, d'autre part, elle sait forcément quelles mesures ont effectivement été prises, la mise en oeuvre de ces mesures relevant de sa responsabilité – j'ignore cependant de quels outils de suivi statistique dispose l'éducation nationale.

En tout état de cause, les MDPH, qui ne sont pas chargées de la mise en oeuvre des droits, mais uniquement de leur ouverture, ne sont donc pas en mesure de déterminer, par exemple, le nombre d'enfants ayant fait l'objet d'une orientation en unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS) qui ne serait pas effective, ou ayant bénéficié d'une décision d'aide humaine non suivie d'effet.

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Les MDPH doivent cependant être informées de l'effectivité des mesures qu'elles ont prononcées quand le dossier leur revient l'année suivante…

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Si je vous accorde que les MDPH ne connaissent pas forcément les chiffres portant les placements effectifs en institution, il me paraît difficile d'affirmer qu'elles ne disposent pas d'informations portant sur les problématiques relatives aux auxiliaires de vie scolaire (AVS) et aux accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH)… Quand les familles n'ont pas de solution pour l'accompagnement de leur enfant, elles râlent – à juste titre –, ce qui constitue un moyen pour les MDPH d'être informées !

Je peux vous dire qu'en Seine-Maritime nous sommes capables d'évaluer précisément le taux de notification, parce qu'il faut suivre les enfants concernés, en lien avec l'éducation nationale. En principe, les MDPH se fixent même des objectifs – par exemple, 90 % d'enfants accompagnés à la rentrée, 95 % aux vacances de la Toussaint, et éventuellement 100 % aux vacances de Noël.

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Je précise à l'intention de tous que notre commission d'enquête n'est pas un tribunal et qu'il ne s'agit évidemment pas de faire le procès des personnes que nous auditionnons, même si certaines de nos questions peuvent sembler un peu dures.

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Daniel Courtois, chef de service adjoint évaluation à la MDPH du Val-de-Marne

C'est bien ainsi que nous l'entendons.

L'une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés réside dans la multiplication des responsabilités. Quand la CDAPH ouvre un droit, encore faut-il que celui-ci puisse devenir effectif.

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C'est exactement l'objet de notre commission d'enquête !

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Daniel Courtois, chef de service adjoint évaluation à la MDPH du Val-de-Marne

Par exemple, une fois que la CDAPH a notifié la présence d'un AVS, en précisant éventuellement le nombre d'heures et le caractère individuel ou mutualisé de cette présence, il revient à l'Éducation nationale de recruter quelqu'un, avec tous les aléas que cela comporte.

L'une des problématiques de la profession d'AVS est celle de la démission. Il est très fréquent qu'un AVS, présent aux côtés d'un enfant le jour de la rentrée, connaissant très bien le champ du handicap et faisant parfaitement son travail, se fasse embaucher ailleurs au bout de quelques mois, laissant un enfant sans AVS.

En ce qui concerne les établissements médico-sociaux, une fois que la CDAPH a notifié une décision en ce sens, en prescrivant par exemple un institut médico-éducatif (IME), il appartient au directeur de l'IME concerné de procéder à l'admission de l'enfant dans son établissement. Le service de tutelle des IME est l'agence régionale de santé (ARS) et la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) assure le financement. Le caractère particulier d'un dossier peut justifier, par exemple, que l'on appelle l'attention de l'ARS sur la nécessité que l'enfant concerné soit prioritairement admis dans un IME et que l'on sollicite le soutien de l'agence à cette fin, mais celle-ci ne fera généralement que rappeler que la décision d'admission appartient au directeur de l'IME.

Il en est de même pour ce qui est des prestations financières : les MDPH ouvrent les droits mais les prestations sont payées par différentes structures – le versement de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) relève de la caisse d'allocations familiales (CAF), tandis que le payeur de la prestation de compensation du handicap (PCH) est le conseil départemental.

Cette multiplicité d'acteurs à tous les niveaux peut rendre assez complexe le dispositif global et donc le rendre difficile à comprendre. De ce point de vue, le rôle de la MDPH est d'accueillir et d'informer chaque famille, d'évaluer le besoin de compensation de l'enfant, et enfin d'ouvrir des droits. Pour ce qui est de l'effectivité de ces droits, elle ne relève plus de nos attributions : en la matière, nous pouvons tout au plus conseiller les familles.

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Marie du Bouëtiez, administratrice de l'Association des directeurs de maisons départementales des personnes handicapées et directrice de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Val-de-Marne

Il est nécessaire d'interconnecter les données d'orientation des MDPH, c'est-à-dire les décisions prises par les commissions, et celles relatives aux décisions des financeurs et, plus généralement, des autorités chargées de la mise en oeuvre, afin de faire ressortir les besoins : ce rôle d'observatoire des besoins fait également partie des missions des MDPH. Or, celles-ci sont aujourd'hui confrontées à des difficultés – variant selon les départements – pour obtenir un certain nombre d'informations de nos partenaires, qui ne voient pas forcément comme une priorité la tâche consistant à effectuer des observations statistiques et ne sont pas toujours dotés des outils nécessaires.

La collecte et l'interconnexion des données se font donc avec plus ou moins de facilité selon les départements, en fonction de la motivation des personnes concernées à travailler sur le sujet, de la présence éventuelle d'un statisticien recruté à cette fin, etc. C'est la raison pour laquelle on constate des différences assez importantes d'une MDPH à l'autre dans le degré de finesse de la connaissance des besoins. Cela dit, ce problème a été pris en compte par la CNSA et l'Association des directeurs de MDPH, qui sont conscients du fait qu'il est nécessaire de bien connaître les besoins pour être en mesure d'adapter les politiques publiques en conséquence. Pour cela, nous travaillons tous à la mise en place d'un nouveau système d'information qui devrait permettre, étant le même partout, de s'interconnecter plus facilement avec ceux des partenaires.

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Marie du Bouëtiez, administratrice de l'Association des directeurs de maisons départementales des personnes handicapées et directrice de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Val-de-Marne

Les MDPH auront atteint un premier palier en décembre 2019. Tout changement nécessite un temps d'adaptation : il faudra que chacun s'approprie ce nouvel outil, que l'on s'assure qu'il est utilisé correctement et renseigné de manière suffisamment homogène par toutes les MDPH. Cela devrait être le cas, puisque la CNSA a fixé des critères précis de remplissage.

Il faut avoir à l'esprit que le temps que nous passons à faire des statistiques est du temps que nous ne passons pas à traiter les dossiers. Or les volumes sont très importants : dans le Val-de-Marne, nous avoisinons les 100 000 demandes par an – soit 400 demandes par jour –, ce qui représente 7 % de la population. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas toujours aller aussi loin qu'il le faudrait dans l'accompagnement des familles pour assurer l'effectivité des droits ouverts. À l'heure actuelle, les MDPH n'ont pas les moyens d'avoir un service spécifiquement dédié au suivi des décisions prises par la commission et à l'accompagnement des familles. Nous essayons de le faire lorsque nous sommes alertés sur un cas en particulier, nous faisons le lien avec nos partenaires chargés de la mise en oeuvre des décisions, mais nous sommes obligés, aujourd'hui, de nous concentrer sur l'ouverture du droit, si nous ne voulons pas que les délais de traitement des dossiers s'allongent encore.

Ces délais sont très variables d'une MDPH à l'autre, comme le montrent les données moyennes compilées par la CNSA. En matière de scolarisation, les délais s'expliquent aussi par le fonctionnement des directions des services académiques : le fait qu'elles soient fermées pendant l'été ne facilite pas la préparation de la rentrée scolaire… La réglementation prévoit en effet qu'un enseignant spécialisé soit présent au sein de l'équipe pluridisciplinaire d'évaluation de la MDPH au moment de l'élaboration d'un projet personnalisé de scolarisation, or les enseignants ne sont pas là du 15 juillet au 15 août au moins. Par ailleurs, les moyens fournis par l'éducation nationale et plus généralement par les services de l'État varient d'une MDPH à l'autre. Ces moyens ont été fixés au moment de la signature des conventions constitutives de nos groupements d'intérêt public, en 2006, et ils n'ont été que très rarement réévalués depuis lors.

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Marie du Bouëtiez, administratrice de l'Association des directeurs de maisons départementales des personnes handicapées et directrice de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Val-de-Marne

Oui. Le nombre d'enseignants mis à la disposition des MDPH varie d'un département à l'autre, en fonction de ce qui a été négocié en 2006, et il y a eu très peu d'évolutions depuis cette date.

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Il faudrait que nous disposions de données plus précises. Vous dites que les moyens alloués par l'État ne sont pas les mêmes partout, mais nous avons besoin de faits précis. La commission d'enquête doit pouvoir appuyer son diagnostic sur des éléments irréfutables si elle veut, ensuite, proposer des solutions. Nous souhaiterions donc que vous nous fournissiez par écrit des données précises sur les moyens mobilisés, département par département. Nous ferons la même demande à l'Association des départements de France (ADF).

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Marie du Bouëtiez, administratrice de l'Association des directeurs de maisons départementales des personnes handicapées et directrice de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Val-de-Marne

L'Association des directeurs de MDPH a mené l'année dernière une enquête auprès de ses adhérents sur les relations qu'entretiennent les MDPH avec l'éducation nationale : dans ce cadre, les MDPH ont fourni des informations sur le nombre de professeurs mis à leur disposition, sur le délai de remplacement d'un poste vacant, sur la qualité de leurs relations avec l'institution... À partir de ces données, l'Association des directeurs de MDPH a fait une sorte d'autodiagnostic. Je demanderai à sa présidente de vous transmettre ce document. Je ne sais pas comment il se présente, mais je sais qu'il a été utilisé dans les groupes de travail nationaux qui réfléchissent à la gouvernance des MDPH.

S'agissant des projets personnalisés de scolarisation, même les MDPH qui parviennent à appliquer parfaitement la réglementation ont besoin d'un délai minimum d'instruction. Lorsqu'elles ont élaboré le projet personnalisé de scolarisation d'un enfant, elles l'adressent à sa famille, qui se prononce dessus et peut éventuellement formuler des remarques. La MDPH en tient compte et fait une nouvelle proposition à la famille : ces allers-retours peuvent allonger les délais de traitement. Le dossier étant difficile à remplir, il arrive par ailleurs que les informations fournies soient incomplètes ou qu'il manque un document, ce qui nous oblige à nous tourner à nouveau vers les familles.

Pour remédier à ce problème, un formulaire a été élaboré au niveau national avec des représentants des associations de personnes handicapées : l'objectif était de rendre ce formulaire plus simple à remplir, mais aussi plus complet. En effet, nous sommes souvent obligés, parce que le formulaire de départ n'est pas assez précis, de demander, au cours de l'instruction du dossier, des pièces complémentaires aux familles. Cela peut se produire pendant l'instruction administrative du dossier, mais aussi plus tard, au moment où le dossier passe entre les mains des évaluateurs et des enseignants. Ceux-ci peuvent estimer qu'il manque des pièces au dossier, par exemple le compte rendu d'un psychiatre ou d'un psychomotricien. Les personnels administratifs n'ont aucune raison de demander de tels documents, dans la mesure où ils n'ont pas vocation à connaître de l'intégralité de la situation de l'enfant, notamment au plan médical. Tout cela, vous le voyez, peut encore allonger les délais.

Par ailleurs, les dossiers concernent parfois d'autres questions que la scolarisation. Peuvent s'y ajouter une demande d'allocation financière, une demande d'aide matérielle ou technique, ou un aménagement de logement : parce que ces demandes ne concernent pas seulement les enseignants, nous réunissons des équipes pluridisciplinaires, ce qui, là encore, peut allonger le délai de traitement. Nous essayons en effet de faire une évaluation globale et d'apporter à la famille, en une seule fois, des réponses à l'ensemble de ses demandes : si nous procédons autrement, si nous transmettons les réponses au compte-gouttes, les familles ne comprennent pas et s'inquiètent. Lorsque les demandes sont multiples et qu'il faut faire intervenir plusieurs professionnels, voire des équipes externes très spécialisées, cela peut prendre plusieurs mois.

Je vous ai dit un mot du volume des demandes que nous recevons dans le Val-de-Marne. Globalement, l'activité des MDPH a plus que doublé depuis leur création. Or les dotations de fonctionnement n'ont pas évolué au même rythme. Les départements ont souvent essayé d'apporter une compensation, et si les MDPH peuvent fonctionner aujourd'hui, c'est en grande partie grâce aux subventions d'équilibre des départements, parce que les dotations de l'État, elles, n'ont pas évolué. Les dotations de la CNSA ont augmenté, mais de manière assez ponctuelle, et elles ne couvrent pas la totalité des besoins.

S'agissant des critères d'urgence, certains d'entre vous ont dit que les renouvellements de carte pourraient aller plus vite et que nous devrions considérer la scolarisation d'un enfant comme une urgence. Nous avons travaillé sur cette question, afin d'introduire des circuits courts pour traiter les urgences. Or, en essayant de faire la liste des critères d'urgence, nous nous sommes aperçus qu'ils sont très nombreux : il y a les urgences médicales, lorsqu'une personne est en fin de vie ; les urgences sociales, quand une personne n'a plus aucune ressource, plus de revenus ni de logement ; il y a aussi urgence lorsqu'elle trouve un emploi ou une formation et qu'elle craint de perdre cet emploi ou cette formation. Entre toutes ces situations d'urgence, il est bien difficile de choisir… Il est très difficile de dire que le dossier d'un enfant atteint d'un cancer peut attendre, parce que nous devons traiter en priorité le dossier d'un enfant qui risque de ne pas avoir d'AVS le jour de la rentrée. Nous sommes confrontés à des choix qui, éthiquement, sont impossibles à trancher. Nous essayons donc de faire de notre mieux face à tous ces critères d'urgence. Même si la tendance est à la réduction des délais, même si la dématérialisation du traitement des dossiers nous aide, nous ne pouvons tout de même pas répondre du jour au lendemain à toutes ces demandes.

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Daniel Courtois, chef de service adjoint évaluation à la MDPH du Val-de-Marne

Tout l'enjeu est effectivement d'identifier les situations urgentes parmi les dossiers qui nous sont adressés. Lorsque nous mobilisons les professionnels sur l'évaluation de ces situations urgentes ou très urgentes, c'est, de fait, au détriment des situations moins urgentes. Nous sommes donc constamment à la recherche de l'équilibre et de l'équité dans le traitement des demandes qui nous sont adressées.

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Marie du Bouëtiez, administratrice de l'Association des directeurs de maisons départementales des personnes handicapées et directrice de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Val-de-Marne

Le droit du handicap est très complexe – comme le droit des étrangers, d'ailleurs : à ces publics particulièrement vulnérables, nous demandons de comprendre des choses très compliquées. Pour remédier à cette difficulté, nous prenons un certain nombre d'initiatives. À titre d'exemple, nous organisons chaque année un forum de la MDPH, auquel prend part un nombre croissant de visiteurs : nous sommes passés de 300 à 800 visiteurs l'année dernière. Des stands associatifs et institutionnels permettent aux personnes en situation de handicap de rencontrer les gens qui vont mettre en oeuvre leurs droits. Nous leur proposons des ateliers sur la manière de remplir leur dossier, nous leur expliquons le parcours que ce dossier effectuera au sein de la MDPH, nous leur exposons les possibilités de recours, etc...

Nous avions également organisé un atelier participatif pour réfléchir à la manière de rendre les notifications de décision plus compréhensibles pour tout le monde. Il se trouve que la CNSA a elle aussi avancé sur cette question au niveau national, en organisant un groupe de travail, auquel ont pris part des représentants des personnes en situation de handicap et des MDPH. Ce groupe a réécrit la quasi-totalité des notifications, et c'est l'un des aspects de l'harmonisation en cours. Les notifications ne sont pas nécessairement plus faciles à lire qu'avant, puisque la CNSA a choisi de faire apparaître la réglementation en premier : les notifications commencent donc par un article du code de l'action sociale et des familles. La décision apparaît ensuite en gras, ce qui est une bonne chose. La solution retenue ne nous satisfait pas pleinement et d'autres propositions avaient été formulées dans le cadre de nos ateliers participatifs. Il n'en demeure pas moins que l'harmonisation est une bonne chose et qu'un vrai effort de simplification a été réalisé, qui tient compte de l'avis des associations spécialisées. Tout cela va dans le bon sens, celui d'une simplification des démarches.

Nous continuons à organiser nos forums, nous publions des guides d'aide au remplissage des dossiers, que nous partageons avec d'autres MDPH, ce qui contribue aussi à l'harmonisation de nos pratiques. La CNSA anime par ailleurs le réseau des MDPH et contribue fortement à l'harmonisation des pratiques en réunissant très régulièrement différents types de professionnels, par exemple les correspondants scolarisation des MDPH : dans ce cadre, elle rappelle la réglementation qui s'applique et les bonnes pratiques et fait témoigner les MDPH qui fonctionnent bien. La CNSA diffuse également des guides techniques, qui permettent d'encadrer le travail des équipes pluridisciplinaires, afin de réduire les disparités territoriales.

À ces disparités, qui sont une réalité, il y a plusieurs explications. J'ai indiqué tout à l'heure qu'il y avait d'abord des différences dans les moyens disponibles, dans la mesure où nous n'avons pas tous les mêmes dotations. Par ailleurs, les partenaires de la MDPH peuvent avoir un positionnement différent d'un département à l'autre. Dans certains départements, l'éducation nationale est partie prenante dans de nombreux projets et elle se montre tout à fait disposée à faire des retours aux MDPH sur la mise en oeuvre des droits. Dans d'autres départements, la situation est tout à fait différente. On constate les mêmes disparités au niveau des agences régionales de santé : les délégations départementales n'ont pas toutes le même positionnement non plus : certaines refusent de traiter les situations individuelles, alors que d'autres, dans le cadre de la démarche de réponse accompagnée pour tous et de l'ambition « Zéro sans solution », sont prêtes à travailler avec les MDPH sur les situations individuelles et même à mettre leur poids dans la balance pour faire admettre tel enfant dans tel établissement, même si la décision revient, in fine, au directeur de celui-ci. Le positionnement des différents acteurs du territoire et des services déconcentrés de l'État varie d'un département à l'autre, ce qui joue forcément aussi sur les décisions qui peuvent être prises en commission des droits et de l'autonomie, puisque tous ces acteurs y siègent.

Au sujet du taux de mise en oeuvre des projets personnalisés de scolarisation, la CNSA dispose certainement de données à l'échelle nationale, puisque les rapports d'activité des MDPH mentionnent le nombre de PPS décidés par les commissions des droits et de l'autonomie. Il existe effectivement des disparités dans la mise en oeuvre de ces PPS, d'abord pour des raisons informatiques, mais aussi du fait d'un positionnement différencié de l'éducation nationale. Dans le Val-de-Marne, par exemple, nous ne pouvons pas utiliser ce document. Nous avions travaillé dessus avec l'éditeur informatique pour nous mettre en conformité avec la réglementation, mais quand nous l'éditons, il sort d'une manière absolument illisible et incompréhensible pour les familles. Nous ne pouvons tout bonnement pas envoyer un tel document aux familles. Au lieu de ce projet personnalisé de scolarisation, qui est pourtant réglementaire, nous préférons envoyer aux familles une notification pour chacun des droits qu'elles demandent.

Nous espérions que le nouveau logiciel permettrait de produire un document lisible ; nous sommes en train de le tester, mais nous avons quelques doutes… Vous le voyez, on peut avoir la volonté de bien faire, travailler dur et ne pas obtenir les résultats attendus. Et je ne pense pas que nous soyons la seule MDPH à rencontrer ce type de problème. La dizaine de MDPH qui a le même outil informatique que nous a vraisemblablement rencontré les mêmes difficultés.

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Je propose que nous procédions rapidement à un dernier tour de questions. J'aimerais, pour ma part, savoir si le projet de faire courir les notifications sur trois ans et le décret qui permet d'ouvrir certains droits à vie sont de nature à faciliter votre travail.

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Avez-vous fait beaucoup de plans d'accompagnement global (PAG) et, si tel est le cas, quel en est l'impact sur votre activité ?

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J'aurais encore de nombreuses questions à vous poser, et peut-être vous les transmettrai-je par écrit, car vos réponses pourraient nous aider à affiner notre diagnostic. Certaines MDPH acceptent de prescrire et de financer l'intervention de professionnels libéraux et d'autres refusent de le faire. Savez-vous d'où vient cette différence ? Est-ce la volonté politique des exécutifs départementaux ou des ARS ? Quel est votre point de vue sur cette question ?

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Daniel Courtois, chef de service adjoint évaluation à la MDPH du Val-de-Marne

Je vais commencer par la dernière question. Notre principe est de toujours partir des besoins de l'enfant, de l'évaluation que les professionnels font de ses besoins en soins : psychomotricité, orthophonie, équithérapie… Une fois ces besoins identifiés, le droit commun doit s'appliquer. Se pose alors la question des traitements non pris en charge par la sécurité sociale, ou pour lesquels le reste à charge est important. Deux dispositifs sont actuellement mobilisables pour l'enfant : soit l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) et ses compléments, soit la prestation de compensation du handicap (PCH) – je rappelle que la famille doit opter entre ces deux prestations, qui ne sont pas cumulables. Je sais que, dans le cadre de la Conférence nationale du handicap, un groupe de travail réfléchit à la manière de simplifier ces deux prestations, car il est souvent difficile pour les familles de faire un choix. Les interventions de professionnels libéraux peuvent être prises en charge si elles répondent aux besoins de l'enfant. Si les parents formulent des demandes d'intervention qui ne correspondent pas aux besoins de l'enfant, elles seront rejetées, mais il n'y a pas un rejet de principe des interventions de professionnels libéraux.

Vous m'avez demandé, madame la présidente, si l'allongement de la validité des notifications était une vraie mesure de simplification. De fait, cela permet par exemple d'ouvrir l'AEEH jusqu'à l'âge de vingt ans pour l'allocation de base et sur un temps plus long pour les compléments. Cette mesure devrait effectivement faciliter l'ouverture du droit pour les familles.

La difficulté, c'est que ces allocations viennent compenser des situations qui peuvent changer rapidement. Les compléments d'AEEH sont versés pour des frais, par exemple l'intervention de professionnels libéraux, mais aussi pour compenser des restrictions d'activité, lorsqu'un parent décide de travailler à 80 % ou à 50 % ou qu'il cesse de travailler. Le fait d'ouvrir un droit sur trois ou cinq ans va nous obliger à procéder à de nombreuses révisions, en fonction des changements de situation. Le risque que nous identifions, c'est celui du trop-perçu. Imaginons que nous accordions un complément à un parent parce qu'il travaille à 80 %, mais que sa situation évolue et qu'il décide de reprendre un emploi à temps plein. S'il ne nous demande pas de réviser sa situation, s'il oublie de prévenir la CAF, c'est seulement au bout de longs mois que celle-ci s'apercevra du trop-perçu. C'est le seul point sur lequel il faut, nous semble-t-il, être vigilant, mais la mesure qui consiste à allonger les droits va vraiment dans le bon sens.

La réponse accompagnée pour tous est obligatoire depuis le 1er janvier 2018. Les MDPH ont anticipé l'obligation légale, puisqu'il y a eu des MDPH pionnières dès 2016 et que la quasi-totalité des autres sont entrées dans le dispositif dès 2017. La philosophie du texte est de créer des plans d'accompagnement globaux (PAG) lorsqu'une notification de la CDAPH n'est pas effective. Il s'agit de proposer un plan personnalisé qui permettra de couvrir au mieux les besoins de l'enfant et de sa famille, en attendant d'atteindre l'orientation cible. En somme, nous définissons un « plan B ».

Trop d'enfants vivent chez eux dans l'attente d'une solution. Dans toutes les MDPH, la commission exécutive a fait voter un périmètre prioritaire pour la réponse accompagnée pour tous, afin de repérer les situations les plus urgentes, d'assurer une montée en charge progressive du dispositif et de ne pas le rendre inefficient dès le départ. Dans le Val-de-Marne, nous étudions chaque année près de 200 situations complexes et nous réalisons plus d'une vingtaine de PAG dans leur formalisation complète. Je m'explique : lorsque nous sommes confrontés à un cas très complexe, nous réunissons un groupe opérationnel de synthèse réunissant l'ensemble des partenaires qui sont intervenus auprès de l'enfant ou qui sont susceptibles de le faire. Nous déterminons avec eux les actions éducatives, pédagogiques, rééducatives permettant de couvrir au mieux les besoins de l'enfant. La famille est associée à cette démarche et doit elle aussi, à la fin, signer ce plan d'accompagnement global.

Ce que l'on constate, c'est que les familles ont souvent peur, si elles acceptent notre plan B, de ne jamais avoir de place pour leur enfant dans un institut médico-éducatif (IME). Cette crainte est vraiment très forte et nous travaillons à la dépasser. Aujourd'hui, dans le Val-de-Marne, ce qui nous permet d'avancer sur les PAG, c'est l'introduction du pôle de compétences et de prestations externalisées (PCPE), qui nous permet de soutenir et d'accompagner les familles, de mieux coordonner les parcours, de mobiliser les différents acteurs, d'assurer un suivi et de veiller à l'effectivité du plan.

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Marie du Bouëtiez, administratrice de l'Association des directeurs de maisons départementales des personnes handicapées et directrice de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Val-de-Marne

Ce n'est pas vrai seulement dans le Val-de-Marne, mais dans tous les départements qui se sont dotés d'un PCPE. Nous attendons beaucoup de leur développement.

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Je vous remercie pour la qualité et la précision de leurs réponses et mes collègues pour la qualité de leurs questions.

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Parfois, la passion qui nous anime nous pousse à vous poser des questions très directes, mais sachez que nous apprécions votre contribution à notre commission d'enquête.

L'audition s'achève à dix-neuf heures quarante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 26 mars 2019 à 18 heures 30

Présents. – Mme Géraldine Bannier, M. Bertrand Bouyx, Mme Blandine Brocard, Mme Danièle Cazarian, M. Dino Cinieri, M. Marc Delatte, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, Mme Marianne Dubois, Mme Nathalie Elimas, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Olivier Gaillard, M. Sébastien Jumel, M. Maxime Minot, Mme Catherine Osson, Mme Béatrice Piron, Mme Cécile Rilhac, Mme Mireille Robert, Mme Sabine Rubin, Mme Nathalie Sarles, Mme Sylvie Tolmont, M. Patrick Vignal

Excusés. - Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Monique Iborra